**** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-07-27 *am_2024-07 *annee_2024 Surtourisme : les gorges de l'Ardèche misent sur l'IA pour mieux piloter la fréquentation estivale DOSSIER (4/4). Le syndicat des Gorges de l'Ardèche, l'Office de Tourisme Gorges de l'Ardèche-Pont d'Arc et le Pôle Ressources National des Sports de Nature (PRNSN) se sont associés pour construire un projet de meilleure gestion des flux touristiques, assise sur la collecte et l'analyse de données. Il vient d'être désigné lauréat de l'Appel à Manifestation d'intérêts d'Atout France visant à soutenir les initiatives permettant de lutter contre la surfréquentation. Car l'Ardèche, comme d'autres départements touristiques, n'échappe pas aux nombreux questionnements sociétaux et environnementaux que pose le « surtourisme ». L'Ardèche serait le département préféré des Français en recherche de tourisme « vert », selon GreenGo , la plateforme de réservation d'hébergements dits « éco-responsables ». Avec un score de popularité de 94/100 en 2023, selon ce baromètre réalisé à partir de l'analyse de 500.000 recherches effectuées sur le site de GreenGo, le département truste la première position des territoires français depuis trois ans. Loin devant son challenger, le Finistère, qui obtient lui un score de popularité de 81/100. Lire aussiSurtourisme : l'Auvergne s'outille pour accueillir ses visiteurs tout en préservant ses volcans Et l'attractivité du département se confirme bien au-delà du tourisme vert. Selon les données publiées par Ardèche Tourisme, le territoire a enregistré 16 millions de nuitées touristiques en 2023 (dont 10,7 millions de nuitées effectuées par des touristes français). C'est 1,1 million de plus qu'en 2022 (+8%). La comparaison avec 2019 est encore plus frappante : la fréquentation touristique du territoire a bondi de 18% en quatre ans. Et même si cette progression est plus significative sur ce qu'on appelle dans le tourisme les « ailes de saison » - c'est-à-dire pour l'Ardèche le printemps et l'automne - il n'en reste pas moins que la répartition des nuitées n'est évidemment pas linéaire sur l'année. En 2023, 43% de la fréquentation touristique s'est en effet concentrée sur la saison estivale. « Dans cette équation de concentration touristique, s'ajoute un facteur territorial, puisque la moitié des points d'intérêts touristiques sont situés sur un périmètre géographique limité, englobant notamment les Gorges de l'Ardèche et leurs centaines de canoés hebdomadaires, la grotte Chauvet 2 (plus de 400.000 visiteurs par an) ou encore, bien entendu, le Pont d'Arc. » En 2023, ce périmètre, piloté par l'Office de Tourisme Gorges de l'Ardèche-Pont d'Arc, a ainsi accueilli 6,9 millions de nuitées dans 55.000 lits touristiques marchands (+5% par rapport à 2022), auxquels s'ajoutent (sans être comptabilisés dans les nuitées touristiques) 25.000 hébergements non marchands correspondant notamment aux résidences secondaires. La crainte d'une surfréquentation émerge Chaque année, ce sont donc plusieurs millions de touristes qui viennent profiter des paysages de l'Ardèche et de ses chemins de randonnées, pratiquer des sports d'eau vive, en générant bien entendu des retombées économiques non négligeables pour le territoire : 760 millions d'euros en 2021 selon Auvergne Rhône-Alpes Tourisme et 8.600 emplois directs (8% de l'emploi ardéchois). Une affluence qui alimente également la crainte d'un surtourisme. Le sujet n'est pas nouveau pour ce département de 328.000 habitants doté de nombreuses zones protégées - l'expression d'autoroute à canoés pour qualifier la descente des Gorges ne date d'ailleurs pas d'hier - mais la problématique du « surtourisme » est aujourd'hui plus prégnante. D'un point de vue environnemental, sociétal mais aussi économique. Lire aussiSurtourisme : à Chamonix, le paradis de l'alpinisme s'engage dans un jeu d'équilibriste pour réguler sa fréquentation Cette problématique avait ainsi été largement mise en lumière à l'occasion d'une polémique, née sur les réseaux sociaux à l'été 2022 montrant un impressionnant « embouteillage » de canoés sur la rivière Ardèche. Même si cette image s'était avérée fausse, exacerbée par un manque notable d'eau sur la rivière sur la même période, elle avait néanmoins fait monter d'un cran la préoccupation locale autour d'une potentielle indésirable surfréquentation à venir. Exploiter les données pour mieux gérer les flux de touristes Confronté à cette nouvelle donne, le territoire mène depuis quelques mois un travail approfondi autour d'une meilleure gestion des flux, grâce à la collecte et à l'exploitation de données. Il est mené par un trio constitué de la SPL Office de Tourisme Gorges de l'Ardèche-Pont d'Arc, le syndicat des Gorges de l'Ardèche (qui gère la Réserve Naturelle Nationale) et le Pôle Ressources National des Sports de Nature (PRNSN), pôle implanté à Vallon-Pont-d'Arc dépendant du ministère des sports et chargé d'accompagner les acteurs intervenant dans les activités de sports de nature. Ce projet vient d'être désigné lauréat de l'Appel à Manifestation d'intérêt lancé en 2023 par Atout France dans le cadre de son plan « Destination France ». Cet AMI vise à soutenir les initiatives permettant de lutter contre la surfréquentation. « Nous ne sommes pas dans le déni de certains pics de fréquentation localisés sur des spots spécifiques comme le Pont d'arc, qui génère le passage de centaines de milliers de véhicules par an, mais ce n'est pas un élément général », amorce Vincent Orcel, le directeur de l'Office de Tourisme Gorges de l'Ardèche - Pont d'Arc. « Les pics de fréquentation se concentrent sur une dizaine de dates dans l'année. Sur notre territoire, nous ne sommes pas dans le surtourisme. Ceci étant dit, nous nous devons d'être attentifs. Depuis 2022, nous avançons sur un important travail autour de l'analyse de la donnée et de la gestion des flux », ajoute le directeur de l'Office de Tourisme. » Lire aussiSurtourisme : dans « la Venise des Alpes », le va-et-vient des valises excède les habitants et interpelle les élus La première étape s'était concrétisée par le déploiement, l'année dernière, du dispositif « Canoé Malin », un système d'information sur la fréquentation de la rivière Ardèche assimilé à un « bison futé » de la descente en canoé. « Nous avons construit un modèle qui permet non seulement de donner l'information en temps réel, mais aussi une information prédictive, afin de permettre aux usagers d'adapter éventuellement leur organisation en fonction de leurs souhaits et donc d'éviter un ressenti de surfréquentation », dépeint ainsi Vincent Orcel. « Grâce à l'AMI, nous allons améliorer ce dispositif, en intégrant de l'intelligence artificielle : notre modèle prendra aussi en compte la météo, le niveau d'eau. Grâce à Canoé Malin, nous espérons modifier le planning de 10% des touristes, ce qui permettra de mieux lisser la fréquentation sur la journée et la semaine, sans pour autant trop étendre l'amplitude horaire de la pratique afin de ne pas perturber outre mesure la faune. » La deuxième étape va pouvoir s'enclencher grâce aux subventions de l'AMI (montant non communiqué). Un « géo data analyste » doit être recruté et aura pour mission d'aller plus loin dans l'analyse des données. Ces données seront notamment issues du travail mené par le Pôle Ressources National des Sports de nature, en particulier d'« Outdoor vision », un dispositif lancé en 2018 en Auvergne Rhône-Alpes (et en cours de déploiement national) permettant de retracer les flux des pratiquants (course à pied, marche, vélo et ski) en s'appuyant sur les données de leurs appareils connectés. « « L'ambition est d'outiller ce territoire qui est assez exposé au tourisme, avec des zones sensibles qui doivent être préservées. Nous exploiterons plus de données que ce nous faisions jusqu'ici avec Outdoor vision, avec l'idée en bout de course, de les analyser et de construire des outils opérationnels. Cette démarche est assez originale car elle mêle des enjeux environnementaux et économiques », précise Patrick Gilles, en charge du développement d'Outdoor vision pour le PRNSN. » Ces données pourraient permettre à terme, par exemple, de définir des seuils d'alerte en lien avec des impacts mesurés sur la faune et la flore, d'anticiper une surfréquentation de certains sites, de créer des projections de la pratique du canoé à cinq, dix ou quinze ans en lien avec le niveau d'eau, ou encore le changement climatique. « En fiabilisant les données que nous avons sur la fréquentation de nos sites, en croisant les données de fréquentation et les enjeux environnementaux, nous pourrons identifier d'éventuels risques et, sur cette base, construire une stratégie de gestion des flux », résume Vincent Orcel, le directeur de l'Office de Tourisme. Dans notre série consacrée au surtourisme en Auvergne-Rhône-Alpes L'Auvergne s'outille pour accueillir ses visiteurs tout en préservant ses volcans (1/4) À Chamonix, le paradis de l'alpinisme s'engage dans un jeu d'équilibriste pour réguler sa fréquentation (2/4) Dans « la Venise des Alpes », le va-et-vient des valises excède les habitants et interpelle les élus (3/4). **** *source_Le_Monde *date_2024-09-04 *am_2024-09 *annee_2024 Jean Pinard La notion de surtourisme relève du mépris de classe Horde », « troupeaux », « nuée de criquets »… Les digues peuvent aussi céder quand il s’agit de qualifier une activité touristique qui aurait subitement versé dans l’excès. Il n’est désormais plus possible de parler de l’économie touristique sans faire référence au surtourisme. L’avènement récent du concept de surtourisme n’est qu’une forme contemporaine d’une tourismophobie, qui consiste à mettre en exergue les quelques endroits de friction engendrés par des flux mal gérés, en minimisant ainsi, de facto, le bilan carbone de ceux qui voyagent à l’autre bout du monde. Le tour de passe-passe a consisté à braquer les projecteurs sur la masse. On allait ainsi montrer du doigt la famille qui partait quinze jours par an à la mer, pour féliciter les aventuriers qui revenaient de leur écolodge au Costa Rica. On allait dénoncer ceux qui n’ont pas le choix de leurs vacances parce que leur entreprise ferme au mois d’août, pour applaudir ceux qui ont eu l’intelligence de ne pas encombrer les stations balnéaires de la côte du Languedoc, en partant à Bali l’hiver. Le mauvais touriste, le touriste de trop, devient donc ce prolo qui encombre les autoroutes tous les samedis d’été, celui qui, dès le premier rayon de soleil printanier, décide de faire visiter le Mont-Saint-Michel à ses enfants. Comme forme de mépris de classe, on ne fait pas pire. Irresponsabilité politique Alors oui, il y a bien des phénomènes de surfréquentation dans certaines villes et sites très touristiques, qui sont avant tout des problèmes de suroffre que les villes commencent à réguler. Le succès de la plate-forme Airbnb a fortement contribué à déséquilibrer le marché du tourisme dans les villes, alors qu’il participait dans le même temps à doper la fréquentation des espaces ruraux. Et que dire de l’offre aérienne low cost dont la croissance est continue et même subventionnée ? Palma de Majorque, c’est 100 000 vols par an selon le prestataire de réclamations aériennes Flightright, en moyenne 400 vols par jour en période estivale. Peut-on vraiment parler de surtourisme ou faut-il parler d’une totale irresponsabilité politique qui a conduit à provoquer trop de déséquilibres entre le visiteur et le visité, en n’imposant aucune limite au trafic aérien ? De là à faire le lien entre le surtourisme et le tourisme de masse, il n’y avait qu’un pas aisément franchi, au prétexte que les touristes passent leurs vacances dans les mêmes lieux au même moment. En août, Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) accueille près de 100 000 personnes par semaine, mais c’est bien la capacité de la station : il n’y a aucun dépassement, aucune raison de pointer ce tourisme balnéaire comme une forme de tourisme dont on ne voudrait plus, sans proposer la moindre solution de rechange crédible. Désaisonnaliser, c’est demander à des gens de partir en vacances quand la mer est moins chaude et les jours moins longs, quand les enfants sont à l’école. Déconcentrer ou diffuser la fréquentation dans l’espace, c’est demander à des gens d’aller là où ce n’est pas aménagé, et c’est la pire des réponses. Reste enfin ce qui pourrait être une surfréquentation de quelques sites naturels. Là encore, il s’agit de faire attention au mépris de classe, en demandant à ceux qui n’auraient pas une bonne culture de la nature de se satisfaire des bases de loisirs périurbaines, pour laisser ceux qui ont les codes de la pleine nature, et les clés de leur van dernier cri, pratiquer l’escalade dans les gorges du Verdon. Cette surmédiatisation du surtourisme est dangereuse, car elle remet en cause la démocratisation du tourisme. Partir en vacances, randonner en montagne, visiter le pont du Gard, c’est un usage du temps libre qu’il faut encourager, alors qu’on est en train de le dénoncer et de le ringardiser. Les vacances d’été seraient devenues trop banales ! Ne soyons pas naïfs, et portons un regard lucide sur ce rejet du tourisme. Il est assez facile d’expliquer comment les discours contre le tourisme sont liés aux idéologies politiques, tout particulièrement au populisme. L’anxiété culturelle repose sur la construction d’un danger pour les personnes et les lieux qui seraient menacés par l’arrivée de nombreux « autres ». Et puis il y a aussi un autre regard, celui de l’anxiété économique, qui s’est construite autour de l’idée de « gagnants et de perdants ». Un discours populiste… de gauche, qui oppose le « peuple perdant » aux « élites gagnantes », et qui fait écho au peu de cas que nous faisons des « invisibles » de l’économie, à qui nous ne donnons jamais la parole. Encourager à sortir de chez soi Le tourisme est une proie facile pour les populistes dont l’obsession est de rejeterl’autre. Le surtourisme n’est finalement qu’un épiphénomène, un faux débat qui masque l’impérieuse nécessité d’accompagner l’usage du temps libre. Nous faisons preuve d’une très grande naïveté quant à la place prise par les divertissements numériques dans cet usage du temps libre, mais surtout sur ses conséquences dans la construction sociale des plus jeunes. Nous sommes bien démunis face à l’agressivité marketing des Netflix, Sony et autres acteurs de ce divertissement dont l’obsession est de vendre des abonnements pour isoler encore plus les gens en les encourageant à ne plus sortir. Il est donc absolument regrettable de critiquer les classes populaires en les rendant responsables des déséquilibres de l’économie touristique, alors qu’il faut au contraire les encourager à sortir de chez eux, à partager leur temps libre avec leurs enfants. L’enjeu du tourisme en France, ce n’est pas tant de savoir si nous sommes la première destination mondiale, mais de se donner les moyens de vendre plus de Pass rail que de PlayStation. **** *source_Le_Monde *date_2024-08-17 *am_2024-08 *annee_2024 Surtourisme : entre exaspération et besoin de régulation Majorque n’est pas à vendre. » Ce 21 juillet, ce sont des milliers de personnes qui manifestent à Palma, en Espagne, contre le tourisme de masse, en dénonçant le coût des logements et les difficultés d’accès aux services publics. « Ceci n’est pas de la tourismophobie, juste des faits : 1 232 014 habitants, 18 millions de touristes » , peut-on lire ce jour-là sur les pancartes, alors que cet été ce type de protestation s’est reproduit dans plusieurs villes du pays. Des îles ibériques à la cité des Doges, à Venise, en passant par le mont Fuji, au Japon, et l’Himalaya, les marques d’hostilité à l’égard du « surtourisme » se font plus nombreuses que jamais. Si le phénomène n’est pas nouveau, il s’accentue, et les populations locales y deviennent plus sensibles. D’autant plus que le tourisme international renoue en 2024 avec les niveaux de 2019, et que le rythme s’accélère. « Il y a de plus en plus de voyageurs, les classes moyennes se développent dans le monde entier, c’est un fait irréversible et exponentiel » , souligne Valérie Boned, présidente des Entreprises du voyage, le syndicat des agences de voyages : « Ce secteur est l’un des rares dans une dynamique de croissance. » La démographie mondiale est en hausse, et le tourisme ne cesse de se démocratiser, avec les vols à bas prix et la grande variété des offres locatives. De 25 millions d’arrivées en 1950, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), on attend environ 1,5 milliard de touristes internationaux en 2024 et de 1,8 milliard en 2030. D’ailleurs, les avions devraient transporter en 2024 un nombre record de 5 milliards de passagers. « Parmi les économies à revenus moyens supérieurs, la Chine a consolidé sa position dans le top 10 des pays les plus touristiques » , mentionne le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies sur le tourisme, en précisant que « les principales destinations de pays émergents que sont l’Indonésie, le Brésil et la Turquie l’ont rejointe dans le premier quartile du classement » . Attrait pour la proximité Quoi de plus naturel que les classes moyennes de ces pays aient elles aussi envie de découvrir les lieux les plus emblématiques de la planète ? Et elles le font, qui plus est lorsqu’elles viennent de mégalopoles asiatiques, sans forcément le même rapport anxieux à la foule qu’ont les Européens. « A Venise, en 2023, les ressortissants du sous-continent indien faisaient la fortune des gondoliers » , raconte le géographe Rémy Knafou. Cet hiver, ce sont les Brésiliens qui ont constitué la première clientèle du Club Med. Des visiteurs qui ne constituent que la « partie émergée de l’iceberg touristique » , comme le rappelle Jean-Christophe Gay, le directeur scientifique de l’Institut du tourisme Côte d’Azur, dans son ouvrage Tourismophobie (ISTE Ed., 194 pages, 65 euros), puisqu’il faut, à ces chiffres, ajouter les séjours des résidents sur leur propre territoire. Selon l’OMT, ces derniers auraient dépassé les 9 milliards en 2018, soit six fois plus que le tourisme international. Depuis la fin des confinements, l’attrait pour la proximité ne se dément pas, il est même grandissant dans des lieux de nature comme la baie de Somme, dans les Hauts-de-France, ou les Calanques, à Marseille. « Le surtourisme existait avant la pandémie , explique Sébastien Jacquot, directeur de l’Institut de recherches et d’études supérieures du tourisme. Mais l’engouement pour des lieux hypertouristiques labellisés s’élargit désormais dans l’espace et dans le temps. » Exemple, en Ligurie (Italie), les Cinq Terres, constituées de minuscules villages accrochés à la falaise, qui étaient essentiellement visitées pendant l’été, ont connu un débordement de la période touristique avant juillet et après août. Et ce, d’autant plus que les réseaux sociaux, tel Instagram (groupe Meta), en démultiplient la visibilité. De nouvelles mobilités viennent aussi télescoper celles du tourisme, ce qui en complexifie l’analyse. « La société bouge partout et notamment dans les territoires touristiques, car les gens qui quittent les villes sont plutôt des bourgeois écolos télétravailleurs » , explique le sociologue Jean Viard dans la préface du livre Voyage au pays du surtourisme , de Linda Lainé (Ed. de L’Aube, 184 pages, 17 euros). Où vont-ils ? « Dans les zones de résidences secondaires, à la manière des retraités, puisque 48 % des gens qui prennent leur retraite rêvent de migrer vers des régions touristiques attractives – les Lillois le savent, puisqu’une bonne partie des retraités lillois résident autour de Narbonne. » « Une image réductrice des visiteurs » Qualifié de mot-valise, le terme de « surtourisme » agace souvent les professionnels du secteur, qui le jugent utilisé à mauvais escient par les médias. « Cela donne le sentiment d’une surfréquentation à toutes les époques de l’année, alors qu’il s’agit souvent de pics localisés à des moments bien précis » , estime Valérie Boned, avec en tête un lieu dans le Médoc saturé l’été et déserté l’hiver. Dénoncer ce tourisme de masse sert aussi « les intérêts de ceux qui vendent des voyages coûteux à l’autre bout du monde en s’appuyant sur l’idée de la distinction et de l’évitement des foules » , analyse Rémy Knafou, rappelant que le mot a été diffusé par Skift, le premier site d’information sur les voyages, qui s’est empressé de déposer le terme en 2018. Ce phénomène de surfréquentation serait aujourd’hui le prétexte mis en avant par certaines destinations pour filtrer un type de visiteurs. Preuve en est, en expérimentant une taxe de 5 euros la journée, les élus de Venise ont-ils réellement l’intention de limiter le trop-plein de touristes ? « Si tel était leur souhait, ils ne chercheraient pas à agrandir l’aéroport Marco-Polo avec l’objectif de passer, dès 2026, de 9 millions à 12,5 millions le nombre de passagers » , souligne Prosper Wanner, sociologue et maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille. Il y voit surtout la volonté de réduire la présence des excursionnistes qui se contentent de manger un gelato au profit de touristes plus fortunés prêts à séjourner plus longtemps : « Les élus pénalisent les croisiéristes qui ne paient pas de taxe de séjour et consomment dans leur navire, alors qu’ils encouragent les voyageurs qui viennent en avion bien que cela pollue tout autant. » « C’est une question de retombées fiscales et économiques » , ajoute-t-il, en précisant que cette petite musique monte un peu partout, y compris en France. Ce concept de repoussoir amène à diaboliser le touriste ou à l’opposer à l’habitant. « Le surtourisme donne une image réductrice des visiteurs, comme s’ils étaient idiots » , note Valérie Boned, qui défend ces vacanciers pour lesquels les dates des congés des vacances scolaires ou les lieux les plus désirés restent incontournables. Six Français sur dix partent en vacances ou en week-end prolongé chaque année. Par conséquent, « six habitants sur dix sont, une fois dans l’année, au minimum le touriste d’un autre » , relève Linda Lainé, rédactrice en chef du magazine L’Echo touristique . « Les discours ne sont jamais isolés » , rappelle Francesco Screti, sociologue italien selon lequel ceux qui entourent le surtourisme s’inscrivent aussi dans un contexte de montée des populismes. En analysant le documentaire de l’autrice Antje Christ, Tourists, go home ! (2016), il a pu mettre en exergue des réactions fondées sur « la peur de l’autre qui arrive en bateau ou en avion » ou sur « le touriste qui pille l’économie locale ou déplace une part des revenus aux mains de groupes privés » . La tradition touristophobe puise aussi ses sources dans la démocratisation du voyage. Comme le rappelle Jean-Christophe Gay, dès les années 1870, en Angleterre, lorsque les classes laborieuses commencent à partir en vacances, l’élite voit déjà en elles des intrus venant troubler leur paisible villégiature, de surcroît incapables d’appréhender le sacré de la nature. Pourtant, nul ne conteste les réels désagréments que la surfréquentation est susceptible d’occasionner, surtout lorsque l’équilibre de vie des résidents du lieu en question est rompu. « Parlons des problèmes d’emplois, des conditions de travail, des ravages de la location de courte durée, des enjeux sociaux et climatiques du voyage , s’agace l’anthropologue Saskia Cousin, pas du problème des voyageurs occidentaux aisés qui voudraient être seuls dans leurs spots préférés. » De Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) au Pays basque en passant par des métropoles comme Paris, des oppositions se dressent pour dénoncer la prolifération des locations saisonnières, la disparition de commerces de proximité remplacés par des boutiques de souvenirs, les nuisances sonores, la gentrification ou la disneylandisation de quartiers entiers. « Ce qui exaspère le plus, c’est l’inflation, le fait de ne pas pouvoir se loger, de ne plus pouvoir se garer, les files d’attente au restaurant » , souligne Valérie Boned. Des tentatives de réglementation Certains tentent de légiférer, avec plus ou moins de succès. A l’automne 2023, New York a interdit les locations saisonnières pour une durée inférieure à trente jours dans l’espoir de résoudre la dramatique crise du logement. A Barcelone s’ajoute à ce type de réglementation l’enjeu du partage de l’eau. Secouée par une sécheresse historique cet hiver, la cité catalane a fini par continÈgenter, en avril, le secteur touristique à 200 litres par personne et par jour, comme le reste de la population. Ce qui n’empêche pas José Luis Zoreda, vice-président d’Exceltur, l’organisation du secteur en Espagne, de s’inquiéter : « Notre préoccupation est de continuer à faire croître le tourisme en Espagne pour qu’il soit durable et ne génère pas de répulsion sociale. » Qu’en sera-t-il de la France ? En dépit des craintes que suscitent les nuisances induites par le surtourisme, l’Etat continue à ériger son objectif d’être la première destination touristique « durable », et s’attend déjà à 100 millions de visiteurs cette année, un record absolu, promesse de retombées financières juteuses. « Cette politique du chiffre, suivie par nombre d’Etats et reposant sur un seul paramètre, révèle la pauvreté de la réflexion sur le tourisme et ses conséquences » , constate Jean-Christophe Gay qui pointe le manque d’anticipation et de planification des autorités d’une telle progression. Dans l’Hexagone, un observatoire des pics de fréquentation des endroits les plus emblématiques a été instauré, mais la stratégie nationale se fait attendre. « Il faut une réflexion sur les territoires , estime Rémy Knafou, pas seulement culpabiliser les touristes, mais changer les imaginaires. C’est sur la capacité d’accueil qu’il faut peser. ». **** *source_Le_Figaro *date_2024-09-09 *am_2024-09 *annee_2024 chroniques Accusé de tous les maux, le « surtourisme » est-il le nouvel avatar du mépris de classe ? Bonne nouvelle, les touristes internationaux n'ont jamais été aussi nombreux à parcourir le monde. Ils seront plus de 1,3 milliard cette année à avoir franchi une frontière selon l'Organisation mondiale du tourisme (UNWTO). On retrouvera, au moins, le record de 2019, avant que la pandémie de Covid de 2020 fasse chuter de 70 % le nombre de voyages. Mauvaise nouvelle, ces pèlerins sont de plus en plus fréquemment accueillis comme un chien dans un jeu de quilles. À Barcelone - 1,7 million d'habitants et 12 millions de touristes en 2023 - les Catalans ont manifesté le 6 juillet dernier, arborant des banderoles hostiles : « Réduisez le tourisme maintenant ! Les touristes hors de nos quartiers ! » Ils se plaignent de la hausse des loyers, de 68 % en dix ans selon la mairie, du fait des locations touristiques via Airbnb et autres plateformes. Au Japon, où la chute du yen aura contribué à attirer plus de 30 millions de visiteurs cette année (quatre fois plus qu'en 2012), les 123 millions d'autochtones rendent les étrangers responsables de la pénurie de riz et de l'augmentation de 20 % de ses prix. Accusation infondée, a calculé le JNTO, l'office japonais du tourisme : compte tenu de la durée de leur séjour (7,2 jours en moyenne), les gaijin (personnes de l'étranger) constituent au grand maximum 0,4 % de la demande de riz ! Le touriste fait office de bouc émissaire, coupable de tous les maux : il détériore l'environnement, fait grimper les prix des restaurants, aggrave la pénurie de logements dans les villes. À l'instar de Venise, qui a instauré une taxe d'entrée pour les visiteurs d'un jour de la Cité des doges, Rome songe à créer un péage pour la fontaine de Trevi, l'un des sites romains les plus engorgés. Confronté à une dette publique endémique, le gouvernement de Giorgia Meloni envisage d'augmenter la taxe de séjour pour les touristes, la portant jusqu'à 25 euros par nuitée sur les chambres de luxe. La tentation fiscale est forte pour les États : le tourisme international est devenu la première industrie au monde. Selon l'Organisation mondiale du tourisme, les dépenses directes des voyageurs internationaux ont atteint 1 700 milliards de dollars en 2023 (y compris les frais de transport). Et compte tenu des effets induits, les activités touristiques ont engendré un produit intérieur brut (PIB) de 3 300 milliards de dollars, environ 3 % du PIB mondial estime l'UNWTO. Employant 334 millions de personnes, le tourisme a créé un nouvel emploi sur cinq de par le monde entre 2014 et 2019. S'il formait un pays, il arriverait au septième rang mondial par son PIB, juste devant la France. Considéré sur le long terme, le dynamisme est plus impressionnant encore: 25 millions de touristes internationaux en 1950 (sur une population totale de 2,6 milliards), 278 millions en 1980, 687 millions en 2000 et 1,3 milliard aujourd'hui. Ni les chocs pétroliers des années 1970, ni les attaques terroristes du 11 septembre 2001 du World Trade Center de New York, ni la pandémie de Covid de 2020, ne sont parvenus à infléchir la tendance de fond. Les raisons en sont bien identifiées : l'apparition des avions gros-porteurs (Boeing 747 en 1969), les vols charters et les tour-opérateurs des années 1980, puis, à partir de l'an 2000, les compagnies aériennes low cost, la création d'une classe moyenne importante dans les pays « émergents » , les plateformes internet facilitant les communications et les réservations... L'ampleur du mal « Le voyage est devenu un produit de première nécessité » , en conclut Jean-François Rial, patron de Voyageurs du Monde ( Les Échos du 12 juillet). À vrai dire, il y a belle lurette que le tourisme de masse a commencé à prendre son essor. La stigmatisation du surtourisme est en revanche bien plus récente. Le mot lui-même ne date que de 2008, selon le géographe Rémy Knafou professeur émérite à Paris-1 Panthéon Sorbonne. Traduit du mot anglais overtourism, il est apparu pour la première fois dans une revue scientifique sous la plume de trois chercheurs vietnamiens qui s'inquiétaient de la préservation des zones côtières de leur pays. Depuis lors, c'est devenu un « marronnier des médias » revenant chaque été, car il en possède tous les ingrédients. Tout d'abord des images percutantes (la place Saint-Marc de Venise, « le plus beau salon d'Europe » selon Napoléon, entièrement recouverte par la foule). Ensuite le sujet est « concernant » , comme on dit dans le jargon journalistique (chacun est, a été, ou sera touriste). Et il soulève des problèmes vitaux « grand public » , économiques, sociaux et écologiques. Mais comment définir, et plus encore mesurer, ce surtourisme, qui conjugue trois critères différents et tous pertinents, selon Rémy Knafou ? Un, la préservation des sites menacés par le trop-plein de visiteurs. Deux, le seuil à partir duquel les autochtones sont pénalisés par l'excès d'étrangers, comme à Barcelone. Trois, en quoi la multitude constitue-t-elle une gêne pour le touriste individuel, lequel a tendance à croire que « le surtourisme, c'est les autres » ? Il convient de prendre en considération chacune de ces dimensions avant de se prononcer sur l'ampleur du mal. Le professeur Knafou soupçonne les voyagistes d'avoir promu le concept comme un repoussoir pour mieux vendre les destinations « hors des sentiers battus ». Aux États-Unis, le propriétaire du site Skift, la plus grande plateforme de voyages, a même voulu s'approprier le terme et le déposer ! On retombe alors dans le sempiternel procès du tourisme de masse. « Le surtourisme, c'est un peu comme le cholestérol : il y a le bon, les événements culturels, et le mauvais, les classes populaires à la plage » , aime à dire le consultant Jean Pinard, ex-directeur du comité régional du tourisme et des loisirs d'Occitanie. Autrement dit, la notion de surtourisme ne serait que le dernier avatar du mépris de classe. Un sujet douloureux avec lequel on ne badine pas en France depuis les « gilets jaunes » ! J.-P. R. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-11-25 *am_2023-11 *annee_2023 Surtourisme : Venise dévoile les 29 journées concernées par la taxe de cinq euros pour ses touristes La mairie de Venise a rendu publiques les 29 journées de l'année prochaine où elle appliquera sa toute nouvelle taxe de 5 euros. Celle-ci vise les touristes ne venant qu'un jour dans la Cité des Doges, victime du tourisme de masse. Venise a échappé de justesse à la mi-septembre à l'inscription au patrimoine mondial en péril de l'Unesco. Pour éviter cette issue, la cité des Doges a pris une première mesure pour lutter contre sa détérioration : une taxe de cinq euros destinées aux touristes passant une journée au sein de la ville. Les premières dates où cette mesure sera appliquée sont étalées sur 29 journées de la haute saison touristique : du 25 avril au 5 mai, puis ce sera le tour des week-ends de mai (les 11 et 12, les 18 et 19 et les 25 et 26), de juin (les 8 et 9, les 15 et 16, les 22 et 23 et les 29 et 30), ainsi que deux week-ends de juillet (les 6 et 7 et les 13 et 14). Lire aussiPour lutter contre le surtourisme, Venise expérimente une taxe de 5 euros pour les visiteurs d'un jour Dissuader les visiteurs d'un jour Cette taxe, dont le mise en oeuvre a été plusieurs fois reportée, cible uniquement les touristes entrant dans la vieille ville entre 08h30 et 16h00. « « Ce n'est pas une révolution mais le premier pas d'un système qui réglemente l'accès des visiteurs à la journée », a expliqué le maire Luigi Brugnaro, cité par le communiqué. « C'est une expérimentation dont l'objectif est d'améliorer la qualité de la vie dans la ville, pour ceux qui y habitent et ceux qui y travaillent », a-t-il précisé. » Avant d'ajouter : « Les marges d'erreur sont importantes mais nous sommes prêts (...) à apporter toutes les modifications nécessaires pour améliorer la procédure. Venise est la première ville au monde à mettre en place ce système, qui pourra servir d'exemple pour d'autres villes fragiles et délicates qui doivent être sauvegardées ». Ce projet, annoncé en septembre, a pour objectif principal de dissuader les visiteurs à la journée contribuant à engorger la ville célèbre dans le monde pour ses oeuvres d'art, ses ponts et ses canaux. Malgré tout, l'Unesco estime toujours « que des progrès supplémentaires doivent être réalisés », renouvelant ses inquiétudes concernant « les défis importants qu'il reste à relever pour la bonne conservation du site, notamment liés au tourisme de masse, aux projets de développement et au dérèglement climatique ». Dubrovnik, Venise, Bruges et Rhodes, aussi victimes du surtourisme Venise n'est évidemment pas le seul site à devoir prendre des mesures pour lutter contre le surtourisme. Ainsi, Bruges, sa cousine belge, surnommée la « Venise du Nord », accueille chaque année huit millions de visiteurs, la plupart l'été et pour un séjour n'excédant généralement pas une journée. La municipalité a pris acte du déferlement problématique des visiteurs en adoptant en 2019 une stratégie sur cinq ans pour inciter les visiteurs à rester plusieurs nuits, à explorer la région alentour, et à tenter des expériences culturelles et gastronomiques au-delà des selfies et d'une gaufre vite avalée... Le site de location Holidu a recensé les destinations européennes les plus fréquentées en nombre de touristes par rapport aux habitants. Venise, Bruges et l'île grecque de Rhodes y occupaient le deuxième rang à égalité, derrière la ville fortifiée croate de Dubrovnik - submergée par les fans de la série Game of Thrones, et devenue l'emblème du surtourisme. Lire aussiSurtourisme : la régulation mise en place à Bréhat peut-elle faire des émules? Dans le monde, on peut aussi citer en Thaïlande, Maya Bay, plage paradisiaque sur l'île de Koh Phi Phi Ley, qui a fermé entre juin 2018 et janvier 2022, afin d'obtenir une restauration complète des récifs coralliens. Immortalisé en 2010 dans le film « La Plage » avec Leonardo di Caprio, le site avait été ravagé par des années de tourisme de masse. Jusqu'à 6.000 personnes par jour déferlaient alors sur l'étroite plage longue de 250 mètres. Au Pérou, la cité inca du Machu Picchu, en butte à « un excès de visiteurs », a été placée « sous haute surveillance » par l'Unesco en 2011. Actuellement, environ 4.000 personnes peuvent y accéder quotidiennement. Autre site victime de son succès, le mont Fuji, au Japon, où les réservations des refuges ont explosé, en raison de la levée des restrictions liées au Covid-19. Des responsables locaux ont réclamé en juin des mesures pour limiter l'affluence sur le plus haut sommet du Japon, accessible uniquement en été. La France loin d'être épargnée Première destination touristique au monde, la France prend aussi le problème à bras-le-corps. Pour mieux analyser le phénomène, un « observatoire national des sites touristiques majeurs » verra le jour, a annoncé mi-juin Olivia Grégoire, la ministre déléguée au Tourisme. Un guide pratique définissant les notions de « surtourisme », « surfréquentation » et « pics de fréquentation » sera aussi rédigé, afin de disposer d'une grille d'analyse commune. Lire aussiLe gouvernement dévoile son plan de lutte contre le surtourisme Selon le gouvernement 80% de l'activité touristique est concentrée sur 20% du territoire. Parmi les solutions qui font consensus : « étendre le territoire touristique » en encourageant les touristes à se rendre ailleurs que sur les sites engorgés, faire la promotion de territoires moins fréquentés, les valoriser avec de nouveaux itinéraires et lieux de visite, une meilleure offre d'hébergement-restauration, de services. Des mesures plus restrictives sont aussi expérimentées, comme la mise en place de taxes, de droits d'entrée ou de quotas journaliers : ainsi, aux portes de Marseille, une réservation l'été a été mise en place pour cinq ans à la calanque de Sugiton et le parc national des calanques réfléchit à limiter la fréquentation sur les îles du Frioul. Mesure similaire en Bretagne où l'île de Bréhat a restreint pour la première fois l'afflux de touristes à 4.700 visiteurs maximum par jour en semaine, du 14 juillet au 25 août. (Avec AFP). **** *source_Les_Echos *date_2024-12-02 *am_2024-12 *annee_2024 Patrimoine La réouverture de Notre-Dame de Paris, nouvel atout pour le tourisme après les J O La réouverture de la cathédrale Notre-Dame, le week-end prochain, placera à nouveau la capitale sous les feux des projecteurs.Après un automne qui a vu revenir les touristes, les professionnels cherchent à mieux gérer les flux de visiteurs pour éviter le surtourisme. Cinq années de restauration millimétrée, orchestrée par la fine fleur de l'artisanat français. Une donation de 841 millions d'euros, fruit d'unélan de solidarité international. Et une octave, en l'occurrence huit jours de messes et d'ouvertures exceptionnelles en guise de célébration. Il n'en fallait pas moins pour faire renaître la cathédrale Notre - Dame de Paris, dévorée par les flammes en avril 2019. Retransmise dans le monde entier, la cérémonie de réouverture, le week-end prochain - en présence d'Emmanuel Macron, qui a pris soin de visiter une dernière fois le chantier vendredi - mettra le joyau de l'Ile de la Cité sous les feux des projecteurs. Des images promptes, comme les cartes postales des JO cet été, à ouvrir l'appétit des touristes. Tout est prêt pour les accueillir. « Il est temps maintenant de retrouver Notre-Dame, de réouvrir grand ses portes aux 14 à 15 millions de fidèles et visiteurs que nous attendons » , indiquait récemment Monseigneur Olivier Ribadeau Dumas, le recteur de la cathédrale. « Un facteur d'attractivité supplémentaire » Difficile de prédire quand ils arriveront. Le week-end prochain, la cathédrale ne sera ouverte qu'à des visiteurs triés sur le volet et l'office de tourisme de Paris n'anticipe « aucun pic de fréquentation » à l'échelle de la capitale. En revanche, les professionnels du tourisme sont unanimes : décembre sera une excellente cuvée pour Paris. Thomas Deschamps, le directeur de l'observatoire de l'office du tourisme parisien, table sur une « fréquentation en hausse de 1 à 3 % » avec un très gros pic, autour de 20 % le jour de la Saint-Sylvestre. Une tendance confirmée par les hôteliers-restaurateurs franciliens (UMIH), déjà arrimés à 75-80 % de taux d'occupation hôtelière. « Les touristes aiment venir à Paris pour fêter les fins d'année sur les Champs-Elysées ou voir les vitrines des grands magasins. Cette année, il y aura en plus un effet Notre-Dame » , assure le président de l'UMIH d'Ile-de-France, Frank Delvau. « Les hôtels et restaurant aux abords de la cathédrale anticipent une bonne reprise de leur activité, ce qui est positif car cela a été compliqué pour eux pendant le chantier de restauration » , explique-t-il. Pierre Rabadan, le président de l'office de Tourisme de Paris, voit dans Notre-Dame « un facteur d'attractivité supplémentaire » « L'incendie a avivé une curiosité autour de notre capacité à rénover » , analyse-t-il, rappelant que la cathédrale appartient - avec Le Louvre, le château de Versailles et la Tour Eiffel - au club très select des « Big Four », ce quatuor incontournable des parcours touristiques. « Les images des JO ont tiré Paris vers le haut, et, après un été décevant, il y a un fort rebond cet automne avec un flux de touristes très élevé. Bien sûr que la réouverture de Notre-Dame va en rajouter, mais c'est un bonus, presque un détail » , tempère son prédécesseur, Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde. Le monument restera gratuit Comment organiser les retrouvailles de Notre-Dame avec ses visiteurs après une si longue absence ? Le Diocèse table sur 3 millions d'entrées annuelles supplémentaires. Limitée par ses 5.500 mètres carrés, la cathédrale dispose d'une jauge de sécurité de 2.700 personnes - 3.000 grand maximum - et de 1.500 places assises pour la messe. Les travaux, qui doivent encore durer trois ans pour achever les abords extérieurs du bâtiment et créer un accueil sur le parvis, vont compliquer les circulations extérieures. Malgré cela, le monument restera gratuit, et le Diocèse n'a pas voulu séparer les flux des fidèles de ceux des touristes. « Nous l'avons pensé comme un tout, parce que cette rencontre est la richesse de l'église et parce que pour comprendre ce monument, il faut aussi en comprendre la fonction » , argumente Sybille Bellamy-Brown, responsable de la gestion des visiteurs de la cathédrale, qui invite chacun à « s'organiser, prendre conscience de l'engouement et responsabiliser sa venue » , dans les prochains mois. Plus pragmatiquement, le Diocèse s'est doté d'un nouvel outil de régulation des flux. Il sera toujours possible, comme par le passé, d'entrer au débotté en prenant son mal en patience dans la longue file d'attente. Mais on pourra aussi désormais, via le site ou une application dédiée, réserver 48 heures à l'avance. « On ne réservera pas une place, on obtiendra, gratuitement, un créneau d'une demi-heure durant lequel on sera assuré d'entrer » , précise Sybille Bellamy-Brown. Un outil de pilotage que le Diocèse modulera selon son calendrier et l'affluence. Ainsi, des créneaux pourront être libérés le jour même. « Au lieu de patienter dans la file, le visiteur, assuré d'entrer plus tard, pourra profiter de ce temps libéré pour se rendre dans l'un des monuments alentour » , explique-t-elle. Moyen de limiter l'inévitable surfréquentation du parvis en déployant les visiteurs sur un périmètre plus large. Mieux gérer ces flots qui débordent sur la chaussée, répartir les visiteurs plus équitablement dans la capitale, est une préoccupation globale pour Paris. La Ville mettra 50 millions d'euros sur la table pour créer un nouveau parvis doté d'un véritable accueil. « C'est une fierté de rouvrir Notre-Dame et cela nous donne l'opportunité de faire émerger notre vision d'un tourisme différent, plus responsable et apaisé. Il faut que les gens visitent Paris dans de bonnes conditions, mais sans que cela ne prenne toute la place dans la ville » , plaide Pierre Rabadan, également maire-adjoint de la capitale. « L'un des enjeux majeurs, dit-il , c'est la cohabitation avec les Parisiens » , aussi bien dans l'espace public, que plus largement, au sein des immeubles, parfois noyautés par les meublés touristiques. Redonner la main aux arrondissements C'est dans ces eaux étroites que naviguent élus et professionnels du secteur. Heureux de voir revenir les touristes dans la capitale, mais redoutant ces excès qui ulcèrent les Barcelonais et ont conduit New York à évincer Airbnb. Paris, proche du surtourisme ? « Nous sommes déjà sur la crête, avec 35 millions de touristes par an. Si on monte à 40 ou 45 millions, on pourra avoir des nuisances » , alertait en octobre l'adjoint au Tourisme, Frédéric Hocquard. « On ne peut pas parler de surtourisme alors qu'on est à -7 % par rapport à 2019 » , oppose Frank Delvau. « Il y a des surfréquentations, mais on ne peut pas vraiment parler de surtourisme, au sens où il n'y a pas de rejet de la population » , nuance Thomas Deschamps. « Le risque existe, mais il est aussi possible d'accueillir davantage de touristes sans surtourisme . Mais pour cela, il faut un vrai travail de pédagogie et de promotion des autres sites franciliens, bref, une vraie stratégie » , pointe Jean-François Rial. Fin aout, la chambre régionale des comptes appelait à une meilleure coordination dans la gestion du tourisme francilien pour améliorer la lisibilité et éviter les doublons. Les élus Modem, eux, proposent de redonner la main aux arrondissements. Fin novembre, le Conseil de Paris a voté à leur initiative une délibération pour créer une stratégie touristique par arrondissements, réduire la pression sur certains sites et promouvoir des quartiers moins fréquentés. « Il y a beaucoup d'autres expérience à vivre, comme cet art de vivre à la française incarné par les bistrots parisiens, dont nous espérons bientôt le classement à l'Unesco » , abonde Franck Delvau. Repenser son tourisme, comme le fera Paris lors de nouvelles assises au printemps prochain, c'est aussi anticiper la trajectoire d'une capitale où les étés seront de plus en chauds - ce qui explique les 160 arbres plantés et la lame d'eau du futur parvis - et où la voiture disparaît du centre-ville. Pour l'heure, l'île de la Cité a été « sortie » de la zone à trafic limitée, d'où sont bannis les véhicules de transit. Mais à quinze mois des municipales, il n'est pas impossible que le sujet revienne sur la table… Laurence Albert. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-07-26 *am_2024-07 *annee_2024 Surtourisme : dans « la Venise des Alpes », le va-et-vient des valises excède les habitants et interpelle les élus DOSSIER (3/4). Entre crise du logement et nuisances liées au tourisme, la ville d'Annecy et les communes du pourtour du lac tentent de trouver la bonne formule face à l'explosion de l'affluence touristique depuis quelques années. Excédés, certains habitants donnent de la voix afin de réguler les meublés touristiques, tandis que les élus s'attaquent à la surfréquentation de certains lieux emblématiques. Le tout, en regrettant le manque de marges de manoeuvre à l'échelle nationale. Les roulettes des valises défilent sur les pavés, face à des canaux désormais bondés chaque week-end d'avril à décembre : depuis plusieurs années, la « Venise des Alpes » est confrontée à très forte fréquentation touristique, avec à ce jour près de 3 millions de visiteurs et 5 millions de nuitées chaque année dans les 34 communes du pourtour du lac savoyard (215.000 habitants). Une affluence attribuée à un cocktail d'éléments allant de l'arrivée de nouvelles habitudes après la crise sanitaire (développement de la randonnée, des activités « outdoor ») en passant par un choc d'offre porté par l'arrivée massive de logements à la location sur les plateformes en ligne (Airbnb, Abritel), représentant à ce jour 96 % des hébergements touristiques dans l'agglomération, avec 8.500 logements. Lire aussi Immobilier. Escalade des prix, rareté des biens : l'impatience grimpe d'un cran à Annecy Des éléments couplés au développement et à l'étalement de grands événements autour du lac (Fête du lac, Festival international du film d'animation, Martin Fourcade Nordic Festival, etc), en plus de l'arrivée de nouveaux habitants en Haute-Savoie, avec « 10 à 12.000 habitants supplémentaires chaque année », indique Michel Guérin, président de l'Office de tourisme du Grand Annecy. « Ce qui donne pour effet qu'il n'y a « plus un seul moment pour respirer », reconnaît pour sa part Frédérique Lardet, présidente de la Communauté d'agglomération du Grand Annecy. » Des rues bondées, un sentiment « d'attraction » L'affluence serait aujourd'hui telle qu'elle engendrerait désormais des nuisances et des conflits d'usages, selon plusieurs acteurs. Dans le Vieil Annecy, particulièrement prisé pour le Pont des Amours, le Palais de l'Isle (l'un des bâtiments les plus photographiés de France selon l'Office de tourisme) et ses canaux, « le quartier est ravagé par son absence de maîtrise des espaces publics », estime Aurélien Soustre, habitant de la vieille ville, mais aussi administrateur et secrétaire de l'Association des résidents de la Vieille Ville d'Annecy (ARVVA). « Nous avons un tourisme de masse, où les gens viennent faire un selfie sur les endroits phares pour mettre sur Instagram, boire un verre, faire la fête. Annecy devient un lieu dédié à l'organisation d'enterrements de vie de jeune fille », décrit cet habitant, excédé par l'essor de ces activités et de leurs nuisances. » L'association, créée en 2005 dans l'objectif de valoriser le patrimoine communal, se fait désormais l'un des portes flambeaux de la lutte contre le tourisme de masse. Tandis qu'en parallèle, d'autres actions fleurissent, dont des affichages dans les rues (« Disneyland Annecy »). Alors, face au boom de l'affluence touristique ces dernières années, les habitants d'Annecy (Haute-Savoie) suivent-ils aujourd'hui les traces des mouvements barcelonais et vénitiens? Lire aussi Surtourisme : à Chamonix, le paradis de l'alpinisme s'engage dans un jeu d'équilibriste pour réguler sa fréquentation En terme d'image, ces protestations ne sont pas neutres pour la ville, qui adopte pour sa part de nouvelles techniques, notamment issues des théories « nudge », ou « coup de pouce » pour inciter discrètement les passants à modifier leur comportement. Par exemple, la mairie a mis en place début juillet trois radars sonores pédagogiques et cinq capteurs sonores afin de relever le niveau de décibels émis dans la vieille ville. Et ainsi avertir les piétons, grâce à un signal lumineux dès que le volume sonore est trop élevé. Un « gadget » estime pour sa part Aurélien Soustre. « Les gens alcoolisés ne vont pas baisser le ton lorsque la couleur passera au rouge ou au orange ». « Cela signifie déjà que la mairie ne nous croit pas et qu'en plus, plutôt que de chercher les causes racines, on met un jouet en estimant qu'il va responsabiliser la population », ajoute le membre de l'association ARVVA. » Contactée par La Tribune, la commune d'Annecy n'a pas répondu à nos sollicitations. Les outils de la bataille contre Airbnb Surtout, le point de bascule concerne les logements mis en location sur internet selon le secrétaire de l'ARVVA : « Le quartier est à un point de rupture, car il a été entièrement mité par les Airbnb, qui ont complètement capté les logements de la vieille ville. C'est une rotation permanente, les personnes qui louent, arrivent à tout heure du jour et de la nuit. C'est mal isolé, ce quartier est devenu un cauchemar ». Lire aussi Meublés de tourisme : Airbnb et le Grand Annecy s'allient pour un tour de vis supplémentaire En effet, plus de 8.500 logements meublés sont aujourd'hui proposés à la location touristique dans le Grand Annecy (34 communes situées autour du lac). Avec une forte croissance des résidences principales, proposées occasionnellement aux vacanciers (de 3.000 biens en janvier 2023, elles sont passés à 4.500 en juillet 2024). Une hausse également expliquée par la déclaration massive de la taxe de séjour, à partir de l'entrée en vigueur de deux règlements locaux en 2018 et en 2022, ayant fait apparaître des logements en location, jusqu'alors passés sous le radar. « Ces logements meublés représentent aujourd'hui 96 % du nombre d'hébergements touristiques dans les 34 communes de la collectivité, et plus de 70 % du nombre de lits disponibles. » Des chiffres relativement similaires à ceux de la seule ville d'Annecy (125.600 habitants), qui concentre à elle seule plus de 2.300 logements meublés touristiques (en croissance « de 300 % » en cinq ans selon le maire, François Astorg, interrogé sur BFMTV l'année dernière ), contre 45 hôtels. De même, ces logements représentent, selon l'agglomération, 76 % des lits touristiques, contre 16 % des lits pour l'offre hotellière. « Un manque de marges de manoeuvre » Face à la prédominance de ce type d'hébergement, les élus ont enclenché de premiers leviers. A partir de 2022, la ville d'Annecy a annoncé supprimer toutes les boîtes à clés de la voie publique . De même, un premier règlement local visant à réguler ces logements a été voté en 2018 par la Communauté d'agglomération du Grand Annecy. Suivi d'un second en 2022 , consistant à placer des quotas aux logements secondaires dans 29 communes volontaires. Règlement qui a depuis été attaqué au tribunal de Grenoble , car jugé incompatible avec le champ de compétences de la collectivité. Lire aussi Encadrement d'Airbnb à Annecy : « La réglementation doit respecter les droits des propriétaires » (Carole Steimlé, avocate) Des premières mesures qui ont eu pour effet « non pas de faire disparaître les meublés, mais les faire apparaître légalement », via la déclaration de la taxe de séjour, relève Frédérique Lardet, présidente de la Communauté d'agglomération du Grand Annecy. Les recettes de la taxe sont ainsi passées de 1,8 millions d'euros par an en 2018, à 2,7 millions d'euros en 2020, puis 4 millions d'euros en 2023, notamment du fait de la déclaration de logements par les propriétaires. « Sur ce sujet, la présidente du Grand Annecy, auparavant députée LREM entre 2017 et 2022, estime que l'agglomération « a voulu répondre au plus fort », mais fait désormais face « à un manque de marges de manoeuvre » sur le plan réglementaire. » En effet, la proposition de loi relative à la fiscalité locative, portée par la députée du Finistère Annaïg Le Meur (Renaissance), est pour l'instant arrêtée au stade de la Commission mixte paritaire en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale. Mais elle pourrait reprendre tout prochainement son parcours législatif, espérait cette semaine la députée . Lire aussi Locations Airbnb : comment la fiscalité va encore changer pour les propriétaires de meublés touristiques « Dans les grandes lignes, le texte vise à fixer un nombre maximal de nuitées touristiques, des quotas pour les résidences secondaires, mais aussi obliger à réaliser un diagnostic de performance énergétique (DPE), ou encore remettre à plat la fiscalité des biens. » Des mesures très attendues par les membres de l'ARVVA, qui restent cependant très prudents sur les effets d'une législation nationale. Selon Brigitte Cotter, présidente de l'association : « La mairie a voulu faire passer un règlement Airbnb très courageux pour faire revenir les gens dans la vieille ville. Or les gens ne restent pas car c'est trop difficile d'y vivre : on a une véritable hémorragie des habitants qui s'est accélérée depuis deux ou trois ans. (...) On est face à un pouvoir de l'économie du tourisme qui est énorme et fait vraiment pression sur les décideurs qui considèrent que c'est incontournable ». Qui se partagera le gâteau de la taxe de séjour? Face à ces enjeux, l'agglomération tente pour sa part d'actionner certains leviers, tout en jouant l'équilibriste. L'économie touristique représente en effet un tiers du PIB à l'échelle de la collectivité, qui accueille 60 % des nuitées touristiques en période estivale. D'où l'objectif de « défocaliser » l'activité touristique en parlant « d'autre chose que de la vieille ville et du lac », qui concentrent le plus gros des flux. Et diriger les vacanciers vers d'autres communes ou types d'activités. Pour cela, faut-il limiter, réguler les accès à certaines zones, ou encore étaler les séjours dans l'année ou en dehors des week-end? « On essaye de faire les deux, répond Frédérique Lardet, qui tranche : Nous avons aujourd'hui atteint un seuil qui est arrivé à sa limite acceptable, et au-delà de laquelle il ne faut pas aller. » « Désormais, la question est de savoir quelles actions mettre en place pour ne pas aller au-delà? D'où l'idée de mettre des quotas pour le nombre d'hébergements en résidence secondaire. En revanche, sur les implantations de magasins pour les excursionnistes, on ne peut pas faire grand chose. Mais sur le sport, la montagne, on peut communiquer différemment en montrant la pluralité et la diversité de notre territoire ». » L'agglomération finance à ce titre les actions de l'Office de tourisme, qui ne fait pas de campagne publicitaire et dont la communication (notamment dans son webzine) est très encadrée. Office de tourisme dont le statut a été modifié depuis ce 4 juillet 2024 : d'un Établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), la structure est devenue une Société publique locale (SPL), ce qui permet notamment à la collectivité de répartir autrement les fruits de la taxe de séjour, jusqu'ici dédiés à la promotion du territoire. Désormais, la taxe financera également des politiques publiques liées au tourisme, dont les bus gratuits l'été (lancés en 2021). Tandis que la communauté d'agglomération soutient également la création et l'entretien de pistes, de chemins de randonnée, mais aussi la mise en place d'éco-gardes via une convention cette année avec la Fédération de chasse, ou encore la protection des alpagistes par des fils barbelés, tandis que le bivouac est désormais interdit et passible d'amendes. Le tout, dans l'idée de réguler les usages dans une zone de plus en plus fréquentée. Et dont l'un des défis des collectivités locales consiste encore à documenter avec exactitude la propension des excursionnistes, venus à la journée. Le Grand Annecy vient pour cela de mettre en place l'application « Affluence » au Semnoz, dans le massif des Bauges, afin de mesurer en direct les flux quotidiens de voitures. Avec, pour les vacanciers, la possibilité de consulter en ligne, sur l'application, la disponibilité des places de stationnement. Tout comme le fait déjà la ville d'Annecy pour ses douze parkings urbains. Dans notre série consacrée au surtourisme en Auvergne-Rhône-Alpes L'Auvergne s'outille pour accueillir ses visiteurs tout en préservant ses volcans (1/4) À Chamonix, le paradis de l'alpinisme s'engage dans un jeu d'équilibriste pour réguler sa fréquentation (2/4). **** *source_Le_Figaro *date_2024-05-21 *am_2024-05 *annee_2024 Comment les grandes destinations innovent fa ce au surtourisme Gâcher une vue exceptionnelle sur le mont Fuji. Une aberration. C'est pourtant ce que les autorités du village de Fujikawaguchiko ont trouvé de mieux pour en finir avec des hordes de touristes venant chercher les likes sur Instagram grâce à une image devenue virale : celle d'une supérette Lawson - une chaîne incontournable au Japon - avec en arrière-plan le célèbre mont dans toute sa splendeur. Un drap noir recouvrira l'épicerie. Les habitants excédés devraient retrouver leur calme. Mais c'est un crève-coeur pour ce magasin, qui va perdre tous ses clients, et pour la beauté du paysage. Pendant longtemps, la montée en puissance des voyages a été vécue comme une bénédiction. C'était l'occasion d'engranger des recettes, toujours plus importantes, sans se soucier des à-côtés. C'est fini. Selon l'Organisation mondiale du tourisme, environ 1,5 milliard de personnes ont voyagé dans le monde l'an dernier. Or 95 % des touristes internationaux se rendent sur moins de 5 % de la planète. Un désastre qui menace des joyaux naturels et historiques. Dégradations des lieux, piétinement des sols, déchets jetés n'importe où, fuite et colère des habitants. Sans parler des enjeux de sécurité. À Étretat, la série Lupin sur Netflix a provoqué un cataclysme touristique. En 2022, une touriste indienne s'est tuée en tombant d'une falaise, alors qu'elle tentait de faire un selfie... En France, première destination touristique mondiale, 20 % du territoire s'approprient 80 % de l'activité touristique. Paris n'est pas Barcelone ni Dubrovnik, mais l'affluence à la tour Eiffel ou au Louvre est un sujet d'inquiétude. Soucieux de la vie locale (Dubrovnik et Venise se sont vidées de leur population) et sensibles au mécontentement de leurs électeurs, les pouvoirs publics du monde entier prennent de plus en plus de mesures qui se sophistiquent. La lutte contre Airbnb et les locations saisonnières est devenue la norme. Barcelone a été une des grandes villes pionnières ; New York interdit aujourd'hui la location de moins de trente jours. Mais cela ne s'arrête pas là. Élargissement des horaires d'ouverture des sites, taxe d'entrée, réservation obligatoire, quotas, tarification démentielle... Sans tabou, la traque au surtourisme innove et surprend. C'est le prix à payer pour qu'à moyen terme, un avenir soit possible pour les sites et territoires les plus prisés. Quitte à priver de clients commerçants, hôteliers, restaurateurs, guides et autres acteurs du tourisme. Il s'agit d'accepter quelques sacrifices, pour que la poule aux oeufs d'or vive le plus longtemps possible. « Le surtourisme est l'ennemi mortel du tourisme, affirme Jean-François Rial, président de Voyageurs du monde. C'est un sujet qui remonte à la nuit des temps. Mais il s'est aggravé au moment où les habitants de Barcelone et ceux de Dubrovnik ont réclamé des mesures drastiques pour baisser la fréquentation touristique. Il y a de plus en plus de voyageurs et tous ont tendance à faire un peu la même chose ». Au XIXe siècle déjà, Victor Hugo s'inquiétait du succès de Biarritz : « Déjà on y vient de Madrid, bientôt on y viendra de Paris. Alors Biarritz, ce village si agreste, si rustique et si honnête encore, sera pris du mauvais appétit de l'argent. » Qu'écrirait-il aujourd'hui ? Pour limiter les arrivées de touristes, deux grandes mesures montent en puissance : sélectionner par l'argent, en augmentant les prix ou fixer des quotas, notamment en imposant des réservations. Le Rwanda a mis la barre très haut : il faut payer 1 500 dollars par personne pour voir les gorilles de montagne (200 dollars pour les Rwandais). Cet argent finance pour l'essentiel de la protection des animaux. Il assure aussi leur tranquillité. Venise n'impose pas de quota. Mais depuis fin avril, sa municipalité exige un « péage » aux visiteurs à la journée. Cinq euros par personne, certains jours de haute saison (29 exactement). En 2023, la Cité des doges a échappé de peu à l'inscription au patrimoine mondial en péril. Même le pape tire la sonnette d'alarme. Fin avril, devant 10 000 fidèles réunis place Saint-Marc, le souverain pontife s'est ému dans son homélie du trop-plein de touristes à la Cité des doges : « Venise ne fait qu'un avec les eaux sur lesquelles elle se trouve, et sans le soin et la protection de ce cadre naturel, elle pourrait même cesser d'exister. » Présenté comme une expérimentation, ce nouveau péage pourrait donner des idées à d'autres municipalités. Il suffirait que son prix augmente pour devenir une arme de dissuasion massive. La municipalité de Venise n'a visiblement pas voulu prendre le risque... Au Boutan, le ministère du tourisme imposait une taxe de 200 dollars par nuitée passée dans le pays, avant le Covid. Le royaume bouddhiste cherchant à... faire revenir des touristes, il l'a finalement ramenée à 100 euros. Dans la même veine, aux îles Komodo et Padar en Indonésie, il avait été question de faire passer le ticket d'entrée de 250 000 rupiahs (15 euros) à 3,75 millions de rupiahs (environ 250 euros), afin de protéger les célèbres dragons de Komodo. Un projet finalement abandonné, face à la protestation des petits entrepreneurs vivant de l'activité du parc. Difficile de trouver un juste équilibre. D'autant que la surfréquentation touristique se limite à quelques mois dans l'année, parfois quelques jours. À Porquerolles, le problème est flagrant en juillet et août. Depuis 2021, les arrivées dans l'île sont limitées à 6 000 personnes par jour, alors qu'elles pouvaient aller jusqu'à 12 000 avant. Ce site a fait le choix des quotas, tout comme la calanque de Sugiton près de Marseille. « Tout le monde est content à Porquerolles : les touristes apprécient mieux leur visite, les commerçants, les restaurateurs et les hôteliers travaillent mieux » , déclare François de Canson, président du Comité régional de tourisme (CRT) de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pour le pont de l'Ascension, il y a eu 5 200 visiteurs le samedi, jour le plus fréquenté. Pourtant, accéder à la gare maritime a été très compliqué. « Il n'y a pas eu de surtourisme, insiste l'élu. Mais la fermeture de la route du sel et la grève des bus ont créé des embouteillages. On peut toujours faire mieux. Mais le système de quotas fonctionne. Il y a une volonté très nette ne plus opposer économie et écologie pour préserver ce territoire béni des dieux. » Le Mont-Saint-Michel est un village ouvert à tous : il joue sur plusieurs tableaux en même temps. « Il y a dix à quinze jours critiques dans l'année. L'Ascension est le plus fréquenté, reconnaît Thomas Velter, directeur général de l'établissement public national du Mont-Saint-Michel et administrateur de l'abbaye. Nous anticipons ces journées notamment avec des panneaux sur l'autoroute, dissuadant les gens de venir avant 15 heures, ou bien encore en ouvrant la réservation à l'avance de places de parkings. Mais nous ne pouvons pas interdire l'accès. Les quotas existent à travers les parkings. » Cet hiver, le Mont-Saint-Michel a lancé une campagne de communication dans le métro parisien, avec des photos du site désert, incitant les visiteurs à venir en basse et moyenne saison. « L'hiver, le parking coûte 30 % moins cher que l'été, précise Thomas Velter. D'une manière générale, nous incitons les gens à venir avant 11 heures le matin, ou après 15 heures l'après-midi. Le message commence à passer. Mais lorsque le jeudi de l'Ascension, des croisiéristes et tour-opérateurs font venir 450 personnes par bus à midi, on se dit que la prise de conscience n'est pas générale et qu'il reste du chemin à parcourir. » Sortir des radars, arrêter toute communication. Amsterdam a franchi un cap l'an passé, avec son slogan « Ne venez pas » , lancé à l'intention des jeunes fêtards. La consommation de drogues douces est désormais illégale pour les touristes dans le vieux centre-ville. La ville est un cas d'école : elle est allée très loin dans les initiatives contre le surtourisme. Sa municipalité a décidé de racheter des magasins de souvenirs, des coffee-shops et des restaurants dédiés aux touristes pour les transformer en logements abordables ou en magasin utiles aux habitants. En avril dernier, elle a même dit « non » aux nouveaux hôtels, après être partie en guerre contre les locations saisonnières depuis longtemps. Elle a aussi annoncé une division par deux des croisières fluviales dans les cinq ans. Dans le même esprit, Barcelone a fermé son port le plus proche du centre-ville aux bateaux de croisière. Les autorités ont aussi fait en sorte que la ligne de bus 116 bondée de touristes se rendant au parc Guell n'apparaisse plus sur les applis de localisation et recherche d'itinéraires. Les touristes eux-mêmes se plaignent dès qu'il y a trop de monde. « On avait l'impression d'être à Disneyland, dans le quartier historique de Prague, regrette un Français parti en amoureux dans la capitale tchèque pour l'Ascension. On n'avait qu'une envie, c'était fuir ces hordes. Cela nous a gâché le plaisir jusqu'à ce que l'on trouve des quartiers plus authentiques, sans touristes. » Sortir des sentiers battus. Une réponse évidente au surtourisme. C'est pourtant compliqué. « L'été, il existe des îles grecques des Cyclades où personne ne va, assure Jean-François Rial. Mais c'est plus difficile d'accès que Santorin, Mikonos et Paros, où tout le monde est. Elles sont peu mises en avant dans les guides. D'une manière générale, les gens ne font pas l'effort de voyager à contre-courant. Dans le Cantal, ils se ruent tous au puy Mary, le seul endroit plein de touristes. » En Île-de-France, faire la promotion de la basilique de Saint-Denis ou du château de Fontainebleau ne suffit pas à mieux répartir les flux. Quand ils viennent, surtout la première fois, les touristes se précipitent sur les incontournables parisiens : La Joconde, la tour Eiffel... Les professionnels du tourisme (réceptifs, guides, offices du tourisme, croisiéristes...) doivent faire leur révolution. « Ils ont tendance à faire du tourisme de masse parce qu'il est plus simple à gérer, analyse Jean-François Rial. Remplir un bus de 25 personnes coûte moins cher en transport et c'est plus rentable pour l'agent de voyages local que de faire du transfert individuel. » Voyageurs du monde déconseille désormais d'aller dans la baie d'Along, au Vietnam. Aux États-Unis, le voyagiste haut de gamme propose des voyages dans le Vermont, le Montana, et au Nouveau-Mexique pour découvrir des paysages grandioses, encore peu fréquentés. Le tour-opérateur Asia, spécialiste de l'Asie-Pacifique, ne programme plus les séjours de moins de huit nuits et il ne met plus en avant les city-breaks en long-courrier. « Nous incitons nos voyageurs à combiner plusieurs destinations lors d'un même voyage, précise son PDG, Guillaume Linton. C'est une façon de motiver des départs à contre-courant, avec davantage de temps sur place pour visiter un plus grand nombre de sites ou explorer la périphérie beaucoup moins fréquentée des sites iconiques. » Au Japon, il ne recommande pas la saison de floraison des cerisiers, de fin mars à mi-avril, trop demandée. C'est pourtant la plus belle. Et si bien voyager, c'était désormais se priver de certains musts? M. V. **** *source_Le_Monde *date_2024-07-11 *am_2024-07 *annee_2024 Surtourisme Dans le Dictionnaire des idées reçues que Gustave Flaubert (1821-1880) commence à rédiger à partir des années 1850, le mot « tourisme » ne figure pas. C’est manifestement trop tôt. L’écrivain, qui a parcouru l’Orient pendant trois ans avec son ami Maxime Du Camp (1822-1894), fut pourtant un touriste avant l’heure. Le mot « voyageur », lui, figure bien dans l’abécédaire, avec comme définition : « Toujours intrépide. » Ce qui tisse un lien avec ce que dénonce le journaliste et alpiniste François Carrel, dans son essai Himalaya Business (Paulsen-Guérin, 160 pages, 22 euros). La dernière lubie planétaire – réservée aux plus riches – consiste à ouvrir les vannes du tourisme aux quatorze sommets de 8 000 mètres du massif himalayen. A la question « Pourquoi gravir l’Everest ? » , la réponse de l’alpiniste George Mallory (1886-1924) était « parce qu’il est là » ; celle des « joueurs grimpeurs » d’aujourd’hui est plutôt individualiste : « Parce que je suis là » , constate François Carrel. Ce changement de paradigme marque l’entrée dans l’ère du surtourisme. Cette notion, apparue en 2008, a fait l’objet d’un dépôt légal dix ans plus tard par Skift , la plus grande plate-forme américaine spécialisée de voyage. Surtout, « l’évocation du surtourisme alimente l’historique procès du tourisme de masse », alerte le géographe Rémy Knafou. La dénonciation de l’excès de tourisme est aussi vieille que sa pratique. Pour Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde, agence spécialiste du voyage sur mesure, « le surtourisme entraîne la mort du tourisme » . Il en est aussi la négation, car il ne permet plus la découverte des autres cultures, et pose d’importants problèmes écologiques, de l’érosion des sols à l’approvisionnement en eau. Dans le monde, des lieux uniques comme la tour Eiffel ou le Taj Mahal, ainsi que des espaces naturels, sont devenus difficiles à préserver de la surfréquentation. Et Instagram a démultiplié ces sites : la rue Crémieux, dans le 12e arrondissement de Paris, devenue un hot spot du Paris typique, et, avant cela, la place de l’Estrapade (5e), popularisée par la série Emily in Paris en 2020, ou, encore plus anciennement, l’église Saint-Sulpice (6e), qui était au cœur d’un parcours Da Vinci Code . L’essor des compagnies aériennes à bas coût a également cassé les frontières, rendant accessibles les pays plus reculés, d’où la montée des réactions de rejet de la part des populations locales et la volonté de limiter l’accès à certains lieux par des péages, comme en Suisse au lac de Brienz, ou la mise en place de quotas, comme dans les calanques marseillaises. Nécessaire régulation Attention, toutefois, à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Pour le sociologue Jean Viard, « il n’y a pas assez de touristes. Un milliard et demi de Terriens seulement franchissent une frontière chaque année. Ils étaient 60 millions en 1968, je rêve qu’ils deviennent 3 milliards » , ajoute-t-il, un brin provocateur. Depuis la fin des années 1960, la France a connu une formidable démocratisation du voyage et un essor des échanges culturels. Mais, faute de politique touristique, elle n’a pas su éviter les phénomènes de concentration. Ainsi, 80 % de l’activité touristique se focalise toujours sur 20 % du territoire, dont Paris et la Côte d’Azur. Dans ces conditions, une des clés réside dans la régulation des flux touristiques, notamment grâce aux outils numériques. Pour atteindre l’objectif des 100 millions de touristes dans l’Hexagone voulu par les pouvoirs publics, il faudrait établir une carte numérique du pays. Le numérique permet à la fois la connexion entre les personnes, ce qui est le propre du voyage, et rend possibles la régulation et la réservation. Selon Jean Viard, « le tourisme est devenu la seconde peau du monde. C’est un accélérateur de développement ». De fait, il convient de ne pas confondre tourisme et surtourisme, lequel est défini par trois critères précis : 1) quand l’excès de tourisme nuit à la conservation d’une œuvre ou d’un espace ; 2) lorsque le nombre de touristes vient dégrader la qualité même de la visite ; 3) quand on assiste à des manifestations de rejet par les populations locales, comme récemment aux Canaries ou dans les Cyclades. « Il s’agit d’ailleurs de la principale différence entre Venise et Barcelone, qui est la seule ville où l’on peut parler de surtourisme » , ajoute Rémy Knafou. En vingt ans, Venise est devenue une ville « touristifiée », où la majeure partie des appartements de centre-ville sont loués sur Airbnb. La municipalité ne s’y oppose pas, car elle vit de ce commerce, en prélevant des taxes. A Barcelone, en revanche, où la municipalité souhaite mener une véritable politique du logement, l’immobilier est aux mains du secteur privé qui achète des immeubles pour en faire des appartements touristiques de rapport. D’où les manifestations à répétition de la population catalane. Le géographe nomme les deux grands enjeux du tourisme de demain : « Sa démocratisation et sa décarbonation. » Or, depuis la fin de la pandémie de Covid-19 en 2021, le trafic aérien atteint de nouveau des pics de fréquentation. On n’a pas fini de parler de surtourisme. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-07-23 *am_2024-07 *annee_2024 Surtourisme : l'Auvergne s'outille pour accueillir ses visiteurs tout en préservant ses volcans DOSSIER (1/4). L'Auvergne regorge de sites naturels d'exception, notamment le parc des Volcans, qui attire de nombreux touristes en été. Mais pour que ce tourisme demeure "raisonné" et ne pâtisse pas du regain d'attractivité observé depuis le Covid-19, un certain nombre d'actions ont été mises en place à l'échelle du territoire : restrictions d'accès à certains massifs, création de nouveaux points de vue et de nouvelles aires de bivouac aménagées... Une politique de préservation des espaces naturels et de meilleure répartition des flux qui aura aussi permis l'obtention de reconnaissances majeures pour la chaîne des Puys : le label Grand site de France et l'inscription au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Aujourd'hui, le sommet n'est accessible qu'à pied, via des chemins de randonnée balisés, ou par un train électrique à crémaillère... Il n'est, en effet, plus possible de monter en voiture sur le célèbre puy de Dôme, cela depuis 2010. Voilà le plus bel exemple des actions menées ces dernières années pour préserver au maximum le patrimoine et milieu naturels auvergnats. Car le volcan attire du monde, beaucoup de monde... L'an dernier, 650.000 visiteurs. Un chiffre en hausse constante. 7 millions de touristes ont ainsi pris le train du panoramique des Dômes, depuis sa mise en service il y a 12 ans. Lire aussi Tourisme durable : « L'idée, c'est de repenser la valeur créée pour les clients » (Dominique Kreziak, IAE Savoie Mont Blanc) Cette volonté politique et territoriale, portée par le Département et le Parc naturel régional des Volcans d'Auvergne, a permis l'obtention du label Grand Site de France en 2008 pour le puy de Dôme puis, quelques années plus tard, pour toute la chaîne des Puys et ses 80 volcans. Le site est même classé au Patrimoine mondial de l'Unesco depuis 6 ans. Cette reconnaissance salue les aménagements réalisés et à venir pour concilier préservation des paysages et accueil des visiteurs. « « Avant 2012, 50.000 voitures et 7.000 bus montaient chaque année au sommet du puy de Dôme. Depuis, tous les parkings y ont été supprimés et les espaces revégétalisés. Nous militons pour un tourisme raisonné. Le panoramique des Dômes a une capacité maximum de 400 personnes par voyage », explique Marie-Anne Marchis, vice-présidente en charge du tourisme et du thermalisme au Conseil départemental du Puy-de-Dôme. » Le cratère du puy de Pariou inaccessible Sur le reste de la chaîne des Puys, qui attire chaque année 1,5 million de visiteurs, d'autres mesures spécifiques ont aussi été prises ces derniers mois. Avec l'objectif de concilier tous les usages, mais aussi de protéger la biodiversité et sauvegarder les paysages. Ainsi, le sommet du puy de Côme est complètement interdit aux randonneurs depuis 2002. Quant au puy de Pariou, rendu célèbre par la publicité de Volvic, c'est son cratère qu'il est désormais impossible de fouler depuis deux ans. Une décision, initiée par le Département, qui a été prise à cause notamment de la pression touristique exercée sur ce volcan très prisé des marcheurs. Avec plus de 140.000 visiteurs par an, il est, en effet, le deuxième volcan le plus fréquenté après le puy de Dôme. « « Les sols volcaniques sont sensibles à l'érosion provoquée par les intempéries et par le passage répété des promeneurs. Cela creuse le sol. Au-delà de la préservation des sites, il ne faut pas oublier que ces volcans appartiennent à des propriétaires privés qui mettent en jeu leur responsabilité en cas d'accidents », souligne Eve Alcaide, responsable développement et valorisation au syndicat mixte du Parc naturel régional des Volcans d'Auvergne. » Eviter la sur-fréquentation Les acteurs locaux tentent aussi de s'organiser afin de répartir les visiteurs et d'éviter la sur-fréquentation, surtout en été, sur les sites emblématiques du département. Cinq maisons de site, points d'accueil touristique, informent sur les différentes possibilités qu'offre le territoire. Lire aussi Face au surtourisme, la Corse se lance dans l'achat de flux aériens pour lisser la fréquentation « Nous avons noté une augmentation de la fréquentation depuis le Covid. Les touristes et les habitants du territoire ont eu envie de nature et de grands espaces. Notre stratégie est d'étaler ce tourisme, de faire en sorte que cela ne soit pas concentré uniquement sur certains sites. Il faut que cette activité économique irradie tout le territoire », souligne Marie-Anne Marchis. » Pour cela, le Département réfléchit, avec les acteurs locaux, à aménager l'accès d'autres puys, en rouvrant certains sentiers fermés ou en créant des escaliers... Et puis, il s'est lancé dans la création de 63 belvédères partout sur le territoire, pour offrir des points de vue sur la Chaîne des puys et la faille de Limagne afin de les découvrir sous différents angles. Concilier les activités touristiques et agricoles Dans un autre massif de ce parc naturel régional des Volcans, celui des Monts Dore qui comprend le plus haut sommet, le puy de Sancy, d'autres mesures ont été prises pour préserver l'espace naturel. La communauté de communes du massif du Sancy a, ainsi, décidé de mettre en place des aires de bivouac gratuites pour les randonneurs en itinérance. Cela doit permettre d'éviter les campements sauvages, interdits dans les deux réserves naturelles nationales du territoire, la Vallée de Chaudefour et Chastreix-Sancy. « « Deux premières ont été installées en 2022 et deux autres le sont cette année. Ce sont des espaces délimités pour que les marcheurs puissent planter leurs tentes. La problématique, ici, c'est la préservation de la nature mais aussi la cohabitation avec l'activité agricole », détaille Eve Alcaide. » Impossible de chiffrer le nombre de randonneurs sur ce massif mais ce tourisme n'est, en effet, pas toujours compatible avec les activités pastorales. Il faut donc réussir à faire coïncider les différentes pratiques : randonnée, pêche, trail, alpinisme, parapente... Lire aussi Surtourisme : les Français réclament des quotas « En été, c'est là qu'il y a le plus de fréquentation de touristes, mais c'est aussi là que les Salers ou les Aubrac sont en estives. Or, les sentiers de randonnée passent sur les parcelles d'agriculteurs. Il faut que les randonneurs le comprennent et respectent cette activité professionnelle et les troupeaux. Nous n'avons pas assez communiqué là-dessus, les visiteurs pensent que les volcans sont à tout le monde. Qu'ils sont en quelque sorte un « bien public ». Si les éleveurs sont trop embêtés, ils risquent de fermer l'accès à leurs terrains », explique Eve Alcaide du syndicat mixte du Parc naturel régional des Volcans d'Auvergne. Gardes-nature saisonniers en renfort C'est pourquoi dans le cadre du plan pastoral territorial, une enveloppe est dédiée à la signalétique. L'ambition est de reproduire ce qui est déjà mis en place dans les Pyrénées. Des panneaux vont bientôt être installés dans le massif, afin de rappeler les bonnes pratiques et d'apporter de l'information sur les sentiers. Il sera notamment rappelé que les chiens doivent être tenus en laisse et que la cueillette ou le prélèvement sont interdits... Lire aussi Le tourisme de randonnée, une valeur sûre pour la région Auvergne-Rhône-Alpes Cet été, une douzaine de garde-nature saisonniers viennent également renforcer l'équipe de six permanents afin de sillonner le parc régional. La garde républicaine est aussi mise à contribution avec des patrouilles à cheval. **** *source_Le_Monde *date_2025-03-31 *am_2025-03 *annee_2025 « Clac, clac, clac… », le vacarme de l’ « airbnbisation » C’est une simple recommandation qui a tourné au bad buzz : pour limiter les nuisances sonores, en 2017, la ville de Dubrovnik, en Croatie, invitait ses visiteurs à soulever leurs valises à roulettes dans le vieux centre-ville du XIIe siècle. Très vite, l’invitation, incluse dans son programme « Respect the city » (« respectez la ville »), a viré en une infox dont la municipalité a encore, huit ans plus tard, le plus grand mal à se débarrasser, malgré les démentis du maire. La rumeur court donc désormais que la cité, berceau du tournage de la série Game of Thrones , interdirait la valise à roulettes. Pis, cet arrêté serait assorti d’une amende dans le cas d’un non-respect. « Jamais nous n’avons eu l’intention de punir ,déplore au téléphone Doris Alavija, de l’office du tourisme, qui craint toujours les annulations. Nous demandons juste de ne pas faire rouler les valises tôt le matin et le soir. » Avec 1,3 million de visiteurs en 2024, Dubrovnik souffre, à l’instar de Barcelone ou de Venise, des effets des bagages sur roues. « C’est un incessant orage qui gronde. Il amène pire que la peste » , se désespère la Vénitienne Petra Reski, autrice de Venise n’est pas à vendre (Arthaud, 2023). A Paris, Christine Blanc vit, depuis les années 1970, rue Montorgueil, en bordure des Halles. Elle regrette que ce son sans âme ait remplacé, au petit matin celui, pittoresque, des livreurs de poisson et de légumes… A Annecy (Haute-Savoie), Victor Thévenot, employé dans un hôtel, enrage de voir la commune rongée par la location saisonnière. Il accuse celle-ci d’attirer « en pleine nuit les [passagers] des low cost du Paris-Genève, qui débarquent avec les FlixBus ». « Ils déversent des centaines de valises dans nos rues et immeubles, dont le mien. » Et de nous envoyer sur WhatsApp le son de ces valises enregistré dans une rue pendant quelques minutes : un concert de clacs mitrailleurs. « C’est une nouvelle source sonore , reconnaît Justine Monnereau, responsable du pôle de communication au Centre d’information sur le bruit. Mais elle ne représente pas un danger pour l’oreille, contrairement à celles provenant d’une activité industrielle ou professionnelle, pour lesquelles des constats sonores sont menés afin de répondre à des réglementations. Néanmoins, elle peut se révéler être une gêne en termes de durée, de fréquence et d’intensité, jusqu’à perturber la tranquillité. » Dans la guerre que mènent les villes et leurs habitants contre l’« airbnbisation », les quatre petites roues (parfois deux, aussi, mais de moins en moins)matérialisent ce fléau, au point de devenir un bouc émissaire. Pour démontrer les ravages que cause le surtourisme, de nombreux reportages montrent ces images de roues tapageuses dans les vieilles ruelles et les cages d’escalier. A Berlin, en 2014, sur les murs de l’arrondissement de Friedrichshain-Kreuzberg, des tags exhortent « No more rollkoffer » (« plus de valises à roulettes »). En 2016, à Amsterdam, dans le quartier pavé de Bickersgracht, une silhouette tirant une valise apparaît sur les panneaux municipaux d’interdiction de circulation. Un détournement signé par des habitants, « afin , justifiaient-ils au journal télévisé, de venir à bout de ces engins bruyants qui, nuit et jour, rejoignent l’aéroport ou en reviennent » . En 2023, à Lucerne, en Suisse, le député socialiste helvète David Roth propose de les bannir de la voie publique. « C’est une provocation, nous explique l’élu de ce canton, dont la capitale, Lucerne, avec 85 000 habitants, a atteint un record de nuitées de plus de 1 million cette année-là. Mon objectif est de sensibiliser les autorités sur ces locations de courte durée, qui menacent le logement et encouragent la transformation des commerces de proximité en boutiques à souvenirs, plus rentables. » Même inquiétude chez l’adjointe au logement de La Rochelle, Marie Nédellec, qui accuse le « syndrome de la valise à roulettes » d’avoir, en deux ans, fait exploser de 175 % les meublés touristiques dans sa commune. Pour défendre sa proposition sur la limitation des locations saisonnières, la sénatrice de Paris Antoinette Guhl (Les Ecologistes) souligne « le bal des valises à roulettes qui détruisent le quotidien des Parisiens » . Voire abîment le rapport aux autres : c’est « le symptôme d’un individualisme sans gêne et triomphant » , écrivait, en août 2024, dans une chronique, la journaliste du Point Violaine de Montclos. Habitant de Seine-Saint-Denis, Hervé Gaillaguet leur balance carrément des coups de pied quand elles croisent son chemin : « Les gens ont intégré cette valise comme un prolongement de leurs corps avec lequel ils vous barrent la route, vous font trébucher » , plaide-t-il . Pour la secrétaire de l’association italienne Progetto Firenze (« projet Florence », association de résidents qui racontent leur quotidien dans une ville transformée par le tourisme), Grazia Galli, « c’est le symbole d’un voyageur frénétique, chargé d’hyperconnexions avec le monde virtuel, pressé par la nécessité de concentrer toutes les expériences pour les partager sur les réseaux sociaux. Il n’a aucun intérêt à vivre réellement l’expérience » . Tout avait pourtant bien commencé pour ce bagage devant lequel l’écrivain Umberto Eco (1932-2016), dans Comment voyager avec un saumon (Grasset, 1998) , s’émerveille : « Il y a quelques années, est apparue sur le marché la valise à roulettes, avec poignée rétractable (…) . Il s’agissait donc d’une merveilleuse invention et moi, voyageur compulsif, j’en ai aussitôt acheté une ». Sa paternité revient à un bagagiste américain, Bernard Sadow, qui brevette en 1972 auprès de l’United States Patent and Trademark Office (Bureau américain des brevets et des marques)un sac tiré par une tige et deux roues. En 1987, le pilote américain Robert Plath rajuste cette version bancale et met au point la valise debout équipée d’une poignée télescopique et de deux roulettes. Une libération, notamment pour la femme, qui pouvait avoir besoin de l’aide d’un homme pour soulever sa lourde valise à poignée. Sophie, 62 ans, se souvient de cette découverte lors de son voyage en bus, en Californie, en 1984. « J’ai débarqué aux Etats-Unis avec une valise à anse. Quelle plaie pour me déplacer ! Une fois équipée de ce révolutionnaire sac à roues, c’était comme voyager les mains dans les poches. » Une révolution qui, selon le sociologue spécialiste du tourisme Jean-Didier Urbain, « a conféré l’autonomie au voyageur. Quels que soient sa force et son âge, il peut désormais traverser toute une ville » . Un ancien dirigeant du bagagiste français Delsey poursuit : « La valise trolley va accompagner la popularisation des déplacements touristiques pour devenir, dans les années 1990, le compagnon du voyageur. » Ce dernier, ainsi allégé, part moins loin et moins longtemps, mais plus souvent et pour moins cher. « Ces cabines roulantes ont participé à la montée en puissance des courts séjours » , estime M. Urbain, auteur de L’Idiot du voyage. Histoires de touristes (Payot, 1991). C’est « la valise cabine [qui] a donné naissance au low cost , certifie l’ex-responsable de chez Delsey. La demande pour [les compagnies à bas coûts] a, elle, popularisé le bagage à roulettes. » Et celui-ci d’être maintenant taxé par ces mêmes compagnies, qui, chacune, imposent leurs propres dimensions. Le centimètre surnuméraire valant surtaxe salée. Dans son salon, où il nous reçoit, le géographe Rémy Knafou rappelle un passage de son ouvrage Tourismes 1. Lieux communs (Belin, 2008) : « Dans les années 1930, il arrivait que les premiers touristes se déguisent en Arabes pour s’aventurer dans la médina, sans, du reste, tromper personne. Aujourd’hui, ils tirent leurs valises à roulettes sur les pavés (…) de la médina. » Sans plus chercher à se dissimuler. Cela accroît le sentiment que, depuis, ils ont envahi le lieu, jusqu’à en chasser ses résidents : « Les valises à roulettes incarnent une emprise sur nos villes. Une ville qui n’est plus celle des voisins, mais des touristes » , dénonce Antoinette Guhl. « Il n’existe aucun recoin de la ville, aucun moment de la journée où l’on ne la voit pas, où l’on n’entend pas son vacarme, où l’on ne doit pas lui faire de la place » , regrette Grazia Galli, autrice de La Filosofia del trolley (« la philosophie du chariot », Carmignani, 2019, non traduit). « Ce sac, c’est l’image d’un système qui a dérapé , estime Véronique Deschamps, dont le combat a mené à l’interdiction de la location de courte durée dans sa résidence à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). “Soyez partout chez vous” , dit un slogan d’Airbnb. C’est aberrant : quand on voyage, on n’est pas chez nous, et on ne vit pas à la place de l’autre. C’est aussi le bruit de l’indifférence : les propriétaires [de ces valises] ne nous saluent jamais quand on les croise dans l’immeuble, ne soulèvent jamais leurs sacs dans les cours pavées et les escaliers. » L’Allemand Johannes Novy, chercheur à l’université de Westminster, à Londres, spécialiste du tourisme urbain, contextualise cette détestation : « Dans ce cadre, [ces valises] sont la représentation d’angoisses liées aux mutations urbaines : gentrification, déplacement des populations locales, perte d’ancrage… Mais la rollkoffer [en référence au tag berlinois] , c’est aussi la liberté et les opportunités. » L’urbaniste allemand Christoph Sommer nuance : « C’est aussi l’équipement de celui qui tout simplement rend visite à un proche, de l’étudiant en Erasmus, de l’enfant de divorcés en alternance, de la femme d’affaires en déplacement. » L’ancien dirigeant de Delsey parle, lui, de méprise : « On aurait pu tout aussi bien prendre comme symbole les boîtes à clés. Quant à l’attitude non respectueuse de leurs propriétaires, c’est comme le téléphone : en public, il y a ceux qui parlent fort et ceux qui sont discrets. » Pour Marie Nédellec, « il ne s’agit pas d’en finir avec le son produit par ces roues, mais de s’attaquer au problème du logement consacré à la location touristique. Une fois résolu, on entendra moins ce bruit ». Dans un clin d’œil, M. Sommer, coauteur de Tourism and Everyday Life in the Contemporary City (« tourisme et vie quotidienne dans la ville contemporaine », Routledge, 2019, non traduit), rappelle que l’ « on est tous, à un moment, touriste ». « Pas moi » , s’insurge Lucille, kiné à Paris, qui, comme Laurence, cadre dans l’industrie en banlieue parisienne, et Tom, enseignant à Metz, s’autoproclame voyageuse, en opposition aux touristes qui, selon elle, ne font que passer en coup de vent. En guise de manifeste, ces derniers, qui n’ont pas souhaité donner leur nom, ont définitivement troqué l’équipement à roues contre le sac à dos. « Celui-ci revient en force » , note Yannick Morat, à la tête du savoyard Ekosport, qui, avec sa première boutique parisienne et ses 30 marques de bagages souples, pliables, à dos, aux roues rétractables, « s’adresse davantage au voyageur » . Quant au honteux de la roulette, il peut opter, comme le propose Delsey, pour un harnais dans lequel il glissera sa valise pour la porter sur le dos. Pas sûr que ce soit la bonne solution pour délester le surtourisme. **** *source_Le_Monde *date_2025-05-05 *am_2025-05 *annee_2025 Le Groenland veut éviter le surtourisme Nuuk - envoyée spéciale - Assis dans son salon, à la lisière de Nuuk, la capitale groenlandaise, ce jour de mars, Casper Frank Moller a les yeux qui brillent quand il parle de son entreprise. Né au Groenland, il a grandi au Danemark, avant de revenir à Nuuk, en 2024, un master en innovation et entrepreneuriat en poche. Juste avant l’été, il y a créé une petite compagnie de tourisme, avec deux copains. De la pêche à la mouche à l’observation des baleines, en passant par la découverte des fjords, Raw Arctic propose des expériences personnalisées conçues pour des touristes aisés. Le succès a été immédiat. Aujourd’hui, la start-up emploie 14 personnes. « Nous sommes probablement une des compagnies qui a crû le plus vite en 2024 » , dit fièrement le jeune patron de 27 ans. Pour Casper Frank Moller, pas de doute : le tourisme est « l’avenir » du Groenland. Il ne cesse de le répéter, même s’il admet que l’idée a encore un peu de mal à faire son chemin sur l’île, grande comme quatre fois la France et dont l’économie dépend encore largement de la pêche, qui représente plus de 90 % de ses exportations. Une aberration, selon le PDG, qui critique l’impact sur l’environnement d’une activité qu’il juge peu durable, alors que, déjà, le réchauffement climatique, quatre fois plus rapide au Groenland que dans le reste du monde, tarit les stocks. Lui promeut « un tourisme de qualité, pas de quantité » . Il n’est pas le seul. Alors que le Groenland et ses 56 500 habitants s’apprêtent à accueillir un nombre record de visiteurs cette année, le territoire autonome danois veut faire du tourisme un des piliers de son développement économique, pour servir à terme de plateforme à ses aspirations indépendantistes, tout en évitant le piège du surtourisme, qui risquerait de ternir ses atouts : des paysages à couper le souffle, une nature vierge, et « le silence absolu » , ajoute le capitaine Erik Palo Jacobsen, patron de la petite société Arctic Boat Charter. Manque d’infrastructure Pour le moment, les arrivées sont encore modestes. En 2023, 130 000 touristes étrangers se sont rendus au Groenland. Certes, le chiffre est en hausse de 46 % par rapport à 2019, avant la pandémie de Covid-19. Mais il reste dérisoire, comparativement, par exemple, aux 2,2 millions de personnes qui ont visité l’Islande voisine, la même année. Le manque d’infrastructure en est largement responsable. Jusqu’à présent, seules deux compagnies aériennes desservaient l’île : Air Greenland, au départ de Copenhague, avec une escale à Kangerlussuaq, et Icelandair depuis Reykjavik. L’inauguration d’un nouvel aéroport, à Nuuk, le 28 novembre 2024, avec une piste d’atterrissage de 2 200 mètres, contre 950 mètres pour le précédent, ouvre de nouvelles possibilités. A partir du 14 juin, la compagnie United Airlines assurera deux vols par semaine, entre l’aéroport américain de Newark (New Jersey) et la capitale groenlandaise. Scandinavian Airlines proposera trois vols hebdomadaires au départ de Copenhague, à compter du 27 juin. Par ailleurs, l’aéroport d’Ilulissat, une des principales attractions touristiques du Groenland avec son fjord classé au Patrimoine de l’Unesco, est en train d’être rénové, tandis qu’un nouvel aéroport ouvrira ses portes à Qaqortoq, dans le sud de l’île, en 2026. Le potentiel est énorme, d’autant que l’île a profité d’une attention inespérée, depuis le début de l’année, se retrouvant bien malgré elle sous les projecteurs, à la suite des déclarations incessantes de Donald Trump et de la visite de son fils, Don Jr, le 7 janvier, puis de son vice-président, J. D. Vance, le 28 mars. « Jamais nous n’avions vu autant de journalistes étrangers que ces trois derniers mois » , raille Jorgen Bay-Kastrup, le directeur de l’Hôtel Hans Egede, une institution à Nuuk. Résultat : selon une enquête réalisée par l’office du tourisme du Groenland et publiée le 3 mars, 75 % des entreprises du secteur ont constaté une hausse des réservations. Les objectifs fixés par le gouvernement sont ambitieux. D’ici à 2035, le tourisme doit représenter 40 % de la valeur des exportations de l’île (en 2023, celles-ci étaient de 6 milliards de couronnes danoises, soit 800 millions d’euros) et employer 2 000 personnes, contre un millier aujourd’hui. Pour y parvenir, le nombre d’arrivées va devoir doubler. Cela requiert d’énormes investissements, notamment pour accroître les capacités d’hébergement. Il va aussi falloir embaucher : ces dernières années, le manque de main-d’œuvre a été comblé par l’arrivée de plus de 1 600 travailleurs asiatiques, employés dans les hôtels et les restaurants de l’île. Mais si le Groenland veut attirer les visiteurs, il semble bien déterminé à éviter le surtourisme, partout en expansion et aujourd’hui remis en cause dans le monde entier. Chercheuse à l’université d’Aalborg, au Danemark, Carina Ren, spécialiste du tourisme en Arctique, y voit « un changement de paradigme » . « Alors que les premières tentatives de développer le secteur, il y a dix ans, étaient très largement fondées sur la perspective du volume, avec la construction d’infrastructures, comme les nouveaux aéroports, et la baisse des prix, en supprimant, par exemple, la taxe de séjour, l’idée d’accroître le tourisme a été remplacée, ces cinq ou six dernières années, par celle de faire du meilleur tourisme » , explique-t-elle. « Tourisme d’aventure » Cette idée s’est concrétisée en novembre 2024, avec l’adoption d’une loi visant à réguler l’activité des tour-opérateurs. Pour exercer une activité au Groenland, ceux-ci doivent désormais obtenir une licence, qui exige qu’ils suivent un certain nombre de règles de sécurité, mais aussi que les deux tiers du capital de la société soient détenus par des personnes installées au Groenland. Par ailleurs, la loi donne la possibilité aux communes d’établir des zones, en mer ou sur terre, plus ou moins accessibles aux compagnies de tourisme. « La stratégie, adoptée par le gouvernement, met l’accent sur le tourisme d’aventure, et non sur le tourisme de masse, et sur le développement durable » , précise Naaja Nathanielsen, ministre de l’économie et du commerce depuis 2021, renouvelée dans ses fonctions le 29 mars. Le but est de « faire en sorte que le tourisme profite à tout le Groenland et à tous les Groenlandais » , explique Mme Ren, qui y voit une « initiative audacieuse » , dans un contexte où de « nombreuses destinations dans le monde ou en Europe se demandent comment réagir face à la surfréquentation touristique » . Capitaine au long cours, qui propose, depuis 2008, des excursions en mer, à bord de son bateau M/S Sterna , où il emmène souvent des scientifiques, quand il ne transporte pas des sommités étrangères, Erik Palo Jacobsen soutient la loi. Se qualifiant d’ « idéaliste » , ce conteur de talent, âgé d’une soixantaine d’années, prône un tourisme respectueux de l’environnement, alors qu’il constate l’impact du changement climatique : « Les glaciers fondent, la météo et le comportement des animaux sont de plus en plus imprévisibles. » Si lui aussi pense que le tourisme est l’avenir du Groenland, il met en garde : « Nous n’avons pas besoin de nous précipiter. Dans l’Arctique, tout pousse doucement, mais résiste » , dit-il. Erik Palo Jacobsen est particulièrement en colère contre les bateaux de croisière, qui voguent dans les fjords et envahissent les petits villages. En 2023, le nombre de croisiéristes à débarquer sur l’île a augmenté de 73 %, donnant lieu à des situations ubuesques, comme le 5 août, quand deux paquebots ont accosté en même temps à Qaqortoq, déversant plus de 4 200 touristes, dans cette ville de 3 000 habitants. En septembre 2023, l’ Ocean Explorer , un bateau de croisière de luxe, comptant 206 passagers et membres d’équipage, a dû être renfloué, après s’être échoué dans l’Alpefjord, dans le parc national du nord-est du Groenland, où il est resté coincé trois jours. Ce tourisme de masse rapporte peu au territoire autonome. Alors que les visiteurs arrivés en avion dépensent en moyenne 19 150 couronnes danoises pour un voyage au Groenland, les croisiéristes n’y laissent qu’un peu plus de 2 000 couronnes. Le 25 juillet 2024, à Ilulissat, plusieurs compagnies de tourisme locales ont bloqué le port, pour protester contre les navires de croisière, accusés de n’utiliser que des tour-opérateurs étrangers et leurs propres guides. La réforme de novembre 2024 est une manière d’y répondre. Mais elle ne fait pas l’unanimité. En amont du vote, elle a été très critiquée par les plus gros voyagistes, dont les capitaux proviennent en général du Danemark. Or, la nouvelle loi impose que les deux tiers des financements soient locaux. Patron de l’Association des entreprises groenlandaises, Christian Keldsen dénonce une « nationalisation » du secteur. « Cela pourrait être acceptable s’il y avait des investisseurs au Groenland, ou du chômage. Mais ce n’est pas le cas » , défend-il. Pour Jorgen Bay-Kastrup, « c’est se défendre de la mauvaise façon » . « Pour que le tourisme se développe, il faut des investisseurs prêts à prendre des risques et les petits voyagistes locaux ne peuvent pas investir, parce que la banque ne financera pas un prêt pour une activité aussi risquée » , estime le directeur de l’Hôtel Hans Egede. L’accès aux capitaux est compliqué, reconnaît le patron de Raw Arctic, Casper Frank Moller : « Il faut de l’argent pour démarrer, surtout quand vous proposez des excursions, dans un pays où il n’y a pas de routes, et qu’il faut prendre le bateau. » Lui et ses amis ont eu de la chance : un riche Groenlandais, ayant fait fortune dans la pêche à la crevette, leur a avancé une partie des 200 000 euros nécessaires pour l’achat d’une embarcation. Le reste a été financé par l’agence publique d’investissement Nalik Ventures. « La courbe d’apprentissage risque d’être raide » , admet le directeur de l’agence, Thomas « Tyt » Mogensen. Mais le Groenland, en comparaison avec d’autres destinations dans l’Arctique, comme l’Islande, dispose d’un avantage, estime-t-il : « Nous avons encore la possibilité de choisir quelle sorte de tourisme nous voulons développer. » Avec une ambition : mettre au point un modèle de tourisme responsable, capable de générer des revenus pour l’île et ses habitants, tout en évitant ses effets les plus néfastes. PLEIN CADRE. **** *source_Libération *date_2024-07-10 *am_2024-07 *annee_2024 Monde Les Canaries épuisées par «le dieu Tourisme» Monde Le mouvement contre le tourisme de masse s’amplifie en Espagne, deuxième pays le plus visité au monde. Dans l’archipel des Canaries, la colère est nourrie par la pénurie de logements, les bas salaires et les menaces sur l’environnement. I l y a quelque chose d’émouvant chez Lidia Cruz, cheveux châtain frisés, institutrice quinquagénaire pleine d’énergie au sourire désarmant. Son tee-shirt vert dit «Guanarteme, en risque d’extinction». Le slogan est auréolé du dessin d’une sorte de surhomme barbu à la longue chevelure : un certain Tenesor Semidán, alias Fernando Guanarteme, dernier roi indigène des Canaries, mort en 1496 peu avant la colonisation de l’archipel par les Espagnols. Guanarteme, c’est aussi le quartier populaire où elle vit depuis un demi-siècle, au numéro 17 de la rue Luchana, une maison modeste à l’ancienne, avec sa mère et ses deux filles. A une encablure de là, elle désigne deux édifices flambant neufs de 12 et 17 étages, et un chantier gigantesque qui a coupé la rue en deux pour y édifier un complexe hôtelier. Les pelleteuses y bataillent contre des remontées d’eau du sous-sol. «Vous croyez qu’on aurait été consultés pour ces folies démesurées ? C’était un quartier tranquille, d’ouvriers, avec ses garages, ses ateliers et sa fabrique de tabac. Et aujourd’hui ces monstres de béton, et le bruit, et les camions, et la fatigue nerveuse. Dans ce nouveau chantier, le 35 m2 y est annoncé à au moins 900 euros. Qui peut s’offrir cela ici ? interroge-t-elle. Personne. Les gens partent vers la périphérie insalubre, les jeunes en premier. Le tissu social est mort, je ne reconnais plus personne. Moi, une Canarienne de génération en génération ! Spéculateurs, constructeurs, politiques, ils ont réussi à faire que je me sente comme ça, mes filles Xiomara et Idaira aussi. Ou bien on arrête cela, ou je ne sais pas quoi vous dire…» Son sourire s’éteint, puis brille de nouveau lorsqu’elle évoque la mobilisation du 20 avril. Celle du «Trop, c’est trop». Des dizaines de milliers de Canariens répandus dans tout Las Palmas – la capitale de l’île de Grande Canarie –, plus de 200 000 dans tout l’archipel (soit 10 % de la population), pour pousser une clameur contre la massification du tourisme. «Les Canaries s’épuisent», «Mon immeuble n’est pas un hôtel», «Ici des gens vivent», «Ce n’est pas du tourisme, c’est une colonisation», «Et nous, où allons-nous partir ?» Les slogans visent tous les problèmes : le logement de plus en plus cher, les espaces naturels envahis, les infrastructures qui craquent, les ressources naturelles qui s’épuisent… «Cette mobilisation est historique, elle sonne le réveil des consciences longtemps amorphes. Les gens n’en peuvent plus car tout est désormais rentabilisable, au plus offrant. Comme s’il fallait se prosterner devant le dieu Tourisme», lâche Enrique Reina, croisé place d’Espagne où de grandes figures de pierre représentent les activités primaires de l’archipel. Le jeune homme au bouc brun, membre du collectif «Taneckra» («indépendance» en langue berbère) revendique un orgueil local et dénonce une sensation d’étouffement. La situation de ce professeur d’histoire au chômage résume bien la schizophrénie de cette région espagnole perdue dans l’océan Atlantique. Dans sa demeure familiale vivent son père magasinier, sa mère malade d’un cancer et en arrêt maladie, et un frère accompagnateur de bus scolaires. «Chaque mois, tous ensemble, notre revenu atteint à peine les 1 000 euros. Comment on fait alors qu’un 30 m2 coûte 1 300 euros, effet de l’invasion touristique et de la gentrification ?» Haute saison permanente En Espagne, deuxième destination touristique du monde derrière la France mais devant la Chine ou les Etats-Unis (85 millions de visiteurs en 2023, au moins 90 millions prévus cette année), cette massification fait des dégâts dans plusieurs territoires sensibles : Barcelone, Malaga, Madrid, îles Baléares… Mais nulle part autant que dans l’archipel canarien, aux ressources très limitées. Ici, le déséquilibre est vertigineux : 16,2 millions de touristes l’an dernier pour 2,2 millions d’habitants. Et la haute saison permanente, en raison du climat africain et ses alizés bienfaiteurs, attire Européens l’hiver et péninsulaires l’été. Véritable poule aux oeufs d’or, le tourisme pèse 35,5 % du PIB régional, 40 % de l’emploi et 30 % des recettes fiscales. Sur la seule île de Grande Canarie, il a rapporté 22 milliards d’euros en 2023, en hausse de 12 % en un an. Mais le Canarien ordinaire, lui, ne s’y retrouve pas, avec des salaires parmi les plus bas du pays (entre 900 et 1 200 euros en moyenne) et 34 % de la population en risque d’exclusion. Benayga, 30 ans, une des organisatrices de la manifestation monstre du 20 avril, y voit une forme de continuité historique. «Mes parents, oncles, grands-pères et arrière-grands-pères, tous ont travaillé comme employés sans aucun droit pour des patrons, ou bien ils ont émigré au Venezuela, ou en Espagne continentale. Nous les jeunes, aujourd’hui, on doit choisir entre émigrer ou se contenter de jobs sans qualification et mal payés dans un hôtel ou un restaurant. On n’a pas cessé de porter des plateaux pour les puissants. Océan Atlantique ÎLES CANARIES Grande 200 On n’a pas cessé d’être des esclaves. Va-t-on rompre avec cette fatalité coloniale ? C’est ça qui en est jeu aujourd’hui», assène cette infirmière. De l’avis général, le surtourisme aiguise principalement le drame du logement et de l’espace disponible. A Grande Canarie, île dont la moitié du territoire, notamment les espaces protégés et inscrits au Patrimoine mondial, est inconstructible, la densité – 548 habitants au km2 – dépasse celle du Japon. Dans ce contexte déjà surchargé, chaque nouvelle vague de touristes – ou, plus récemment, de «digital nomads» venus télétravailler au soleil – accentue les ravages sur le marché résidentiel. «Il y a un effondrement général, avec des dizaines de projets hôteliers et touristiques en cours», dénonce le documentariste Felipe Ravina. Si la crise du tourisme explose aujourd’hui, c’est précisément parce que les logements à destination des vacanciers se multiplient comme des petits pains, de manière visiblement incontrôlée. «Dans l’archipel, on est passé de 5 000 à 54 000 logements de ce type en quelques années seulement», pointe Eugenio Reyes, de l’organisation Ecologistes en action. Depuis fin 2022, leur nombre a augmenté de près de 40 %, selon les chiffres du gouvernement PORTUGAL ESPAGNE MAROC régional. A tel point que les Canaries comptent désormais davantage de lits dans des appartements touristiques (plus de 261 000) que dans les hôtels (environ 256 000). «Le tourisme a 100 ans aux Canaries et il n’y avait jamais eu, avant, de problème majeur, complète Eugenio Reyes. Le conflit a surgi avec l’irruption de fonds spéculatifs qui transforment ou construisent des milliers de logements de 20 à 30 m2. Lesquels, vu leur superficie et leur prix, sont uniquement destinés aux touristes, et pas aux résidents. Il faut absolument mettre des limites.» Poser des limites : le diagnostic est désormais largement partagé. «Continuer à mesurer le succès du tourisme en termes quantitatifs est une irresponsabilité», lance José Luis ALGÉRIE Canarie MALI km Zorelda, d’Exceltur, l’association des 30 plus grandes entreprises du secteur. Même Jorge Marichal, le tout-puissant président d’Ashotel, qui regroupe l’essentiel des logements touristiques, reconnaît qu’il faut y mettre un frein. «En plus, c’est se tirer une balle dans le pied, estime un hôtelier de la longue plage de Las Canteras, à Las Palmas. Si les concentrations de visiteurs sont telles que les Canariens n’ont plus droit de cité, dites-moi quel est l’intérêt de venir ici, sans gastronomie, sans artisanat, sans art de vivre local ?» Une liste à laquelle le documentariste Felipe Ravina ajoute la préservation du patrimoine naturel, lui aussi sous pression. «Il est incompréhensible que les touristes ne dépensent pas 1 euro pour la biodiversité, si fragile ici, et sa conversation», déplore-t-il. Sans diversification, «la mort assurée» Les autorités politiques semblent, elles aussi, avoir pris conscience du péril que constitue le sentiment généralisé de mal-être et de colère. Le gouvernement régional, gouverné par la droite, prépare ainsi un projet de loi pour limiter les usages touristiques. «La difficulté, c’est que ce type d’appartements s’infiltre partout, parfois en marge de la légalité, se défend le ministre adjoint au Tourisme, José Manuel Sanabria. Les mairies doivent exercer ce rôle de contrôle. Or, à Grande Canarie, il n’y a que deux communes qui appliquent des restrictions.» Dans le quartier colonial de Las Palmas, où trône le palais qui héberge l’organe de gouvernement de l’île, son président, le «cabildo» Antonio Morales, du parti régionaliste de gauche Nuevas Canarias, ne botte pas en touche face au «problème crucial» posé par le surtourisme et ses conséquences sociales. «Ça fait vingt ans que l’exécutif régional n’a pas construit de logements sociaux. Si on ne régule pas le secteur, on va vers le pire. Par ailleurs, et nous avons commencé à le faire à Grande Canarie avec l’audiovisuel, le numérique ou l’aquaculture, il faut absolument diversifier l’économie. Mettre toutes ses billes dans le même panier touristique, c’est la mort assurée.» Sortir de la monoculture touristique, si rentable que l’archipel y a longtemps lié son sort et sa pros- périté, n’est toutefois pas chose aisée. D’autant que parfois, la loi s’en mêle, comme dans les «zones touristiques» établies dans les meilleurs lieux, le long des plus belles plages de l’archipel. Comme à la pointe sud de Grande Canarie, où les dunes de Maspalomas et la Playa del Inglès ressemblent à un gigantesque et luxueux complexe hôtelier muni de parcs aquatiques et de casinos. Tout le continent européen prospère semble y être réuni, et on peine à y détecter un Canarien qui ne soit pas serveur ou réceptionniste. Depuis 2013, une loi oblige tous les propriétaires locaux d’un appartement situé dans cette vaste zone à le louer à un visiteur, via un «exploitant touristique». A l’ombre d’une palmeraie de Bahia Feliz, Maribe Doreste, qui préside un collectif de Canariens affectés par cette loi, détaille dans une colère froide : «On nous oblige à louer pour une misère à des touristes via des sociétés allemandes ou norvégiennes. Et depuis l’an dernier, on reçoit des amendes de 2 300 euros si on ne loue pas nos résidences secondaires voire, dans certains cas comme le mien, notre résidence principale !» Dans le nord-ouest de l’île, dans la jolie localité de Galdar, bien plus authentique, Victor Suarez, membre d’un collectif qui lutte contre une centrale électrique géante, exprime son désenchantement : «Pendant longtemps, on nous disait “Soyez aimables avec les touristes”, et on n’a rien contre eux ! Mais sur mon île, je ne suis plus chez moi. Un logement touristique m’a viré de mon appart de la Playa del Agujero. Et quand je vais au Roque Nublo, l’un des plus grands rochers du monde situé au centre de Grande Canarie, c’est le Machu Picchu…»• surtourisme : des manifs à Barcelone et Malaga Des pistolets à eau pour arroser les visiteurs «indésirables» : des milliers de personnes ont défilé contre le surtourisme, samedi 30 juin dans les villes espagnoles de Malaga et Cadix, puis samedi 6 juillet à Barcelone. Les manifestants dénoncent principalement l’effet du tourisme de masse sur le prix du logement (les loyers ont augmenté de 68 % au cours de la dernière décennie, selon la mairie de Barcelone), mais aussi ses conséquences délétères sur les commerces locaux, l’environnement ou les conditions de travail des employés. La capitale de la Catalogne a accueilli l’année dernière plus de 12 millions de touristes. Pour faciliter l’accès au logement des habitants, la mairie de Barcelone a récemment annoncé vouloir mettre un terme à la location de tous les «appartements touristiques» d’ici à 2029. En Espagne, la province de Malaga est celle qui compte le plus grand nombre de ces logements à usage des visiteurs : 39 000, dont 6 500 dans la ville même, selon l’Institut national des statistiques. **** *source_Libération *date_2024-08-26 *am_2024-08 *annee_2024 Le surtourisme est une colonisation des lieux autre Dans son ouvrage «Dévorer le monde. Voyage, capitalisme et domination», l'anthropologue revient sur notre rapport à l'ailleurs ainsi que sur les conséquences économiques, écologiques et sociales du tourisme. A ude Vidal l'assume, elle est une grande voyageuse. Pour son travail bien sûr, mais aussi pour son plaisir personnel. Des temples de Kyoto aux îles indonésiennes, en passant par Amsterdam ou Portland, l'anthropologue a arpenté le monde de manière avide. A priori surprenant pour une autrice qui martèle, dans son nouvel ouvrage, que le tourisme contribue à l'accroissement des inégalités économiques et la destruction des environnements. Mais l'autrice assure ne pas chercher à y juger les voyageurs et leur vertu, ni à faire une critique aveugle du surtourisme. Mais à se poser la question de la place et de l'impact de cette activité dans notre éco - nomie et à montrer comme les touristes laissent leur empreinte culturelle, parfois néfaste, sur les lieux qu'ils visitent. Mélange de souveselon nirs, de reportages et de travaux de recherche, Aude Vidal décrit le voyage comme «une colonisation EN DE LA des lieux de vie, qui privilégie les désirs les plus fous des un·es aux dépens des besoins les plus basiques des autres». Si le voyage est généralement assez peu critiqué dans nos sociétés, contrairement au surtourisme, c'est la faute à l'empreinte laissée, dans nos imaginaires, des aventuriers partis aux quatre coins du monde. Ainsi, «il est toujours plus acceptable de parler de son voyage au Bhoutan que d'exhiber une grosse montre à 10 000 euros», plaisante Aude Vidal. Pourtant, les deux sont des formes de position - nement social. Le voyageur, lui, se déculpabilise : «Le touriste, c'est toujours l'autre. Moi, je voyage», rappelle l'anthropologue Jean-Didier Urbain, cité dans l'ouvrage. L'AUTHENTICITÉ Issue de la critique radicale, Aude Vidal cherche à déconstruire les représentations formées autour du secteur. «L'un des dangers de la critique du surtourisme, c'est qu'elle véhicule une vision aristocratique du voyage, qui vomit sur des touristes trop nombreux», résume l'anthropologue. Cela reviendrait donc à réduire le nombre de voyageurs pour réserver ce luxe aux plus riches. Le tourisme est, de fait, déjà une affaire des plus aisés, comme le démontre Aude Vidal, en reprenant une étude sur l'augmentation du trafic aérien français, menée par les sociologues HAUT PILE Yoann Demoli et Jeanne Subtil. Ces derniers expliquent qu'entre 1974 à 2008, il y a eu «une intensification de la mobilité des voyages plus que des voyageurs». Une énième preuve pour Aude Vidal de la nécessité de «s'attaquer aux inéga lités qui minent nos sociétés» plutôt que de taxer l'aviation. Référencé et rempli d'exemples, le livre énumère toutes les contradictions du voyage. A commencer par le premier : le voyageur cherche ce qu'il détruit, l'authenticité. Cette quête de nouveauté conduit certains à se tourner vers des lieux plus insolites, voire morbides, ce qui a fait naître le «dark tourism», tourisme de désolation. Lieu de torture des opposants aux Khmers rouges, camps de concentration ou forêt contaminée de Tchernobyl, la pra tique n'est pas nouvelle, mais a connu un regain de popularité avec la série Netflix Dark Tourist en 2018. Et cette activité s'auto-alimente avec le changement climatique. Le touriste cherche à se rendre aux Maldives avant que l'archipel ne soit englouti sous les eaux, et accélère donc la catastrophe, car les transports touristiques sont responsables de 5 % des émissions de gaz à effet de serre (étude de Lau- rent Castaignède, 2019). Même constat avec le mal-logement : il est alimenté notamment par la recrudescence des locations touristiques sous Airbnb, ce qui pousse les mallogés à voyager ailleurs pour se changer d'air. DRAGONS DE KOMODO Pour des raisons écologiques, sociales et économiques, le tourisme modifie aussi les milieux. Sur l'île de Komodo, en Indonésie, la fréquentation excessive des voyageurs venus observer les fameux dragons a causé du stress chez ces animaux, réduisant leur taille. En réaction, les autorités nationales ont pris la décision de déplacer la population autochtone locale pour protéger les animaux. Dans de nombreuses régions «mises en tourisme», les populations n'ont pas d'autres choix que de se tourner vers l'économie du voyage, bien plus lucrative que l'agriculture, comme à Pornic, sur la côte atlantique française, où 116 hectares ont été artificialisés pour les besoins du tourisme. Dans les pays du sud, des éco - nomies entières se construisent autour du tourisme, ce qui entraîne pour Aude Vidal «une nouvelle forme de colonialisme». Ce sont surtout «des gens blancs, en bonne santé et avec un bon capital» qui voyagent. Et dans les pays visités, comme dans la région mexicaine du Yucatán, le personnel est distribué sa couleur de peau : plus elle est sombre, moins il sera en contact avec la clientèle. Ce colonialisme touristique se «verdit» également, rapporte l'autrice, en faisant référence aux travaux de l'historien Guillaume Blanc : des touristes états-uniens s'insurgent ainsi du manque de recyclage des bouteilles en plastique lors d'un voyage en Ethiopie… où ils se sont rendus en avion ! A la domination Nord-Sud, s'ajoute celle du genre. Selon la lecture écoféministe adoptée ici par Aude Vidal, le touriste cherche non seu - lement à s'approprier la terre qu'il visite, comme quand on grave son nom sur une poutre d'une auberge de jeunesse, mais aussi le corps de la femme autochtone. «Les femmes, comme la terre, sont des objets de conquête, et la virginité est un motif supplémentaire de désir.» Evidemment, les dominations se super - posent dans le tourisme sexuel où les femmes sont doublement autres, parce que femmes et «indigènes». Alors que faire ? Dans sa conclusion, Aude Vidal explore des pistes de limitation du tourisme de ses collègues. Comme elle le rapporte, le géographe Rémy Knafou, auteur de Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde (éditions du Faubourg, 2021), propose des solutions plus ou moins originales, comme la modulation du prix de l'avion selon la durée du séjour (plus le séjour est long, moins le billet est cher) ou une file d'attente différenciée au Louvre pour les touristes venus photographier la Joconde et pour les vrais amateurs d'art. Aude Vidal, prudente, estime qu'il faut d'abord s'attaquer à réduire les inégalités en amont, car il est difficile de freiner les envies d'évasion de la population, dans une société qui pousse de plus en plus à la consommation de l'ailleurs. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-09-04 *am_2024-09 *annee_2024 Hausse de la taxe de séjour en Italie : les professionnels du tourisme grincent des dents Le gouvernement de Giorgia Meloni envisage d'augmenter sensiblement la taxe de séjour et de l'étendre à toutes les communes italiennes souhaitant la mettre en place. Un moyen de lutter contre le surtourisme qui touche les grandes villes du pays, mais aussi de renflouer les finances publiques. Reste que les professionnels du tourisme y sont opposés craignant que l'Italie perde en compétitivité. Séjourner en Italie pourrait à l'avenir coûter plus cher aux touristes. Le gouvernement italien envisage en effet d'augmenter la taxe de séjour et de l'étendre à plus de communes, selon une ébauche de décret qui a circulé pendant l'été. Ainsi, alors qu'elle est actuellement autour de 5 euros, elle pourrait passer à 10 euros par nuit pour les chambres à 100 euros, à 15 euros pour celles de 400 euros et à 25 euros pour les suites de luxe dépassant 750 euros. En parallèle, son champ d'application pourrait être élargi aux communes qui souhaitent la mettre en oeuvre. Pour l'heure, seules les capitales des provinces, les unions de communes et les communes touristiques peuvent l'appliquer sur les 7.904 communes que compte le pays. Lire aussiItalie : le gouvernement de Giorgia Meloni double un impôt sur les milliardaires Risque de détournement Cette mesure ne fait toutefois pas l'unanimité. Et pour cause, les fédérations de tourisme redoutent que des hausses excessives freinent l'engouement des touristes pour le pays. « Ne faisons pas fuir les touristes avec des taxes trop élevées! », a ainsi plaidé Marina Lalli, présidente de la fédération des professionnels du tourisme Federturismo, auprès de l'AFP. « « Nous avons déjà une TVA très élevée, de 22%, si nous ajoutons des surtaxes, nous risquons de nuire à la compétitivité de l'Italie, surtout pour les voyages organisés tout compris qui sont calculés à l'euro près », estime-t-elle. » D'ailleurs, seules 22% des villes pouvant actuellement prélever cette taxe de séjour le font, selon le journal Les Échos , pour justement ne pas perdre en attractivité auprès des touristes. Sans démentir ce projet d'augmentation de la taxe de séjour, la ministre italienne du Tourisme, Daniela Santanchè, a dénoncé ce samedi « un alarmisme infondé ». Le ministère cherche néanmoins à apaiser les débats autour de ce sujet. « « Rien n'est décidé. À ce stade, l'augmentation de la taxe n'est qu'une hypothèse », en attendant des consultations avec les organismes du secteur et les communes, ont assuré des sources à l'AFP. » Limiter le surtourisme C'est en fait un difficile équilibre que cherche le gouvernement italien. Car le tourisme fait partie des secteurs qui font tourner son économie : il représente 13% de son produit intérieur brut (PIB). Le pays a accueilli 57,2 millions de touristes étrangers, en 2023. Ils ont dépensé 55,9 milliards de dollars, selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). Quant à la taxe de séjour, elle a rapporté près de 775 millions d'euros aux communes. Une manne financière plus que bienvenue en ces temps de finances publiques compliquées - la dette publique italienne s'élève à 140% du PIB alors que, selon les directives européennes, elle ne doit pas dépasser les 60%. Lire aussiItalie : la dette publique approche la barre des 3.000 milliards d'euros, un record Mais si cette déferlante de visiteurs est bonne pour les affaires, elle est source de nombreuses nuisances pour les résidents : sonores, de pollution, de congestion dans les transports ou encore de flambée des loyers engendrée par les locations touristiques. Des municipalités ont d'ailleurs déjà mis en place des mesures pour réguler les flux, sans trop de succès pour le moment. Ainsi, malgré le billet d'entrée de cinq euros dont doivent s'acquitter depuis avril les visiteurs à la journée pour déambuler dans Venise , les touristes continuent à encombrer les étroites ruelles et ponts enjambant ses canaux. Cinq euros, c'est aussi le montant qu'ils doivent débourser pour arpenter le célèbre « sentier de l'amour » serpentant entre terre et mer dans le parc des Cinque Terre, au nord-ouest du pays. « L'objectif est de gérer les flux touristiques et non de réduire le nombre des touristes, car nous devons trouver un équilibre entre le tourisme, le territoire et l'agriculture. Nous ne sommes pas opposés au tourisme mais nous avons compris qu'il faut le gérer », a expliqué à l'AFP en juillet Fabrizia Pecunia, le maire de la commune de Riomaggiore, se situant dans les Cinque Terre. Loin d'être évident. (Avec AFP). **** *source_La_Tribune_(France) *date_2025-02-12 *am_2025-02 *annee_2025 Dans le Sud, le tourisme déploie une stratégie « industrielle » Représentant 13 % du PIB, le tourisme reste un pilier de l'économie en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pourtant, entre le tourisme bashing, les défis d'attractivité - face à une concurrence espagnole redoutable - et l'essor de l'IA, le secteur doit repenser son modèle, bousculé par l'évolution des usages. Le tourisme est un pilier presque naturel de l'économie de Provence-Alpes-Côte d'Azur tant il est intrinsèquement lié aux atouts géographiques du territoire. De fait, avec des retombées économiques évaluées à 21 milliards d'euros et une part du PIB qui s'élève à 13%, le secteur confirme logiquement son empreinte, que viennent encore conforter les données relatives à la fréquentation enregistrée l'an dernier, en croissance de 3%, faisant de 2024 la nouvelle année de référence. Investissements obligatoires Mais tous ces bons résultats ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt. Car le secteur fait aussi face à des enjeux. Comme celui du logement des saisonniers, un vrai Talon d'Achille, qui, non résolu, viendra rapidement impacter la machine bien huilée. Si à Nice une Maison des saisonniers verra le jour en 2027, portée par l'UMIH Nice Azur et Alpes, le dispositif de soutien financier aux communes et groupement d'employeurs via une subvention de 20.000 euros par lit, abondé par la Région Sud, a pour objectif de contribuer à faire sauter ce verrou. Autre enjeu, celui de la montée en gamme. Si depuis trois ans, les investissements se sont multipliés, notamment à Nice avec de nouveaux hôtels orientés luxe et l'arrivée, entre autres, de l'Anantara Plaza, du Victoria ou du Couvent, la capacité à investir est un passage obligé pour conserver le leadership, estime le président du Comité régional du tourisme Sud, rappelant les 106 hôtels 5 étoiles pour 5.300 chambres que compte le territoire ainsi que ses 9 palaces. « Nous savons que la montée en gamme fait progresser le tourisme. Ceci est une tendance que nous observons chez nos concurrents, comme l'Espagne », concurrent sérieux qui « accueille moins de touristes mais enregistre davantage de recettes, les vacanciers restant plus longtemps ». Une montée en gamme qui concerne aussi l'offre d'hôtellerie de plein air dont le nombre de nuitées atteint 17,5 millions, en croissance de 6%. Lire aussi« Il faut réinventer les basiques de l'hôtellerie à l'aune du XXIe siècle » (Serge Trigano) Surtourisme et gestion des flux Mais tout cela ne nourrit-il pas le surtourisme ? Le terme fait bondir François de Canson, le vice-Président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, en charge du tourisme. « Faisons attention à la sémantique. Nous ne parlons pas de surtourisme mais de pics de fréquentation. D'ailleurs, nous ne menons plus d'actions de promotion l'été. Quant au tourisme bashing, il ne faudrait pas oublier que le tourisme est l'une des premières industries de France. C'est 150.000 emplois dans le Sud, 2 millions d'emplois au niveau national et 225 milliards d'euros de retombées économiques ». Les différentes actions de gestion de flux, entamées depuis 2020, semblent avoir porté leurs fruits. Avec Waze il a été question, via des messages publicitaires, de décider les touristes désirant visiter un site naturel à le faire hors des pics de fréquentation. A Porquerolles, voisine de Saint-Tropez, la division par deux du nombre de passagers (6.000 au lieu de 12.000) autorisés à rejoindre l'île « satisfait les professionnels ». Près de Marseille, la calanque de Sugiton, qui a appliqué un principe de réservation obligatoire, a vu le nombre de visiteurs passer de 2.400 personnes par jour à 400 personnes. « Nous croyons avec Renaud Muselier, le président de la Région Sud, à une écologie de croissance et nous pouvons continuer à nous développer sans opposer écologie et économie ». Si la stratégie consiste à aller chercher des segments de clientèles intéressés par des séjours hors saisons, l'IA et sa capacité à faire comprendre les usages et comment gérer les flux constitue évidemment un levier que le secteur va devoir activer vite. Lire aussiTourisme côtier dans le Sud : les quatre scenarios de l'Ademe pour 2050 Enjeux territoriaux Difficile d'éluder le sujet, toujours sensible des croisières, notamment après la prise de position tranchée du maire de Nice et président de la Métropole Nice Côte d'Azur, Christian Estrosi. « La France est une terre maritime », rappelle François de Canson, revendiquant la première place occupée par le Sud de ce point de vue avec ses 147 ports et les 125.000 emplois générés par le secteur mais estimant aussi qu'il faut tenir compte des spécificités de chaque port et que celui de Nice n'est pas forcément le plus adapté pour recevoir des navires de croisières. A Marseille, l'électrification de ces bateaux sera une réalité dès cette année. Autre enjeu pas moins important, celui des JO d'hiver 2030, à la fois opportunité en termes d'infrastructures et challenge pour combiner activité et durabilité. Mais sur ce point, François de Canson a des idées très arrêtées. « Nous voulons une montagne vivante, pas un sanctuaire. Ces Jeux doivent être un héritage pour le massif alpin, et pas question de ne pas respecter les habitants permanents, les résidents secondaires et l'écosystème montagnard ». Des Jeux qui devraient permettre, entre autres, de moderniser les infrastructures de stations de ski, comme la construction du télésiège débrayable à Orcières Merlette (Hautes-Alpes) ou la requalification de la base de loisirs de La Joue du Loup (Devoluy, Hautes-Alpes). Lire aussiLes Jeux olympiques d'hiver 2030, accélérateur d'infrastructures pour Alpes du Sud ? Fausse bonne idée Et si innover est essentiel, bouleverser un modèle qui fonctionne peut s'avérer contre-productif. Ainsi, le projet évoqué par le Président de la République de raccourcir les vacances d'été ressemble à une fausse bonne idée. « Étalement, pourquoi pas. Réduction, non », dit François de Canson qui propose, pourquoi pas, d'adopter le principe allemand, avec des vacances échelonnées selon les régions entre juin et août, insistant sur au moins deux effets pervers possibles, celui de provoquer une concentration des flux - alors que le secteur lutte contre - et de créer une inflation des prix, creusant encore plus les inégalités. Des sujets que le président du CRT Sud souhaite évoquer avec la ministre en charge du tourisme, Nathalie Delattre. Histoire de faire entendre la voix des territoires... **** *source_Le_Monde *date_2023-08-08 *am_2023-08 *annee_2023 Rémy Knafou Le procès du surtourisme repose sur la culpabilisation des touristes Le plan gouvernemental de régulation des flux touristiques, mi-juin, relève à juste titre les enjeux et les effets de fréquentations subies et non régulées à l’origine de dysfonctionnements, dans le temps et dans l’espace. Il ne parle pratiquement pas de « surtourisme », mais c’est en mettant en avant le surtourisme que les médias en ont généralement rendu compte, car le mot plaît et le thème est de saison. Depuis quelques années, l’expression resurgit : en 2023, avec des reportages en Italie sur les sentiers des Cinque Terre, où sandales et tongs sont prohibées, à Portofino, où le maire a eu l’idée ubuesque d’instaurer deux « zones rouges » où le piéton aura interdiction de s’arrêter, ou bien encore dans la vieille ville de Dubrovnik, en Croatie, où les valises à roulettes sont interdites. Soit un échantillon de lieux dont la (trop ?) forte fréquentation résulte de la conjonction d’une mise en désir mondialisée et de la démocratisation du tourisme sur une planète peuplée de huit milliards de personnes. Une planète où l’information circule vite, partout ; un monde où il suffit qu’une série sud-coréenne de Netflix montre une scène romantique sur un ponton du lac de Brienz, en Suisse, pour que le tranquille village d’Iseltwald soit envahi par des milliers de touristes asiatiques, obligeant les autorités locales à installer un tourniquet d’accès moyennant 5 francs suisses [soit 5,20 €] . Il ne s’agit pas, ici, de nier les effets négatifs du surtourisme lorsqu’il est caractérisé, mais le mot est souvent employé à tort et à travers, car c’est un domaine où la confusion règne et est habilement entretenue. Il convient d’abord de distinguer les métropoles, où l’essentiel de la population ne vit pas du tourisme et supporte mal les intrusions touristiques dans l’espace de son quotidien, par le développement des locations temporaires ; de même, les courts séjours alcoolisés, les enterrements de vie de garçon ou de fille, à Amsterdam, à Prague ou à Budapest, rendent certains quartiers invivables : c’est alors l’acceptabilité du tourisme qui est en jeu, mais il y a des solutions à ces problèmes quand on veut bien les prendre à bras-le-corps. Dans des lieux fermés et fragiles, où une fréquentation excessive peut dégrader ce qui motive la venue des visiteurs (la calanque de Sugiton, près de Marseille, ou La Cène , peinte par Léonard de Vinci, dans un couvent milanais), on sait gérer ce type de situation, par une politique de quotas permettant de conjuguer conservation et conditions satisfaisantes de visite. Outils de régulation Dans les lieux « touristifiés », dont Venise est l’exemple le plus célèbre, l’évocation récurrente du surtourisme par les autorités et les médias qui y font écho ne sert qu’à entretenir un écran de fumée dissimulant une inaction délibérée, d’où l’inexorable progression des locations touristiques de courte durée contre lesquelles aucune mesure n’a été prise jusqu’à présent. Au cours de cette année 2023, où, selon une association, le nombre (officiel) de lits touristiques serait en passe d’égaler le nombre des Vénitiens, j’ai récemment constaté la diffusion dans tout l’espace urbain des locations touristiques, y compris dans les périphéries les moins attractives et ce, au détriment des logements loués à l’année à la population vénitienne, aux plus jeunes en particulier. L’hypocrite dénonciation du surtourisme par la municipalité masque le souci de continuer à faire venir un maximum de touristes, avec la complicité d’une partie de la société locale ; et, à cette confusion entretenue par les autorités locales s’ajoute depuis peu la contribution de l’Unesco, qui recommande d’inscrire la ville sur la liste du Patrimoine mondial en péril, en considérant que « les impacts du changement climatique et le tourisme de masse menacent de causer des changements irréversibles à la valeur universelle exceptionnelle du bien » . En mêlant deux questions, en partie liées, mais qui ne sont pas de même nature, l’Unesco feint d’ignorer que l’argent de ce tourisme de masse tant vilipendé est indispensable pour assurer l’entretien d’un patrimoine qui, sans le tourisme, serait au-delà du péril. Plus généralement, l’évocation du surtourisme alimente l’historique procès du tourisme de masse, autrement dit du tourisme des grands nombres, celui des classes populaires et moyennes, nos élites n’ayant jamais supporté d’avoir à partager avec ces dernières des lieux qu’autrefois leurs prédécesseurs étaient les seuls à fréquenter. Le procès récurrent du surtourisme repose aussi sur la culpabilisation ou le mépris des touristes : en se précipitant tous vers les mêmes lieux, ils feraient preuve d’aveuglement ou d’ignorance. Ce procès est injuste, car si le touriste fait ces choix de destination, c’est qu’il a ses raisons, dans le système qui est le nôtre : ainsi, le littoral français est la destination de vacances estivales privilégiée pour 62 % des clientèles européennes, parce que les côtes et les plages sont des lieux de convivialité, adaptés à toutes sortes de clientèles, familiales ou individuelles, jeunes et moins jeunes. Si les touristes se rendent en masse au Mont-Saint-Michel, c’est parce qu’il s’agit d’un lieu unique, non substituable, comme le sont Venise ou le Machu Picchu, autres lieux uniques au monde et pour lesquels on peut instaurer des outils de régulation. Enfin, la dénonciation du surtourisme sert les intérêts de tous ceux qui souhaitent nous vendre des voyages et des séjours alternatifs, « hors des sentiers battus », souvent chers et, dans le cas de voyages lointains, avec un coût élevé pour la planète, par d’abondantes émissions de gaz à effet de serre. Le marronnier estival de la dénonciation du surtourisme continuera donc à cacher la forêt des raisons pour lesquelles on préfère braquer le projecteur sur quelques situations préoccupantes, mais surmontables, et ne pas dénoncer les vrais problèmes d’un tourisme qui rechigne à entrer délibérément dans une « transition juste » consistant à rendre compatible transition climatique et réduction des inégalités sociales, enjeu d’une tout autre importance. **** *source_Les_Echos *date_2024-09-26 *am_2024-09 *annee_2024 Tourisme La Grèce confrontée aux problèmes du surtourisme De janvier à juillet la Grèce a accueilli 17,9 millions de visiteurs, dont plus de 1 million de Français.Mais d'Athènes aux Cyclades, plusieurs destinations ont atteint un point de rupture, obligeant le gouvernement à légiférer. Il est 7 heures du matin, mardi 23 juillet dernier, lorsqu'un paquebot de croisière de la compagnie Miray Cruises débarque ses 1.074 passagers à Santorin, au coeur des Cyclades. La journée ne fait que commencer. Au fil de la matinée, trois autres navires - dont le colossal « Odyssey of the Seas », l'un des plus grands paquebots au monde - accostent à leur tour. 12.000 visiteurs se mêlent soudainement aux touristes déjà présents et aux quelque 20.000 résidents : l'île grecque est débordée. Craignant des mouvements de foule, un élu municipal recommande aux habitants de se cloîtrer chez eux… Un « lockdown » improvisé, qui a ajouté un peu plus à l'exaspération des locaux et a fait le tour des médias en Grèce. A Santorin comme dans les destinations les plus populaires du pays, la saison 2024, si elle est un succès, est aussi celle d'une certaine prise de conscience. De janvier à juillet, la Grèce a accueilli un nombre record de touristes étrangers : 17,9 millions, dont plus d'un million de Français, selon les données publiées mardi par la Banque de Grèce. Le pays figure désormais parmi les dix premières destinations touristiques mondiales et pourrait cumuler jusqu'à 35 millions de visiteurs et 22 milliards d'euros de recettes en 2024, du jamais-vu. Construction effrénée De quoi se rapprocher d'une « puissance touristique mondiale », comme l'ambitionne la ministre du Tourisme, Olga Kefalogianni. Avec ses quelque 600 destinations différentes, son climat, son patrimoine historique et ses îles, le tourisme porte presque à lui seul l'économie grecque (28,5 à 34 % du PIB en 2023). Et la croissance nationale, qui devrait cette année encore devancer largement la moyenne de la zone euro. Par endroits, toutefois, le modèle touche largement ses limites. Avec ses 3,4 millions de visiteurs par année, Santorin est « saturée » , répète depuis des années son maire, Nikos Zorzos. L'île, dont le décor unique a été défiguré par la construction effrénée d'hôtels et de logements touristiques, est incapable de supporter l'afflux de visiteurs et connaît chaque été des problèmes de gestion des déchets, d'embouteillages, d'approvisionnement en eau et en électricité. Des problèmes similaires sont constatés sur les îles de Mykonos, Paros, Tinos, Serifos ou Sifnos, où l'eau a été rationnée pendant dix jours au cours de l'été. Les routes, les ports, les hôpitaux ne sont pas dimensionnés au tourisme de masse. Le changement climatique met à rude épreuve ces écosystèmes fragiles, qui subissent chaque année des sécheresses et des feux de forêt. « Ces îles sont toutes soumises au même modèle de développement intensif et se transforment en ghettos touristiques pour riches, qu'importent les conséquences sociales ou environnementales. Les Cyclades seront détruites d'ici à quelques années », se désole Maria Karamanof, la présidente de la Chambre de l'environnement. « Pression suffocante » Les problématiques du surtourisme ne s'arrêtent pas qu'aux îles mais touchent aussi la Crète, la Chalcidique, le Péloponnèse ou Athènes, en proie à une gentrification galopante… Dans un rapport publié en juillet, l'ombudsman grec met en garde contre la « pression suffocante » dont font l'objet plusieurs destinations. La Grèce « repose lourdement sur le tourisme, ce qui rend encore plus urgent le besoin de le gérer de manière durable », sous peine d'« épuiser et de gâcher son potentiel », écrit l'autorité indépendante, l'équivalent du Défenseur des droits en France. Selon les données de l'institut statistique de la Fédération du tourisme, Mykonos et Santorin sont déjà victimes de leur mauvaise publicité sur les réseaux sociaux et dans les médias. Les arrivées internationales ont chuté au cours de l'été dans les aéroports des deux îles, et le chiffre d'affaires de l'hébergement et de la restauration est en baisse. « La Grèce n'a pas de problème structurel de surtourisme… Quelques destinations ont d'importantes problématiques durant certains mois de l'année, auxquelles nous devons faire face », a réagi début septembre le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis. Une taxe de 20 euros par passager doit être imposée aux croisiéristes qui se rendent à Mykonos et Santorin en haute saison. Basile Dekonink. **** *source_Libération *date_2025-04-28 *am_2025-04 *annee_2025 Actualités A Venise, la surveillance orwellienne contre le surtourisme Actualités Depuis le 18 avril, le «contributo di accesso» à Venise est en vigueur les jours de fréquentation de pointe (55 jours, cette année) ; cette contribution, mise en place expérimentalement l'an dernier, est désormais établie (elle coûte 5 euros par personne et par jour, 10 euros si l'on s'y prend au dernier moment) et pèse sur les visiteurs à la journée, cette catégorie de touristes que les lieux touristiques n'aiment guère, car ils encombrent, salissent et dépensent peu. Il est vrai que Venise a à faire face à un nombre très élevé de ces visiteurs d'un jour, environ 10 millions par an, contre 13 millions de touristes qui dorment au moins une nuit. C'est la première fois, dans le monde (contemporain), qu'un péage pour piétons est organisé pour accéder à une ville de cette importance. Cette première s'appuie sur un dispositif d'une complexité particulière au point qu'il est permis de penser que même une administration française n'aurait probablement pas pu faire mieux. Ainsi, la liste des catégories exemptées du paiement de la contribution d'accès (mais ayant l'obligation de demander une exemption) n'énumère pas moins de 31 cas d'exemption, sachant qu'elle vient s'ajouter aux cinq catégories exemptées à la fois du paiement et de la demande d'exonération. «SMART CITY» Pour faire payer cette taxe aux excursionnistes, il a été mis en place un complexe et coûteux dispositif de contrôle de l'ensemble de la population se trouvant à Venise puisque, les jours où cette mesure est en place, tous ceux qui s'y déplacent (Vénitiens, étudiants, salariés des entreprises, touristes, excursionnistes, etc.) doivent être en mesure de produire un QR code en cas de vérification. Une disposition entraînant un tel contrôle de la population d'une ville est une première dans une démocratie, qui doit amener à réfléchir au type de société que soustend cette mesure abondamment répercutée par les médias du monde entier. Surtout lorsqu'on rappelle que, depuis 2021, la ville de Venise a mis en place un dispositif de surveillance des personnes et des flux grâce à un dense réseau de caméras intelligentes permettant de savoir à tout moment qui est présent dans les différents lieux de la ville (on y distingue notamment les Vénitiens, les habitants de la Vénétie, les navetteurs, les autres Italiens, les différentes nationalités de visiteurs), en en faisant la première «Smart City» en Italie. Si le contrôle de ce qui se passe dans les rues de Venise peut sembler légitime dans un lieu qui reçoit autant de monde et où des problèmes dus à la densité de la fréquentation peuvent se produire, le fait que, certains jours, toute personne se trouvant dans Venise doive produire une preuve d'être exonérée du paiement de la taxe ou l'avoir payée interroge. Du responsable souci d'assurer la sécurité dans l'espace public au contrôle généralisé de toute une population (car pour payer la taxe ou demander son exonération, il faut donner son identité, sa date de naissance, son lieu de naissance, une adresse mail, un numéro de téléphone), il n'y a qu'un pas qui, dans la Sérénissime, est franchi sans états d'âme, au nom de la lutte contre le «surtourisme». Mais il est permis de penser que la véritable explication est autre. CAPACITÉ D'ACCUEIL En effet, contrairement à ce que affirment les autorités vénitiennes, cette taxe n'est pas un outil destiné à réguler les flux touristiques. La meilleure preuve en est que son expérimentation, en 2024, a rapporté deux fois plus que ce qui avait été prévu : sans aller jusqu'à affirmer que la taxe a attiré des visiteurs supplémentaires, on constatera qu'elle n'a pas dissuadé, comme cela était du reste prévisible. Alors, à quoi sert cette taxe si médiatisée ? Une première réponse réside dans une facile rentrée de cash pour la ville : les 2,4 millions d'euros qu'a rapportés la taxe en 2024 ont d'abord servi à rembourser l'usine à gaz mise sur pied pour communiquer à son sujet et la percevoir, mais dès 2025, l'opération devrait être bénéficiaire, même si la municipalité déploie des efforts pour dire que cette taxe ne sert pas à faire de l'argent. Pourtant, l'affectation du produit de cette taxe à l'entretien de la ville n'aurait rien d'illégitime, puisque les visiteurs contribuent effectivement à la salir et à faire déborder en fin de journée ses très nombreuses poubelles. De ce point de vue, Venise aurait pu ne pas être originale : beaucoup de lieux qui subissent des flux qu'ils ne peuvent contrôler cherchent à compenser cette situation par une augmentation de leur revenu. Mais Venise n'est pas dans ce cas, puisque si la ville souhaite effectivement limiter le nombre des visiteurs à la journée (les fameux «mordi e fuggi», littéralement traduits par «mords et fuis», expression qui désigne les touristes qui visitent Venise en une journée), elle n'entend pas pour autant réduire le nombre des touristes, puisqu'elle accroît régulièrement sa capacité d'accueil (en particulier, haut de gamme, la plus rémunératrice), tandis que l'aéroport produit un plan pour doubler son trafic d'ici à 2037 ! Il est donc permis de penser que cette taxe poursuit d'autres objectifs, non affichés, voire incomplètement pensés : montrer aux inspecteurs de l'Unesco qui la menacent régulièrement de l'inscrire sur la piste du patrimoine en péril que la ville déploie des efforts pour lutter contre les excès du tourisme est une hypothèse plausible ; dissimuler derrière la prétendue régulation de la surfréquentation pour la sauvegarde d'une ville unique, la réalité d'une stratégie du «tout tourisme» est également très plausible. Mais, pour aller plus loin, il faut considérer la conception orwellienne qui a présidé à la mise en place de cette taxe, car venant après la «Smart City», elle parachève la surveillance de tous ceux qui vivent à Venise, à l'année comme à la journée, dans une adaptation vénitienne de la «loi des suspects» (les conditions de contrôle du paiement de la taxe affectent tout le monde, même les Vénitiens). On franchit alors, consciemment ou inconsciemment, une nouvelle étape dans l'histoire du tourisme, y compris dans la définition du «tout tourisme», qui devient un tourisme totalitaire, au sens d'un tourisme qui étend sa sphère d'influence à tout ce qui lui échappe. Ainsi s'achève la démonstration que la planète touristique, saisie par le vertige des grands nombres et de la manne qui en découle, est de plus en plus dans l'incapacité de se réguler et de se penser un avenir compatible avec la conservation de l'habitabilité de la Terre. • Dernier ouvrage paru : Réinventer (vraiment) le tourisme. En finir avec les hypocrisies du tourisme durable, éditions du Faubourg, 2023. Professeur émérite, université Paris-1 Panthéon Sorbonne Vérification des QR codes de touristes à l'extérieur de la gare principale de Venise, qui impose pour la deuxième année une taxe d'arrivée, le 18 avril. **** *source_Les_Echos *date_2024-07-01 *am_2024-07 *annee_2024 Europe Sur les îles grecques, le tourisme jusqu'à l'overdose Mykonos et Santorin, Rhodes ou Corfou… défigurées par le développement effréné du tourisme, les plus connues des îles grecques font l'objet d'une pression suffocante. Une prise de conscience tardive. Nikos Zorzos n'en a pas l'air, mais il fulmine. Amène et souriant, le maire de Santorin écarte soudain les bras en signe d'impuissance, ce dimanche de juin. « J'ai le sentiment d'être un prisonnier. Je veux changer les choses mais je ne le peux pas », explique le sexagénaire, enfoncé dans un siège de son bureau. Voilà plus de dix ans qu'il alerte en vain contre les dangers du surtourisme en Grèce. Né et élevé à Santorin, Nikos Zorzos, 64 ans, ne reconnaît plus son île. Autrefois pauvre et coupé du monde, ce petit bout de terre de l'Egée est devenu l'une des plus célèbres destinations touristiques mondiales. Depuis soixante ans, ses falaises abruptes, son décor volcanique et ses couchers de soleil ont attiré des flots ininterrompus de visiteurs. Avec eux est venue la prospérité. Mais, depuis quelques années, la situation est hors de contrôle. L'île est « saturée », répète depuis 2012 l'élu à qui veut bien l'entendre. L'an dernier, plus d'un touriste sur dix qui s'est rendu en Grèce a mis le pied sur Santorin, soit 3,4 millions de personnes. La construction effrénée d'hôtels, de résidences à louer et de grands complexes immobiliers de luxe a défiguré le paysage. En été, la densité de population - plus de 1.000 personnes au kilomètre carré - rend difficile l'approvisionnement en eau et en électricité. Les déchets s'amoncellent. Les embouteillages en heure de pointe sont dignes de ceux d'Athènes. La flambée des prix empêche les travailleurs essentiels (médecins, pompiers, policiers, enseignants) de trouver de quoi se loger. L'île est devenue inaccessible à la très grande majorité des Grecs. Pour les quelque 22.000 résidents à l'année, la manne du tourisme ne suffit plus à apaiser. « L'île a perdu tout ce qu'elle avait de traditionnel, et chaque année ça empire », se désole Kostas, qui tient depuis dix-huit ans un restaurant traditionnel - l'un des derniers - sur la principale artère de Thira, la capitale de Santorin. Une « pression suffocante » Même les croisiéristes évitent désormais l'île qui aurait inspiré le mythe de l'Atlantide à Platon. En avril, l'opérateur du « Sun Princess » a notifié à ses clients que le paquebot ne s'y arrêterait finalement pas cet été, en raison de la congestion du port. Santorin « est un problème », a reconnu début juin le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, dans une interview à Bloomberg. Elle n'est pas le seul. Les îles grecques et leur carte postale de soleil et de mer, de tavernes et de maisons blanchies à la chaux, font l'objet d'une « pression suffocante », écrit le médiateur de la République hellénique. Dans un rapport de 170 pages publié en juin, l'autorité indépendante tire la sonnette d'alarme et prévient que la Grèce « ne doit pas épuiser son potentiel, le gaspiller et rendre nos destinations touristiques peu attractives au fil du temps ». Mykonos et Santorin, mais aussi Amorgos, Rhodes, Corfou, Zakynthos, Tinos… le surtourisme et ses problématiques - surconstruction, saturation des aires urbaines, perte d'identité et du patrimoine, dégradation de la qualité de vie des habitants - touchent désormais, de près ou de loin, les plus populaires des îles grecques. Ce constat n'a, à première vue, rien d'évident à Piso Livadi. La saison débute à peine et les touristes parviennent encore à se ménager une place à l'ombre sur la plage de ce petit port de Paros, en plein coeur des Cyclades. L'île compose, avec 33 autres, cet archipel de la mer Egée connu dans le monde entier pour ses maisons blanches aux volets bleus si caractéristiques. La tranquillité de Piso Livadi est trompeuse. Paros est l'une des îles grecques les plus fréquentées, après Santorin et Mykonos, et pourrait prendre une trajectoire similaire une fois terminé le projet d'extension de l'aéroport. Flambée des prix, bouchons, problèmes d'approvisionnement en eau : l'été, ici aussi, le surtourisme a des conséquences très concrètes. L'an dernier, Paros a même fait irruption dans l'actualité internationale. Excédés par l'occupation illégale des plages par des restaurateurs et des beach bars, les locaux ont manifesté avec colère pour réclamer leur accès libre et gratuit, comme le garantit la Constitution grecque. Le « mouvement des serviettes », comme l'ont surnommé les médias, s'est ensuite répandu dans toute la Grèce. L'Etat a depuis légiféré et « nous sommes très vigilants à ce que la situation ne se reproduise pas, explique Ilias Petrakis, l'un des membres du mouvement. Mais les plages ne sont que la partie émergée de l'iceberg. » Car Paros est aussi l'un des endroits où l'on construit le plus en Grèce. Selon Elstat, l'institut grec des statistiques, 470 nouveaux permis de construire ont été délivrés en 2023 - 750 si l'on compte les restaurations et les réparations - pour une superficie totale de 66.603 m². « L'activité a repris fort depuis 2017, il n'y a plus aucun ouvrier disponible », explique Patrick Tkatschenko, attablé à un café de Piso Livadi. Etabli en Grèce depuis une trentaine d'années, cet agent immobilier français fréquente l'île depuis 2010 et admet que les prix « explosent » . Pour une maison de 200 m² avec quatre chambres, comptez au moins un million d'euros, le double d'il y a cinq ans. Certains s'installent ailleurs En théorie, pourtant, l'île est protégée par l'un des plans généraux d'urbanisme les plus stricts de Grèce. Depuis 2012, celui-ci interdit de construire, en dehors des zones urbaines, un sous-sol et un deuxième étage. Les murs doivent être en pierre sèche. Une décision retentissante du Conseil d'Etat, il y a deux ans, interdit par ailleurs de bâtir sur un terrain qui n'est pas attenant à une route reconnue comme légale. Mais « rien de tout cela n'est respecté », constate Nicolas Stephanou, vice-président de l'association des Amis de Paros. Depuis quelques années, les forages dans les montagnes se multiplient pour construire des logements troglodytes, ce qui permet de doubler légalement la surface habitable. Aux abords des plages de Santa Maria, la plus belle pointe de l'île, des centaines de bâtiments ont émergé malgré le statut protégé de la zone, classée en « lieu d'une beauté naturelle » en 1975. « Les lois sur la construction sont très faibles et très flexibles en Grèce. Il y a un cruel manque de plan d'aménagement du territoire, et lorsqu'il existe, il n'est pas respecté », déplore Maria Karamanof, la présidente de la Chambre de l'environnement. Sortis exsangues d'une décennie de crise, les services de l'Etat sont incapables de faire respecter la loi. « Il y a trois personnes pour toute la région de l'Egée au service de l'environnement, quatre personnes au service archéologique, indique Simos Varias, le maire adjoint de Paros, chargé des questions d'urbanisme. Ils n'ont absolument pas la possibilité de traiter toutes les demandes, et la plupart du temps ils ne nous répondent pas. » Mais il arrive aussi que les autorités grecques donnent leur aval plein et entier. A Santorin, d'impressionnantes formations géologiques surplombent une vaste plage de sable noir, tout au sud de l'île. Sculptées pendant des siècles par les cendres, le vent et la pluie, les collines de Vlychada sont l'une des plus spectaculaires séquelles de l'éruption volcanique qui frappa l'île en 1.600 avant J-C. C'est ici que le gouvernement grec vient d'autoriser la construction d'un hôtel cinq étoiles. Villas avec suites et piscines, 166 lits, superficie bâtie de 16.500 m² : le projet, d'un budget de 67,5 millions d'euros, contribue à faire de la Grèce l'un des « protagonistes des investissements du XXIe siècle », s'est félicité le ministre grec du Développement, Adonis Georgiadis. Le maire Nikos Zorzos, lui, enrage. 20,22 % de la surface de l'île est déjà recouverte de béton. Cet hôtel cinq étoiles, le 73e de Santorin, va encore tirer sur les besoins en eau, qui ont triplé en dix ans, et sur ceux en électricité, qui ont doublé en cinq ans. « Nous n'en avons absolument pas besoin, peste l'édile. Vlychada est un endroit très particulier, qui devrait être préservé de toute activité humaine et transformé en un parc géologique national. » L'élu a beau s'opposer au projet, il n'a pas la main. Dans l'Etat grec très centralisé, les permis de construire pour les chantiers de cette ampleur sont octroyés depuis Athènes, au ministère de l'Environnement ou du Développement. Celui-ci a accordé le statut d'« investissement stratégique », une procédure coupe-file qui permet non seulement d'alléger la lourde bureaucratie grecque, mais surtout de s'affranchir des normes environnementales et urbanistiques. « Pendant la décennie de crise, toute une série de lois favorables à la construction ont été votées pour attirer les investisseurs, dont la loi 'investissements stratégiques', rappelle Ioannis Spilanis, enseignant à l'université de l'Egée et fondateur de l'Observatoire pour un tourisme durable. Les candidats déposent des demandes pour des projets qui ne respectent aucun cadre législatif, et peuvent même bénéficier d'un financement public. Mais quelle est la stratégie, sinon de faire de l'argent ? » Si le gouvernement grec parle désormais de « durabilité » dans ses discours, le développement l'emporte souvent sur toute autre considération, notent les associations environnementales et les scientifiques. C'est qu'avec une contribution totale de 62,8 à 75,6 milliards d'euros (de 28,5 à 34 % du PIB) en 2023, le tourisme porte à lui seul l'économie grecque. Le record historique de 33 millions de visiteurs, l'an passé, a permis à la croissance de surperformer (2,2 %, loin devant la moyenne de la zone euro) et fait travailler deux actifs sur cinq, si l'on prend en compte les agences de voyages, les sociétés de divertissement, les loueurs de voitures, les conférences… Sauver ce qui peut l'être Mais le modèle touche peut-être à ses limites. L'an dernier, l'aéroport de Santorin a encaissé une chute de 8,7 % des arrivées internationales, tandis que le chiffre d'affaires de l'hébergement a baissé de 3 % - à Mykonos, le recul est respectivement de 5,2 et de 10 %. Les images des rues bondées en plein cagnard ont fait le tour des réseaux sociaux, les prix élevés dissuadent. Pour les locaux, une prise de conscience tardive émerge. « Une grande partie des habitants comprend désormais l'évidence, avec tout ce qu'il se passe aujourd'hui », juge Nikos Zorzos, qui a été réélu l'automne dernier après avoir dû laisser quatre ans son siège à un maire pro-développement. Il y a quelques semaines, à l'occasion d'une assemblée sur le surtourisme, lui et le président de la fédération des hôteliers se sont publiquement engagés à ne plus construire un lit supplémentaire sur l'île. De là, « nous pouvons encore sauver ce qui peut l'être », veut-il croire. Basile Dekonink. **** *source_Le_Figaro *date_2024-09-16 *am_2024-09 *annee_2024 Bali part à son tour en guerre contre le surtourisme À Bali, il y a des cascades et des rizières sublimes... Mais lorsqu'on arrive sur les sites, on voit des touristes faire la queue pour se prendre en photo. Certains louent même des tenues pour poser et avoir le parfait cliché sur une balançoire installée au milieu de nulle part » , raille un Français de retour de l'île indonésienne. Comme de nombreux endroits sur la planète victimes de leur succès, Bali, ce petit bout de l'archipel aux 17 000 terres posées sur l'océan Indien, fait face au surtourisme. À l'instar d'autres gouvernements, les autorités multiplient les mesures pour endiguer ce phénomène qui devient incommodant pour la population locale. Le nombre d'arrivées d'étrangers à Bali a fortement augmenté depuis la réouverture du tourisme après la pandémie de Covid-19. L'année dernière, l'île a accueilli 5,2 millions de visiteurs internationaux, soit une augmentation de plus de 144 % sur un an. Des vidéos de visiteurs malmenant les sites culturels ou enfreignant les règles locales sont devenues virales sur internet, suscitant l'indignation des habitants. Un manuel du « bon touriste » est même désormais distribué. Le gouvernement, soucieux de préserver l'harmonie entre tourisme et culture locale, veut désormais contenir ces effets de la surfréquentation. Alors que l'île pèse respectivement pour moins de 0,3 % et de 2 % du territoire national en superficie et en population, elle contribue à hauteur de 50 % des recettes nationales du tourisme. Les données du bureau des statistiques indonésien montrent que 2,9 millions de visiteurs étrangers sont entrés à Bali au cours du premier semestre de cette année, représentant 65 % du total des arrivées étrangères en Indonésie pour cette période. Si Bali a sans conteste tiré des avantages socio-économiques de cette position et demeure l'une des îles les plus développées de l'archipel, elle subit le revers de cette médaille. Elle a connu une croissance exponentielle du nombre de touristes, de 24 000 en 1970 à 4,9 millions en 2016, avant un record de 6,3 millions en 2019. Pour enrayer le surtourisme, l'Indonésie a accepté début septembre un moratoire sur la construction d'hôtels, de villas et de boîtes de nuit dans certains quartiers très fréquentés. Cette interdiction, dont la durée n'est pas encore tout à fait fixée mais qui pourrait s'étendre sur plusieurs années, vise à limiter le développement des infrastructures touristiques au détriment de terres agricoles comme les rizières. Ces sites ancestraux, en forme de terrasse, font partie intégrante de la culture indigène et couvrent plus de 12 % de sa superficie totale. Ce moratoire s'inscrit dans un plan plus vaste de réforme du tourisme à Bali, lancé par le gouvernement. Une taxe touristique de 12 euros est imposée à chaque visiteur étranger depuis 2023, afin de limiter le flux d'arrivées et d'investir dans des infrastructures durables. « Nous ne voulons pas voir des rizières se transformer en villas ou en boîtes de nuit » , a ainsi justifié le ministre des Investissements, Luhut Pandjaitan, à la presse, cet été. « Pour nous, la qualité est plus importante que la quantité. » Le nombre d'hôtels à Bali a connu une progression significative ces dernières années. En 2019, l'île comptait 507 établissements hôteliers. Chiffre qui atteignait 541 en 2022, avec une augmentation parallèle des villas de luxe et des clubs de plage, selon les chiffres de Reuters. Une frénésie de construction qui a provoqué des problèmes d'infrastructure et de gestion des terres. En mai dernier, un projet de complexe hôtelier a dû être interrompu après l'effondrement d'une falaise, épisode qui a fait scandale auprès des associations écologistes du pays. L'Indonésie s'ajoute à la longue liste des gouvernements du monde entier qui s'attaquent au tourisme de masse. Ibiza, célèbre pour sa vie nocturne faste et animée, taxe depuis longtemps les voyageurs internationaux. Venise a commencé cette année à imposer des droits d'entrée. La Grèce aussi, en janvier, a gonflé sa taxe de séjour. La Nouvelle-Zélande a annoncé quasiment tripler la sienne à compter du 1er octobre. Autre mesure hautement symbolique, Barcelone, où les touristes sont devenus des ennemis publics, a décidé d'interdire les locations Airbnb à partir de 2028 face au ras-le-bol généralisé des habitants qui dénoncent des loyers indécents et des nuisances en tout genre. CLARA GALTIER. **** *source_Le_Monde *date_2024-08-17 *am_2024-08 *annee_2024 Le Japon, en pleine pénurie de main-d’œuvre, tente de s’adapter Kyoto, Fujikawaguchiko (Japon) - envoyé spécial - Kyoto se lasse de son succès. L’ancienne capitale nippone, fameuse par ses trésors comme les temples d’or et d’argent ou le quartier des geishas de Gion, n’en peut plus de l’afflux de touristes et de leurs comportements qui heurtent la sensibilité locale. Dès la sortie de la gare, où les Shinkansen, ces trains à grande vitesse, s’enchaînent à un rythme de métro (japonais) aux heures de pointe, de longues queues se forment pour attraper les bus conduisant vers les hôtels et lieux de visite. « Comptez vingt minutes d’attente » pour le 59, qui mène au temple d’or, glisse un vieux monsieur en uniforme, chargé d’orienter les nouveaux arrivants. « Merci de ne pas forcer l’entrée et d’attendre le bus suivant » , lance le chauffeur, chemise et gants blancs, casquette bleue et calme olympien, avant de fermer les portes de son bus vert et bondé. Les transports saturent. Les sites touristiques aussi. Avec 43 millions de visiteurs par an, Japonais compris, Kyoto apparaît comme un véritable laboratoire du surtourisme (que d’aucuns qualifient de kanko kogai , littéralement « pollution touristique ») dans un archipel où le gouvernement y voit surtout une opportunité économique. « Afin de soutenir la croissance de nos régions, nous souhaitons que 60 millions de touristes étrangers visitent le Japon et que les dépenses touristiques atteignent 15 000 milliards de yens [95 milliards d’euros] en 2030 » , proclamait en janvier le premier ministre, Fumio Kishida, lors de son discours de politique générale. En 2023, l’Archipel a accueilli 25,1 millions de visiteurs, qui ont dépensé 5 300 milliards de yens. Amoncellement d’ordures Si la croissance exponentielle du tourisme, qui s’appuie sur la faiblesse du yen, reste appréciée des économistes, elle perturbe des Japonais sensibles aux bons comportements. Kyoto subit son lot de nuisances, tel l’amoncellement d’ordures autour des trop rares poubelles de la ville. Isoichi Ota, directeur du conseil de Gion, regrette « la dégradation des bonnes manières depuis la pandémie » . Les maiko [apprenties geishas] et geishas circulant dans les ruelles bordées de maisons de bois de ce quartier historique sont harcelées par des touristes souhaitant les photographier. Comme ils n’hésitent pas à les poursuivre dans les étroites venelles privées, comme la charmante Kosode Koji, les autorités ont installé, le 29 mai, des panneaux leur interdisant l’accès à ces voies. Tout contrevenant s’expose à une amende de 10 000 yens. « Il n’y a pas de boutiques de souvenirs ni de restaurants dans ces voies privées » , précise M. Ota, pour qui « l’augmentation du nombre de touristes ne fait que rendre la vie des habitants impossible » . Le quotidien des habitants est aussi perturbé au pied du célèbre mont Fuji - dont le ticket d’accès a été doublé à 2 000 yens pour endiguer le flot de randonneurs. La petite ville de Fujikawaguchiko a dû faire face aux nuisances provoquées par l’invasion de visiteurs sur le parking d’une supérette Lawson offrant une vue unique sur le Fuji. « C’est à la mode sur Instagram. Tout le monde veut la même photo. Les gens font l’aller et retour de Tokyo ou d’Osaka en bus ou en train, prennent leurs photos et repartent » , explique Miruto Nakamura, de la division du tourisme à la mairie. Or la supérette se trouve à deux pas de la gare, dans un quartier animé aux rues étroites, où circulent nombre d’habitants. Face à l’indiscipline des visiteurs qui ne traversent pas aux passages pour piétons ou se campent au milieu de la rue pour un selfie, et pour répondre aux plaintes des administrés lassés des embouteillages, un vaste panneau de tissu noir a été installé, avec caméra de surveillance et gardien. « Le nombre de touristes a beaucoup diminué. Avant c’était vraiment la cohue » , apprécie une employée du Lawson. Un sondage du site Freeasy réalisé en avril auprès de 500 personnes révélait les principaux griefs adressés aux touristes étrangers : « jeter des ordures n’importe où » , « prendre des photos même si c’est interdit » et « parler fort en toute occasion » . Cibler les voyageurs plus aisés Dans ce contexte, s’adapter au surtourisme reste une gageure. Imposer des quotas risque de poser des problèmes juridiques et d’organisation. Sur l’île de Taketomi (Sud-Ouest), la municipalité qui administre le site du patrimoine naturel mondial d’Iriomote table sur une taxe d’entrée face à l’afflux de touristes. A Kyoto, la mairie veut limiter l’entrée dans la ville de véhicules d’autres départements et a mis en place un service de bus réservés aux touristes. Mais il ne fonctionne que les week-ends et les jours fériés. « Nous n’avons pas assez de chauffeurs pour faire plus » , explique Takuya Horie, CMO [directeur du marketing] de l’association du tourisme de Kyoto, qui ajoute que la ville « compte sur le marché pour limiter le surtourisme. Il n’y a plus de terrains pour construire des hôtels. Les transports et les restaurants sont à leurs limites. On ne peut pas accueillir beaucoup plus de monde » . Ces problèmes de main-d’œuvre, menacent toute l’industrie et pourraient contrecarrer les projets gouvernementaux de diversification des circuits touristiques, une autre piste pour désengorger les sites saturés. En mars, l’Agence du tourisme a sélectionné onze destinations, dont la région du mont Hachimantai (Nord) et les îles de la mer Intérieure (Sud-Ouest), qui bénéficieront d’un soutien gouvernemental pour mettre en place une offre touristique multilingue. L’opération bénéficie d’un budget de 700 millions de yens. « Nous soutenons chaque destination en élaborant un plan directeur afin d’augmenter non seulement le nombre de touristes, mais aussi leurs dépenses », précise l’agence, ciblant les voyageurs les plus aisés. L’inauguration au printemps du nouveau tronçon de la ligne de Shinkansen allant jusqu’à Tsuruga, dans la région du Hokuriku (Centre), sert cette ambition. « Le tourisme dans le Hokuriku, qui inclut le département de Fukui, sera revitalisé » , veut croire Kazuaki Hasegawa, le président de la compagnie ferroviaire JRWest, qui exploite cette ligne. JTB, la première agence japonaise de voyages, veut aussi exploiter la demande de voyages alternatifs en proposant des forfaits spéciaux pour des séjours hors des cadres habituels, comme la « route arc-en-ciel » de Tokyo à Kyoto, mais par la côte de la mer du Japon. A condition de trouver le personnel nécessaire pour ces services. **** *source_Le_Figaro *date_2024-03-02 *am_2024-03 *annee_2024 Entreprises « La France n'en fait pas assez pour assurer l'avenir de son tourisme » Il est l'un des chefs français les plus prestigieux. Désormais à la tête de la première organisation professionnelle de l'hôtellerie-restauration, l'Umih (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), Thierry Marx estime que le tourisme doit se réformer pour être à la hauteur des enjeux numériques et environnementaux. LE FIGARO. - Avec le 80e anniversaire du débarquement en Normandie, les Jeux olympiques (JO) et la réouverture de Notre-Dame de Paris, 2024 sera- t-elle, pour reprendre d'expression d'Emmanuel Macron, une « année de fierté française » pour le tourisme ? THIERRY MARX. - Les indicateurs sont au vert. Les JO vont mettre en lumière la France et son attractivité touristique avec un effet durable, dopant les réservations y compris après les épreuves. Je lis que le tourisme n'a pas de valeur ou n'est pas une industrie, alors même qu'il représente 8 % du PIB et fait travailler 2 millions de personnes, dont la moitié dans les hôtels et restaurants. Il crée de la valeur économique et sociale dans d'autres industries, comme on le voit ces jours-ci avec la Fashion Week. Cela dit, le secteur du tourisme doit se réformer pour s'adapter aux enjeux liés au numérique et aux impacts environnementaux. Nous allons vers un tourisme décarboné, ce qui nous oblige à nous réinventer. La France en fait-elle assez pour assurer l'avenir de son tourisme ? Non, la France n'en fait pas assez pour assurer l'avenir de son tourisme. Ni sur la formation, ni sur la prise en compte des impacts environnementaux, ni pour assurer une diversité de l'attractivité de la France. Le tourisme ne doit plus reposer seulement sur Paris, le littoral et la montagne. Il faut accélérer le développement du tourisme vert et permettre de redécouvrir les joies de la ruralité, cela permettra d'assurer la vitalité des territoires et l'avenir des villages... L'avenir du tourisme en France ne peut se programmer dans une vision de décroissance. Pourtant, la baisse programmée des vols long-courriers à destination de l'Europe va priver la France d'une partie de ses visiteurs les plus dépensiers. Certes, les vols long-courriers seront moins nombreux et plus chers. Il y aura moins de voyageurs venus d'autres continents, mais ils resteront plus longtemps. Cela compensera et permettra d'allonger la saison touristique. Je suis contre le voyage low cost, qui repose sur une économie du renoncement à la qualité. Je crois au contraire à l'économie de la qualité. Le tourisme va se réinventer avec des voyages plus lents. On connaît depuis des années le mouvement « slow food » en gastronomie. Le tourisme va passer au « slow travel ». Une poignée de sites sont assaillis de visiteurs. Ce surtourisme nuit-il à l'attractivité de la France ? Le tourisme est mal régulé, mais il n'y a pas de surtourisme. Certes, j'ai vu des sites en Thaïlande détruits par la surfréquentation. Aux États-Unis, si vous n'avez pas de réservation pour visiter certains monuments, vous ne pouvez pas entrer. Au XXe siècle, vous pouviez aller partout sans réservation. Ce passé est révolu. Il faut réguler, il n'y a pas le choix. Quels sont les risques pour la destination France, qui reste la première destination mondiale ? Si nous ne faisons rien, la France risque de se faire rattraper ou dépasser par des pays comme l'Espagne, l'Italie ou la Grèce, qui disposent aussi de paysages magnifiques et d'une culture gastronomique. La France doit gagner en attractivité. Le manque récurrent de 200 000 personnes dans l'hôtellerie et la restauration fait chuter la qualité de l'hospitalité et nuit à l'attractivité de la destination. Depuis le Covid, les gens n'ont plus un rapport sacrificiel au travail et à la hiérarchie. Vous recrutez plus difficilement en imposant une coupure. Le travail n'est pas une valeur s'il n'y a pas de projet de montée en compétences. Aujourd'hui déjà, les professionnels du tourisme adaptent leurs organisations et renforcent la formation pour permettre aux salariés d'évoluer. On voit de plus en plus de serveurs autoentrepreneurs. N'est-ce pas la réponse des jeunes à un manque de reconnaissance ? L'ubérisation de l'économie conduit à un capitalisme sans visage, très dur. Elle touche tous les métiers d'aide à la personne et, de plus en plus, les métiers du tourisme. Après la livraison de repas à domicile, le service fait travailler de plus en plus d'indépendants. Je ne suis pas contre la modernité, mais on est en train d'oxyder le modèle social français. Si l'on veut une société ubérisée, il faudra l'assumer. Booking et Airbnb contribuent-ils à développer le tourisme en France ? Booking et Airbnb valorisent peut-être la destination France, mais ces plateformes font une concurrence déloyale aux hôteliers. Booking prend 15 % à 20 % de commissions, et Airbnb, en prétendant permettre des revenus complémentaires pour les Français, dérégule le logement et l'emploi dans le pays. Il faut que l'État régule et arbitre. Vous avez l'ambition de créer un « Booking à la française ». Accor a essayé en 2015, avant de renoncer. N'est-ce pas trop tard ? Accor a sans doute eu raison trop tôt, et il n'est pas trop tard ! Le phénoménal développement de l'intelligence artificielle ouvre des opportunités. En France, avec autant de sachants, on peut trouver des solutions et créer une plateforme française ou européenne afin d'éviter aux hôteliers de se faire spolier. Si l'on veut un tourisme durable, il faut que les entreprises du secteur aient suffisamment de marges pour investir. Sinon, elles auront les mêmes problèmes que les agriculteurs. Je veux mettre toutes les parties prenantes du tourisme autour de la table pour travailler autour de cette idée. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-10-04 *am_2023-10 *annee_2023 Tourisme : les réservations de voyages pour cet hiver s'envolent, « c'est incroyable » selon les tour-opérateurs (Seto) Alors que s'ouvre ce mardi le salon des professionnels du tourisme, l'IFTM Top Resa, les premiers chiffres des réservations chez les tour-opérateurs pour cet hiver sont « incroyables », selon le syndicat des entreprises du tour-operating (Seto). L'inflation et le dérèglement climatique ne découragent pas les candidats au voyage. Au contraire, alors s'ouvre ce mardi à Paris le salon IFTM Top Resa qui réunit chaque année les professionnels du tourisme, les voyants sont au vert. Après après un été « aux très bonnes performances », les premiers chiffres des réservations chez les voyagistes pour cet hiver sont qualifiés d'« incroyable » par le Syndicat des entreprises du tour-operating (Seto), aussi bien en nombre de voyageurs qu'en chiffre d'affaires. Et pour cause : à fin août, les réservations pour la saison hiver (du 1er novembre au 30 avril) affichent un bond de 40,1% pour un chiffre d'affaires qui progresse dans les mêmes proportions (+41,6%) avec une recette unitaire stable (+1,1%) puisque les prix semblent se stabiliser. « « La grande surprise, ce sont les réservations de cet hiver. C'est incroyable. On pensait que ce qu'on avait réussi à faire au redémarrage en 2022 voire sur l'été 2023, allait se calmer cet hiver. Ce n'est pas le cas », a souligné ce lundi René-Marc Chikli, président du Seto. Et de s'interroger : « Les gens ont décidé d'investir dans le voyage. Cela va durer jusque quand? » » Lire aussiPour lutter contre le surtourisme, Venise expérimente une taxe de 5 euros pour les visiteurs d'un jour Le Japon fait son entrée dans le Top 10 Les stars de l'hiver : l'île Maurice (+25,6%), d'abord suivie par l'Egypte (+156,1%) mais aussi le Japon (+194,2%) qui fait son apparition dans le Top Ten, à la 10e place, « malgré les augmentations des billets d'avion », a fait remarquer le président du Seto. De manière générale, « l'Asie effectue une remontée spectaculaire » avec une croissance de 114,6%. Seule la région Caraïbes est en baisse (-6%) en raison du renoncement de compagnies aériennes comme Air France ou Corsair de desservir la République Dominicaine. Ces excellents chiffres s'inscrivent dans la lignée de ceux enregistrés l'été dernier (du 1er mai au 31 octobre) au cours duquel les 70 tour-opérateurs membres du Seto ont vu leur chiffre d'affaires augmenter de 27,7% à 3,035 milliards d'euros. « Les Français sont partis sur toutes les destinations, quelles que soient les interrogations », a expliqué Raouf Ben Slimane, patron de Thalasso n°1 qui fait référence aux canicules et aux incendies qui ont fait les gros titres. Le professionnel a également précisé que le Maroc rattrapait très vite son retard après le séisme qui a touché la région de Marrakech. De son côté, Patrice Caradec, président de Bravo Club, filiale de l'Italien Alpitour, a indiqué que « le mois de juillet a dépassé le mois d'août », en raison probablement des tarifs. Pour les voyages à forfait - au moins deux prestations associées-, le nombre de clients sur la même période est en hausse de 11% à plus de 1,651 million de voyageurs pour un chiffre d'affaires de 2,18 milliards d'euros (+16%). Lire aussiMaroc : les tour-opérateurs dénoncent des mesures commerciales « mesquines » de certaines low-cost La Tunisie, star de l'été On retrouve les destinations qui étaient celles les plus fréquentées avant la pandémie. La Tunisie, la Grèce, les Baléares et le Maroc sont en tête des destinations moyen-courrier de cet été. Dans le détail, le moyen-courrier représente 82% du trafic de l'été - pour 66% du chiffre d'affaires. Le long-courrier n'est pas en reste avec un trafic qui progresse de 16% et un chiffre d'affaires de 25%. L'île Maurice tire la croissance (+28,4% en trafic). Les Etats-Unis réalisent aussi une très belle performance (+10,7%). A noter, également, la forte reprise de l'Indonésie et de plusieurs destinations phares en Asie comme la Thaïlande. Le salon IFTM Top Resa met l'accent sur les défis environnementaux Les professionnels du tourisme se retrouvent à partir de mardi au salon IFTM Top Resa qui pour sa 45e édition veut mettre l'accent sur les défis environnementaux auxquels le secteur fait face. L'année dernière le salon, qui se tient sur trois jours, a accueilli 29.475 visiteurs et « au vu des pré-inscriptions, on peut imaginer entre 20 et 25% de visiteurs supplémentaires », explique à l'AFP Laurence Gaborieau, directrice d'IFTM Top Resa. Le rendez-vous annuel des professionnels du tourisme qui affiche cette année 170 destinations aura pour fil rouge « défis et résilience » pour « mettre en avant tous les défis auquel fait face le secteur », selon Laurence Gaborieau, « comme les enjeux digitaux mais surtout les enjeux environnementaux ». Le sujet sera abordé dès la conférence inaugurale mardi matin en présence de la ministre déléguée au Tourisme Olivia Grégoire puisque parmi les intervenants, figurera François Gemenne, co-auteur du sixième rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Une conférence réunissant des ministres du Tourisme du Costa Rica, des Seychelles, de Chypre et de Jordanie sera un autre temps fort sur la thématique environnementale. Les ministres vont témoigner de ce « qu'ils ont mis en place pour protéger l'environnement et la population », explique Laurence Gaborieau, « chaque pays ayant des difficultés différentes comme la montée des eaux, la gestion des déchets ou encore le surtourisme ». Un espace « tourisme responsable » proposera des éclairages sur les différents labels environnementaux qui fleurissent dans le secteur. « Ce salon veut apporter des solutions mais elles n'arrivent pas seules », estime Laurence Gaborieau, « nous sommes dans l'intelligence collective, on apprend de chacun ». (AFP). **** *source_Le_Figaro *date_2023-09-09 *am_2023-09 *annee_2023 Au Japon, l'étrange combat contre le surtourisme ASIE La catastrophe par l'abondance. C'est l'étrange problème auquel se dit confronté le gouvernement du Japon à propos du tourisme étranger. Lors d'un voyage fin août dans la préfecture d'Okinawa, une des destinations phare de l'Archipel, le premier ministre, Fumio Kishida, a annoncé un plan de lutte contre un nouveau fléau : le « surtourisme ». Mercredi, les ministères concernés se sont réunis une première fois pour engager ce « combat » bien étrange. Le tourisme est en effet l'un des rares secteurs en croissance de l'économie nippone, en pleine chute démographique. Un touriste étranger consomme comme dix Japonais, expliquent les analystes du secteur. Surtout, cette mise à l'index est en contradiction complète avec le volontarisme affiché du gouvernement : en 2019, celui-ci se réjouissait à grand bruit d'avoir atteint un plus haut historique de 31,8 millions de voyageurs étrangers. Officiellement, il compte toujours porter ce chiffre à 60 millions d'ici 2030. Après avoir mis sous cloche le pays pendant l'épidémie de Covid jusqu'en octobre 2022, la « destination Japon » remonte péniblement la pente : en juin dernier, le nombre d'arrivées ne représentait encore que 72 % du chiffre de juin 2019. Alors pourquoi sonner le tocsin maintenant? Entre 2011 et 2019, le Japon a vécu un véritable « miracle touristique » : le nombre de touristes étrangers fut multiplié par cinq, propulsant l'Archipel, après une longue indifférence, parmi les destinations les plus prisées de la planète. Cette vague fit la fortune des professionnels du voyage. Elle irrigua les grandes villes nippones, et jusqu'aux campagnes reculées, d'une nouvelle clientèle aisée. Mais elle suscita aussi quelques « thromboses » dans des hotspots ultra-populaires (en particulier à Kyoto), dont la couverture par les grands médias est sans commune mesure avec les nuisances rapportées : bus bondés de voyageurs chargés de bagages, hausse des prix, mauvaise gestion des poubelles... Une émotion qui passe sous silence l'énorme aubaine économique, en visiteurs et en investissements, que constitue le tourisme sur la troisième économie du monde. Exemple : à Hokkaido (nord du Japon), la station de ski de Niseko, développée par des Australiens, est devenue un lieu de flambée de l'immobilier à côté duquel pâlit le reste de l'industrie de la montagne, en déconfiture générale faute d'investisseurs étrangers. Le Covid-19, en incitant l'Archipel à fermer ses frontières, coupa les vannes touristiques ; mais il fit renouer l'opinion publique avec un « âge d'or » d'avant le boom, où les rues du Japon étaient débarrassées de l'intempestive clientèle étrangère et des petits désagréments qu'elle suscite. Depuis, le gouvernement Kishida resserre sa politique d'attractivité, ciblant des touristes moins nombreux mais plus aisés. Pour les professionnels étrangers du secteur, il jette le bébé avec l'eau du bain. « Le problème du surtourisme n'est pas un problème national : c'est un problème municipal, circonscrit à Kyoto » , explique un professionnel français du secteur. « Il y a un problème à Kyoto, ville assez petite, avec de petites rues, qui devrait baigner dans une atmosphère de sérénité et qui n'a pas le caractèr e grouillant d'une mégalopole comme Osaka par exemple » , abonde Thierry Maincent, directeur général de l'agence Japan Experience, qui fustige l'attentisme de la mairie de Kyoto. « Ils n'étudient pas les solutions mises en place à Paris, Barcelone, ou les autres lieux très fréquentés. Ils auraient déjà dû généraliser la réservation numérique par exemple » , pointe-t-il. Pénurie de main-d'oeuvre Le « surtourisme » est surtout l'autre nom de la « sous-capacité » du Japon à s'adapter à cette clientèle nouvelle. Le pays n'a pas profité de la « pause Covid ». Pays aux durées de vacances courtes et très ciblées dans l'année, il appréhende mal la clientèle étrangère, plus familiale, aux vacances longues, plus diffuses. À quoi s'ajoute une pénurie drastique de main-d'oeuvre. Les métiers de l'hôtellerie-restauration, en tension partout dans le monde, sont désertés dans l'Archipel. Les professionnels ne peuvent pas se reposer sur la main-d'oeuvre étrangère, aux conditions de travail éprouvantes, qui plus est payée dans un yen chroniquement dévalué. L'anglais est toujours aussi pathétique, et les pratiques antédiluviennes (check-out à 10 heures, facturation à la personne plutôt qu'à la chambre, absence de classement hôtelier par étoiles...) demeurent monnaie courante. À ce rythme, le « surtourisme » risque de se régler tout seul... **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-09-14 *am_2023-09 *annee_2023 Pour lutter contre le surtourisme, Venise expérimente une taxe de 5 euros pour les visiteurs d'un jour En 2024, cette taxe payable en ligne ne concernera qu'un maximum de 30 journées parmi les plus fréquentées, notamment les week-ends avec des ponts au printemps et durant la période estivale. Venise veut s'affranchir du surtourisme, qui met en péril jusqu'à sa pérennité. A partir de 2024, une taxe de cinq euros sera imposée aux touristes ne venant qu'un jour dans la Sérénissime. L'objectif principal de la mesure, votée mardi par le conseil municipal de Venise, est de dissuader les visiteurs à la journée qui engorgent la ville. Lire aussiSurtourisme : la régulation mise en place à Bréhat peut-elle faire des émules? En 2024, cette taxe payable en ligne ne concernera qu'un maximum de 30 journées durant lesquelles le nombre de touristes est traditionnellement plus élevé, notamment les week-ends avec des ponts au printemps et durant la période estivale. Le calendrier des jours concernés sera publié ultérieurement. Les moins de 14 ans et les touristes passant au moins une nuit sur place seront exemptés de cette taxe. « C'est un premier pas (...) Nous faisons une expérimentation », a affirmé le maire de droite Luigi Brugnaro, promettant que le « système sera simple à utiliser ». Vives critiques de l'Unesco contre des mesures insuffisantes L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) a recommandé fin juillet de placer la Sérénissime sur la liste du patrimoine mondial en péril, jugeant que l'Italie a jusqu'ici pris des mesures « insuffisantes » pour lutter contre la détérioration du site. « La poursuite du développement (de Venise), les impacts du changement climatique et le tourisme de masse menacent de causer des changements irréversibles à la valeur universelle exceptionnelle du bien », a pointé l'Unesco, qui s'alarme aussi de l'élévation du niveau de la mer et autres « phénomènes météorologiques extrêmes ». L'opposition municipale a dénoncé la « hâte » avec laquelle la mesure a été prise pour « montrer à l'Unesco que nous faisons quelque chose », estimant selon le conseiller Gianfranco Bettin qu'« une taxe de cinq euros n'empêchera personne de venir à Venise ». Lire aussiLe gouvernement dévoile son plan de lutte contre le surtourisme L'Unesco a aussi fustigé « l'absence de vision stratégique commune globale » et la « faible efficacité et coordination » des autorités locales et nationales italiennes. « Cette inscription entraînera un plus grand engagement et une plus grande mobilisation des acteurs locaux, nationaux et internationaux », avait-elle espéré. La Sérénissime demeure l'une des villes les plus visitées au monde. En haute saison, jusqu'à 100.000 touristes y dorment, en plus de dizaines de milliers de visiteurs journaliers, pour seulement 50.000 habitants du centre-ville, qui ne cesse de se dépeupler. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2024-04-25 *am_2024-04 *annee_2024 Tourisme, l'overdose Thomas Poupeau Gondoles surchargées, palais des Doges comble, place Saint-Marc hérissée de perches à selfie en quête d'une photo instagrammable... La Sérénissime n'est plus si sereine : chaque année, 30 millions de touristes se marchent sur les pieds en arpentant les 6 km 2 du centre de Venise (Italie). Jusqu'à la mettre en danger, à cause, notamment, des paquebots de croisière qui déversaient chaque jour leur flot de curieux et menaçaient les douze millions de pilotis sur lesquels est bâtie la cité lacustre. Ils accostent désormais dans un port un peu plus lointain mais les touristes restent aussi nombreux. La municipalité réagit : à partir de ce jeudi, les visiteurs de passage devront payer 5 € pour entrer dans Venise. Cette taxe, matérialisée par un QR code à présenter aux points d'accès de la cité des Doges, cible uniquement les touristes qui ne dorment pas sur place et entrent dans la vieille ville entre 8 h 30 et 16 heures. Le test portera sur 29 jours de grande affluence en 2024 - le 25 avril, férié, puis tous les week-ends de mai à juillet. Un remède miracle contre le surtourisme ? « Je n'y crois pas trop, car 5 €, cela n'arrête pas ceux qui ont les moyens d'aller à Venise », juge Didier Arino, fondateur du cabinet spécialisé Protourisme. Qui y voit tout de même le moyen de « faire une belle recette » pour financer... les travaux dans la vieille ville engendrés par la surfréquentation. Le monde entier a les yeux tournés vers cette expérience. Car le trop-plein menace de plus en plus de sites : d'après l'Organisation mondiale du tourisme, 95 % des voyageurs visitent moins de 5 % des terres émergées. « Le surtourisme est le principal ennemi du tourisme, juge Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde. Il détruit la vie locale, nuit à l'expérience du voyage... Bref, il tue tout ! » Déchets, foule attente, un effet repoussoir Le 11 avril, à Tenerife (Canaries), des habitants ont entamé une grève de la faim contre ce fléau. L'été dernier, de mystérieux panneaux avaient même été plantés sur le littoral, pour induire les touristes en erreur. Sur la même pancarte, on pouvait lire, en anglais : « Plage fermée. Eau contaminée ». Mais en espagnol : « Plage ouverte » ! À Barcelone, les autorités ont même négocié avec Google pour retirer une ligne de bus de Maps, jugée trop empruntée par les touristes. En France aussi, on s'organise à l'approche des ponts de mai. Comme le révèle un sondage d'OpinionWay pour Evaneos, au moins 6 Français sur 10 ont déjà eu à pâtir du surtourisme. Les trois quarts des sondés ont renoncé à visiter un site en raison de l'affluence, et 92 % ont observé l'un de ses « effets concrets » - déchets, foule, attente. Le marché de Noël de Colmar bientôt payant ? Alors à Colmar (Haut-Rhin), le maire, Éric Straumann, réfléchit à instaurer un droit d'entrée pour son marché de Noël. En fin de semaine, plus de 150 000 personnes s'y pressent pour 70 000 habitants. « Mais ce serait difficile à mettre en place car, contrairement à Venise, nous ne sommes pas entourés d'eau », reconnaît l'élu, qui a « cessé de faire la promotion » de son marché sur les réseaux et demande aux visiteurs de faire demi-tour quand les parkings affichent complet. « Ce type de péage risque de fleurir un peu partout », avance Jean-François Rial. Selon lui, plusieurs options existent : « Il y a le système du premier arrivé, premier servi. Ou alors élever les prix à tel point que cela dissuade... Mais cela créerait un souci d'équité sociale », décrypte-t-il. De toute façon, juge l'expert, « il faudrait une politique de quotas partout ! » Comme sur l'île de Bréhat, (Côtes-d'Armor), où, depuis un an, seuls 4 700 touristes peuvent se rendre quotidiennement l'été. Même principe à Porquerolles (Var) où la jauge est à 6 000 personnes. Pas encore de quota au Mont-Saint-Michel (3 millions de visiteurs), mais la municipalité a limité le nombre de navettes vers le site et ouvert de nouveaux créneaux de réservation sur les parkings. Suffisant ? Olivia Grégoire, ministre déléguée au Tourisme, a lancé d'autres chantiers, comme la création d'un observatoire national des sites touristiques majeurs, d'ici à la fin de l'année. « On veut recenser les pics de fréquentation pour permettre aux gens d'adapter leurs visites », indique son cabinet. Par ailleurs, un fonds de 1 million d'euros a été créé pour aider des communes ou monuments à financer un projet de gestion de flux. Les lauréats seront connus dans un mois. Enfin, dès cet été, une campagne va être lancée pour mieux informer les Français sur le bon moment pour visiter tel ou tel lieu. « Il n'y a jamais trop de touristes, dit-on au ministère. La question, c'est de mieux les répartir. ». **** *source_Le_Figaro *date_2024-05-21 *am_2024-05 *annee_2024 Le Japon perplexe devant son énorme popularité Longtemps, l'archipel nippon a été peu visité par les touristes étrangers. Cette époque est révolue et désormais, l'heure est aux débats sur le surtourisme. Et à certaines mesures drastiques : la mairie du village de Fujikawaguchiko a ainsi décidé d'étendre un drap noir au-dessus de son épicerie Lawson, afin que les voyageurs ne se bousculent plus pour la prendre en photo, avec à l'arrière-plan le mont Fuji. Pour comprendre cette réaction, il faut revenir dix ans en arrière. Début 2013, deux ans après la catastrophe naturelle et nucléaire de Fukushima, le premier ministre Shinzo Abe détecte dans le tourisme étranger un énorme gisement de consommation inexploité. Cette année-là, pour la première fois, l'Archipel crève le plafond des 10 millions de visiteurs. La conjonction d'une politique publique volontariste (libéralisation des visas courts, campagnes de promotion...) et d'un engouement mondial pour la culture japonaise place alors ce pays sur la mappemonde des tour-opérateurs . Résultat : en 2019, juste avant la fermeture des frontières due au Covid-19, l'Archipel accueille 32 millions de touristes étrangers. Une croissance comme aucun pays n'en a jamais connu. Ébriété et vandalisme des noceurs étrangers à Tokyo Dans un pays qui perd près de 1 million d'habitants par an en raison de sa démographie catastrophique, qui se lamente à chaudes larmes de la dépopulation de ses campagnes et de l'hyperconcentration de ses mégalopoles, cette manne inespérée aurait dû être accueillie sans barguigner. Elle a rempli les grands magasins, les restaurants, les boutiques d'une clientèle nouvelle au pouvoir d'achat temporairement élevé. Outre les grandes villes, elle a dynamisé des régions qui périclitaient. Mecque de ces nouveaux pèlerins : Niseko, station de ski d'Hokkaido à la poudreuse miraculeuse, où le mètre carré s'échange désormais à prix d'or. Mais cette croissance débridée a viré au « ras-le-bol » au moment où le Japon remportait son pari. Depuis l'été dernier, médias et hommes politiques japonais déplorent les effets néfastes du surtourisme sur les autochtones. Bus bondés dans Kyoto, ébriété et vandalisme des noceurs étrangers à Tokyo... Ces phénomènes, qui traduisent surtout la sous-capacité du pays en ressources pour cette nouvelle demande, sont très concentrés. « Il y a un problème de surtourisme spécifique à Kyoto ; mais partout ailleurs, les gens s'adaptent » , estime Thierry Maincent, directeur général de l'agence Japan Experience. Il est vrai néanmoins que pour les Japonais ordinaires, dont les maigres salaires sont acquittés dans un yen dévalué, cette nouvelle clientèle a surtout un effet inflationniste sur les hôtels et restaurants où ils avaient leurs habitudes. Même les acteurs locaux du tourisme ne parviennent pas à tirer profit pleinement de cette manne : habitués à une clientèle locale aux usages radicalement différents de la celle étrangère, ils peinent à s'adapter à cette dernière, tandis que les acteurs internationaux (agences de voyages, grands hôtels...) la captent sans efforts. Les Japonais semblent encore écartelés face au tourisme étranger. D'un côté, l'Agence du tourisme maintient son objectif ambitieux de quarante millions de visiteurs d'ici 2030 ; de l'autre, ses responsables répètent ad nauseam qu'ils privilégient désormais la « qualité » des touristes à leur nombre. En attendant, les gouvernements (central et locaux) réfléchissent, assez indélicatement, au moyen d'en tirer le maximum possible de recettes : taxes sur les nuitées, hausse des prix de billets de transport... Dans les débats télévisés, les leaders d'opinion se demandent benoîtement s'il ne faudrait pas instaurer une double tarification dans les restaurants ou dans les magasins entre étrangers et autochtones pour préserver le pouvoir d'achat de ces derniers. Une solution rejetée par les commerçants eux-mêmes. Cité lors d'un débat, un restaurateur a peut-être trouvé la solution : un système de réservation payant qui permet aux touristes pressés de ne pas faire la queue. Et de maintenir ses additions à un niveau acceptable pour la fidèle clientèle locale. R.A. **** *source_Le_Figaro *date_2024-04-06 *am_2024-04 *annee_2024 Venise lance son péage journalier pour endiguer le surtourisme Ce sera une première mondiale. À compter du 25 avril, et ce pendant vingt-neuf jours déterminés de la haute saison touristique, un nouveau dispositif de régulation du tourisme journalier entrera en vigueur à Venise qui vise à protéger un centre historique fragile. « Cela fait des années que nous y réfléchissons mais nous sommes les premiers au monde à tenter l'expérience » , se réjouit Luigi Brugnaro, ancien entrepreneur devenu maire de Venise en juin 2015 . Un dispositif encore expérimental pour la ville et qui, selon ses résultats, pourrait donner des idées à toutes les villes du monde qui font face au surtourisme et cherchent à le réguler. Ce dispositif inédit repose sur deux piliers : l'enregistrement pour tous et le paiement d'un droit d'accès pour certains. Mais il ne prévoit aucune limitation au nombre d'entrées, pour maintenir la liberté de circulation. En pratique, tous les touristes qui comptent venir pour un seul jour à Venise vont devoir s'enregistrer sur le site cda.ve.it, créé pour l'occasion. Et ce seulement pour les jours suivants : les ponts du 25 au 30 avril, puis du 1er au 5 mai, puis tous les week-ends de mai, juin, et juillet jusqu'au 14 juillet. Seul le week-end du 1er et 2 juin, jour de fête nationale en Italie, est épargné. La régulation sera en vigueur de 8 h 30 heures à 16 heures, pour ne pas pénaliser l'activité en soirée des restaurateurs. Et ne concernera que le centre historique de Venise, et non ses îles. La démarche d'inscription sur le site cda.ve.it est simple et rapide. Sont demandés le nom, l'e-mail et le téléphone. Chaque inscrit reçoit un QR Code sur son téléphone attestant de son inscription. Ceux qui dorment sur place le recevront de leur hôtel. Mais, rassure le maire, « la ville ne conservera pas les noms des visiteurs enregistrés » . Tout le monde donc devra s'enregistrer, mais ceux qui ne voudront pas s'y plier pourront toujours venir les autres jours, moins recherchés. Seuls les touristes qui ne viennent pas de Vénétie devront s'acquitter d'un droit d'accès de 5 euros. À l'exception de tous ceux qui en sont exonérés, fort nombreux : à savoir les natifs de Venise, ses résidents, les enfants de ces résidents qui viennent leur rendre visite, les travailleurs, les étudiants, ceux qui viennent s'y faire soigner, les enfants de moins de 14 ans, les handicapés et leurs accompagnants, et bien sûr les touristes qui séjournent dans les structures d'hébergement situées sur la commune de Venise et qui par ce biais paient déjà une taxe de séjour à leur hôtel. Pour bénéficier de ces exonérations, il suffira de s'autodéclarer comme appartenant à une de ces catégories, le système reposant sur la confiance. Mais aussi sur le contrôle aléatoire par des contrôleurs à l'entrée et dans la ville, où promet-on, les contrôles seront « soft » , c'est-à-dire sans blocage physique. Mais attention : en cas de fausse déclaration une amende pouvant aller jusqu'à 300 euros pourra être imposée. Si l'opposition au conseil municipal, très critique de l'action du maire, dénonce une opération visant avant tout à trouver des recettes pour la ville, Luigi Brugnaro s'en défend : « L'objectif n'est pas de remplir les caisses de la ville, mais de décourager le tourisme journalier de masse qui engorge les rues de la ville et ses musées, et rend parfois Venise difficile à vivre , plaide-t-il. Et, en tout état de cause, il est probable qu'en 2024, elle nous coûtera plus cher en investissements et en frais de fonctionnement qu'elle ne nous rapportera de recettes . » L'objectif est de mieux étaler l'arrivée des visiteurs, et de réduire leur nombre en très haute saison, quand il devient difficile de circuler dans la ville : « En très haute saison , explique le conseiller au tourisme de Venise, Simone Venturini, il y a chaque jour environ 40 000 visiteurs qui ont pris une chambre, plus 30 000 à 40 000 visiteurs à la journée. » Or ces derniers dépensent fort peu, arrivant sur place avec leur sandwich et leur gourde, mais nécessitent d'importants services, notamment de gestion de leurs déchets pour lesquels ils ne paient pas les taxes qui retombent sur les Vénitiens eux-mêmes. Pour ses débuts, le système semble bien prendre. Venise a fait de la publicité télévisée en Italie sur le dispositif. Et pour l'international, un message en anglais du maire, accessible par le QR Code, explique à chaque inscrit la raison de sa démarche. Du 16 janvier au 4 avril, le site avait reçu plus de 51 000 inscrits dont environ 36 000 personnes exemptées, Vénitiens, travailleurs ou visiteurs passant la nuit et 15 000 visiteurs payants.. Mais sachant que les visites journalières sont souvent programmées au dernier moment, il faudra attendre la dernière semaine d'avril pour évaluer les effets du dispositif sur les flux eux-mêmes. L'annonce de la mise en place du péage journalier avait permis l'an dernier à la Cité des doges d'échapper au classement par l'Unesco parmi les sites en péril. L'organisation internationale s'alarmait alors de la « détérioration des caractéristiques essentielles » de Venise et de « changements irréversibles » . Le maire Luigi Brugnaro est bien conscient qu'il n'a pas trouvé la solution définitive au surtourisme de sa cité. D'autant que « 2024 est une année d'expérimentation du dispositif , précise-t-il. Mai s, conclut-il, cela va nous permettre de mieux comprendre la vraie dynamique du tourisme journalier et la façon dont les visiteurs organisent leur voyage, et de mieux planifier les services de la ville . » Des données que recherchent précisément toutes les villes touristiques au monde. **** *source_L_AGEFI_Quotidien_-_Édition_de_7h *date_2023-08-28 *am_2023-08 *annee_2023 Climat, surtourisme, réseaux sociaux : comment un fonds sur le tourisme s'adapte aux tendances La société de gestion espagnole GVC Gaesco Gestión, qui gère une stratégie actions sur l'industrie du tourisme, va lancer un fonds de capital-investissement sur le secteur d'ici décembre. Depuis 2014, la société de gestion espagnole GVC Gaesco Gestión gère le fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide, investi dans les sociétés fournissant des services dans les 300 lieux les plus visités au monde. Une stratégie qui a été déclinée au Japon dans le cadre d'un mandat confié par le gestionnaire japonais Capital Asset Management en 2019 puis au Luxembourg en juin 2023. Cependant, les tendances et perspectives du tourisme mondial pourraient bien amener le gestionnaire d'actifs espagnol à amender le nombre de lieux inscrit tant dans la dénomination du fonds (300 Places), que dans sa politique d'investissement. Pour comprendre cette possible évolution, il faut revenir un peu en arrière. Fin 2019-début 2020, la pandémie de coronavirus Covid-19 bouscule les marchés financiers. Les restrictions de mouvements à travers le monde engendrent des dégâts considérables pour l'industrie du tourisme. Durant les turbulences, le fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide dévisse, perdant alors jusqu'à plus de la moitié de ses encours sous gestion avant de remonter la pente. A lire aussi: « Les perspectives à long-terme du tourisme mondial demeurent intactes », selon GVC Gaesco Gestión 2019 s'ancre comme l'année de référence dans l'industrie du tourisme, constate Jaume Puig, directeur général et des investissements de GVC Gaesco Gestión et gérant du fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide. Comme une sorte d'année zéro. «Certaines sociétés se sont entièrement remises par rapport à 2019, d'autres pas encore en fonction de leur localisation géographique. Quoi qu'il en soit, l'activité s'est pleinement rétablie, mais pas les prix des actions. Il y a encore beaucoup de marge pour une hausse des prix», expose-t-il à L'Agefi. Sur-réaction Le fonds tourisme de GVC Gaesco Gestión a donc repris des couleurs depuis les turbulences du Covid-19. Jusqu'alors en 2023, il enregistre la meilleure performance annuelle de son histoire avec une hausse d'environ 25% par rapport à fin 2022. Cela ne surprend pas pour autant le directeur général et des investissements de la société de gestion espagnole. «L'an dernier, les sociétés cotées de l'industrie du tourisme ont dépassé les attentes mais leurs actions ont chuté étant donné que les marchés avaient intégré une future récession qui n'est jamais venue dans les prix. En 2023, ces sociétés battent toujours les prévisions des analystes mais les investisseurs commencent à comprendre que la tendance peut durer plus longtemps qu'attendu», explique Jaume Puig. Selon lui, les investisseurs sont moins inquiets sur la dette et les augmentations de capitaux et commencent à s'intéresser de nouveau à leur rentabilité. Mais le secteur du tourisme, dit-il, fait face à un dilemme qui ne pourra être résolu que dans deux ou trois ans. La consommation est très concentrée sur les services, une sur-réaction à la réouverture de l'industrie après la pandémie de Covid-19, poursuit Jaume Puig. «Certains disent que cette tendance va perdurer, mais nous restons prudents car les préférences des consommateurs ont changé». Aussi le tourisme international doit-il composer avec deux gros défis : son adaptation au changement climatique et au phénomène de surtourisme. La durabilité est une tendance inévitable pour l'industrie qui veut doubler le chiffre de 1,5 milliard de touristes mondiaux enregistré en 2019 . «Tous les nouveaux investissements dans le tourisme doivent être durables. Il y a dix ans, les sociétés faisaient beaucoup d'éco-blanchiment mais de nos jours, les plans de Capex incluent tous des objectifs de décarbonation ambitieuses pour 2030 ou après. Si les sociétés ne les atteignent pas, alors nous vendrons nos actions immédiatement» , observe le directeur général de GVC Gaesco Gestión. Il ajoute que pour le moment, rien ne laisse penser qu'elles ne les atteindront pas. De 300 à 350 lieux Le changement climatique peut aussi affecter la liste des 300 lieux les plus visités utilisée pour la gestion du fonds, admet Jaume Puig. Mais les changements restent très marginaux et certaines villes dont Paris resteront dans la liste quoi qu'il advienne. Le gestionnaire espagnol porte son attention sur la façon dont les sociétés internationales agissent dans ces 300 lieux en matière de durabilité. «Par exemple, si deux compagnies aériennes proposent des vols vers ces 300 destinations, nous choisirons celle qui fait voler les avions les plus neufs et durables au détriment de l'autre», indique le gérant. A lire aussi: Le secteur aérien s'attend à une forte hausse du trafic estival Quant au tourisme de masse, Jaume Puig peut mesurer l'ampleur du phénomène sous ses fenêtres au quotidien, lui qui habite face à la Sagrada Familia à Barcelone. Le nombre de visiteurs payants de la célèbre basilique est passé «de 4.000 par an il y a cent ans à 4,7 millions par an en 2019» . Le surtourisme doit être régulé, affirme-t-il tout en concédant que la tâche sera compliquée dans la mesure où la demande pour le voyage en Europe ne cesse de progresser. «Etablir des quotas de visiteurs ou augmenter le nombre de lieux à visiter sont les deux principales options pour tenter de résoudre le problème. Aujourd'hui, 85% des touristes internationaux voyagent dans les 300 lieux qui composent notre liste», décrypte Jaume Puig. La deuxième option sera nécessaire si le nombre de touristes vient effectivement à doubler, ce qui pourrait aussi conduire GVC Gaesco Gestión à rehausser à 350 le nombre de lieux sur lesquels se basent le fonds pour sa stratégie. Les réseaux sociaux, Instagram en tête, jouent aussi un rôle non négligeable dans la définition de la liste des lieux les plus visités car ils contribuent à alimenter la demande pour le tourisme international. A lire aussi: Le gouvernement mène la charge contre les meublés touristiques Tourisme non-coté En attendant d'amplifier sa liste des lieux les plus visités, la société de gestion espagnole compte répliquer le modèle du fonds dans au moins cinq autres pays (après le Japon et le Luxembourg). Une nouvelle déclinaison de la stratégie devrait être ainsi lancée possiblement d'ici la fin de l'année. Elle concentre en outre ses efforts sur la distribution de la version luxembourgeoise du fonds dans plusieurs marchés tels que la Suisse et Singapour. GVC Gaesco Gestión va aussi s'attaquer au segment non-coté du tourisme avec un fonds dédié qui sera lancé d'ici décembre, afin de capitaliser entre autres sur la digitalisation du secteur. «En complément de nos rendez-vous avec les sociétés cotées de l'industrie du tourisme, nous rencontrons celles qui restent privées. La plupart d'entre elles sont digitales ; par exemple cela inclut des voyagistes en ligne. C'est pourquoi nous allons lancer un fonds de capital-investissement sur le tourisme international. Nous comprenons que ces sociétés fournissent de nouvelles façons d'envisager le secteur et qu'elles proposeront quelque chose de différent à l'avenir», développe Jaume Puig. L'occasion pour le gérant espagnol d'investir dans davantage d'entreprises hispaniques que dans le fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide mais des entreprises toujours axées sur le tourisme international et non local. **** *source_Le_Monde *date_2025-05-06 *am_2025-05 *annee_2025 « Les réseaux sociaux, bouc émissaire d’un discours tourismophobe » En quinze ans, les arrivées de touristes étrangers ont bondi de 40 % dans le monde. Cette croissance mondiale du tourisme est avant tout alimentée par la dématérialisation, qui rend les voyages plus accessibles et faciles à organiser, et par l’essor de la classe moyenne dans les pays émergents. Elle est aussi accélérée par les réseaux sociaux : TikTok et Instagram sont devenus un immense terrain de jeu publicitaire pour l’industrie du tourisme. Bien sûr, les « médiateurs » du voyage – essais, guides, articles, publicités… – ont toujours existé. Mais cette nouvelle ère demande plus de régulation, estime Jean-Christophe Gay, enseignant-chercheur à l’université de Nice, auteur de Tourismophobie (Iste, 2024). On se prend en photo, on partage des photos, on observe celles des autres. La mise en scène de soi est-elle indissociable des vacances ? L’auto-représentation de soi pendant son voyage est récurrente, même si, de l’extérieur, on peut percevoir le phénomène comme une forme d’égocentrisme. C’est une preuve qu’on est allé à tel endroit, qu’on a « rencontré » ce lieu. Dès le XVIIe siècle, les voyageurs, que ce soit les pèlerins ou les aristocrates à Rome qui faisaient leur Grand Tour, sont à l’origine d’une production massive dans des ateliers de peinture : des paysages, des personnes qui se font tirer le portrait avec des sites en arrière-plan. La différence avec l’époque actuelle, et ses milliers de photos et de vidéos partagées en ligne, c’est une question d’échelle. Sur les réseaux, les photos ou les vidéos de voyage, les publicités touristiques, les récits de voyageurs ont augmenté de manière exponentielle. Sont-ils les vecteurs du « surtourisme » ? Les réseaux sociaux peuvent accélérer ces effets de concentration, mais ils sont consubstantiels au tourisme : les gens désirent globalement les mêmes endroits. Je crois surtout que les réseaux sociaux sont le dernier bouc émissaire d’un discours tourismophobe très répandu, qui existe depuis la naissance du tourisme et qui consiste à déterminer qui est légitime pour voyager et qui ne l’est pas. Ce discours n’est jamais très loin d’une forme de mépris de classe. Quand la mobilité se démocratise, à la fin du XVIIIe siècle, apparaissent les mots tourism et tourist en Angleterre : ils ont tout de suite eu un sens dépréciatif, par distinction avec le voyageur, qui, lui, percevrait la beauté des choses. Les progrès techniques – le chemin de fer, puis l’aviation – ont été critiqués, car ils favorisaient le déplacement des masses populaires. Comment expliquer ce sentiment d’un « trop-plein » de touristes ? Le nombre de touristes, en forte hausse depuis vingt ans, a connu un extraordinaire rebond après la pandémie de Covid-19. Il est bien plus facile de voyager que jadis : on peut tout réserver soi-même, sans passer par une agence, l’information est très accessible en ligne. Bien sûr, il y a des lieux qui souffrent d’un excès de fréquentation, avec une forte dégradation de la qualité de vie pour les habitants et pour les visiteurs – Barcelone, Dubrovnik, Venise en sont des exemples. Mais ceux-ci sont assez rares. Il faut aussi s’interroger sur les raisons de cette surfréquentation ponctuelle : le nombre de vols low cost, le manque de régulation des autorités… Surtout, ce discours autour du « surtourisme » fait le jeu d’un certain nombre d’opérateurs touristiques qui vendent des destinations ou des concepts touristiques certes hors des sentiers battus, mais beaucoup plus chers ou beaucoup plus restreints en capacité, et qui sont loin de pouvoir accueillir la masse de gens qui souhaitent partir en vacances. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-05-03 *am_2024-05 *annee_2024 Japon : la faiblesse du yen fait le bonheur des touristes Le Japon, en grande partie en raison de la faiblesse de sa monnaie, voit déferler un nombre record de visiteurs au point que les autorités sont contraintes de prendre des mesures pour lutter contre le surtourisme. En revanche, la consommation des ménages nippons est en recul constant depuis mars 2023. Les touristes sont les rois au Japon. Si le yen fait en ce moment du yoyo, il reste à un niveau suffisamment bas pour doper le tourisme. En mars, l'archipel nippon a ainsi accueilli en mars quelque 3,1 millions de visiteurs étrangers selon l'Office national du tourisme japonais (JNTO), un record absolu sur un mois, autant attribué à la saison de la floraison des cerisiers qu'au taux de change avantageux. « « J'ai acheté trois paires de chaussures, ce que je ne fais absolument jamais. Ça valait vraiment le coup à cause du taux de change », se réjouit Katia Lelièvre, une touriste française de 36 ans interrogée par l'AFP dans le quartier touristique d'Asakusa, à Tokyo. Elle effectue son deuxième voyage au Japon cette année et convient que « s'il n'y avait pas eu ce taux de change avantageux je ne pense pas que je serais revenue ». » « J'étais venue il y a cinq ou six ans et je me souviens que les prix étaient nettement plus élevés qu'aujourd'hui, en particulier pour les cosmétiques et les vêtements », abonde Dominique Stabile, une touriste italienne. Elle dit avoir dépensé beaucoup d'argent pour déguster la cuisine japonaise, qui est aussi « très bon marché. J'ai essayé tout ce que je voulais. » Résultat. Un bol de nouilles ramen à 1.000 yens revenait à 8 euros en 2019 contre 5,8 euros en début de semaine. Et une montre de luxe qui se chiffrait à l'équivalent de 5.600 euros avant la pandémie ne vaut « plus » qu'environ 4.000 euros, les touristes pouvant en outre bénéficier d'une détaxe en présentant leur passeport. Ce jeudi, 100 yens s'échangent 60 centimes d'euros. Des réservations en hausse de 50% sur le marché français Selon des statistiques de l'Agence japonaise du tourisme, les vacanciers australiens sont les plus dépensiers, suivis des Britanniques et des Espagnols. Et les Français, selon les derniers chiffres du syndicat des entreprises du tour-operating (Seto), sont de plus en plus nombreux à s'y rendre. Cet hiver (1er novembre 2023 - 30 mars 2024) , les tour-opérateurs membres du syndicat ont engrangé plus de 38 millions d'euros sur la destination, soit une progression de 86.3%. La recette unitaire est de 5.239 euros, en hausse de 9.2%. Et avec des réservations en hausse de 50% pour la saison estivale, soit plus de 9.000 clients, l'engouement ne se dément pas. Des tour-opérateurs comme Asia ou Voyages d'Exception ont ainsi pu souligner ces dernières semaines que la destination fait en effet partie des cartons de l'année. Lire aussiTourisme : le Japon a dépassé son record de visiteurs étrangers en mars, avec plus de trois millions de personnes Revers de la médaille, les autorités japonaises ne cessent d'annoncer des mesures pour lutter contre le surtourisme. Dernière en date, la décision de la ville de Fujikawaguchiko prévoit de construire d'un filet à mailles de 2,5 mètres de haut et 20 mètres de long pour dissuader les visiteurs de s'y arrêter pour photographier le Mont Fuji : « C'est regrettable que nous soyons contraints de faire cela, parce que certains touristes ne respectent pas les règles », a expliqué vendredi à l'AFP l'un des responsables de la ville, se plaignant notamment de déchets laissés par les touristes ou encore d'entorses au code de la route. Kyoto, face aux comportements de certains touristes, s'est résolu à fermer certaines ruelles dans le quartier des geishas à Kyoto et il faudra payer cet été pour gravir le Mont Fuji. Une faiblesse de la devise qui pèse sur la consommation des ménages Si la faiblesse du yen fait le bonheur des commerçants et des touristes, elle pèse en revanche sur la consommation des ménages nippons, en recul constant depuis mars 2023, alors que les Japonais voient leur pouvoir d'achat fragilisé par l'inflation et cette faiblesse du yen, liée au décalage entre la politique monétaire accommodante du Japon et celles observées aux Etats-Unis ou en Europe. Depuis le début de la semaine, les autorités sont soupçonnées d'intervenir pour freiner la chute du yen par rapport au dollar. Lundi, avant de se ressaisir, la devise a dégringolé face au billet vert jusqu'à 160,17 yens, un niveau atteint la dernière fois en 1990. Mercredi, un mouvement brutal a porté la monnaie japonaise jusqu'à 153,04 yens pour un dollar. A la clôture, la monnaie japonaise a légèrement reflué, à 154,57 yens pour un dollar, ce qui constitue tout de même une hausse de 2,08% sur la journée, une variation colossale sur ce marché où les fluctuations quotidiennes se limitent souvent à quelques dixièmes de points de pourcentage. Vers 01H30 GMT jeudi, la monnaie japonaise était cependant déjà retombée à 156,23 yens pour un dollar. Ce rebond a été plus marqué encore que celui de lundi, qui avait été vu comme le résultat d'une initiative du Japon pour stopper la glissade de sa devise. Dans les deux cas, les autorités nippones se sont refusées à tout commentaire, le vice-ministre japonais des Finances, Masato Kanda, répétant jeudi matin selon l'agence Bloomberg que les données chiffrées seraient publiées fin mai. L'ampleur des mouvements de prix est « similaire à celle de l'automne 2022, lorsque le Japon est intervenu pour la dernière fois » sur le marché des changes pour arrêter la chute de la devise, a pour sa part remarqué Lee Hardman, analyste chez MUFG. Et malgré la chute en apparence inexorable de sa devise, qui inquiète les autorités du pays, la banque centrale japonaise n'a pas modifié fin avril son taux directeur, maintenu entre 0% et 0,1%, et a gardé un ton plutôt accommodant. Une pause qui était largement attendue après l'amorçage en douceur en mars de la normalisation de la politique monétaire de la BoJ, qui avait alors mis fin à ses taux négatifs, l'outil le plus spectaculaire de sa politique ultra-accommodante. **** *source_Le_Figaro *date_2024-08-31 *am_2024-08 *annee_2024 L'excès de tourisme a transformé notre Europe en parc d'attractions Après quelques semaines passées à Corfou sur les traces littéraires de la famille Durrell, cet été encore j'ai débarqué sur la Costa del Sol, où la famille de mon mari passe ses vacances. Comme un naufragé dans la mer du tourisme de masse, je me suis vite perdue parmi des dizaines de complexes touristiques tous identiques, sans centre ni histoire, où se côtoient sur la place principale le supermarché, bondé de touristes torse nu, et des bars qui proposent de la bière à toute heure. Entre le périphérique à traverser à pied pour aller à la plage, les restaurants chinois et les dentistes à prix réduit pour étrangers, j'ai alors trouvé refuge dans des promenades solitaires au petit matin, poussant la poussette de ma fille entre parkings et résidences sans cesser de m'interroger sur ce gaspillage de beauté et de Méditerranée. Il n'est pas nécessaire de s'aventurer entre Marbella et Malaga pour se rendre compte que l'excès de tourisme est l'un des maux les plus graves dont souffre notre Europe, transformée en parc d'attractions par une économie avide et sans pitié. De Venise avec son ticket d'entrée aux récentes manifestations contre Airbnb à Barcelone, la qualité de vie dans de nombreuses villes européennes ressemble à un slalom entre centres commerciaux, tours organisés en trottinettes et pizzas malodorantes. Le Petit Robert a accueilli le terme « surtourisme » pour son édition 2025, avec 85 % des touristes mondiaux se partageant les centimètres de 5 % de la planète. Des experts sont au travail pour proposer des solutions à un dilemme que l'on pourrait confondre avec du snobisme : quelques privilégiés peuvent se permettre de louer tout Portofino tandis que la plupart des vacanciers sont contraints d'étirer leur cou sur le balcon pour voir un morceau de mer. L'une des propositions avancées s'accompagne de l'irritant bourdonnement du mot « limite » : tôt ou tard, il sera nécessaire, si ce n'est déjà le cas, de limiter le nombre de visiteurs quotidiens entrant aux Offices, au Louvre, sur l'Acropole ou dans les îlots de Provence. La beauté, ou ce qu'il en reste, sera alors réservée à ceux qui auront eu la prévoyance de réserver à l'avance leur place au soleil. J'ai ainsi remarqué qu'on parle trop rarement d' « éducation au tourisme » , ou plutôt au voyage, comme d'une valeur incontournable à transmettre à nos enfants, tout autant que l'amour de la musique ou de la littérature. Peut-être que, avec un bébé de 8 mois, la laideur me semble désormais insoutenable et coupable. Sans doute ne peut-on imaginer changer un modèle de tourisme rapace en continuant à proposer à nos enfants les mêmes vacances que nous avons vécues jusqu'à présent : deux ou trois semaines à la plage en été, une à la neige en hiver et quelques week-ends ici ou là pendant l'année. Il est difficile pour un enfant né dans ces années 2020 de développer l'esprit d'un voyageur authentique si nous l'emmenons sur des plages bruyantes et surpeuplées, dansdes appartements si anonymes qu'ils ressemblent à des cryptes, sur des pistes exsangues et dans des capitales à visiter en deux jours et demi. La beauté est un droit pour tous, qui touche au principe d'égalité. Vice versa , quelques enfants chanceux passeront leurs vacances dans des lieux préservés, exposés à la culture et à la grâce, tandis que tous les autres resteront condamnés à la monstruosité contemporaine. Notre responsabilité en tant que parents - du moins je crois - est d'apprendre à nos enfants que la beauté n'est ni un ornement superflu ni un luxe réservé à quelques-uns, mais un droit philosophique et humain, une vocation de notre planète, faite avant tout de beauté, d'histoire et de culture. Cela ne signifie pas fuir vers des destinations exotiques et désertes (si tant est qu'elles existent encore) ou bien rester chez soi, mais avoir au moins le courage d'expliquer aux enfants qu'il existe une différence sacrée entre beau et laid, et que tout ce qui est confortable (et bon marché) n'est pas forcément désirable, même sous le ciel bleu avec un verre de sangria. Les anciens Romains croyaient en une connexion étroite entre le lieu physique et les présences surnaturelles qui l'habitent - appelons cela enchantement, atmosphère, géopoétique ou « fées » , pour reprendre l'expression de l'écrivain-voyageur français Sylvain Tesson. Cette association entre monde extérieur et perception intérieure, appelée en latin genius loci , obligeait à respecter l'essence des lieux et des créatures, humaines ou divines, qui les habitaient. Pendant encore quelques jours, je continuerai à me promener avec mon bébé entre parkings et salons de manucure, en réfléchissant à ce besoin humain de beauté, tout en priant les anciennes nymphes de revenir, ne serait-ce qu'un instant, sur les côtes de notre Europe, qui furent leur demeure avant que nous les occupions sans respect ni mémoire. * Andrea Marcolongo est helléniste et diplômée de lettres classiques. Dernier livre paru : « Courir. De Marathon à Athènes, les ailes aux pieds » (Gallimard, 256 p., 22 euros). **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-07-21 *am_2023-07 *annee_2023 Surtourisme : la régulation mise en place à Bréhat peut-elle faire des émules? Du 14 juillet au 25 août, l'île de Bréhat impose un quota quotidien de touristes afin de mieux réguler les flux de visiteurs et protéger ses sites naturels. Cette expérimentation sera-t-elle, demain, suivie par d'autres îles ou villes à forte affluence? En Bretagne, le tourisme durable implique de pouvoir orienter les vacanciers vers d'autres types de vacances et d'expériences, offrant aménagement et services. Le tourisme peut-il être durable ? Le risque de surpopulation touristique et de dégradation des sites naturels dans certains lieux prisés par les visiteurs, nécessite-t-il l'expérimentation d'un nouveau type de mesure ? C'est en tout cas l'argument invoqué par la mairie de la petite Île de Bréhat, en Côtes d'Armor, qui abrite un peu plus de 400 habitants à l'année sur une superficie de 3,4 km2. Afin « d'améliorer l'accueil d'environ 400.000 visiteurs par an et assurer au territoire et à ses habitants un avenir plus durable », le maire Olivier Carré a pris un arrêté limitant la fréquentation à 4.700 personnes, entre 8h30 et 14h30, du 14 juillet au 25 août inclus. Des pics jusqu'à 6.000 personnes par jour Concrètement, les compagnies maritimes desservant Bréhat disposent de quotas de places pour la traversée, qui lorsqu'ils seront atteints bloqueront toute réservation. En revanche, rien n'empêche les propriétaires de bateaux privés d'accoster sur un coin de plage. « Cette mesure vise aussi à inciter les visiteurs à découvrir l'île autrement, en avant et arrière-saison ou sur des jours plus calmes, dans de bien meilleures conditions » explique le maire, qui rappelle que les pics de fréquentation de l'île enregistrés en 2021 et 2022 se situaient entre 5.600 et 6.000 personnes par jour. Rendue possible par l'article l. 360-1 du code de l'environnement modifié en février dernier par la loi Climat et Résilience, cette expérimentation est conduite en concertation avec les compagnies maritimes, la Région Bretagne, le département et les offices de tourisme. « Le conseil municipal a pris cette décision pour offrir aux visiteurs une expérience de meilleure qualité mais aussi pour limiter les dégradations des espaces sensibles protégés et la saturation des infrastructures publiques : chemins, cales ou collecteurs de déchets » ajoute la commune. L'été, ses sentiers de randonnées sont surchargés et ses restaurants quotidiennement saturés. Or depuis 2020, l'île de Bréhat est accompagnée par la Région Bretagne dans le cadre du dispositif « site d'exception naturel et culturel ». La commune s'est en effet engagée dans un tourisme plus durable avec comme leitmotiv, « pas plus mais mieux », et la mise en oeuvre d'actions concrètes : aménagement des cheminements les plus pratiqués et nouvelle signalétique visant à répartir les flux et à multiplier les points d'attraction. Expérimenter fait partie de la boîte à outils Alors que le concept de tourisme durable prend davantage de sens dans une région qui en 2022 a comptabilisé 109 millions de nuitées touristiques dont 22 millions l'été dernier (+ 7,2%), nul doute que cette expérimentation, une première en France, sera très observée par d'autres communes fortement visitées l'été. Notamment dans les îles comme l'île-aux-Moines dans le Golfe du Morbihan qui passe de 630 habitants à l'année à un afflux de 6.000 visiteurs par jour lors des pics estivaux. Au-delà de la préservation de l'environnement, ces communes peinent aussi à assurer le traitement des déchets voire leur approvisionnement en eau. Ce fut le cas à Groix lors de la sécheresse de 2022. « Pour influer sur la régulation des flux et adapter la stratégie territoriale, il faut passer par ce type d'expérimentation, cela fait partie de la boîte à outils », confirmait Stéphane Cevoz, responsable de Ti Hub de la Région Bretagne, un accélérateur des transitions touristiques, fin juin lors d'un webinaire organisé par MapInfo, média digital breton spécialisé dans les actions à impact. De même pour désengorger les aires littorales, qui ont le vent en poupe comme Carnac (Morbihan), la côte de granit rose (Côtes d'Armor) ou Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), la Région Bretagne ne communique plus en période estivale sur les territoires ultra fréquentés. Tourisme en Bretagne s'emploie à imaginer des modèles de tourisme plus vertueux pour attirer les visiteurs, bretons ou extérieurs, hors des sentiers battus. Y compris vers le Centre Bretagne et les voies navigables, de la forêt de Huelgat dans le Finistère au canal d'Ille-et-Rance. Structurer les territoires et proposer de nouvelles expériences Le comité régional du tourisme surfe sur la nouvelle photographie du secteur qui montre un engouement croissant pour les séjours courts, l'excursionnisme et les balades à la journée. Selon son étude Reflet, dévoilée en mai, les activités de pleine nature telles que la randonnée pédestre, le vélo, les séjours en itinérance et la découverte du patrimoine régional (visites culturelles, découverte de villes et de villages) sont en nette progression. « L'enjeu majeur est de savoir comment gérer des flux sur le littoral » précise Stéphane Cevoz. « Pour parler de tourisme durable, il faut pouvoir déployer une logique de durabilité et attirer les visiteurs vers des territoires équipés pour les recevoir. Cela induit une stratégie de structuration territoriale et d'aménagement. » La répartition des flux rime donc avec organisation de filières, comme autour des canaux ou des véloroutes, développement d'équipements et proposition d'expériences nouvelles ou insolites. Des sites naturels comme celui du Cap Fréhel ou de la pointe du Grouin, près de Cancale, ont aussi été réaménagés pour préserver l'environnement des effets de la surfréquentation. « L'idée n'est pas de faire plus de tourisme mais de faire mieux et sans ce que cela soit réservé à une élite. Un système de régulation ne doit pas s'opposer à un libre accès à la nature par tous », ajoute Stéphane Cevoz. Saint-Malo n'est pas Disney De nombreuses pistes sont encore à tester ou à concrétiser, dans un contexte de répartition des flux, d'évolution de l'offre (transitions environnementales, digitales, sociétales) et de désaisonnalisation. La mesure imaginée pour l'île de Bréhat va forcément amener certains visiteurs à changer leurs plans ou leurs destinations de balades. Vers d'autres hauts lieux de Bretagne également pris d'assaut ? Dimanche 16 juillet au matin, une large banderole a été déroulée en haut des remparts de la vieille ville de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour dénoncer ce surtourisme. « Stop au surtourisme, Saint-Malo n'est pas Disney Malo » pouvait-on lire au-dessus de la porte Saint-Vincent qui ouvre l'accès à l'Intra, ville close en voie de « Mont-Saint-Michelisation ». Alors que la mairie de Saint-Malo, confrontée à une forte hausse des prix des logements, a instauré depuis 2021 des quotas stricts pour limiter l'usage des locations saisonnières de type Airbnb, la Cité corsaire fait partie des destinations à fort pics de fréquentation qui, demain, devront peut-être aussi se pencher sur une meilleure régulation des flux de touristes. Pour cela, il faut des données précisément chiffrées. Un observatoire des sites touristiques majeurs sera mis à disposition au premier semestre 2024, a promis Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME et au tourisme, lors d'une visite en juin à Saint-Malo. **** *source_Le_Monde *date_2024-08-17 *am_2024-08 *annee_2024 Dans les Cyclades, les insulaires divisés sur le tourisme de masse Amorgos (Grèce) - envoyée spéciale - Le village balnéaire de Katapola, sur l’île cycladique d’Amorgos, a perdu sa quiétude habituelle ces dernières semaines. Le jeudi 1er août, le MSC-Explora I , un bateau de croisière disposant de 461 suites, aux dimensions titanesques (248 mètres de long, et 32 mètres de large), a encombré les eaux tranquilles de la baie de Katapola. Les installations portuaires actuelles ne permettent pas au navire de s’amarrer sur le quai, alors des petits canots transportent les passagers vers le rivage. S’il n’est resté que vingt-quatre heures sur place, il doit revenir le mercredi 28 août. Et cela n’enchante pas certains habitants, qui ne « veulent pas qu’Amorgos suive le même chemin que les îles de Santorin et Mykonos, submergées par le tourisme » . La Grèce a accueilli 32,7 millions de touristes en 2023, soit 18 % de plus qu’en 2022, et le ministère du tourisme grec prévoit un nouveau record pour 2024. Selon l’Institut de l’Association hellénique des entreprises touristiques, la contribution totale du secteur à l’économie du pays en 2023 est estimée à environ 30 % du produit intérieur brut (PIB) et environ 40 % des emplois sont liés directement ou indirectement au tourisme. A Amorgos, comme dans d’autres îles, la dépendance à cette industrie est encore plus importante. D’après le maire, Eleftherios Karaiskos, « 90 % de la population a des activités liées au tourisme » . Le nombre de touristes a doublé ces six dernières années et en 2023, 100 000 visiteurs – dont 75 % durant l’été – ont séjourné sur l’île, qui compte en temps normal moins de deux mille habitants. Tiraillés entre les effets indésirables du surtourisme et la manne financière que représente le secteur, les insulaires sont divisés. « Développement excessif » Theofanis Paschos possède un hôtel de treize chambres à Katapola, et son entreprise fait travailler ses deux enfants. « S’il y avait des touristes toute l’année, plus de familles pourraient rester vivre sur l’île et n’auraient pas à partir à Athènes pour trouver du travail. Nous ne voulons pas devenir Santorin ou Mykonos, mais nous avons encore de la marge ! » , estime le sexagénaire. Mais Eleftheria Psychogou, membre de l’union des hôteliers, ne partage pas cet avis : « A Paros, beaucoup de constructions ont été autorisées ces dernières années, et l’île n’est plus la même, les changements arrivent vite… Nous sommes préoccupés par le développement excessif sur certaines îles des Cyclades. » Entre 2018 et 2023, environ 1 300 permis de construire ont été délivrés sur l’île de Paros, qui compte 14 500 habitants. A Paros désormais, les chantiers de construction sont plus nombreux qu’à Santorin ou à Mykonos. « Paros est dans l’œil du cyclone. Tous les jours, nous observons de nouvelles constructions, des villas de 1 000 mètres carrés qui n’ont plus rien à voir avec le minimalisme propre à l’architecture cycladique. Avant c’était Santorin, maintenant c’est le tour de Paros. Si des mesures ne sont pas prises, le surtourisme va s’étendre et détruire d’autres îles » , avertit Nikos Stefanou, membre de l’association Cyclades durables. A Amorgos, vingt permis de construction sont délivrés par an et des normes strictes sont établies : une maison ne peut pas faire plus de deux étages et ne peut pas avoir de piscine. Mais Frederikos Krosman, ingénieur civil, constate ces dernières années les conséquences néfastes du développement touristique sur l’île : des coupures d’eau, des problèmes dans la gestion des déchets, des logements mis en location saisonnière l’été – ce qui entraîne une hausse des loyers –, l’invasion de la baie de Katapola par des navires… Alors le projet d’extension du port de la municipalité n’a rien de rassurant pour le trentenaire. Le maire assure que l’aménagement du port est « nécessaire pour des raisons de sécurité et pour pouvoir accueillir plusieurs bateaux de ligne et des hydroglisseurs en même temps » , mais que son intention n’est pas « de faire venir des croisiéristes » . Seize nouvelles routes Mais les habitants n’y croient pas. En mars 2023, le projet d’agrandissement du port mis en ligne en consultation publique avait recueilli 335 commentaires négatifs et seulement trois positifs. Un an plus tard, d’après l’opposition locale, les plans n’ont pas vraiment changé. Seize nouvelles routes doivent être dessinées sur l’île, rendue célèbre par le film Le Grand Bleu de Luc Besson. A l’automne 2023, un collectif d’habitants a même déposé un recours devant la Cour suprême contre ce plan urbanistique d’Amorgos, qui, selon eux, mettrait en danger l’environnement. « Nous n’avons pas besoin de plus de touristes mais de visiteurs, des habitués, respectueux de l’environnement et de nos traditions » , soutient Anna Gavala, conseillère municipale. Pour la quadragénaire, les visiteurs sur les bateaux de croisière « ne savent même pas où ils débarquent, ils enchaînent les arrêts sans intérêt pour les lieux » . « Un jour, un client a demandé à la taverne une bière turque, il ne savait pas qu’il était en Grèce ! » , se rappelle-t-elle, amusée. Les retombées économiques pour les locaux sont aussi négligeables. D’après la Banque de Grèce, en 2022, un passager de bateau de croisière dépensait en moyenne 228 euros dans les ports traversés en Grèce alors qu’un autre voyageur dépensait dans le pays en moyenne 632 euros (hors transports). Même à Santorin, la municipalité prévoit de limiter les arrivées quotidiennes à huit mille passagers de bateau de croisière à partir de 2025. Le gouvernement conservateur a même émis l’idée de faire payer un ticket d’entrée pour les croisiéristes pour chaque escale sur les îles les plus touristiques. Pour Jean-François Rial, président du groupe Voyageurs du monde et amoureux d’Amorgos, « l’île n’a pas les moyens d’accueillir du tourisme de masse. Il faut un développement modéré » . D’autres contrées voisines « sont devenues des mini-Santorin, constate le chef d’entreprise. Il ne faut pas que la Grèce tue la poule aux œufs d’or ! ». **** *source_Libération *date_2024-08-17 *am_2024-08 *annee_2024 Juliette Morice «Le voyage est devenu une fin en soi» IDÉES/ Q ue signifie véritablement «voyager» ? Polysémique par excellence, le mot «voyage» a fait l'objet, au fil de l'histoire de la littérature et de la philosophie, d'autant de célébrations que de critiques. C'est le cours de cette histoire que Juliette Morice, agrégée et docteure en philosophie, maîtresse de conférences à l'université du Mans, a entrepris de remonter dans son ouvrage Renoncer aux voyages, publié en mai. Un voyage dans le temps, qui permet à l'autrice de faire le point sur les injonctions modernes à mettre fin aux voyages. s'est entretenu avec l'autrice qui se définit elle-même comme une voyageuse angoissée. Elle nous invite à dépasser le titre provocateur de son livre pour renouer avec la vérité des voyages, quitte à accepter que le «vrai voyage» n'existe pas. Qu'y a-t-il de fascinant dans le thème des voyages ? La notion même de voyage renferme tout un champ de possibles, c'est un concept presque insaisis sable. En donner une définition claire et opérante n'est pas une mince affaire. C'est d'ailleurs intéressant de voir que dans la langue anglaise, le terme de voyage peut se traduire de trois manières : trip, travel, journey, et que tous ces mots possèdent un sens différent. On pourrait se limiter à retenir des critères quantitatifs tant sur le temps que sur la distance nécessaire pour caractériser un voyage, mais cela ne suffit pas. Ce flou sémantique fait que le concept de voyage est sujet à tout un tas de poncifs sur ce que seraient un «vrai voyage» et un «vrai voyageur». Dans cet ouvrage, j'ai cherché à déconstruire ces clichés. J'y aborde l'idée du voyage d'un point de vue négatif, non pas pour inciter le lecteur à y renoncer, mais parce que la haine des voyages est un thème philosophique récurrent de l'histoire de l'humanité, qui est, en raison du péril climatique, remis au goût du jour. Pour ma part, je n'ai pas souhaité enfermer ma réflexion dans une posture idéologique et condamner le voyage. Ce qui me semblait intéressant, c'était de confronter le retour de cette rhétorique de la fin des voyages et de la mettre en perspective avec l'histoire des discours et récits sur la question, pour montrer que celle-ci ne fait que se répéter. Claude Lévi-Strauss, disait regretter de ne pas «avoir vécu aux temps des vrais voyages». Est-ce un sentiment que vous partagez, à l'heure où voyager semble rimer avec culpabilité ? A titre personnel, je ne ressens pas vraiment cette nostalgie parce que je suis plutôt de la famille des voyageurs angoissés [rires]. Je suis bien consciente qu'au XVIe siècle, les grandes expéditions se faisaient à bord d'embarcations dangereuses, et que voyager n'était pas une partie de plaisir en termes de confort. Je n'ai donc jamais eu ce fantasme de vivre au temps des «vrais» voyages. Mais il est vrai que c'est un sentiment que l'on retrouve chez de nombreux voyageurs, écrivains et philosophes au fil des siècles. Comme s'il était toujours trop tôt ou trop tard, comme si le voyage était toujours un rendez-vous manqué. Ce sentiment nostalgique suppose qu'il existe une vérité du voyage. Parmi les thèmes qui reviennent au goût du jour, il y a celui de la «nostalgie de la lenteur». Qu'est-ce que le retour de ce désir de lenteur dit de notre époque ? De tout temps, les hommes se sont méfiés de la vitesse et ont cherché à faire l'éloge d'un rythme qui serait plus «naturel». De nos jours, on entend de plus en plus de discours qui considèrent qu'il y a une forme de vérité du voyage qui s'obtient par la lenteur. Je pense qu'il y a une sorte de conservatisme dans les discours actuels qui prétendent renouer avec ce rythme. L'éloge de la lenteur ressurgit aujourd'hui comme un argument ad hoc que l'on utilise pour justifier le fait que l'on craint de partir à l'aventure ou que l'on refuse pour telle ou telle raison d'aller à l'autre bout du monde. En réalité, cette défiance envers la vitesse est assez personnelle. Elle dépend grandement de la définition que chacun a du voyage et du sens qu'il lui donne. Pour certains, c'est le déplacement, le mouvement qui permet de se rendre à destination, qui fait le voyage. Pour d'autres au contraire, c'est la sensation de rupture entre le point de départ et d'arrivée qui prime. Pour ceux-là, la lenteur pourrait sembler contraire au voyage. Emblème de la vitesse, l'avion semble être aussi devenu le symbole du voyage par excellence, celui qui représente le vrai voyage, vers l'ailleurs ? Les questionnements actuels autour de l'avion révèlent parfaitement les paradoxes qui traversent tout individu moderne. Nous sommes tous parfaitement conscients des problèmes de pollution liés au transport aérien et au surtourisme. Malgré tout, le tourisme interna tional se porte à merveille, le secteur ayant retrouvé son dynamisme d'avant la pandémie. Quant à l'avion, il demeure l'allégorie même de la liberté, le moyen de transport qui incarne le mieux le départ en voyage. Sur ce point, la proposition de Jean- Marc Jancovici d'imposer à tous les êtres humains une limite de quatre vols par vie a pu choquer parce qu'elle possède un côté liberticide. Mais elle reste intéressante, car elle nous incite à repenser notre rapport aux voyages. Si nos déplacements étaient limités à l'échelle de notre existence, nous serions bien obligés de voyager de façon moins inconsidérée. Peut-être cela nous permettrait de rêver davantage et de ramener de la poésie dans nos voyages. En parlant de «rêve», quelle place accordez-vous aux voyages fictifs, ceux que l'on fait de chez soi, à travers les récits des autres ou, de nos jours, à travers nos écrans d'ordinateurs ? La figure du voyageur en chambre n'est pas nouvelle. Pierre Bayard l'a célébrée en montrant que l'on pouvait parfois mieux voyager en étant à distance, que ce soit en envoyant quelqu'un à sa place, en lisant des récits de voyages ou en inventant des ailleurs. Ce topos littéraire et philosophique du récit de voyage pose d'autant plus question aujourd'hui que l'on est abreuvé d'images qui pourraient nous dispenser de voyager. Mais pourquoi, alors même que l'on peut s'évader de chez soi grâce à des récits ou même virtuellement grâce à Internet, éprouve-t-on le désir d'aller voir soi-même les choses ? Je pense qu'il y a une sorte de pulsion scopique qui guide le voyage. Une pulsion de voir qui est aussi liée à la nécessité d'engager son corps dans l'espace et de prendre un certain nombre de risques. Dans le fond, il n'est peut-être pas souhaitable d'opposer voyage réel et voyage fictif. On peut considérer qu'ils sont complémentaires et que l'on n'est pas obligé de préférer l'un à l'autre. D'autant que tout voyage comporte une part de fiction. On se raconte son voyage avant de l'entreprendre, on le fantasme, puis on le raconte lorsqu'on rentre. Dans notre époque actuelle, le voyage est souvent vendu comme un moyen de se reconnecter avec soi-même ? Lui reconnaissezvous toujours cette vertu ? La psychologie du bien-être s'est pleinement emparée du sujet des voyages. L'idée que le voyage possède des vertus thérapeutiques est très répandue à l'époque contemporaine. Elle se fonde sur des témoignages réels, de personnes pour lesquelles partir en voyage a pu être salvateur. Mais ce que nous montrent la littérature et la philosophie, c'est qu'il peut y avoir une sorte de désillusion dans le départ. On s'est tous déjà posé tout un tas de questions en voyage : «Pourquoi aller là, plutôt qu'ailleurs ? Est-ce que je désire vraiment partir ? Pourquoi ai-je envie de rentrer, alors que je voulais partir ?» Je trouve intéressant de voir ce qu'il y a derrière ces question nements parce qu'ils racontent toutes les contradictions qui nous traversent et qui constituent notre nature d'être humain. Ces contradictions traversent toutes les époques. Ainsi Socrate, déjà, expliquait à celui qui lui demandait pourquoi ses voyages ne l'avaient pas guéri que c'est parce qu'il s'était emporté avec lui-même. Ce qu'il dit, c'est que changer de lieu, ce n'est pas changer d'âme, et que l'on ne peut pas fuir notre propre personne. C'est une idée qui possède toujours un certain écho. D'ailleurs, la psycho logie du bien-être nous répète aussi que le voyage le plus important est le voyage intérieur. Là encore, il y a le mot «voyage»… Dans quelle mesure les vacances sont-elles devenues indissocia- bles du voyage ? Il est vrai que le moment des vacances qui, d'un point de vue étymologique, est un moment de «vide», est de nos jours assimilé à un moment de voyage. Il y a comme une injonction à remplir ce vide en partant loin de chez soi. Pourtant, si les vacances sont une pause, si elles sont faites pour se reposer, on ne voit pas bien pourquoi il faudrait à tout prix avoir la bougeotte et se fatiguer à voyager. Or, le voyage est presque devenu une fin en soi, en ce sens que l'on travaille pour économiser assez dans l'espoir de partir en voyage quand on est en vacances. Je ne condamne pas ce besoin. Je pense qu'il y a chez l'être humain, un besoin d'entériner la rupture temporelle par une rupture géographique. Le problème, c'est que les voyages coûtent de plus en plus cher, et que de J nombreuses personnes sont aujourd'hui privées de ce qui devient un luxe. Pour remédier à ce MRAUX PUF, 248 problème, et aux réticences de certains à partir loin, on a vu apparaître ces dernières années une tendance centrée autour de la microaventure. L'idée qu'il n'est pas nécessaire de partir dans un autre pays pour voir des paysages différents. On vante ainsi les mérites du Colorado provençal, on explique que la Bretagne possède autant de charme que les Seychelles. Ce qui est frappant, c'est que cette éco - nomie du tourisme local vend un voyage entièrement basé sur les paysages. On néglige totalement la question de la rencontre et du dépayse- ORICE VOYAGES p., 20 €. ment culturel, on limite le voyage à sa plus petite substance : voir un autre horizon. Cette forme d'excursion n'en est pas moins légitime, mais, de nouveau, elle nous interroge sur ce qui fait vraiment un voyage. Si le tourisme de masse est con- damné à détruire les espaces, ne faut-il tout simplement pas con- damner la pratique touristique ? La figure du touriste possède quelque chose de proprement fascinant. Dans l'Idiot du voyage, Jean-Didier Urbain s'est intéressé à ce touriste qui serait toujours un mauvais voyageur. Ce qui est intéressant par ailleurs, c'est que l'on a tendance à penser que le touriste, c'est toujours l'autre. Ce discours possède une conséquence très problématique parce qu'il crée une forme de dilution de responsabilité, qui est démultipliée dans le contexte de l'urgence climatique. Je pense qu'il vaut mieux interroger en profondeur la figure du touriste plutôt que de la rejeter ou de se contenter de produire un tourisme alternatif, qu'il soit local ou vert et qui risque de devenir à son tour un surtourisme. Il y a aujourd'hui des paradoxes, des dilemmes moraux qui naissent du tourisme de masse. Deux postures semblent ainsi s'affronter. La première qui consiste à dire «je n'irai pas voir tel lieu, pour ne pas l'abîmer plus» et une autre qui consiste à dire «je dois y aller avant qu'il ne soit trop tard». Si la première semble plus responsable et la seconde plus égoïste, il ne sert à rien de vouloir condamner l'une ou l'autre.. **** *source_Libération *date_2024-04-25 *am_2024-04 *annee_2024 FRANCE ENVIRONNEMENT Dans les Vosges, crise de bec autour du grand tétras Décimé par le surtourisme et le réchauffement climatique, l'emblématique gros coq noir a disparu du massif vosgien. Face à un projet de réintroduction qu'elles anticipent être «une catastrophe environnementale et financière», cinq associations ont déposé un référé-suspension, examiné ce jeudi. C' est l'histoire d'un gros coq noir féru de calme, de fri- mas et de myrtilles, qui sème la zizanie dans les Vosges, bien malgré lui. Une saga tragique et folle, en apparence anecdotique mais ô combien révélatrice de notre époque. Cette histoire, c'est celle du grand tétras, ou grand coq de bruyère, qui raconte aussi, en fili- grane, celle de notre rapport à la na- ture. Jadis abondante dans le massif vosgien au point d'en devenir l'em- blème, l'espèce, pourtant protégée, y est désormais si mal en point, pour ne pas dire éteinte, que de très loin- tains cousins sauvages sont en train ces jours-ci d'être capturés en Nor- vège pour être relâchés dans ces fo- rêts de l'est de la France. Le 16 avril, la préfecture des Vosges a donné son feu vert au projet de «renforcement» de la population locale de ce galli- nacé, plus gros oiseau terrestre sau- vage d'Europe, présent aussi dans les Pyrénées (et, dans une moindre mesure, dans le Jura et les Céven- nes). Porté par le parc naturel régio- nal des Ballons des Vosges (PNRBV) et piloté par l'Etat avec le soutien de la région Grand-Est, celui-ci vise à attraper «40 oiseaux sauvages» par an sur cinq ans en Norvège, pays qui en compte 200 000, puis à les «translocaliser» dans des «sites préservés où l'habitat est de bonne qualité». «Prochainement», «dès ce printemps» même, ce sera d'abord dans le massif du Grand Ventron, classé réserve naturelle nationale. «PURE BÊTISE» Sauf qu'à peine lancée, l'opération pourrait être suspendue. C'est en tout cas ce qu'espèrent les cinq as- sociations vosgiennes qui, «face à l'éventualité d'une catastrophe environnementale et financière annoncée», ont déposé un recours en référé-suspension devant le tribu- nal administratif de Nancy, exa- miné ce jeudi. Le tout étant doublé d'un recours sur le fond et d'un «recours en suspension de la capture des grands tétras devant les autorités norvégiennes». «Nous ne sommes pas a priori contre l'idée de réintroduire une espèce dans la nature, mais ici, les conditions ne sont pas réunies, c'est un échec garanti», justifie le président de SOS Massif des Vosges, Domini- que Humbert, l'une des assos mobi- lisées. Pour lui, il s'agit de «prendre en otage quelques grands tétras qui ne survivront pas longtemps dans le biotope dégradé des Vosges, dans le seul but de faire du greenwashing: le parc espère ainsi obtenir le renouvel- lement de son agrément en 2027 et l'Etat cherche à éviter d'être condamné en justice pour inaction environnementale». Le recours, dit-il, ne vise pas qu'à «sauver quelques tétras d'une mort annoncée» mais aussi et surtout «montrer que les politiques soi-disant environnementales menées par ces institutions ne sont que des politiques d'image. Le tout pour un coût exorbitant, aux frais du contribuable». Si le parc et la préfecture avancent à la presse un budget de «200 000 euros par an», le dossier d'autorisation, lui, mentionne 603500 euros seulement pour 2024, sans compter le coût de certaines actions «déjà mises en oeuvre et nécessitant d'être poursuivies avec l'arrivée de nouveaux oiseaux». La quasi-totalité des scientifiques, qui ont rejeté le projet, fustigent aussi une gabegie d'argent public. En février 2023, le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) et le Conseil national de la protection de la nature lui ont décerné un «avis défavorable». Le dossier «manque de maturité et comporte de trop nombreuses lacunes», écrit par exemple le CSRPN, considérant que «le projet ne permettra pas d'éviter [une] extinction au cours des cinq prochaines années car les conditions indispensables au rétablissement d'une population viable ne sont pas réunies». Pour l'écologue François Guérold, professeur émérite à l'Université de Lorraine et ancien président de l'association scientifique Groupe Tétras Vosges, qui a participé au travail du CRSPN, «le problème n'est pas de savoir si on est pour ou contre la réintroduction du grand tétras, mais si on a arrêté les causes de son déclin rapide au cours des dix dernières années, or c'est tout sauf le cas». Le projet relève de la «pure bêtise», une «bêtise au goût amer», estime lui aussi le photographe naturaliste Vincent Munier, natif des Vosges et qui a «grandi» avec le tétras, sous le regard de son père, Michel, spécialiste de l'oiseau. «Aller extraire de Norvège, dans leur habitat naturel, des oiseaux qu'on va condamner à mourir à petit feu dans nos forêts vosgiennes relève de la pure hérésie et constitue une aberration éthique», écrit-il sur Facebook. Même rejet catégorique à l'issue de la consultation publique organisée par la préfecture en mars, qui s'est soldée par 811 réponses défavorables sur 957. DÉTRUIT, BÉTONNÉ, MORCELÉ Rembobinons. Dans les années 70, plus de 500 gallinacés s'égayaient encore dans les Vosges. Au printemps, les coqs paradaient, leur grande queue noire s'arrondissant comme celle d'un dindon. Ils dansaient et chantaient pour séduire les femelles, des petites poules rousses. Des poussins naissaient dans des nids à même la terre, gavés d'insectes avant de pouvoir eux aussi picorer les myrtilles. L'hiver, les tétras devaient se contenter d'aiguilles de sapins peu caloriques. De sorte qu'ils restaient quasi immobiles, sous la neige, histoire de se cacher des prédateurs et surtout de dépenser le moins d'énergie possible, une suractivité pouvant leur être fatale. Las, tout cela semble bel et bien fini. Ce printemps comme le précédent, plus aucun coq de bruyère ne chante dans les Vosges. «En 2023, nous avions connaissance de trois poules et de zéro coq et pour l'instant, en 2024 nous n'avons relevé aucun indice de présence, malgré les dizaines de personnes qui recherchent le tétras, plutôt facile à trouver», se désole François Guérold, pour qui l'espèce est désormais éteinte dans le massif. Le parc et la préfecture, eux, restent évasifs sur ce point, estimant que «seuls quelques individus demeurent présents», mais reconnaissant que la population est «au bord de l'extinction», avec une chute de 93% des effectifs ces cinquante dernières années, en accélération depuis 2015. Pourquoi un tel fiasco? Homo Sapiens est passé par là. Détruit, bétonné, morcelé, l'habitat vosgien du tétras s'est réduit à moins de 10 000 hectares, alors qu'il en faudrait au moins cinq fois plus pour assurer sa survie. Le surtourisme est aussi en cause. Luges d'été, pistes de VTT ou de ski sur de la neige artificielle apportée par camions, tyroliennes, via ferrata, parkings pour motos «L'offre d'activités de plein air "4 saisons" est en pleine croissance, avec une promotion active réalisée par le PNRBV», remarque le CSRPN. Résultat, les tétras, qui ont tant besoin de paix, ont sans cesse été dérangés, au risque d'en mourir d'épuisement. «Les Vosges sont devenus un immense parc d'attractions, surtout depuis le Covid», témoigne Stéphane Giraud, le directeur de l'ONG Alsace Nature. S'ajoute à cela la prolifération des sangliers, qui peuvent détruire les nids, et dont le nourrissage par les chasseurs a été réautorisé dans le massif par la préfecture. Celle, aussi, des cervidés, qui se repaissent de myrtilles, comme les humains. Et, bien sûr, les effets du changement climatique, particulièrement marqués dans les Vosges, où les hivers enneigés ont quasi disparu. «Le grand tétras est un oiseau boréal, fait pour vivre dans le froid, souligne François Guérold. Or dans les petites montagnes, il ne peut pas gagner en altitude pour s'adapter.» Le parc n'a pas voulu «s'exprimer cette semaine, compte tenu du recours engagé», renvoyant à plus tard; la préfecture ne nous avait pas répondu non plus à l'heure où nous bouclions nos pages. Mais leur dossier de presse l'assure, le projet de «renforcement» du grand tétras -lequel, de facto, est un plan de réintroduction puisque l'espèce est éteinte- est assorti d'un «plan d'accompagnement pour l'amélioration de la qualité des habitats et de leur quiétude». Et de mettre en avant un programme «quiétude attitude», invitant les visiteurs à «adapter leur comportement dans la nature pour ne pas déranger la faune sauvage». «Il s'agit juste de grandes banderoles à l'entrée de certaines forêts, c'est pathétique. Pendant ce temps, le parc et la préfecture continuent à valider les courses motorisées et autres sports destructeurs», tempête Dominique Humbert. Stéphane Giraud, d'Alsace Nature, dénonce lui aussi la multiplication des courses de motos, de VTT, les trails ou la relance du projet de via ferrata sur le site fragile du Tanet-Gazon-du-Faing. Si cette association ne s'est pas associée au recours de ses consoeurs vosgiennes, son responsable l'assure, «c'est tout sauf un chèque en blanc, nous poursuivons le même but mais avec une stratégie différente. Nous disons au parc et à la préfecture : OK les gars, chiche, introduisons des tétras, mais prouvez-nous que vous allez vraiment agir pour assurer leur survie, abandonner les projets qui les dérangent, interdire à certaines périodes la circulation sur la route des crêtes, etc.». Pour lui, hors de question que les lâchers de tétras soient un «puits sans fond, pendant des décennies, pour afficher l'oiseau sur les cartes postales sans changer de paradigme». Et de préconiser «une autre voie que des Vosges-Disneyland», basée sur le «slow tourisme, le vélo, la randonnée, la rencontre des gens qui font ce territoire». Quitte à «garder de la luge d'été mais dans quelques endroits seulement, comme La Bresse». Pour lui, «il est possible de sortir de l'affrontement tourisme contre nature, nous avons signé une convention en ce sens avec un club d'escalade pour protéger des oiseaux rupestres et ça fonctionne !» Même attitude prudente du côté de la Ligue pour la protection des oiseaux. «Je parie sur l'espoir d'une prise de conscience grâce à la réintroduction, c'est le pari de la dernière chance», dit son président, Allain Bougrain- Dubourg, qui admet que ses troupes sont divisées sur le sujet. «IL N'A PLUS SA PLACE» Le parc et l'Etat donneront-ils une vraie chance au tétras ? Il est trop tôt pour le savoir. Mais même si le surtourisme était enrayé dans les Vosges, la tranquillité du volatile assurée, resterait le changement climatique. Or là, personne n'a la main localement, ni même au niveau national. Vincent Munier le rappelle, «toutes les tentatives de réintroduction de cet oiseau en Europe se sont soldées par des échecs (une seule a fonctionné en Ecosse avec des oiseaux scandinaves, il y a maintenant un siècle et demi - époque à laquelle le changement climatique et la surfréquentation touristique n'étaient pas encore connus)». Pour lui, qui dit en être «le premier meurtri», «il faut bien voir les choses en face: les Vosges ne sont plus faites pour le grand tétras» ! Et de souligner ce qu'il considère comme une ineptie : «Pour remplacer sapins et épicéas qui se meurent ici, on va devoir importer des essences d'arbres originaires du Sud. Il y aurait un paradoxe, une ironie absurde, à vouloir y introduire des oiseaux qu'on serait, eux, allé chercher dans le Grand Nord.» François Guérold le dit lui aussi, la mort dans l'âme : «J'ai présidé une association qui s'est battue pendant quarante ans pour sauver le tétras vosgien, mais il faut accepter qu'une espèce puisse disparaître, que le tétras n'a plus sa place dans les Vosges». Déprimant? Oui. Mais le scientifique garde une lueur d'espoir: «La chouette chevêchette a fait une arrivée fracassante ces dernières années dans le massif, elle y devient commune, comme le hibou grandduc. Cela vaut le coup de se battre pour préserver ce qui reste.» ?. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-08-30 *am_2023-08 *annee_2023 France : les touristes étrangers pourraient rapporter jusqu'à 67 milliards d'euros en 2023 La saison estivale 2023 devrait être un peu meilleure qu'en 2022, qui était déjà un bon millésime, estime le gouvernement. L'inflation et la flambée des tarifs hôteliers ont néanmoins renchéri le coût des vacances, forçant les Français à faire des arbitrages. Ils ont ainsi préféré la montagne et la campagne au littoral, les campings et locations entre particuliers aux hôtels. Les sorties ont notamment été plus limitées, notamment au restaurant, et la durée des séjours a été plus courte. L'été a aussi été marqué par le retour en masse des touristes étrangers, qui devraient générer des recettes record cette année. Près de 7 Français sur 10 (67%) sont partis en vacances - pour des week-ends ou des séjours longs - en juillet et en août. Soit une fréquentation « globalement stable » par rapport à l'an dernier, selon l'enquête d'Atout France, ADN Tourisme et 11 comités régionaux du tourisme, réalisée par Opinion Way et publiée ce mardi 29 août. Une première version qui sera par la suite affinée fin septembre en incluant l'arrière-saison. « « Sans réelle surprise, nous avons une très bonne saison touristique cette année, dans la lignée de l'été 2022 », a déclaré la ministre déléguée au Tourisme Olivia Grégoire, lors d'une conférence de presse. » Des dépenses plus maîtrisées Les Français ont ainsi « sanctuarisé leurs vacances », a estimé la ministre. Il ressort toutefois de l'enquête qu'ils ont « cherché à mieux maîtriser leurs dépenses ». 27% ont « déclaré avoir moins consommé dans les restaurants » et la durée moyenne de séjour est passée à 8 jours, contre 9 l'an dernier. « « Face à des prix parfois jugés assez élevés le comportement des Français a évolué. Ils sont toujours allés au restaurant mais ont souvent consommé un peu moins ou autrement », a poursuivi la ministre. » Lire aussiCoût de la vie : près des trois quarts des Français ont modifié leurs projets de vacances, selon une étude Un changement qu'avait déjà noté la société de conseil MKG dans un bilan estival publié la semaine dernière. « Un pouvoir d'achat en baisse, une volonté de nombreux Français de voyager "local" et/ou moins cher, mais aussi la crainte des fortes chaleurs et du surtourisme, ont eu tendance à faire évoluer les schémas habituels des vacances », constatait-elle. Pour les Français qui n'ont pas pu partir en vacances, « les motifs financiers restent le premier facteur explicatif pour 40% d'entre eux », selon l'enquête réalisée par Opinion Way. Le littoral délaissé au profit de la montagne et la campagne Pour les Français ayant pu partir, 88% sont restés en France. Mais les destinations ont changé : le gouvernement constate en effet une mutation de la répartition du tourisme sur le territoire, désormais moins concentré sur le littoral, du fait des températures record cet été. « « Jusqu'à 42°C à Carcassonne, 43°C à Puy-Saint-Martin, 41°C à Menton, ces chiffres sont peut-être exceptionnels mais ils devraient être désormais la norme chaque été. Les modèles qui étaient jusqu'alors la norme, souvent très rentables, vont devoir évoluer au risque de ne plus l'être », a déclaré Olivia Grégoire. » Ainsi, le littoral et la Corse, « d'ordinaire très attrayants », ont vu le taux d'occupation de leurs hôtels reculer par rapport à l'an passé de respectivement 3,5 points et 6,5 points, d'après MKG. Le chiffre d'affaires de l'hôtellerie a par contre progressé par rapport à l'été 2022, dans les Alpes du Nord (+13,2%), les Pyrénées (+7%) comme en moyenne montagne : Jura, Vosges, Massif Central (+7,7%). Lire aussiTourisme : en plein réchauffement climatique, la Normandie abat ses atouts Plus camping et Airbnb qu'hôtel Niveau hébergement, les Français ont également davantage plébiscité les campings et les locations entre particuliers, dont la fréquentation progresse de respectivement 2% et 11,8% comparé à l'année dernière, selon le gouvernement. A contrario, dans l'hôtellerie, la fréquentation a reculé d'environ 2%, a fait valoir la ministre. Selon MKG, sur l'été 2023, le taux d'occupation de l'hôtellerie française a reculé de 2,2 points comparé à 2022 mais reste « bon » à 71,3%, notamment grâce au retour des touristes étrangers. Cette légère perte d'activité est toutefois plus que compensée par un revenu par chambre qui a flambé de +21,9% à 90 euros hors taxe, comparé à 2019, avant-Covid 19 (+1,7% par rapport à l'été 2022), selon la société de conseil. Cela est lié au fait que les prix des chambres d'hôtel ont « explosé depuis 2019 » avec des hausses de +28,2% au niveau national et +40,7% à Paris, explique-t-elle. Des chiffres dans la fourchette de celle révélée par Olivia Grégoire, indiquant que le revenu par chambre a flambé de « 30% dans certaines régions par rapport à 2019 ». Lire aussiLe gouvernement dévoile son plan de lutte contre le surtourisme Bonne nouvelle néanmoins pour le secteur : à l'automne, la Coupe du monde de rugby devrait « dynamiser les performances hôtelières » des villes qui accueillent la compétition, selon MKG. La ministre a cependant appelé « à la responsabilité de tous, en matière de prix », à l'approche de ce grand événement et, dans quelques mois, des JO-2024. Les touristes étrangers boostent les recettes Du côté des touristes étrangers, les arrivées internationales ont augmenté de 29% cet été en France. Ce qui devrait générer entre 64 et 67 milliards d'euros de recettes en 2023, un record, d'après Olivia Grégoire. C'est donc encore mieux qu'en 2022, où elles avaient généré 58 milliards d'euros de recettes, dépassant déjà leur niveau d'avant-pandémie. Lire aussiTourisme : « Le retour de la clientèle internationale se poursuit », affirme Olivia Grégoire (Avec agences). **** *source_Le_Figaro *date_2024-10-05 *am_2024-10 *annee_2024 « Tourists go home ! » : à Barcelone, un vent de révolte souffle contre le tourisme de masse Dans les rues étroites du Barrio Gotico, un des joyaux architecturaux de Barcelone, les babioles des échoppes pour touristes débordent sur la chaussée. Difficile de se frayer un chemin au milieu des dizaines de milliers de vacanciers, qui déboulent par flots continus . Casquette ou bob vissé sur la tête, téléphone à la main photographiant en rafale, le spectacle a de quoi désoler les habitants, qui ne reconnaissent plus leur ville. « Barcelone est devenue un parc d'attractions » , regrette Ander, ingénieur à la retraite, qui habite une ruelle du centre. Il déplore l'afflux de touristes toujours plus important d'année en année et ses conséquences dans son quartier. « Les commerces traditionnels disparaissent un à un au profit de boutiques de souvenirs ou de cafés qui servent des lattés comme Starbucks » , pointe-t-il . Un phénomène de standardisation qui s'observe dans d'autres villes européennes - Paris, Prague, Amsterdam, Dubrovnik... Pour les habitants, la sensation d'envahissement prend de l'ampleur, avec son cortège d'effets collatéraux. « Le soir, les touristes ivres urinent dans la rue, dorment par terre , déplore Ander . Les sacs-poubelles gisent à même le trottoir. Les personnes âgées sont fatiguées de cette ambiance lourde. Elles finissent par partir. » Le temps où la ville de Gaudi peinait à attirer les visiteurs paraît bien lointain. « Dans les années 1980, l'un des sujets phares était de redonner de l'attractivité au centre-ville au mois d'août, car tous les commerces étaient fermés, et la ville déserte » , se souvient Guim Costa i Calsamiglia, doyen du collège d'architecture de Barcelone . Les efforts de la cité catalane pour redorer son blason ont porté leurs fruits au-delà des espérances. Le tourisme pèse aujourd'hui 14 % du PIB de la ville et celle-ci a accueilli près de 15,6 millions de touristes en 2023, ce qui fait d'elle une des dix destinations les plus prisées au monde. Mais pour les Barcelonais, aujourd'hui, c'est trop. De mois en mois, la grogne monte. Signe de cette exaspération, des milliers d'habitants ont manifesté le 6 juillet, brandissant des pancartes hostiles aux touristes et aspergeant les vacanciers d'eau avec des pistolets en plastique. Des images qui ont fait le tour du monde. Bien avant cette manifestation de colère, des tags « Tourists go home » avaient fait leur apparition sur les murs de la ville. Depuis cet été, des photos de vacanciers posant à côté de ces inscriptions agressives tournent sur les réseaux sociaux. « Thanks Barcelona for your very warm welcoming » , a ainsi ironisé au mois d'août une touriste sur un post Instagram liké plus de 400 000 fois. Une mauvaise publicité que la mairie a vite cherché à circonscrire. « La municipalité efface ces graffitis des zones touristiques dès qu'ils apparaissent , témoigne Annie, une habitante de Gracia, un des quartiers pittoresques de la ville. Mais ces tags finissent toujours par revenir. » Le message est toutefois bien passé. La mairie, dirigée par Jaume Collboni (Parti socialiste de Catalogne), entend mettre le holà au surtourisme qui empoisonne la ville. Et frapper un grand coup. Comme un symbole, elle a indiqué en juin dernier que d'ici à 2028, elle interdirait les « Pisos turisticos » , les locations de type Airbnb, accusées de siphonner l'offre de logements, au profit des touristes. On compterait près de 10 000 meublés touristiques légaux - équivalents à 60 000 couchages selon la mairie -, mais aussi beaucoup d'illégaux, principalement dans le centre. « La ville ne peut pas permettre qu'un nombre aussi élevé d'appartements soit utilisé pour l'activité touristique dans un contexte où la difficulté d'accès au logement et les effets négatifs de la surpopulation touristique sont évidents » , a justifié le maire. En dix ans, près de 9 500 de ces logements ne respectant pas les règles ont été sanctionnés, avec des amendes allant de 60 000 à 600 000 euros. La traque continue. La mairie débusque encore près de 300 locations illégales par mois. « C'est trop tentant, estime Nùria, qui dirige une agence immobilière dans le centre-ville avec son mari. Les propriétaires peuvent gagner trois fois plus que s'ils louaient à l'année. » Pour mettre fin aux meublés touristiques, la ville va s'appuyer sur un décret voté l'an dernier par la région Catalogne. Celui-ci limite à cinq ans la durée de vie des licences nécessaires pour louer à des touristes, à compter de novembre 2023. La mairie de Barcelone, qui ne fournit plus d'autorisations depuis 2014, a indiqué qu'elle ne renouvellerait pas celles existantes, qui jusqu'à présent étaient sans date limite. De quoi obliger les loueurs à cesser leur activité fin 2028, faute de permission. Ou à tomber dans l'illégalité. Une première en Europe. Mais outre-Atlantique, à New York, les locations de moins de 30 jours ont quasiment disparu depuis leur interdiction il y a un an. Avec cette mesure, la mairie a pour objectif de redonner un bol d'air à un marché locatif sous tension. Car, à Barcelone, se loger est devenu un enfer. Les loyers ont augmenté de 68 % en dix ans, selon l'Incasol, l'institut public qui contrôle les locations. C'est trois fois plus que l'évolution des salaires sur la même période. Dans le même temps, l'offre manque car les contraintes qui pèsent sur les bailleurs - difficultés à expulser un locataire mauvais payeur, encadrement des loyers depuis cette année - dissuadent les propriétaires de louer. Un cocktail explosif. « Dès qu'une annonce paraît, j'ai 80 à 90 demandes en une heure. Je dois retirer l'annonce » , indique Jordi Tomàs, directeur général chez GuinotPrunera, un administrateur de biens catalan. Les associations pointent aussi le manque patent de logements sociaux. Ces habitations représentent près de 4 % du parc à Barcelone (2,5 % en moyenne en Espagne). La loi logement votée l'année dernière par le Parlement de Catalogne prévoit désormais que les nouveaux programmes comportent 30 % de logement sociaux. Une mesure qui prendra néanmoins du temps avant de produire ses effets. Ce qui fait dire aux propriétaires de meublés, par la voix de Marian Muro, la directrice générale d'Apartur, l'association des propriétaires d'appartements touristiques, que l'annonce faite par la maire relève d'une décision « populiste » . Cela « permet de dire que la mairie fait quelque chose pour le logement » , pointe-t-elle. Les loueurs saisonniers ont chiffré à 1 milliard d'euros le manque à gagner - pour 1 500 propriétaires mobilisés et 25 sociétés - soit environ 666 000 euros par appartement. Un recours administratif a été formé. Mais le montant est jugé démesuré par la mairie. « C'est une folie, réagit auprès du Figaro Laia Bonet, maire adjointe au logement. Ces propriétaires ont payé 270 euros de droits en 2014. Ils en ont largement tiré bénéfice. » Le malheur des uns fait le bonheur des autres. « Les grands gagnants ce sont les hôtels, ironise l'un des dirigeants d'un site de locations saisonnières. La mesure est particulièrement injuste, car l'offre de location touristique représente moins de 1 % des logements de la ville. » De fait, l'offre en hôtels ne cesse de croître. Et cela va continuer, sans que la mairie n'y trouve rien à redire a priori. Près de 5 000 nouveaux lits doivent ainsi être construits dans les années à venir, dans les quartiers périphériques de la ville (et 15 000 en dehors), selon le nouveau plan local d'urbanisme. Autrement dit, la décision de la municipalité visant les locations touristiques n'affectera pas trop rapidement la capacité d'accueil de la ville et de ses environs, pour qui le tourisme reste malgré tout une manne. Barcelone n'attire d'ailleurs pas que les touristes. Des centaines de milliers de personnes affluent également chaque année à l'occasion de grandes messes professionnelles (le Mobile World Congress, World Vaccine Congress...) ou d'événements sportifs (Grand Prix de Formule 1, Copa America en 2024...). « Airbnb, c'est le symptôme, pas le problème » , reconnaît Daniel Pardo, d'ABDT, un regroupement de plusieurs associations de riverains contre le surtourisme. L'annonce de la municipalité peut paraître d'autant plus symbolique que le phénomène Airbnb n'est pas à lui seul responsable de la transformation de la ville. Les paquebots géants qui débarquent chaque jour sur le port autonome situé à cinq minutes de la Rambla, l'avenue la plus touristique de la ville, déversent aussi un flot ininterrompu de visiteurs. « En haute saison, c'est jusqu'à six bateaux de croisière qui débarquent quotidiennement, raconte Daniel Pardo. Cela veut dire potentiellement 20 000 à 25 000 touristes dans le centre-ville chaque jour. » Un problème là aussi bien identifié « Nous avons atteint la limite en termes de bateaux de croisière » , reconnaît Laia Bonet. Mais, la ville n'a pas totalement la main sur le développement du port, géré par un organisme public. D'ici à octobre, le terminal, proche du centre, cessera son activité, mais d'autres terminaux au sud de la ville prendront le relais. À Venise, les bateaux de croisière ont été chassés du centre-ville. À Barcelone, ils sont juste un peu repoussés. J. C. **** *source_Libération *date_2024-08-26 *am_2024-08 *annee_2024 Moi, c'est simple,je lis plus rien IDÉES Trop le cafard, toutes ces guerres, ces massacres. Dix minutes d'Instagram par jour, c'est tout. Surtout les chats. Ça me fait du bien. Feta ou mozza avec les tomates ? D e toute façon, il ne la nommera jamais. Je prends les paris. Tu penses bien, c'est joué d'avance. Le président des super riches. Moi, c'est simple, je lis plus rien. Pas ouvert un journal ni la radio depuis les élections et les JO. Trop le cafard, toutes ces guerres, ces massacres. Dix minutes d'Instagram par jour, c'est tout. Surtout les chats. Ça me fait du bien, les vidéos de chats. Oui, oui, appelle ça «régression», si tu veux. Juste la cérémonie d'ouverture. Ah Léon Marchand, j'ai vu aussi. Porte bien le costume. Feta ou mozza avec les tomates ? Hier soir, on a déjà fait mozza. Et la sportive hollandaise avec le tchador, j'ai vu passer aussi. Pas un tchador, c'est une burqa. Mais non, un hijab. Ah je sais jamais la différence. Moi, je trouve que Sophia Aram a raison, on a quand même le droit de rigoler avec ça. Moi, non. Moi, je dirais plutôt feta. Tiens le magnat de la tech, le milliardaire, ils ont retrouvé le corps. C'est les meubles qui l'ont coincé dans sa cabine. Quand même, les super riches. Il paraît que les Dassault, ils se détestent tous. Ils ne se disent jamais «je t'aime» entre pères et fils. Je lis plus rien sauf les feuilletons du Monde sur les successions des milliardaires. J'adore quand ils se détestent vraiment, comme dans la vraie série. Les Leclerc des hypermarchés, un peu déçu, ils se détestent pas vraiment. Tu crois qu'ils vont faire la succession Delon, l'été prochain ? Haha ! Quand même ce naufrage du yacht, c'est bizarre. Le gars venait d'être acquitté d'un procès pour escroquerie. Tu sais qu'il y a déjà des rumeurs complotistes ? J'ai vu ça sur des forums. Incroyable qu'on ne connaisse pas le nom du cuisinier disparu lui aussi. C'était peut-être un clandestin. Les super riches, tu crois qu'ils se gênent ? En plus l'associé du magnat, deux jours avant, il était renversé par une voiture. Sans être complotiste, je remarque, c'est tout. Celui qui doit être bien tranquille maintenant, c'est Delon. Il paraît que le chien a aussi signé le commu - niqué, avec les enfants. Je l'ai vu passer sur Internet. Et alors, pourquoi pas le chien ? Les reportages sur le surtourisme, là, j'ai lu. Personne n'en peut plus, même dans les îles grecques. T'as vu les incendies en Grèce ? On n'y arrivera jamais, avec le bilan carbone du surtourisme. Mais, ça n'a rien à voir. Si, indirectement, réfléchis. Ici aussi, ces cyclistes casqués dans le village toute la journée franchement, on n'en peut plus. Et les ânes ! D'où ils les sortent, tous ces ânes ? Nous aussi, on l'a chez nous, le surtourisme. Arrête, au moins c'est du tourisme local, bon pour le bilan carbone. Moins chaud qu'hier quand même. Attends, il paraît même qu'ils détournent l'eau de la Loire pour le tourisme en Ardèche. Oui, mais il faut finir la mozza, sinon, elle va tourner. Moi, les tomates, je dis franchement, j'en peux plus. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi dès que t'es super riche, t'achètes forcément un bateau. C'est surtout des emmerdements un bateau. On est quand même plus heureux ici. Après, ils le louent à l'année, comme Tapie, ils s'y retrouvent, c'est un investissement. Où tu voudrais qu'ils aillent pour être seuls, les super riches ? Quand t'y réfléchis bien, t'as que le bateau. Heureusement que Lucie Castets va les taxer. Comment on prononce, déjà ? Moi, je dis «Casté», c'est plus simple. Laissemoi rire, il va s'arranger pour pas la nommer, je prends le pari. Un pur scandale. Delon au moins, tu diras ce que tu voudras, mais il avait du coeur, avec son chien. Je peux poser une question ? Attention, c'est naïf. C'est quand t'es super riche, que forcément tu n'as plus de coeur, ou tu arrives à devenir super riche parce que t'as pas de coeur ? Qu'est-ce qu'on s'en fout, du chien de Delon ! Franchement, ils n'ont rien d'autre à raconter, les médias ? Et tout ce qui se passe à Gaza, pourquoi ils en parlent jamais ? Je vous arrête, finalement Loubo ne va pas être euthanasié, je viens de le voir sur Insta. C'est qui «Loubo» ? C'est le chien de Delon, haha ! je vous ai bien eus ! Ah OK et à propos, qu'est-ce qui se passe, à Gaza ? Qu'est-ce qu'on s'en fout, du chien de Delon ! Franchement, ils n'ont rien d'autre à raconter, les médias ? Et tout ce qui se passe à Gaza, pourquoi ils en parlent jamais ?. **** *source_La_Croix *date_2024-06-03 *am_2024-06 *annee_2024 Victime de son succès, le Japon veut lutter contre le surtourisme Face à une vague touristique sans précédent depuis la fin de la pandémie de Covid, le Japon devrait accueillir cette année plus de 30 millions de touristes qui profitent d’une baisse du yen. Mais de nombreuses municipalités submergées sont désemparées pour gérer cet afflux. Un véritable défi. Tokyo (Japon) De notre correspondant en Asie de l’Est Alerte au surtourisme au Japon ! Dépassées par l’afflux massif de touristes, les autorités de la petite ville de Fujikawaguchiko avaient installé mardi 21 mai un haut filet opaque noir de plus de deux mètres de haut le long d’un trottoir pour masquer une vue du mont Fuji. Une semaine plus tard, au moins dix petits trous ont été percés mardi dans le filet noir et les autorités ont annoncé qu’elles allaient installer une nouvelle bâche, plus solide et de couleur bleue. Pas sûr que cette nouvelle initiative empêche la foule quotidienne de visiteurs de faire des photos, provoquant des embouteillages et menaçant la sécurité des visiteurs eux-mêmes. Depuis la réouverture des frontières japonaises aux touristes, à la fin de la pandémie en 2022, la petite gare de Fujikawaguchiko, à deux heures de Tokyo, ne désemplit pas. Elle voit se déverser chaque jour des milliers de touristes du monde entier, mais aussi japonais, avides de s’émerveiller devant le majestueux volcan Fuji-san révéré comme un dieu au Japon. Dans cette région iconique et incontournable, ce tsunami touristique déstabilise toutes les infrastructures locales qui ont bien du mal à y faire face. Pour preuve, l’accès à un sentier de randonnée très populaire pour gravir le mont Fuji, de juillet à septembre, sera désormais payant (autour de 12 €) et limité à 4 000 personnes par jour. Un pis-aller. Cette énorme vague de visiteurs dépasse toutes les prévisions des autorités touristiques du Japon. « Les 30 millions de visiteurs anticipés pour 2024 vont être largement dépassés, assure une spécialiste du tourisme. Et tout le secteur est très tendu car nous manquons d’infrastructures et de main-d’œuvre pour accueillir autant d’étrangers. » Le Japon manque d’hôtels, de chauffeurs de bus et de taxi, de personnel dans les restaurants et surtout de guides compétents… qui parlent anglais. Alors que le chômage n’existe pratiquement pas. Le Japon est en train de payer au prix fort la rançon du succès. Le pays a tout pour séduire : accueil chaleureux, gastronomie délicieuse, transports ponctuels… Avec de plus la faiblesse de sa monnaie, le yen, il n’a jamais été aussi attractif. Fier de son art de recevoir « Omotenashi », il est désemparé de ne pas pouvoir être à la hauteur. Tout en essayant de trouver des solutions à une équation quasi insolvable : réduire le nombre de touristes ou bien s’adapter. Car ce secteur rapporte plus de 90 milliards d’euros à l’économie. « La majorité des touristes viennent au Japon pour la première fois, poursuit la spécialiste. Et ils se concentrent tous dans les mêmes endroits, Tokyo, Osaka, Kyoto qui n’arrivent plus à gérer. » Et qui tentent de lutter contre les effets du surtourisme, en augmentant les taxes de séjour, sans vraiment y arriver. « Le Japon a une multitude d’endroits magnifiques dans les montagnes et en bord de mer qui sont prêts à accueillir des touristes, explique-t-elle encore, mais pour les nouveaux venus ils ne sont pas si faciles d’accès et pas assez connus. Nous devons promouvoir un tourisme vert hors des sentiers battus. » Ce qui prendra du temps . En attendant, Kyoto, ancienne capitale impériale, tente à sa manière de gérer les flux. La municipalité a interdit depuis le mois dernier l’accès au quartier traditionnel de Gion où vivent et travaillent les geishas, à cause du comportement irrespectueux des touristes à leur égard. La population locale, à Kyoto ou dans les quartiers de Shibuya ou Shinjuku à Tokyo, se plaint également de la saleté des rues et des déchets jetés sur les trottoirs par les touristes. Le choc culturel est dur à encaisser sur le sujet car depuis l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995, les poubelles ont quasiment disparu des espaces publics pour des raisons de sécurité. Certaines municipalités ont remis quelques poubelles mais elles sont bien insuffisantes. Plus inquiétant, face à la faiblesse du yen, beaucoup évoquent déjà la possibilité d’appliquer un tarif plus élevé (certains le font déjà) aux touristes dans les magasins, hôtels ou restaurants… Ce sentiment d’être « envahi » est partagé par de nombreux Japonais excédés par la gêne occasionnée au point que certains confessent : « Nous étions tellement tranquilles quand les frontières étaient fermées durant la pandémie ! ». **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-04-18 *am_2024-04 *annee_2024 Tourisme : le Japon a dépassé son record de visiteurs étrangers en mars, avec plus de trois millions de personnes Plus de trois millions de visiteurs étrangers sont entrés au Japon en mars. Un cap pour la première fois franchi sur un mois et même supérieur de +11,6% par rapport au même mois en 2019, avant la crise du Covid-19. Il n'y a jamais eu autant de visiteurs étrangers au Japon sur un mois que courant mars. Plus de trois millions sont entrés sur le sol nippon sur ces 31 jours, selon des données fournies ce mercredi 17 avril par l'organisation nationale du tourisme (JNTO). Un record absolu pour l'archipel : c'est la première fois que ce cap est franchi sur un mois. Le plus grand contingent de visiteurs est arrivé de Corée du Sud (663.100 personnes, +13,2% par rapport à mars 2019). Mais des augmentations bien plus importantes ont été notées pour les visiteurs venant des États-Unis (+64,3%) et de pays européens comme l'Allemagne (+66,1%). Des niveaux supérieurs à l'avant-Covid Comparé aux années précédentes, cela représente une hausse du nombre de visiteurs de +69,5% par rapport au même mois l'an passé, et de +11,6% par rapport à mars 2019, période avant la crise sanitaire qui fait référence dans le secteur du tourisme. Plus globalement, le nombre mensuel de visiteurs au Japon dépasse les niveaux d'avant-Covid depuis octobre dernier. L'archipel s'était totalement fermé aux étrangers durant la pandémie, mais le gouvernement s'efforce depuis 2022 de les faire revenir en masse, les considérant comme un renfort bienvenu pour soutenir la consommation dans le pays. Lire aussiLe Japon lance un ambitieux plan de relance pour alléger les effets de l'inflation Au-delà du fort rebond du tourisme mondial après les années de pandémie, la période de la floraison des cerisiers japonais (sakura) et les vacances de Pâques à l'étranger ont contribué à ce record en mars. Tout comme la grande faiblesse actuelle du yen par rapport au dollar et à l'euro, qui rend le Japon relativement bon marché pour les Américains et les Européens. Le revers de la médaille du surtourisme Reste que ce flot de touristes, s'il est bienvenu, amène avec lui des désagréments. Ainsi, la ville de Kyoto, dans l'ouest de l'archipel, a récemment décidé d'interdire l'accès aux visiteurs étrangers à certaines voies privées dans Gion, son célèbre quartier des geishas. Depuis ce mois d'avril, ils ne sont plus les bienvenus dans ces ruelles, le conseil local ayant déploré que certains se comportaient comme des « paparazzi » et se croyaient dans un « parc d'attractions ». Contrairement à certaines idées reçues, les geishas, appelées localement « geikos » (« femmes d'art »), ne sont pas des prostituées, mais des artistes du divertissement distrayant leurs clients avec des danses traditionnelles, de la musique et des jeux. Il existait déjà depuis 2019 une interdiction de prendre des photos dans les voies privées de Gion, sous peine d'une amende pouvant aller jusqu'à 10.000 yens (environ 62 euros), sans que cela ait suffi. Kyoto n'est pas le seul lieu au Japon à prendre plus de mesures face au surtourisme. À partir du 1er juillet, un quota quotidien de 4.000 personnes s'appliquera pour emprunter le sentier Yoshida, le plus populaire pour gravir le mythique Mont Fuji. Son accès sera par ailleurs interdit entre 16h et 2h du matin et payant (2.000 yens par personne, soit un peu plus de 12 euros). L'objectif des autorités japonaises est de réduire l'encombrement et d'améliorer la sécurité de ce volcan, qui attire plus de 220.000 visiteurs à chaque période d'escalade, de juillet à septembre. Quant au maire d'Osaka, la principale métropole de l'ouest du Japon, il a dit envisager d'imposer une taxe aux touristes étrangers, en plus de la taxe hôtelière existante. Lire aussiLe Japon a perdu sa place de troisième puissance économique mondiale en 2023, dépassé par l'Allemagne Le Japon sous le feu des projecteurs en 2025 L'attrait du Japon ne risque pas de retomber en 2025, année où se tiendra l'Exposition universelle. Elle aura lieu à Osaka entre le 13 avril et le 13 octobre. Les organisateurs tablent sur 28,2 millions de visiteurs (dont 3,5 millions de l'étranger), soit 4 millions de plus qu'à l'Expo 2020 de Dubaï. Plus de 1,2 million de billets ont déjà été vendus. Reste que l'événement est critiqué dans la péninsule nippone pour la flambée de ses coûts, liée à la hausse générale des prix et à la pénurie de main-d'oeuvre dans le pays. Le budget du chantier, financé aux deux tiers par la ville d'Osaka, son département et l'État, a ainsi été réévalué à 235 milliards de yens (1,4 milliard d'euros), un bond de 27% par rapport à la précédente estimation en 2020. L'Expo a aussi été accusée par certains détracteurs d'accaparer les efforts du Japon, à un moment où le gouvernement devrait selon eux se concentrer sur la reconstruction des zones dévastées par le séisme du 1er janvier dans le centre du pays. Environ 6.300 personnes y vivent encore dans des centres d'évacuation ou des hôtels. Le gouvernement nippon a cependant exclu d'annuler ou de reporter l'événement. (Avec AFP). **** *source_Les_Echos *date_2023-10-13 *am_2023-10 *annee_2023 tourisme Evaneos espère devenir la plaque tournante du tourisme durable Le spécialiste du voyage sur mesure, désormais rentable, veut passer à la vitesse supérieure. Rendre le tourisme durable « sexy » : voilà l'ambition affichée par Evaneos, qui a définitivement tourné la page de la crise et qui veut désormais accélérer son développement. Fondée en 2009, cette place de marché spécialiste du voyage sur mesure met en relation ses clients avec ses 600 agences partenaires, en se passant des intermédiaires classiques (tour-opérateurs, distributeurs). Elle se rémunère en prélevant une commission sur les ventes légèrement inférieure à 15 %. Désormais rentable, elle devrait enregistrer un volume d'affaires supérieur à 200 millions d'euros en 2023. Il y a quelques semaines, l'entreprise s'est dotée d'une nouvelle direction. Son président et cofondateur, Eric la Bonnardière, a laissé les commandes opérationnelles à un tandem composé d'Aurélie Sandler et Laurent de Chorivit, deux cadres maison. Indice du surtourisme Pour le duo, il s'agira d'abord de consolider les fondamentaux, à savoir « voyager mieux », notamment en « valorisant les destinations qui ne sont pas exposées au tourisme de masse », résume Aurélie Sandler. Ces dernières sont mises en avant sur la plateforme, afin de mieux répartir les flux touristiques, souvent concentrés sur quelques sites. Avec déjà des effets visibles : « Depuis 2019, les voyages au Mozambique ont par exemple été multipliés par deux, tout comme les pays Baltes ou le Nicaragua », illustre la dirigeante. « Parmi les 30 destinations les plus prisées par nos voyageurs, seules deux - la Grèce et l'Italie - sont fortement exposées au tourisme de masse ». Pour aller plus loin, plusieurs projets sont dans les tuyaux. Des informations supplémentaires seront fournies sur les destinations, incluant la météo, mais aussi les pics de fréquentation aux dates choisies. Un « indice du surtourisme » est également en cours d'élaboration avec le cabinet Roland Berger, pour apporter « plus de clarté » aux clients, indique Laurent de Chorivit. En outre, alors que l'entreprise a déjà renoncé à commercialiser les « city breaks »- ces courts séjours pour visiter une ville étrangère qui nécessitent un aller-retour en avion - elle entend doubler son offre d'itinéraires en train. Estimant que l'ensemble du secteur touristique doit prendre le train de l'écoresponsabilité, la nouvelle direction veut « s'intégrer dans l'écosystème, avec des partenariats », selon Laurent de Chorivit. Et alors que son modèle désintermédié avait suscité quelques grincements de dents parmi ses concurrents, un rapprochement avec les Entreprises du Voyage (EDV) est désormais envisagé : « Nous discutons avec les EDV et leur nouvelle présidente, Valérie Boned, des modalités d'intégration d'Evaneos aux réflexions du secteur. Il faut des initiatives collectives et nous sommes prêts à jouer le rôle de locomotive », poursuit-il. Répliquer le modèle hors de France Pour poursuivre sa croissance, Evaneos devrait enfin accélérer son développement hors de France. Déjà présente en Espagne, en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas, l'entreprise souhaite se renforcer sur ces marchés en répliquant son modèle français. C'est notamment le cas de l'Allemagne, « où il existe une vraie appétence » pour le tourisme durable, selon Laurent de Chorivit. Et même s'il n'en est pas question pour le moment, une incursion sur le marché américain pourrait être envisagée à plus long terme. Yann Duvert. **** *source_Les_Echos *date_2024-08-06 *am_2024-08 *annee_2024 LES NOUVEAUX SPOTS DU SURTOURISME (2/5) Le mont Fuji, symbole d'un Japon déchiré face au tourisme Si l'empire du Soleil- Levant cherche à développer ses revenus issus du tourisme, il lutte aussi contre les méfaits de la surfréquentation, qui touche quelques-uns de ses sites les plus iconiques. La vue était trop tentante au coucher de soleil. Au premier plan, un magasin Lawson tout illuminé de jaune et de bleu, en second plan, semblant chapeauter la boutique, le majestueux mont Fuji couronné de neige. Depuis la réouverture du Japon au tourisme en 2022, après les années Covid, des centaines de curieux, parfois peu respectueux de la bienséance locale, venaient chaque jour en pèlerinage devant la supérette de la bourgade de Fujikawaguchiko pour reproduire sur leur compte Instagram une photo déjà prise des millions de fois. Mais la municipalité a craqué. Assaillie par les plaintes des résidents, dénonçant le chaos dans la rue étroite où les visiteurs s'agglutinaient pour obtenir le cliché parfait, la mairie a décidé de bloquer la vue magique. En mai, elle a fait ériger, au bord de la route, une bâche de paillage noire de 2,5 mètres de haut et placé un garde septuagénaire pour empêcher les touristes de tenter de prendre une image volée du paysage. « S'il vous plaît, ne vous arrêtez pas », rabâche-t-il, en japonais, en ce début juillet, à des touristes chinois indifférents. Toutes les télés du pays avaient dépêché des envoyés spéciaux pour filmer la frêle barrière qui est devenue le symbole de la schizophrénie du pays face à sa nouvelle popularité touristique. Une destination abordable Dans le même temps, les autorités ont introduit des mesures restrictives sur le célèbre mont. Les touristes doivent désormais s'acquitter d'un droit d'entrée, certes raisonnable (2.000 yens, soit environ 12 euros), et ne peuvent entamer leur ascension qu'entre 3 heures du matin et 16 heures. Leur nombre est limité à 4.000 par jour (dont 3.000 sur réservation). Pendant des années, le Japon a été considéré comme une destination très coûteuse, presque élitiste. Il ne recevait qu'entre 5 et 7 millions de visiteurs étrangers par an. Surtout des voyageurs indépendants, peu de grands groupes. Mais avec l'effondrement du yen, le pays est soudain devenu bon marché. Depuis 2021, la devise nippone a perdu près de 40 % de sa valeur face au dollar, à l'euro et aux monnaies asiatiques, accrochées à un panier de devises occidentales. Et les prix n'ont que peu augmenté dans le pays frappé de déflation depuis plus de vingt-cinq ans et où le salaire réel des travailleurs continue de baisser. Profitant désormais de leur gigantesque pouvoir d'achat dans l'Archipel, les touristes arrivent en masse, particulièrement de Corée du Sud, de Chine, de Taïwan et de Thaïlande. Sur le premier semestre, le Japon a recensé près de 18 millions de touristes étrangers, soit 3 millions d'entrées par mois, en moyenne. A ce rythme, ce sont près de 36 millions de personnes qui pourraient arriver dans l'année. Du jamais-vu dans l'histoire de la nation. Manque d'infrastructures A Fujikawaguchiko et dans une poignée d'autres villes, les habitants se disent submergés alors que les médias nippons multiplient les reportages sur le « surtourisme », aux accents parfois xénophobes, où ils dénoncent la saleté supposée ou la muflerie des étrangers. Récemment, ils les accusaient même, sans la moindre justification, d'avoir fait bondir le prix du riz dans les supermarchés. « Beaucoup de communautés n'ont pas les infrastructures pour recevoir soudain autant de gens. Elles n'ont pas eu le temps de se préparer », explique Kotaro Nagasaki, le gouverneur préfecture de Yamanashi qui doit gérer la popularité du mont Fuji et des communes avoisinantes. « Il est toujours difficile de savoir quel site va soudain devenir viral sur les réseaux sociaux. Et personne n'avait vu venir la popularité de la boutique Lawson au pied du mont Fuji », pointe l'élu qui estime que le gouvernement doit améliorer sa gestion des flux touristiques. Avec une trentaine de millions de touristes par an, le Japon et ses 125 millions d'habitants ne font pourtant pas face à des volumes exceptionnels. Le pays affiche ainsi un ratio de 0,24 touriste par habitant. L'an dernier, la France a accueilli, selon les autorités, 98 millions de visiteurs étrangers, ce qui représente un ratio de 1,44. La même année, l'Espagne et l'Italie en recevaient, elles, respectivement 85 et 57 millions. Pour les experts, le malaise japonais s'explique par une concentration extrême des touristes dans une poignée de lieux, tels que le mont Fuji, les rues piétonnes et les temples de Kyoto, le croisement de Shibuya à Tokyo ou encore les sanctuaires d'Asakusa dans la capitale. « Actuellement, 70 % des visiteurs restent dans seulement trois zones métropolitaines », confirme Ichiro Takahashi, le directeur de la Japan Tourism Agency, la structure publique supervisant le secteur. Il pointe aussi le faible impact économique de cette industrie à l'échelle du pays. « En 2023, les dépenses des touristes étrangers ont totalisé 5.300 milliards de yens avec une dépense moyenne de 213.000 yens (1.300 euros) par personne », note Ichiro Takahashi. Sur l'année, cette activité ne représente ainsi que 0,9 % du produit intérieur brut (PIB) et ne profite qu'à une infime minorité d'habitants, pendant que les autres affrontent les bus et les trains surchargés, la foule dans leurs restaurants préférés ou les hôtels débordés et déjà déstabilisés par de graves pénuries de main-d'oeuvre. En France, ces dépenses par les étrangers frôlent les 3 % du PIB. En Thaïlande, c'est 12 %. « Nous avons donc de quoi faire progresser ces volumes », assure Ichiro Takahashi avant de rappeler que le gouvernement vise les 60 millions de touristes étrangers par an à l'horizon 2030. « Mais nous allons devoir maintenant faire la promotion d'autres destinations pour déconcentrer les flux. D'autres pays ont réussi à le faire. Pourquoi pas nous », souffle le haut fonctionnaire. Yann Rousseau. **** *source_La_Croix *date_2024-11-21 *am_2024-11 *annee_2024 Conte insulaire sanglant durant le surtourisme Un fait divers sordide, une dynastie de vauriens, un narrateur sentimental et une foule de vies entremêlées sur une île envahie par les visiteurs composent ce merveilleux roman. Nord Sentinelle de Jérôme Ferrari Actes Sud, 144 p., 17,80 € Le nouveau livre de Jérôme Ferrari rappelle un de ces artefacts de conte de fées, pas plus gros qu’une noix, qui se déploient soudain, sur une formule magique, en un somptueux palais aux mille pièces étincelantes. Aussi mince et cruel qu’une nouvelle de Mérimée, aussi tranchant que la lame plantée par Alexandre Romani dans le torse d’Alban Genevey, crime inepte ausculté sous tous les angles, le roman va révéler des strates et genres multiples. À la chronique criminelle s’ajoute la saga, tragico-farcesque, de la famille Romani, dont Alexandre se révèle le très (in)digne représentant. Le narrateur brosse un tableau féroce de cette lignée de bons à rien, escrocs, proxénètes et criminels, incompréhensiblement vénérés sur leur île natale. C’est que l’homme qui raconte les connaît bien, lui qui est ami d’enfance et compagnon de débauche du père d’Alexandre, mais aussi cousin de sa mère Catalina, dont il a toujours été secrètement amoureux. Les confessions amères de cet enseignant apportent au livre une touche mélancolique : lucide sur la stupidité de son cousin (et élève) Alexandre et sur les travers du clan Romani, il n’en vit pas moins dans leur ombre et semble, malgré un départ de quelques années, n’en pouvoir jamais sortir, bloqué sur une île dont il déteste l’évolution. Il s’emporte avant tout contre le tourisme de masse, glissant du récit intime au pamphlet implacable, souvent à pleurer de rire : ainsi lorsqu’il narre le séminaire d’entreprise dont les organisateurs sont « en quête de l’authenticité que nous étions bien sûr tout disposés à leur vendre », avec à la clé d’insupportables séances de « team building » (consolidation d’équipe) agrémentées de chants pseudo-traditionnels ; ou lorsqu’il évoque les « hordes de retraités libidineux qui parcourent la ville par petits groupes hostiles et vociférants, exposant à la vue de tous l’obscénité livide de leurs jambes variqueuses et de leurs orteils dénudés » . De cette veine pamphlétaire procède le titre du roman, référence à l’île de North Sentinel, dans le golfe du Bengale, isolée du monde car peuplée d’habitants sanguinaires (les « Sentinelles ») qui n’hésitent pas aujourd’hui encore à massacrer les intrus. Derrière la charge contre le surtourisme et le fantasme meurtrier de North Sentinel, on reconnaît la Corse, jamais nommée, non pour dénier son identité, évidente, mais pour envelopper d’une aura légendaire un récit par ailleurs très réaliste : le dernier fil de la tresse littéraire élaborée par Ferrari y contribue, qui ouvre et ferme un roman sous-titré « Contes de l’indigène et du voyageur ». La première page raconte qu’un sultan jeta le malheur sur Harar (en Éthiopie, souvent qualifiée de quatrième ville sainte de l’islam), y faisant entrer un infidèle, touriste avant l’heure, le capitaine Burton ; les yeux du même sultan brillent dans la dernière phrase, avant la table des chapitres énumérant, à la façon des Mille et une nuits , toutes les « histoires » qui constituent le livre. Entre les deux, un djinn aura rôdé, prêtant lucidité à une jeune fille, déchaînant la folie d’animaux dans des pages sidérantes d’humour noir déconseillées aux sensibles amis des chihuahuas. Mais le charme le plus puissant, c’est bien celui des phrases de Ferrari, cliniques et lyriques, nerveuses et serpentines, hilarantes autant que poignantes. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-02-03 *am_2024-02 *annee_2024 Tourisme : l'Espagne a reçu un nombre record de visiteurs étrangers, les recettes en nette hausse L'Espagne a reçu l'an dernier un nombre record de 85,1 millions de touristes internationaux, soit 18,7% de plus qu'en 2022. Ce chiffre est légèrement supérieur à l'estimation donnée il y a une semaine par le ministre espagnol du Tourisme, Jordi Hereu, qui avait parlé de « plus de 84 millions » de visiteurs étrangers sur un an. L'Espagne va-t-elle ravir à la France sa place de premier pays visité dans le monde par les touristes internationaux ? En attendant les chiffres de l'Hexagone, avec 85,1 millions de touristes internationaux, soit 18,7% de plus qu'en 2022, le pays est déjà assuré de rester un solide dauphin. Lire aussiTourisme : comment Orelsan est devenu la tête de gondole de Caen Selon des chiffres définitifs publiés ce vendredi par l'Institut national des statistiques (INE), le Royaume-Uni a été l'an dernier le premier pays d'origine des touristes étrangers en Espagne (17,3 millions), devant la France (11,8 millions), l'Allemagne (10,9 millions) et les Pays-Bas (4,9 millions). Les régions les plus visitées ont été la Catalogne (21,2 millions de touristes), devant les îles Baléares (16,9 millions), les îles Canaries (16,4 millions) et l'Andalousie (14,3 millions). Les dépenses en hausse de 24,7%, Motif de satisfaction supplémentaire pour l'Espagne : les dépenses des touristes étrangers ont augmenté de 24,7%, atteignant le niveau record de 108,6 milliards d'euros, contre 91,9 milliards en 2019, dernière année avant la pandémie. Lire aussiTourisme mondial : l'année 2024 surpassera les niveaux d'avant le Covid, selon l'OMT D'après l'organisation patronale Exceltur, cette dynamique devrait encore se poursuivre cette année, avec un niveau de recettes touristiques nationales et internationales attendu autour de 200 milliards d'euros. « « Si cette prévision se réalise, le tourisme contribuera à hauteur de 41,4% à la croissance économique espagnole », a souligné l'organisation patronale mi-janvier lors d'une conférence de presse. » En 2023, selon des experts, le tourisme a pesé pour « près de 15% » du PIB espagnol, avec un « fort impact sur l'emploi ». Pour accompagner ce mouvement, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé fin janvier un plan d'investissement de 2,4 milliards d'euros pour agrandir l'aéroport de Madrid-Barajas, dont la capacité devra être portée à 90 millions de passagers par an d'ici 2031. Face à la sécheresse, un tourisme « régulé » Cette politique, alors que l'agglomération de Barcelone, deuxième ville d'Espagne, a été placée jeudi en état « d'urgence », est aussi sous le feu des critiques. Pour l'ONG « Agua es vida » (« L'eau est la vie »), les autorités ont aussi leur part de responsabilité dans la situation actuelle, car elles refusent de réguler le tourisme - grand consommateur d'eau - et continuent à organiser de grands événements à Barcelone. Lire aussiClimat : la ville Barcelone placée en état d'urgence sécheresse... en plein hiver « Cela nous mène à des situations d'effondrement », dénonce son porte-parole, Dante Maschio. La situation est similaire en Andalousie, autre région d'Espagne frappée de plein fouet par la sécheresse et qui envisage d'introduire des restrictions à la consommation d'eau si la pluie ne vient pas, notamment à Séville et Malaga. La France s'associe à Netflix pour faire venir de nouveaux touristes Surfant sur la mode du « ciné tourisme », Atout France, agence chargée de la promotion du tourisme français à l'étranger, s'associe avec Netflix pour promouvoir des lieux originaux et faire venir de nouveaux touristes en France. « Nous savions déjà que les films étaient un vecteur important de tourisme, mais cela a été confirmé » avec les succès de Lupin et Emily in Paris, explique à l'AFP Caroline Leboucher, directrice générale d'Atout France. Du partenariat entre Netflix et Atout France est né un guide sur internet (Netflix-en-France.fr) qui propose, en anglais et en français, des thématiques comme « La France rêvée d'Emily » ou « Le Paris caché de Lupin ». Quant au risque de surtourisme comme l'a connu Etretat en Normandie, submergé de fans de la série Lupin, Atout France et Netflix ont sorti « du guide les destinations déjà très fréquentées », selon la chaîne de streaming. N'y apparaissent que des destinations qui ont donné leur accord. Lupin vous emmène au siège du Parti communiste à Paris, Emily à la distillerie des Agnels en Provence ou encore la Family Business au domaine de Chaablis (Oise). (Avec AFP). **** *source_Le_Figaro *date_2024-01-12 *am_2024-01 *annee_2024 Entreprises Emmanuel Macron veut conforter l'attractivité touristique de la France TOURISME Pendant le remaniement, les efforts du président de la République pour rendre la France toujours plus attractive continuent. Ce jeudi, Emmanuel Macron a mis les petits plats dans les grands pour recevoir, au château de Chantilly, une centaine de chefs d'entreprise et décideurs de groupes internationaux du tourisme (ADP, SNCF, Accor, Marriott, Airbnb, Compagnie des Alpes, Ryanair, JP Morgan...). C'était la deuxième édition du sommet Destination France, destiné à valoriser les atouts du pays et à conforter sa place de première destination mondiale du tourisme. Fin 2021, Emmanuel Macron avait déjà joué les « GO » pour impulser une nouvelle ambition au secteur, qui représente 7,5% du PIB et 2 millions d'emplois. Calqué sur le modèle de Choose France, Destination France a l'ambition de séduire les investisseurs. Dans la moisson annoncée jeudi : le lancement d'un nouveau fonds par Montefiore, l'ouverture de deux résidences à la montagne par Belambra et 200 millions d'investissement par Louvre Hôtels... De bon augure, alors que 2024 s'annonce « exceptionnel » pour le tourisme, avec les JO, les quatre-vingts ans du Débarquement en Normandie et le Sommet de la francophonie. De quoi rayonner partout dans le monde. De nombreux professionnels se frottent les mains. D'autres s'inquiètent de ne pas faire le plein, un certain nombre de visiteurs potentiels préférant éviter la foule des grands jours et remettre à plus tard leur voyage en France. Un premier signe de déclassement Malgré l'aura de la destination, l'attractivité touristique de la France a besoin d'être confortée. Depuis des années, la France perd, en effet, des parts de marché. Sans véritable politique nationale, il lui manque un chef d'orchestre. Sa place de première destination mondiale du tourisme est de plus en plus menacée. Il faut améliorer l'accueil, la promotion, mieux valoriser les territoires, en finir avec la surfréquentation de certains sites... On disait les Chinois accros au shopping parisien? Ils ne sont toujours par revenus malgré la fin de la pandémie. Liaisons aériennes réduites, prix des billets en hausse, problèmes de visas, craintes sécuritaires... Olivia Grégoire, alors ministre déléguée au Tourisme, s'est rendue la semaine dernière en Chine pour les convaincre de revenir. Dépassée par l'Espagne, la France n'est déjà plus leader mondial en termes de recettes touristiques. C'est un premier signe de déclassement. Jusqu'à quand le restera-t-elle en terme de fréquentation? Selon l'Élysée, près de 100 millions de touristes internationaux devraient avoir réalisé un séjour dans le pays en 2023 (estimations Atout France), une performance en croissance par rapport à celle de 2022 (93 millions, source Insee). Un chiffre record qui fait tiquer certains experts. Fixé en 2014 par Laurent Fabius, alors ministre du tourisme, cet objectif avait été maintes fois reporté. Plus personne n'en parlait, à l'heure où la priorité est à la lutte contre le surtourisme et à l'augmentation des dépenses par visiteurs. Fin novembre, Olivia Grégoire tablait sur 80 millions de touristes en 2023. Selon l'Elysée, ils ont été 25 % plus nombreux... « Un tel écart de chiffres est surréaliste, déclare un expert du secteur. On peut s'interroger sur d'éventuels changements de méthode de calcul. Ce chiffre de 100 millions est difficilement crédible, même s'il y a plus d'Anglais qui traversent la France pour aller en Espagne. Comment l'expliquer alors que les Chinois et les Japonais ne sont toujours pas revenus ? » Écart faible avec l'Espagne Certes, la dépense des touristes est bien plus importante que leur nombre. Mais la position de leader mondial en nombre d'arrivées est un atout que la France n'a pas intérêt à perdre. Depuis des années, l'Espagne se rapproche. Été comme hiver, le pays attire les foules. À moins d'un retournement de tendance, il dépassera bientôt la France. « Dans l'état actuel des dernières estimations, le classement de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) devrait rester inchangé en 2023, selon Michel Durrieu, conseiller spécial du secrétaire général de l'OMT. La France reste la première destination touristique mondiale et l'Espagne son challenger. Mais ce n'est pas un classement définitif. L'écart de fréquentation entre les deux pays est très faible. » Les arrivées de touristes internationaux sont calculées à partir d'une enquête de la Banque de France, qui échantillonne des points de passage (salles d'embarquement d'aéroports, trains, aires d'autoroutes, ports). « Pour 2022, nous avons eu les résultats de l'enquête tardivement, explique David Lévy, responsable de pôle en charge du tourisme à l'Insee. L'OMT avait estimé que c'était 78 millions. » L'Insee a récemment corrigé ce chiffre à 93 millions, qui marque un retour au précédent pic de 2019. « Pour 2023, nous n'avons pas encore tous les éléments pour finaliser l'estimation » , poursuit l'expert. 2023 a été une année exceptionnelle sur le plan touristique mondial. Il n'y a pas de raison que la France n'en ait pas profité. Paris a quasiment retrouvé ses niveaux de fréquentation d'avant Covid (- 4 % par rapport à 2019), malgré l'absence des Chinois et de Russes. « Comme la grande majorité des visiteurs étrangers passent et restent à Paris, on peut penser que la France a elle aussi retrouvé un niveau proche de 2019, qui était de 90 millions de touristes internationaux » , avance Jean-François Rial, président de Voyageurs du monde et ex-président de l'office de tourisme de Paris. **** *source_Les_Echos *date_2025-01-28 *am_2025-01 *annee_2025 Tourisme Premières parades de l'Espagne à l'overdose touristique Avec un record de 94 millions de visiteurs en 2024, le pays fait face au poids grandissant des plateformes de location touristique qui exaspèrent les habitants.A Barcelone, les efforts pour réguler le secteur commencent à porter leurs fruits. Objectif 100 millions de touristes pour l'Espagne cette année. C'est ce qu'annoncent les experts, mais personne n'ose se réjouir trop fort. Le pays a reçu 94 millions de voyageurs internationaux en 2024, soit 9 millions de plus que l'année précédente. Même si le montant exact est sujet à caution (car il peut inclure des voyageurs en simple transit), il en ressort une sensation générale de saturation pour une population espagnole deux fois moindre en nombre. L'activité touristique représente de fait une part grandissante de la dynamique espagnole, car non seulement les visiteurs sont plus nombreux mais ils dépensent plus : leur enveloppe a augmenté de 16 % en 2024, et le PIB du secteur a atteint 208 milliards d'euros, 6,5 % de plus que l'année précédente. Cela représente 13,5 % de la richesse nationale, et l'Espagne est en train de devenir de plus en plus dépendante d'un secteur qui a généré à lui seul un quart de la croissance. « Sol y playa » Loin d'être applaudies, ces performances sont perçues comme inquiétantes. Le pays, champion historique des vacances populaires et du « sol y playa », essaie d'allumer des contrefeux face à un succès devenu dévastateur. Il doit non seulement faire face aux enjeux climatiques mais aussi aux protestations contre le surtourisme. Jusqu'ici très localisées, entre Barcelone et les îles Baléares essentiellement, celles-ci ont gagné Malaga ou encore lesîles Canaries, mais aussi Madrid, Valence et Saint-Sébastien. Avec partout la même sensation d'un tourisme invasif qui étouffe la vie locale sous la pression des locations touristiques. L'expansion de l'offre diffusée sur Airbnb et les autres plateformes est spectaculaire : elle a augmenté de 17,5 % en 2024, avec 344.397 lits disponibles dans les 25 principales villes du pays, et se rapproche de la capacité du secteur hôtelier (404.914 lits). Elle l'a même déjà dépassé dans une dizaine de villes, dont Malaga, Valence, Séville ou Alicante, selon Exceltur, le lobby porte-voix des principaux acteurs du secteur touristique. « Il y a trop de Airbnb et pas assez de logements », affirmait le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, en présentant le 13 janvier son grand plan de lutte contre la crise du logement. Le phénomène Airbnb a en effet détourné une bonne part de l'offre locative vers les meublés de courte durée. Pour contrer le mouvement, le gouvernement vient d'annoncer un registre centralisé pour traquer les annonces non déclarées. Il prévoit aussi d'alourdir l'imposition sur la location touristique qui sera considérée comme une activité commerciale. Les hôteliers applaudissent. « Ce qui fonctionne le mieux contre le chaos des offres incontrôlées sur les plateformes, c'est le fisc », se réjouit Gabriel Escarrer, président du groupe Melia, qui réclame un grand plan stratégique, face à la saturation des destinations et à l'hostilité grandissante des populations locales. En parallèle, les municipalités tentent de poser leurs barrières. Avec l'espoir de freiner le mouvement de mutation des quartiers et la disparition des petits commerces qui cèdent le pas à une offre gastronomique adaptée à ces habitants de passage. Pour 14 nouvelles offres de locations touristiques sur les plateformes s'ouvre à proximité un café ou un nouvel établissement de restauration semi-rapide, indique une étude de l'université Complutense de Madrid. A Barcelone, dix ans de bras de fer L'espoir pourrait venir de Barcelone où le bras de fer avec Airbnb et les autres plateformes a débuté en 2015. Les dix ans d'efforts semblent commencer à porter leurs fruits. La ville a déployé des brigades d'inspecteurs pour traquer les locations pirates et démonter les réseaux d'intermédiaires frauduleux sinon mafieux. Elle a aussi infligé des amendes records aux propriétaires ainsi qu'aux plateformes qui, en dépit des avertissements, publient des annonces de locations sans numéro d'identification fiscale. Barcelone a même décidé d'aller plus loin en annonçant la fin de toutes les locations saisonnières. Pour les visiteurs, il n'y aura plus de confusion, ce sera l'hôtel sinon rien. Le maire, Jaume Collboni, a en effet prévenu l'an dernier que les 10.000 licences municipales (représentant 60.000 lits) qui sont légalement actuellement en vigueur, ne seront pas renouvelées, ce qui signifie que d'ici à fin 2028, la ville aura banni toute forme de meublés de courte durée. Cette décision correspond à la stratégie plus large de la capitale catalane pour limiter le nombre de touristes, qui, depuis la pandémie, plafonne aux alentours de 15 millions par an. « Le défi n'est pas de battre des records en cassant les prix, mais de nous orienter vers des visiteurs choisis, qui dépenseront plus durant leur séjour », explique Mateu Hernandez, le directeur général du consortium Turisme de Barcelona. Mais le plus dur reste à faire, affirme-t-il. Il faut maintenant reconnecter la population locale exaspérée par des années de surtourisme, vécu comme prédateur et incivique. « C'est à nous de l'apaiser, en faisant valoir comment l'hospitalité est source d'emplois et peut être un facteur de prospérité partagée socialement », insiste-t-il. Cécile Thibaud. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-08-04 *am_2023-08 *annee_2023 Les touristes français et étrangers au rendez-vous d'un été bouleversé par le réchauffement climatique Après un bon début de saison estivale pour le secteur touristique, le mois de juillet s'achève sur des prévisions encourageantes pour août et septembre. Mais l'inflation, le réchauffement climatique et la surfréquentation modifient la carte du tourisme en France. L'été commence bien. La saison touristique démarre avec des mois de mai et juin « aux performances exceptionnelles » a annoncé vendredi 28 juillet le ministère du Tourisme dans un communiqué commun avec Atout France (agence de développement touristique de la France) et ADN Tourisme (regroupement des trois fédérations historiques des acteurs institutionnels du tourisme : Offices de Tourisme de France, Tourisme & Territoires et Destination Régions). « La présence exceptionnelle de quatre possibilités de « ponts » ou week-ends prolongés (contre deux l'an passé) a eu un effet bénéfique sur les départs des Français », précise l'agence. Lire aussiTourisme : la hausse des réservations annonce un « très bel été » selon le patron de Fram Le mois de juillet est à nuancer. Selon un sondage YouGov, 32% des Français ont réalisé un séjour touristique en juillet 2023, soit 3 points de moins qu'en 2022. L'enquête a été réalisée sur 1 024 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus. Le sondage a été effectué en ligne, sur le panel propriétaire YouGov France du 18 au 19 juillet 2023. Le taux d'occupation sur l'ensemble de la France Métropolitaine a néanmoins atteint 74%, un taux presque identique à celui de 2022. Pour la suite de l'été, les mois d'août et de septembre s'annoncent prometteurs. Deux tiers des personnes interrogées envisagent de partir en vacances à cette période. Le nombre de nuitées réservées à date pour le mois d'août et septembre est aussi en hausse, respectivement de 4% et 26%. « Cet étalement de la fréquentation dans le temps est notamment soutenu par un tourisme de loisirs lié par la Coupe du monde de Rugby », poursuit Atout France. Néanmoins, 74% des répondants déclarent que le contexte inflationniste est un frein au départ en vacances. La baisse de pouvoir d'achat et la hausse des prix apparaissent comme des facteurs déterminants pour le départ des Français. La clientèle internationale au rendez-vous L'été 2023 marque le retour confirmé de la clientèle internationale, qui tire l'activité « sur l'ensemble du territoire et notamment dans l'urbain », révèle l'étude réalisée par Atout France. « Au fil des mois, l'attractivité internationale de la France est confirmée et se renforce. Les clientèles domestiques sont dans une phase de transition avec le retour des voyages à l'international et une adaptation des pratiques au contexte inflationniste, aux évolutions climatiques, et au souhait de découverte renforcée de tous les territoires en toutes saisons », a déclaré Caroline Leboucher, directrice générale d'Atout France, dans un communiqué de presse du 28 juillet 2023. » Du côté des Européens, les Espagnols reviennent (+11% par rapport à 2019 en arrivées aériennes). Quant à la clientèle extra-européenne, les Américains ont été les plus nombreux à arriver en avion le mois dernier. Ils représentaient 21,2% du volume total des arrivées aériennes du 1er au 20 juillet, avec près de 175.000 arrivées. Les Canadiens, eux, étaient 20% plus nombreux qu'en 2019. Au mois de juin, le cabinet d'Olivia Grégoire déclarait dans un communiqué qu'il est « fort probable que la France commence à connaître un retour plus que progressif de la clientèle chinoise ». Ce retour semble se poursuivre au mois de juillet. Les touristes chinois et japonais observent toujours un certain recul depuis l'avant-Covid (les Chinois étaient 3 fois moins nombreux en juillet 2023 par rapport à 2019). Lire aussiTourisme : « Le retour de la clientèle internationale se poursuit », affirme Olivia Grégoire Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur le choix des destinations? Cette année, la « ventilation géographique est plus équilibrée », avance Atout France. Les régions du Nord bénéficient d'une attractivité plus forte qu'en 2022 tandis que les régions du sud de la France sont victimes d'un certain délaissement. Dans l'hôtellerie, le taux d'occupation du Nord-Ouest a gagné 6 points de pourcentage par rapport à l'an dernier, alors que la zone méditerranéenne orientale a perdu 4 points et la zone méditerranéenne occidentale en a perdu 5. « On peut également évoquer un possible impact météorologique dans le choix de la destination et la période de séjours. En effet, les épisodes météorologiques exceptionnels de 2022 ont pu avoir un effet sur le choix du territoire de vacances », suggère Atout France qui a contribué à l'élaboration des premiers résultats de la saison estivale. » D'après le site de Météo France, l'été 2022 a été marqué par des conditions météorologiques exceptionnelles, à savoir canicule, sécheresse, feux de forêts ou encore orages violents. Toutefois, il est trop tôt pour assurer que la météo et les températures élevées sont la cause de ces changements dans les habitudes des touristes. « Il est trop tôt pour tirer des conclusions », déclare Atout France. « Il nous sera possible d'avoir une vision claire sur ce point, avec une confirmation ou une infirmation de ces tendances, en fin de saison ». Le cabinet d'Olivia Grégoire rappelle également que certaines régions telles que la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val-de-Loire ont fait des efforts pour diversifier leur offre (circuit d'oenotourisme, visite de la nature, randonnées) et attirer les touristes. Il en résulte une fréquentation touristique plus homogène à l'échelle du pays, et qui ne se limite plus aux littoraux Gérer les flux touristiques En parallèle du changement climatique, la gestion des flux touristiques représente un enjeu de taille. Olivia Grégoire, ministre chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, l'a rappelé au milieu du mois de juin : la France est la première destination touristique mondiale. Mais ces touristes ne sont pas répartis de manière homogène sur le territoire. Selon le gouvernement, 80 % de l'activité touristique est concentrée sur 20% du territoire. Certains sites, très prisés par les touristes, connaissent des pics de fréquentation, notamment en été. Un des enjeux cruciaux est donc de gérer ces flux touristiques qui peuvent nuire à l'environnement et aux habitants des territoires concernés. Pour ce faire, le Gouvernement a lancé le 19 juin dernier une stratégie au niveau national, portée par Olivia Grégoire. L'objectif est de préserver l'équilibre entre l'attractivité locale et la protection des lieux et leur biodiversité. Parmi les mesures annoncées, on note la création d'un Observatoire national des sites touristiques majeurs, dont l'objectif est de piloter ces derniers à l'échelle du pays, et non plus uniquement à un niveau local ou régional. « Pour mieux maîtriser les flux il faut mieux les connaître », déclare le cabinet de la ministre Olivia Grégoire. » Des initiatives locales ont déjà vu le jour, dans l'optique de protéger les sites mis en péril par la surfréquentation touristique. Sur le littoral du Sud-Est de la France par exemple, la France, le parc national des Calanques soumet à réservation l'accès à la crique de Sugiton menacée d'érosion. Depuis 2022, l'accès est restreint à 400 personnes par jour en été, alors qu'il accueillait jusqu'à 2.500 personnes. Même son de cloche en Bretagne où l'île de Bréhat limite pour la première fois l'afflux de touristes à 4.700 visiteurs maximum par jour en semaine, du 14 juillet au 25 août. Lire aussiLe gouvernement dévoile son plan de lutte contre le surtourisme . **** *source_Le_Figaro *date_2025-07-02 *am_2025-07 *annee_2025 Taxe anti-surtourisme à Mykonos et à Santorin : 20 euros par croisiériste Athènes part en croisade contre les hordes de croisiéristes qui débarquent sur les îles grecques. Depuis ce mardi 1er juillet, les paquebots faisant escale à Mykonos et à Santorin doivent s'acquitter d'une « taxe environnementale » de 20 euros par passager débarquant pour la journée. Pour les autres îles du pays, la facture descend à 5 euros. Ainsi en a décidé le gouvernement grec pour limiter le surtourisme en haute saison (du 1er juin au 30 septembre) sur des destinations déjà très fréquentées par des touristes y passant une ou plusieurs nuits. Les croisiéristes devraient refacturer cette taxe à leurs excursionnistes. « La Grèce n'a pas de problème structurel de surtourisme, assure le premier ministre, Kyriakos Mitsotakis. Mais certaines de ses destinations rencontrent de sérieux problèmes durant certaines semaines ou mois de l'année, qu'il nous faut traiter. » Selon les autorités, la taxe n'a pas vocation à décourager le tourisme, mais à mieux le répartir à travers le territoire. Mieux : elle permettra de financer la transition vers des infrastructures touristiques durables. Le gouvernement envisage, par ailleurs, de fixer un nombre limite de navires de croisière dans ses ports et d'augmenter les taxes sur les locations de courte durée. Le message est clair : la Grèce veut mieux faire cohabiter vie locale et tourisme sans tourner le dos à cette manne. Le secteur représentant 13 % de son PIB, le pays souhaite assurer la préservation de ses trésors nationaux. HADRIEN BOUCHARD. **** *source_L_Opinion *date_2024-05-03 *am_2024-05 *annee_2024 A Venise, premier bilan du pass payant Surtourisme La mairie a imposé de régler un billet à cinq euros pour entrer dans le centre historique, suscitant curiosité et polémiques D'autres villes italiennes scrutent de près le système mis en place depuis le 25 avril. Il risque pourtant de n'avoir qu'un impact relatif, compte tenu des nombreuses exemptions. Voir Venise et payer. Depuis le 25 avril, la mairie de la ville italienne a lancé une expérimentation imposant, pendant 29 jours, l'achat d'un ticket à cinq euros pour les visiteurs journaliers, entre 8 h 30 et 16 heures. L'idée vise à limiter le fast tourisme, « sans valeur ajoutée », et à préserver le bien-être des habitants. Le billet, disponible sur le site de la municipalité ou dans des kiosques de la ville, ne concerne pas tout le territoire de la cité des Doges, mais seulement les îles du centre historique, où des patrouilles mobiles de la police municipale effectuent des contrôles. L'accès ne se fait pas par des portes, mais la municipalité a identifié plusieurs points stratégiques, où le passage est presque obligatoire pour se rendre aux endroits iconiques de Venise. A certains endroits, comme la gare ou aux abords de place Saint-Marc, les billets seront demandés systématiquement. Les contrevenants risquent une amende allant de 50 à 300 euros. Si l'objectif est de réduire l'aff'alux, la première semaine d'application montre que le ticket - et ses modestes cinq euros- n'a pas vraiment d'efet dissuasif. De plus, le système prévoit énorméligné ment d'exemptions: les résidents de Vénétie, les touristes avec une réservation en hôtel, les employés, les étudiants, et ceux qui se rendent chez leurs parents ou leurs amis habitant dans le centre historique doivent simplement s'enregistrer. Le 25 avril, jour férié et date de la mise en place du dispositif, seules 15700 personnes ont dû régler la facture sur un total de 113000 visiteurs. La même tendance a été observée les jours suivants, avec des pics à 22000 billets payants le week-end pour environ 100000 visiteurs. La première partie de l'expérimentation va s'achever le dimanche 5 mai, avant de se limiter aux fins de semaine jusqu'au 14 juillet. Dépense. Le maire Luigi Brugnaro (centre droit) a présenté ses « excuses » pour les queues aux kiosques et pour les contrôles, mais a sou- é la nécessité de ce choix, réaffirmant avoir « le devoir et la mission de préserver la ville pour les prochaines générations ». Ces dernières années, Venise s'est en effet transformée en ville fantôme, notamment le soir. Le centre historique perd depuis longtemps des habitants, les îles de la lagune étant abandonnées par les résidents qui préfèrent vivre dans le quartier de Mestre, situé sur la côte. Aujourd'hui, la population du centre historique est descendue sous les 50 000 personnes, alors qu'elle représentait le double en 1980. Au-delà du coût d'entretien très élevé d'un logement dans une ville si particulière, les Vénitiens partent car ils considèrent que la Sérénissime est devenue un « cirque » pour touristes. Un phénomène renforcé par le nouveau système selon ses détracteurs. Ces derniers accusent la mairie d'accélérer la transformation de Venise en « Veniceland », comme on pouvait le lire sur les pancartes des manifestants lors du lancement du dispositif. Luigi Brugnaro assure, au contraire, que la gestion des tickets et des contrôles représente une dépense pour la ville, et invite les opposants à évaluer le mécanisme sur le long terme. L'expérimentation est, en tout cas, scrutée de près par d'autres communes transalpines, qui subissent, elles aussi, les incidences du surtourisme. Si la mesure est jugée concluante, Venise pourrait bientôt devenir un exemple pour ces sites, qui figurent parmi les plus célèbres, et les plus bondés, d'Italie. @FrMasellix Le maire a présenté ses « excuses » pour les queues aux kiosques et les contrôles, mais a souligné la nécessité de ce choix, réaffirmant avoir « le devoir et la mission de préserver la ville pour les prochaines générations ». **** *source_La_Tribune_(France) *date_2025-01-16 *am_2025-01 *annee_2025 Tourisme : l'Espagne enchaîne les records Le pays européen a accueilli 94 millions de touristes étrangers l'an dernier, contre 85,1 millions en 2023. 94 millions de visiteurs : C'est le niveau historique atteint par l'Espagne en 2024, faisant du pays la deuxième destination mondiale, juste derrière la France. Selon les premières estimations disponibles, le pays d'Europe du Sud a accueilli 10% de visiteurs de plus que les 85,1 millions reçus en 2023, année du précédent record, a annoncé ce mercredi le ministre du Tourisme Jordi Hereu. Le pays « continue donc de battre des records en matière d'accueil » de touristes et confirme son rôle « de premier plan » dans ce secteur très concurrentiel, s'est-il félicité. Lire aussiLa Bourgogne-Franche-Comté surfe sur le tourisme fluvial durable Dans son dernier rapport, publié début décembre, l'association de professionnels Mesa del Turismo, avait attribué cette dynamique à une hausse des arrivées depuis le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, principaux pays d'origine des touristes en Espagne, et à la « désaisonnalisation » du tourisme, avec une fréquentation en hausse hors des périodes de vacances. « Notre pays évolue vers un modèle touristique plus qualitatif et plus diversifié, à la fois en termes de saison, de produits et de destinations », a confirmé ce mercredi le ministère. Ce dernier a fait une priorité de la montée en gamme de la filière, encore très dépendante du tourisme balnéaire. Un tourisme positif pour l'économie D'après les chiffres de Business France, chaque touriste en Espagne a dépensé en moyenne 1.327 euros en octobre, soit une hausse de 5,5% sur un an. Avec des dépenses quotidiennes qui atteignent en moyenne 191 euros. « Les séjours les plus fréquents durent entre quatre et sept nuits », ajoute Business France . Toujours selon la même source, la région qui a accueilli le plus de visiteurs (de janvier à octobre) est la Catalogne avec près de 17,6 millions de Touriste. Sur le podium, les Baléares arrivent en deuxième position, suivie de l'archipel des Canaries. Lire aussiÀ Reims, l'oenotourisme du champagne fait effervescence L'Espagne a ainsi engrangé 126 milliards d'euros de recettes, contre 108 milliards il y a un an, d'après l'estimation rendue publique par le ministère. Une bonne nouvelle pour l'économie espagnole, qui repose en grande partie sur le tourisme et devrait ainsi enregistrer une croissance de 3,1% en 2024 selon la Banque d'Espagne. Soit un niveau nettement supérieur à celui de la zone euro, où la croissance devrait plafonner à 0,8%, d'après la Banque centrale européenne. Surtourisme et flambée des loyers Néanmoins, cet afflux touristique suscite aussi de fortes crispations au sein de la population, notamment dans les destinations prisées. Les habitants dénoncent la congestion des infrastructures, la disparition des commerces traditionnels, remplacés par des boutiques touristiques, mais aussi et surtout la flambée des loyers. En effet, de nombreux propriétaires de logements se tournent vers la location touristique, nettement plus rentable. Face à cette poussée de colère, plusieurs régions et municipalités ont annoncé des mesures ces derniers mois, à l'image de la mairie de Barcelone, qui a promis de ne pas renouveler les licences de quelque 10.000 appartements touristiques, qui expireront en novembre 2028. En Espagne, aujourd'hui, « il y a trop de Airbnb et pas assez de logements » pour les habitants, a reconnu lundi le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez. Il a ainsi annoncé un plan pour juguler la crise du logement, centré en partie sur les locations touristiques. « Le devoir des administrations publiques est de donner la priorité à l'usage résidentiel et d'éviter que l'usage touristique et spéculatif continue de s'étendre de façon absolument incontrôlée, aux dépens de la population locale », a-t-il insisté en présentant ces mesures, dont certaines devront être approuvées par le Parlement. Lire aussiVoyager au japon : analyser les impacts économiques du tourisme local Le chef du gouvernement a annoncé vouloir augmenter la fiscalité sur les locations de vacances, qui seront imposées comme des activités commerciales. Et instaurer une taxe pouvant aller « jusqu'à 100% » sur l'achat de biens immobiliers par des personnes non-résidentes et non ressortissantes de l'UE. Cette dernière mesure, qualifiée de « sans précédent » pour l'Espagne, pourrait concerner jusqu'à 27.000 transactions par an, selon Pedro Sánchez. Pour freiner l'envolée des loyers, le Premier ministre a par ailleurs promis une exonération d'impôts pour les propriétaires qui accepteraient de louer leurs biens en suivant l'indice de référence des loyers établi par les autorités, même dans les zones qui ne sont pas sous tension. (Avec AFP). **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-01-20 *am_2024-01 *annee_2024 Tourisme mondial : l'année 2024 surpassera les niveaux d'avant le Covid, selon l'OMT L'an dernier, 1,3 milliard de touristes ont voyagé à l'étranger, soit 44% de plus qu'en 2022, selon l'Organisation mondiale du tourisme. Ce chiffre équivaut à 88% du niveau de 2019, dernière année avant la pandémie de Covid-19. En 2024, le tourisme devrait retrouver toutes ses couleurs malgré l'inflation ou la géopolitique. La reprise mondiale du tourisme est une tendance lourde, bien au-delà d'un simple rattrapage, après des mois de frustration sans pouvoir bouger. Lire aussiTourisme : la France cherche à convaincre les touristes chinois de revenir En 2023, elle a été portée par une forte dynamique au Moyen-Orient, où les arrivées de touristes ont dépassé de 22% leur niveau de 2019, mais aussi en Europe, première destination touristique au monde, où l'activité a atteint 94% de son niveau pré-pandémique. Au global, 1,3 milliard de touristes ont voyagé à l'étranger l'an dernier, soit 44% de plus qu'en 2022. Ce chiffre équivaut à 88% du niveau de 2019. Ainsi, en France, les aéroports desservant Paris ont retrouvé l'année dernière 92,3% de leurs voyageurs de 2019, dans la fourchette des prévisions de leur gestionnaire. Paris-Charles-de-Gaulle (CDG) et Orly ont accueilli 99,7 millions de passagers en 2023, soit une hausse de 15,1% sur un an. Même chose en Espagne où les aéroports n'ont jamais accueilli autant de voyageurs que l'an dernier avec 283 millions de personnes. En 2024, le niveau d'activité devrait être supérieur de 2% à celui de 2019 La reprise a été plus faible en Asie, où le nombre de touristes internationaux a plafonné à 65% de celui de 2019, en dépit de la levée des restrictions sanitaires décidée voilà un an en Chine après trois ans de politique « zéro-Covid », précise l'agence onusienne dans un communiqué. Malgré ce bémol, « les dernières données de l'OMT mettent en lumière la résilience et le rebond rapide du tourisme », souligne, dans ce communiqué, le secrétaire général de l'OMT, Zurab Pololikashvili, qui prévoit pour 2024 un niveau d'activité supérieur de 2% à celui de 2019. Selon l'agence onusienne, l'activité devrait notamment profiter de la hausse du tourisme en Chine grâce à l'assouplissement du régime des visas pour de nombreux pays, dont la France, l'Allemagne et l'Italie, et des déplacements des Chinois dans d'autres zones du monde. La reprise pourrait être contrariée par l''évolution des risques économiques et géopolitiques » Cette prévision reste néanmoins tributaire de « l'évolution des risques économiques et géopolitiques » notamment au Proche-Orient, où le tourisme devrait souffrir des conséquences du conflit entre Israël et le Hamas, et de l'évolution de la conjoncture économique. « « L'inflation persistante, les taux d'intérêt élevés, la volatilité des prix du pétrole et les perturbations » qu'ils entraînent « sur le commerce pourraient continuer à influer sur les coûts du transport et de l'hébergement en 2024 », prévient l'OMT. » Autre point noir : le surtourisme. Symbole de cet effet néfaste de la reprise, Venise a commencé cette semaine à mettre en vente des billets d'entrée de cinq euros, une taxe appliquée au printemps et en été aux touristes ne venant qu'une journée dans la Cité des Doges, victime du tourisme de masse. Mi-septembre, la ville de Venise avait échappé de justesse à l'inscription au patrimoine mondial en péril de l'Unesco. (Avec AFP). **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2025-06-01 *am_2025-06 *annee_2025 Ce phare est une star Il culmine à 130 m à Ramatuelle, près de Saint-Tropez (Var), et c'est le deuxième phare le plus élevé de France par rapport au niveau de la mer. Mais depuis dix-huit ans, le phare de Camarat était abandonné puis interdit d'accès au public pour cause de travaux. En juin, il rouvre ses portes et des visites guidées commencent. À l'office de tourisme, le téléphone ne cesse de sonner. La saison a débuté et la nouveauté patrimoniale de l'été 2025 est l'accès à ce phare qui offre le plus beau point de vue de la Côte d'Azur : « C'est simple : d'ici, on voit jusqu'au sud des Alpes et, de l'autre côté, les îles d'Or, Porquerolles, Port-Cros... », assure Jeanine, venue avec deux amis randonner sur les sentiers bordant la tour. Éviter le surtourisme En contrebas de la colline s'étalent les plages de Pampelonne et leurs yachts stationnés au large. Le phare est inscrit aux monuments historiques depuis 2012 et talonne celui de Vallauris (Alpes-Maritimes), légèrement plus élevé (à 167 m au-dessus de l'eau). Datant de 1831, il n'a été électrisé qu'en 1946, deux ans après avoir été mitraillé lors de sanglants combats à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Entièrement automatisé aujourd'hui, il est télécontrôlé à partir du phare de l'île de Porquerolles même si un gardien y a longtemps vécu. L'été, la concentration de navires de plaisance, de pêche et de yachts dans la baie de Pampelonne est telle qu'une surveillance maritime permanente est assurée par la marine, qui a installé un sémaphore juste à côté. Pour les visites, l'office de tourisme de Ramatuelle prévient : « Il ne faudra pas se rendre sur le site pour prendre un billet. Ce sera impossible. Nous mettons en place un système de préinscriptions afin de constituer des petits groupes de huit personnes et organiser des visites guidées plus intéressantes. » Objectif : éviter le surtourisme. Car le site est toujours propriété de l'État par l'intermédiaire du Conservatoire du littoral qui a supervisé la rénovation. Les entrées et sorties restent toutefois très contrôlées. À l'intérieur de l'édifice, un escalier vertigineux en colimaçon vous mène jusqu'au sommet du phare. Mais il faut d'abord gravir les 85 marches pour y arriver et ici, pas d'ascenseur ! « Tout en haut, quatre lentilles de Fresnel produisent un éclat lumineux toutes les quinze secondes, repérable jusqu'à 50 km de distance pour les navires », indique la mairie. « Dans le phare, une exposition raconte l'histoire du lieu. Une cuve enterrée de 120 m 3 d'eau a également été installée à la demande des pompiers pour faire face aux risques d'incendies », ajoute Philippe Gondolo, chargé de mission au Conservatoire du littoral. Le secteur est, en effet, très boisé. Des sentiers permettent de descendre jusqu'à la mer en traversant le maquis provençal. « C'est un petit paradis qui a été protégé grâce à l'action du Conservatoire, raconte un promeneur. Sinon, vu le prix du mètre carré ici, tout aurait été aménagé partout depuis longtemps. Et enlaidi. ». **** *source_La_Croix *date_2023-07-29 *am_2023-07 *annee_2023 Faut-il restreindre l'accès aux espaces naturels ? À l'heure actuelle, Étretat subit le tourisme » , lâche Cosmo Danchin-Hamard, une pointe de désillusion dans la voix. L'illustratrice de 27 ans connaît bien le village normand de 1 200 habitants et son littoral. Elle y est née, s'y est installée et a observé aux premières loges le basculement qui s'est produit en matière de fréquentation touristique. « À la suite de la crise du Covid-19, les gens se sont rués sur Étretat , explique-t-elle. Le nombre de visiteurs en février 2021 était équivalent à celui d'un plein mois d'août ! » Dans sa liste des dix endroits à éviter dans le monde à cause de la surfréquentation touristique et des menaces sur l'environnement, le site américain Fodor's Travel mentionnait les falaises d'Étretat au même titre que Venise. Et l'ancien village de pêcheurs n'est pas le seul lieu en proie au phénomène récent du « surtourisme » : l'île de Bréhat, les Calanques de Marseille... Des mesures sont mises en place pour pallier ces désagréments. Mais cela oblige à restreindre l'accès à ces espaces naturels : est-ce légitime ? Depuis une dizaine d'années, Vincent Vlès, professeur émérite des universités, rattaché au Centre d'étude et recherche travail organisation pouvoir (Certop) à Toulouse, travaille sur ces questions d'accès aux espaces naturels surfréquentés. La régulation - terme qu'il préfère substituer à celui de « restriction » - est nécessaire pour le chercheur. Il s'agit de mettre en place des mesures qui vont permettre de ne pas dépasser un seuil de personnes pour chaque lieu concerné, notamment durant la haute saison. L'île de Porquerolles, au sein du parc national de Port-Cros, est un « exemple de réussite » en la matière. L'afflux de touristes durant l'été entraînait la dégradation de la flore sous-marine. Depuis 2020, les gestionnaires du site ont décidé de fixer un seuil de 6 000 visiteurs par jour sur la période de juillet à août. « Une fois que ces mesures sont mises en place, elles sont très efficaces, affirme Vincent Vlès. Elles sont connues pour avoir été pratiquées sur d'autres sites avant les espaces naturels, notamment des lieux culturels comme les musées. » Une vision partagée par Cosmo Danchin-Hamard qui souhaite réguler le nombre de visiteurs présents simultanément à Étretat, sans que l'endroit en lui-même leur soit interdit. Les qualités « instagrammables » du lieu, ainsi que la série Netflix Lupin, sont pour beaucoup dans la venue en masse de visiteurs. Le piétinement par plus de 1 million de touristes par an, le ramassage de galets en guise de souvenirs sur la plage ne sont pas sans conséquence pour l'environnement et amplifient le phénomène d'érosion. De ce constat est née l'association Étretat demain, coprésidée par la jeune femme. Elle sensibilise aux dérives de la surfréquentation et promeut un tourisme durable, où la qualité des conditions d'accueil prendrait le pas sur la quantité de visiteurs, sans nuire aux habitants et à ceux qui vivent du tourisme. Pour Émilie Gaillard, spécialiste du droit des générations futures, la réponse comporte deux facettes. Si elle abonde dans le sens d'une restriction de l'accès à un espace afin de lui laisser le temps de se restaurer, la maîtresse de conférences à Sciences Po Rennes insiste sur la nécessité de garantir un droit d'accès à la nature. Ce droit existe en Suède, sous le nom d' allemansrätt , ainsi que dans certains pays nordiques. Il est alors possible de se balader dans des espaces naturels privés, à condition de ne pas y porter atteinte. « C'est en ayant accès à la nature que l'humanité prendra conscience de sa fragilité, estime l'universitaire. Pour que l'écotourisme gagne les mentalités, il est nécessaire de jouer sur l'éducation. » Le défi premier consiste à ne pas polluer l'environnement, sans « culpabiliser à outrance les citoyens » . D'ailleurs, le débat sur le surtourisme en lui-même n'a pas de sens, répète Vincent Vlès, « dans la mesure où il ne correspond pas aux réalités » . Selon lui, il n'existe pas de règles générales pour l'ensemble des espaces naturels, protégés ou non. À chaque lieu de mettre en place des méthodes de régulation en fonction de ses modalités d'accès, de sa vulnérabilité, de son milieu naturel, et des différentes périodes de l'année. Tout l'enjeu réside dans la communication, comme l'explique le spécialiste en gestion des flux touristiques : « Les gens sont tout à fait capables d'accepter ces mesures à partir du moment où le pourquoi et le comment leur sont expliqués. » Se pose alors la question du legs de ces espaces naturels aux générations futures. « Quel Étretat vais-je laisser à ma fille ? Une station balnéaire saturée ou un petit village pittoresque de Normandie ? » , s'inquiète Cosmo Danchin-Hamard. D'où l'importance du droit en la matière pour Émilie Gaillardafin d'agir et de protéger l'intégrité de la planète et l'espèce humaine : « Le droit des générations futures n'est pas le droit de demain mais celui d'aujourd'hui. ». **** *source_Les_Echos *date_2024-08-05 *am_2024-08 *annee_2024 les nouveaux spots du surtourisme (1/5) En Grèce, le SOS lancé pour la baie du Naufrage, « la plus belle plage du monde » Célèbre dans le monde entier pour l'épave qui s'y est échouée en 1980, le site attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs.Laissée à l'abandon pendant quarante ans, l'attraction se disloque et pourrait ne pas passer l'hiver. Kostas Michos se souvient d'en avoir eu les larmes aux yeux. Il est tôt, le 8 janvier dernier, lorsque ce trentenaire aux yeux pétillants fait décoller son drone depuis une falaise du nord de Zante, au large de la Grèce. Guide touristique, il veut montrer à ses clients l'attraction de l'île, l'épave du Navagio, ce jour-là inaccessible par la mer. Mais rien ne se passe comme prévu. Alors que le drone se rapproche de l'épave, Kostas Michos remarque quelque chose d'anormal : le bateau est en plusieurs morceaux. La veille, des vents violents Beaufort 11 ont précipité les vagues avec force sur la carcasse fragile, qui n'a pas résisté. Brisé en son centre, le « Panayotis » gît enfoncé dans le sable, comme un squelette démembré. « J'étais tellement en colère lorsque j'ai vu que le bateau avait rompu. Cette attraction c'est notre Big Ben, notre étendard. Pendant quarante ans, ils n'ont rien fait pour la protéger. Bienvenue en Grèce », s'agace encore le guide, des mois plus tard. Sa vidéo prise ce jour-là fit le tour des médias grecs, suscitant une émotion considérable dans le pays. Tout un chacun en Grèce connaît le « Navagio » - un mot grec qui veut aussi bien dire « épave » que « naufrage ». Echoué au fond d'une baie paradisiaque depuis quarante ans, le navire a valu au site d'être élu plusieurs fois « plus belle plage du monde » et à l'île ionienne de Zante, au sud de Corfou, de se faire une place sur la carte mondiale du tourisme. La renommée du lieu tient autant à sa beauté spectaculaire qu'à son histoire rocambolesque. Le 2 octobre 1980, à 4 heures 30 du matin, le cargo « Panayotis » se fracasse contre les rochers de la baie d'Agios Georgios (« Saint-Georges ») et s'échoue sur cette plage isolée du nord de Zante. A son bord, sept marins grecs, deux Italiens et 2.000 cartouches de cigarettes d'une valeur de 200.000 dollars. Comme l'attestent des documents produits des années plus tard à l'occasion d'un procès, le Panayotis était un navire de contrebande convoyant de la marchandise pour le compte de la Camorra, la mafia napolitaine. A la merci des pillages, du sel et de la mer Abandonné par son équipage, le cargo n'a plus jamais bougé, laissé à la merci des pillages, du soleil et du sel. Plus personne ne se rappelle d'Agios Georgios, le nom originel de la plage, rebaptisée depuis la « baie du Naufrage ». Les villageois des alentours, eux, « ont fumé à l'oeil pendant plus d'un an » , sourit Takis, le capitaine du bateau à moteur qui mène les clients du guide Kostas Michos jusqu'à l'épave. A bord, une demi-douzaine de Chinois et un couple de Mexicains. Tous sont venus à Zante pour une seule et même raison et se lèvent comme un seul homme, smartphone en main, lorsqu'apparaît le Panayotis. Malgré l'état du navire et la fermeture de la plage au public (sept personnes ont été légèrement blessées après un éboulement en 2018), le succès du Navagio ne se dément pas. Au contraire : de 524.000 arrivées internationales à l'aéroport en 2018, celles-ci frôlent désormais le million. Au total, quelque 1,5 million de touristes visiteraient l'île chaque année, en bonne partie des Asiatiques qui ont découvert le Navagio grâce à « Descendants of the Sun », une série sud-coréenne de 2016 tournée en partie dans la baie du Naufrage. Exclusivement dépendante du tourisme, l'île a vu poindre des problèmes de distribution d'eau et de collecte de déchets, typiques du surtourisme. Mais tout cela pourrait s'arrêter net. « Le risque de perdre le Panayotis dès cet hiver est important », alerte Dimitris Kaliampakos, qui a coordonné ces derniers mois une équipe de l'école polytechnique d'Athènes à Zante. Après un « SOS » des autorités locales, l'université a déployé bénévolement une quarantaine de chercheurs pour évaluer les risques, et proposer des pistes. Les conclusions de l'étude, qui viennent d'être publiées, sont sans appel : couvert de rouille, rapiécé par le temps et les éléments, le Panayotis se trouve dans un état critique. Pour sauver l'édifice, les chercheurs proposent d'appliquer sans attendre un traitement anticorrosion et de recréer artificiellement une berge qui éloignerait le bateau de la mer. Budget : de 3 à 4 millions d'euros. Le diocèse et le Qatar Reste que ni la municipalité de Zante ni le dème (la collectivité locale) ne sont propriétaires des lieux. Et ils ne disposent pas des moyens financiers nécessaires. Tout repose donc sur l'Etat central… qui multiplie les promesses non tenues depuis des années. C'est que les terrains attenants à la baie du Naufrage sont l'objet depuis dix ans d'un imbroglio juridique entre l'Eglise orthodoxe et des acteurs publics et privés, qui se disputent sa propriété. Si la justice a statué en 2020 en faveur du diocèse de Zante, le gouvernement grec souhaiterait en avoir la mainmise pour en céder l'exploitation au Qatar, affirment de nombreux médias grecs. L'urgence de la situation rebat les cartes. Selon le maire de Zante, Georgios Stanisopoulos, qui demande la gestion exclusive de la zone, seuls quelques obstacles juridiques subsistent et le ministre de l'Economie, Kostis Hatzidakis, « a promis qu'il donnerait le financement ». Si rien n'est fait avant l'hiver, il sera de toute façon trop tard. Le Panayotis n'attend qu'une nouvelle intempérie pour retourner d'où il vient : à la mer. Basile Dekonink. **** *source_Les_Echos *date_2024-07-30 *am_2024-07 *annee_2024 immobilier Logement : Chamonix s'arme face au surtourisme Chamonix se mobilise contre le surtourisme. La vallée de Chamonix-Mont Blanc, très prisée par les touristes été comme hiver, a voté un ensemble de restrictions à l'encontre des meublés de tourisme suivant ainsi l'exemple de d'agglomérations comme Biarritz, Barcelone ou encore New York. L'objectif affiché par ces communes : rendre la ville à ses habitants en enrayant la flambée des prix des loyers et en favorisant le logement permanent. La vallée des Alpes devient ainsi « le premier territoire de montagne en France à limiter le nombre de locations touristiques pour favoriser le logement à l'année », se félicite-t-elle dans un communiqué. Le texte voté par le conseil communautaire - qui réunit Chamonix, Les Houches, Vallorcine et Servoz, communes classées « zones tendues » depuis août 2023 - prévoit que, pour chaque bien faisant l'objet de locations de courte durée, le propriétaire devra solliciter un numéro d'enregistrement et une autorisation d'une durée limitée auprès de sa commune. L'autorisation sera accordée pour trois ans et renouvelable. Le nombre de meublés en location sera aussi limité à un par personne physique à Chamonix et les Houches et deux biens à Servoz. A Vallorcine, dans un premier temps, des accords d'une durée d'un an pour un nombre illimité de locations seront accordés avant que la réglementation ne soit affinée. Cette décision entrera en vigueur le 1er mai 2025. Ce règlement ne s'attaque toutefois pas encore aux personnes morales qui peuvent être des gestionnaires de parcs immobiliers, des agences immobilières ou encore des conciergeries et « constituent la majeure partie des multipropriétaires ». Entre 10.000 et 18.000 euros le m² Le conseil communautaire entend prendre des mesures complémentaires visant les personnes morales dans un second temps, indique prudemment le communiqué. « Le risque que le règlement soit attaqué existe », explique la mairie de Chamonix, rappelant le revers subi l'année dernière par la ville d'Annecy qui cherchait à imposer des quotas de meublés de tourisme. Selon les données collectées en 2023 via la taxe de séjour, les personnes morales détiennent un tiers des 3.500 meublés recensés à Chamonix. Dans la vallée, leur nombre est passé de 2.700 à 4.000 en quatre ans et le prix du marché de la location atteint 30 euros/m² et l'acquisition oscille entre 10.000 et 18.000 euros/m², selon le communiqué. Sarah Dumeau. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-03-16 *am_2024-03 *annee_2024 Porté par sa montée en gamme, en 2023 le Club Med a flirté pour la première fois avec les 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires Le groupe Club Med a annoncé vendredi des « résultats record » en 2023, fruits de sa stratégie de montée en gamme. Sa marge opérationnelle s'est ainsi établie à 9,5%, contre 6,2% en 2019, avant pandémie. « L'année 2024 marque la finalisation réussie de la montée en gamme de notre portefeuille de resorts » s'est félicité son président, Henri Giscard d'Estaing. Et ce, grâce à un nombre de clients qui a augmenté de 16% sur un an. La page des « Bronzés », les jeux apéro et les bungalows spartiates, est refermée. Voilà des années que le président du Club Med, Henri Giscard d'Estaing, s'est donné comme priorité la montée en gamme de l'opérateur touristique. Elle porte aujourd'hui ses juteux fruits. Le Club Med s'est ainsi félicité, ce vendredi, d'avoir réalisé des « résultats record » en 2023. Son chiffre d'affaires a progressé en 2023 de 17% par rapport à 2022 pour atteindre 1,981 milliard d'euros. C'est la première fois dans son histoire que le groupe flirte avec les 2 milliards. Son résultat net s'est, lui, élevé à 99 millions d'euros, selon un communiqué. Le bénéfice de 2022 n'avait pas été rendu public. La marge opérationnelle du groupe s'est établie à 9,5%, contre 6,2% en 2019, avant pandémie. « « L'année 2024 marque la finalisation réussie de la montée en gamme de notre portefeuille de resorts », a déclaré le président du Club Med, Henri Giscard d'Estaing, cité dans le communiqué. « Avec une nouvelle forte progression des réservations pour le premier semestre 2024, le Club Med confirme son ambition d'être un champion mondial français et la marque de tourisme 'lifestyle' la plus désirable » a ajouté le dirigeant. » En 2023, 97% des Club Med étaient haut ou très haut de gamme « ce sera 100% d'ici avril 2024 », selon le groupe. Le nombre de clients a augmenté de 16% En 2023, le nombre de clients du Club Med a augmenté de 16% sur un an pour atteindre 1,5 million, « principalement grâce à la reprise en Asie après les restrictions de voyages causées par la pandémie en 2022 », selon le communiqué. En Asie, le chiffre d'affaires du groupe a progressé de 96% par rapport à 2022. Le nombre de clients est en hausse 50% par rapport à 2022 et dépasse de 5% le niveau pré-pandémie. Les ventes en Europe s'établissent à 1,195 milliard d'euros et progressent de 7% par rapport à 2022 et 11% par rapport à 2019. Le chiffre d'affaires des Amériques (Nord et Sud) s'est élevé à 478 millions d'euros et augmente de 23,5% par rapport à 2022, et 62,7% par rapport à 2019. La France reste le premier marché mondial avec un chiffre d'affaires de 743 millions d'euros, représentant 37,5% du total, en augmentation de 5,4% par rapport à 2022 et 9,8% par rapport à 2019. Deux nouveaux Club Med doivent y ouvrir en 2024 à Vittel (Vosges) et Serre-Chevalier (Hautes-Alpes). Et deux autres doivent être inaugurés en Chine. Lire aussiSurtourisme : les Français réclament des quotas La reprise du secteur se poursuit Comme de nombreux acteurs du tourisme, le Club Med profite donc de la reprise du secteur qui ne se dément pas depuis la levée de toutes les restrictions, notamment en Asie. « Le tourisme international devrait retrouver complètement les niveaux d'avant la pandémie en 2024 » et même aller un peu au-delà puisque les premières estimations font état de chiffres « en progression de 2 % par rapport aux niveaux de 2019 », selon l'agence onusienne, ONU Tourisme. Le tourisme international devrait notamment bénéficier du « redressement dans toute l'Asie », de la facilitation de la délivrance des visas en Chine et de l'augmentation des capacités aériennes, ou encore du visa unifié (type Shengen) mis en place par les pays de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Qatar). « L'Europe devrait se placer encore en tête en 2024 » des marchés selon l''organisation. « En mars, la Roumanie et la Bulgarie entreront dans l'espace Schengen de libre circulation et Paris accueillera les Jeux olympiques d'été en juillet et en août » souligne-t-elle. Lire aussiTourisme : la France a engrangé un montant « exceptionnel » grâce aux voyageurs étrangers cette année À la recherche du bon rapport qualité-prix C'est dans ce contexte euphorique que s'est ouvert à Paris, jeudi, le salon mondial du tourisme. Seul nuage, mais il est de taille, la hausse des prix : « Il est possible que l'inflation persistante, les taux d'intérêt élevés, les fluctuations des cours du pétrole et les perturbations des échanges commerciaux continuent de se répercuter sur les coûts du transport et de l'hébergement en 2024 », tempère ONU Tourisme qui s'attend « à ce que les touristes recherchent de plus en plus un bon rapport qualité-prix et voyagent moins loin de chez eux ». En France, seulement 52% des Français s'offriront un séjour dans un hébergement payant au cours de l'année contre 55% en 2023 et 56% en 2022, selon une étude du cabinet de conseil Protourisme. « On observe une baisse des taux de partants des professions indépendantes, des artisans, des ouvriers et des retraités alors que les professions intermédiaires, les employés et les cadres ont des taux de départ équivalents ou plus élevés que l'an dernier », indique Didier Arino, dirigeant de Protourisme qui précise : « Cette année, seulement 10% des vacanciers disent avoir un budget vacances en hausse tandis que près d'un tiers affirment avoir un budget en baisse et 56% un budget équivalent ». (Avec AFP). **** *source_Le_Monde *date_2024-02-16 *am_2024-02 *annee_2024 Le tourisme, une économie du bonheur ? Le tourisme en France ? « Une économie du bonheur, une industrie des jours heureux. » La formule pourrait passer pour un slogan du Club Med, si elle n’avait été prononcée en novembre 2021 par Emmanuel Macron, lors du sommet Destination France. Première destination touristique au monde depuis plus de trente ans, l’Hexagone s’enorgueillit d’accueillir, chaque année, davantage de touristes étrangers – 75 millions en 2022, soit plus que sa propre population. Une chance pour l’économie française, dit-on, dont elle confirme implicitement l’attractivité. Selon Bercy, le tourisme a généré, en 2023, 58 milliards d’euros de « recettes internationales » (sans plus de détails) et emploie près de1,3 million de personnes dans le pays. Il fait aussi entrer de précieux dollars dans un pays contraint d’importer, chaque année, plus de 40 millions de tonnes de pétrole. Le ministère des finances est moins disert sur ce que les touristes rapportent effectivement aux caisses de l’Etat et des collectivités. Pas grand-chose, en réalité, au regard de l’ampleur des flux de visiteurs qui convergent en France tous les ans. La taxe de séjour, qui finance les infrastructures touristiques et que les collectivités ont toutes les peines du monde à augmenter, rapporte un peu plus de 600 millions d’euros par an. Moins que les redevances des fréquences radio ou que les infractions au code de la route et de stationnement. Selon les douanes, l’Etat rembourse, en outre, chaque année, plus de 1 milliard d’euros de TVA aux visiteurs non européens lorsqu’ils quittent la France. Cette fameuse « détaxe » s’applique pour l’essentiel à des produits de luxe, sur lesquels l’Etat ne touche donc pas un centime. Dans certaines communes de France, pourtant, la population est multipliée par dix pendant l’été. Au point que les pompiers, sursollicités, militent pour que les plates-formes comme Airbnb contribuent davantage aux effets collatéraux des migrations qu’elles génèrent, comme l’a rapporté Le Parisien. La plate-forme, dont la France est pourtant le deuxième marché après les Etats-Unis, a reversé en 2023… 148 millions d’euros de taxe de séjour aux communes françaises. Autant qu’une taxe sur les farines supprimée en 2019, car trop chère à collecter. La France devrait assumer davantage son statut de première destination touristique au monde. Sa taxe de séjour, forfaitaire (de 2,60 euros à 14,95 euros à Paris, selon le type d’hébergement), est notoirement inférieure à celle d’autres pays occidentaux. Amsterdam a relevé la sienne à 12,5 % du prix du séjour en début d’année, San Francisco à plus de 14 %. Sans parler d’Hawaï, qui envisage un prélèvement de 50 dollars (47 euros) pour quiconque pose un pied sur son sol. Problème d’acceptabilité sociale Quant aux logements touristiques, les débats budgétaires de l’automne 2023 ont montré toute la difficulté à les taxer autant que les locations de longue durée, destinées à des actifs qui peinent pourtant à se loger. Le bon sens voudrait que notre patrimoine soit protégé par une redevance bien plus élevée. Les touristes iront ailleurs ? C’est loin d’être évident. Et si le surtourisme ne génère pas assez de recettes pour la collectivité, il posera, tôt ou tard, un problème d’acceptabilité sociale, comme à Barcelone ou à Venise. Certes, tout alourdissement frapperait aussi les touristes français. Mais la question demeure. Le bilan du tourisme pour l’économie française reste à dresser. Contrairement à l’industrie, dont la part dans le PIB n’a cessé de reculer depuis les années 1970, le tourisme ne crée pas de valeur. C’est une rente assise sur un legs de l’histoire que les siècles ont tamisé. Or, la rente, par nature, détourne de la création de valeur, de la recherche, de l’innovation, de la formation. Un guide anglophone qui fait visiter le tombeau de Napoléon et un technicien de laboratoire ne contribuent pas autant l’un que l’autre à la création de richesse. Les touristes achètent des spectacles, des nuits d’hôtel et de la restauration, qui créent certes de l’emploi, mais de l’emploi peu rémunéré et peu qualifié. Derrière l’économie du bonheur, il y a l’économie réelle. **** *source_Le_Monde *date_2024-10-08 *am_2024-10 *annee_2024 La revanche de l’Europe du Sud Athènes, Madrid, Rome - correspondants - Les pays du Sud, synonymes de la crise de la zone euro il y a une décennie, sont devenus les locomotives de la région. L’Espagne devrait connaître une croissance de 2,7 % cette année et la Grèce de 2,2 %. Le Portugal ralentit, mais son rythme reste supérieur à la moyenne de la zone euro, sans doute à 1,7 % en 2024. Même l’Italie n’est plus vraiment le pays à problème qu’il a longtemps représenté. Or, dans le même temps, l’économie allemande stagne depuis deux ans lorsque le produit intérieur brut (PIB) de la France devrait difficilement progresser de 1,1 % cette année. Il s’agit en partie d’un effet de rattrapage, après l’effondrement de la décennie précédente. Mais l’amélioration, qui avait débuté avant la pandémie, s’est accélérée depuis la fin des confinements. L’excellente santé du tourisme est l’un des facteurs d’explication. Ces pays récoltent aussi les fruits du remède de cheval imposé pendant les années d’austérité. La dérégulation des marchés de l’emploi en particulier a permis de réduire le chômage et d’améliorer la compétitivité de ces économies. Enfin, la solidarité européenne décidée pendant la pandémie est un facteur-clé. Les pays du Sud touchent graduellement l’argent de l’emprunt commun de 750 milliards d’euros décidé en 2020 (Next Generation EU). La Grèce va recevoir son troisième versement, portant le total à 17 milliards d’euros, près de 7,5 % du PIB. L’Italie est la grande gagnante en valeur absolue, ayant touché en août son cinquième paiement, portant le total à 112 milliards d’euros (5 % du PIB). Et ces versements vont continuer : près de la moitié de l’enveloppe promise initialement n’a pas encore été déboursée. Tourisme et immigration dopent l’économie espagnole L’économie espagnole « avance comme une moto » , avait coutume de se féliciter le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, en 2023. Les économistes considéraient alors cette expression exagérée, une partie de la croissance de 2,5 % enregistrée en 2023 pouvant s’expliquer par un rattrapage tardif, après la chute de 11 % du PIB durant la pandémie. En 2024, M. Sanchez a troqué son expression pour une autre : l’économie espagnole avance à présent « comme une fusée » , a-t-il lancé en mai, tout sourire. Et même si les économistes émettent des réserves sur la qualité des emplois créés comme du modèle productif, et pointent un taux de chômage autour de 11 %, l’évidence s’impose. Le 26 septembre, le gouvernement espagnol a annoncé que le PIB devrait bondir de 2,7 % en 2024, et de 2,4 % en 2025. Ces bons résultats s’expliquent en partie par le boom du tourisme. Après une année 2023 record (13 % de hausse des revenus touristiques), l’Espagne devrait voir l’activité générée par ce secteur bondir encore de 5 % en 2024, selon les estimations de CaixaBank Research. « Nous ne nous attendions pas à ce que le tourisme poursuive une croissance aussi forte, reconnaît José Emilio Bosca, chercheur à la Fondation des études d’économie appliquée (Fedea) et professeur d’économie à l’université de Valence. Elle s’explique par le succès du tourisme urbain, qui n’est pas aussi saisonnier que celui des plages, ainsi que le développement de destinations comme les régions du Nord, les Asturies, la Cantabrie… » La dépendance de l’économie au secteur – 13 % du PIB espagnol cette année –, gourmand en main-d’œuvre peu qualifiée et faiblement rémunérée, est cependant considérée comme un frein à la modernisation du modèle économique, à l’amélioration de la productivité et à la hausse des salaires. Le surtourisme provoque en outre d’importantes tensions sur le logement et un mécontentement social grandissant. La croissance est aussi alimentée par celle de la population. Entre 2019 et 2024, l’Espagne est le pays de la zone euro où elle a proportionnellement le plus augmenté, passant de 46,9 à 48,6 millions d’habitants (+ 3,6 %), malgré un solde naturel négatif. Dans le même temps, la population active est passée de près de 23 millions à 24,4 millions de personnes. Selon la Banque d’Espagne, 13,5 % des travailleurs sont nés à l’étranger. « Les flux migratoires, principalement en provenance d’Amérique latine, ont fait entrer une main-d’œuvre importante, ce qui a dopé le PIB , estime M. Bosca. Mais la richesse par habitant, qui reflète mieux la santé de l’économie, a eu une croissance très faible ces quinze dernières années. » Si le PIB a augmenté de près de 5 % entre 2019 et 2023, le PIB réel par habitant ne progresse que de 0,1 %, selon un rapport de l’économiste Judith Arnal, pour la fondation Real Instituto Elcano. L’Espagne a aussi profité de prix de l’énergie modérés, grâce au poids important des énergies renouvelables, permettant à son industrie manufacturière d’améliorer sa compétitivité. La hausse de la commande publique a enfin soutenu l’activité, alors que le déploiement des fonds du plan de relance européen devrait prendre de l’ampleur en 2025 et en 2026 et ainsi doper des investissements privés pour l’heure décevants. La politique probusiness de l’Italie L’Italie est de retour. Voilà en tout cas, deux ans après son entrée en fonctions, le message que voudrait faire entendre Giorgia Meloni. Depuis le début de l’automne, les échanges entre la présidente du conseil italien et des acteurs économiques lui ont permis de mettre en avant le récit d’une attractivité renouvelée – reléguant au second plan les mesures rétrogrades prises, comme le recul de la liberté d’accès à l’avortement. Jeudi 3 octobre, la dirigeante d’extrême droite a ainsi rencontré le président de Microsoft, Brad Smith, qui a annoncé un investissement de 4,3 milliards d’euros destiné à de nouveaux data centers. L’avant-veille, elle avait rencontré Larry Fink, président de BlackRock, le plus puissant fonds d’investissement au monde. Le 24 septembre, en marge de sa présence à l’Assemblée générale de l’ONU, l’Italienne a mis en scène sa complicité avec Elon Musk. Autre signe, le géant bancaire UniCredit a jeté son dévolu sur le groupe allemand Commerzbank, entrant à son capital à hauteur de 21 %, avec, en perspective, une éventuelle fusion. Son président, Andrea Orcel, a reçu le soutien du gouvernement italien et de la Banque centrale européenne (BCE). Cela, dans un contexte où la consolidation du marché bancaire sur le continent connaît un regain d’attention après la remise des rapports sur le marché unique et sur la compétitivité d’Enrico Letta et de Mario Draghi - deux anciens présidents du conseil italiens. « Giorgia Meloni a réussi à projeter une image de stabilité dans un pays habitué à ce qu’un gouvernement en chasse l’autre. En outre, elle montre les dispositions les plus probusiness qui soient » , estime Federico Santi, de la firme de conseil en protection des risques Eurasia Group. En interne, l’attention dont jouit l’Italie attise le nationalisme économique de l’électorat de la dirigeante d’extrême droite, porté par l’exaltation du « made in Italy ». Au-delà du récit politique, les chiffres semblent donner raison aux optimistes. D’après l’institut national de statistique Istat, le produit intérieur brut italien a pour la première fois dépassé le niveau atteint avant la crise financière de 2008. Le déficit public est tombé à 3,4 % du PIB au deuxième trimestre, contre 5 % sur la même période de 2023. « Il semble y avoir une sincère volonté de respecter les engagements » vis-à-vis des nouvelles règles budgétaires européennes, estime Lorenzo Codogno, professeur invité à la London School of Economics, dans une note sur le sujet. L’économie devrait croître de 1 % en 2024, puis de 1,1 % en 2025, ce qui est plutôt bien, au regard des standards du pays, où le niveau d’activité est chroniquement faible depuis vingt ans. Le taux de chômage, à 6,8 %, est de trois points de moins inférieur au niveau d’avant la pandémie. En dépit de ces bonnes nouvelles, le pays reste néanmoins grevé par des handicaps structurels, tels que la démographie déclinante, la forte division entre le Nord industriel et le Sud, rongé par la pauvreté, ainsi que par une dette publique culminant à 134,6 % du PIB. En croissance, la Grèce panse encore ses plaies « La Grèce a fait des progrès considérables en matière d’investissements, mais nous avons encore un travail sérieux devant nous » , déclarait, jeudi 3 octobre, le ministre des finances grec, Kostis Hatzidakis, soulignant les bons chiffres en la matière : entre 2017 et 2023, les investissements ont augmenté de 62 %, d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soit la plus forte augmentation de l’Union européenne (UE). Cette bonne nouvelle vient s’ajouter à une série de résultats positifs pour Athènes. En 2023, la croissance de 2 % était l’une des plus élevées de l’UE, et le chômage est passé sous la barre des 10 %, contre 28 % en 2013, au plus fort de la crise des dettes publiques. Les coûts d’emprunt sur les marchés internationaux sont inférieurs à ceux de l’Italie et de la France – tout un symbole. Les banques, renflouées par l’Etat pendant la crise, sont entièrement repassées dans le secteur privé pour la première fois depuis des décennies, signe de leur santé retrouvée. Jeudi 3 octobre, le gouvernement a franchi la dernière étape de ce processus en concluant la vente d’une participation de 10 % dans la Banque nationale de Grèce, pour 690 millions d’euros. Le ministre des finances prévoit, par ailleurs, que la dette publique retombera à 133 % du PIB en 2028, contre 160,8 % en 2023. Reste que le pays ne s’est pas encore remis du choc de la récession liée à la crise de 2008, estime l’économiste Nikos Vettas, dans une tribune publiée en septembre dans Kathimerini . « La récente trajectoire positive n’a inévitablement couvert qu’une partie des pertes antérieures, et de nombreux ménages vivent toujours avec de faibles revenus » , explique le directeur de la Fondation pour la recherche économique et industrielle. Le PIB demeure en effet 20 % inférieur à celui d’avant la crise de 2008. D’après l’OCDE, les salaires réels sont toujours de 30 % inférieurs au niveau d’il y a quinze ans. Les Grecs sont, à l’exception des Bulgares, les Européens affichant le plus faible pouvoir d’achat, selon Eurostat. L’augmentation du salaire minimum de 780 euros à 830 euros brut en 2023 a été absorbée par l’inflation et la hausse des prix de l’énergie. Le salaire moyen (environ 1 200 euros brut), reste lui aussi 20 % en dessous de celui d’avant la crise de 2008 et concerne presque 60 % des employés. C’est dans ce contexte qu’en septembre le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a annoncé des mesures pour soutenir les ménages. Mais les défis restent nombreux. Le pays doit diversifier son économie, qui repose essentiellement sur deux secteurs, le tourisme et l’immobilier. La Grèce fait aussi face à une grave crise démographique, la population ayant diminué de 3 % entre 2011 et 2021. Enfin, les incendies à répétition et les inondations automnales risquent d’alourdir les finances publiques, a averti, dans son dernier rapport, le Fonds monétaire international. **** *source_L_Opinion *date_2023-08-10 *am_2023-08 *annee_2023 Et si le réchauffement limitait le « surtourisme »? Il ne manquait plus que ça! Alors qu'elle était supérieure à 25 degrés il y a un peu plus d'une semaine, la température de l'eau en Méditerranée est tombée à 16 degrés. Plus froide que celle de la Manche! Le mistral, qui a soufflé fort ces derniers jours, a chassé l'eau chauffée par le soleil en surface et le courant d'eau froide montant des profondeurs en a profité pour remonter. La température de l'eau devrait toutefois remonter prochainement. Ce n'est pas ce phénomène, inhabituel en cette saison, qui pourrait décourager les touristes de cette destination reine du tourisme, mais plutôt le réchauffement climatique et les dérèglements qu'il provoque. Plusieurs études se sont intéressées récemment aux impacts de ces phénomènes sur le tourisme. Le 28 juillet, le Joint Research Center (Centre commun de recherche, le laboratoire de recherche scientifique et technique de l'UE) en a publié une qui établit différents scénarios selon que l'objectif de l'Accord de Paris, soit +1,5 degré de réchauffement, est respecté ou que les températures augmentent de 3 ou 4 degrés. Les projections sont faites à l'horizon 2100, ce qui laisse un peu perplexe compte tenu de l'énorme degré d'incertitude prévalant à une telle échéance. Douceur. Si jamais, à cette date, le réchauffement climatique atteignait 3 ou 4 degrés, alors un clivage nord-sud apparaîtrait. Les baisses d'activité touristique les plus importantes - plus de 5% - sont projetées dans les régions de Chypre, de Grèce, d'Espagne, d'Italie et du Portugal, tandis que les gains les plus élevés - supérieurs à 5% - sont répartis entre l'Allemagne, le Danemark, la Finlande, la France, l'Irlande, les Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni. Plus précisément, les régions côtières du nord de l'Europe devraient connaître une augmentation de la demande de plus de 5% pendant les mois d'été et du début de l'automne. A l'inverse, les régions côtières du sud devraient perdre près de 10% de touristes estivaux par rapport à aujourd'hui. Le 8 juillet, une autre étude de l'European Travel Commission (qui représente 35 organismes nationaux de tourisme en Europe) a aussi mis l'accent sur les nouvelles orientations possibles des flux touristiques. Selon ses auteurs, les destinations méditerranéennes ont déjà connu une baisse de 10% des visiteurs souhaitant s'y rendre par rapport à l'année dernière. Au contraire, la République tchèque, la Bulgarie, l'Irlande et le Danemark connaissent un regain de popularité. « Cela peut être attribué aux voyageurs qui recherchent des destinations moins fréquentées et des températures plus douces » conclut l'étude. Elle montre aussi que certains préfèrent, pour ces raisons, ne pas voyager l'été. Ravages. Même si cette tendance perdurait avec des conséquences négatives pour les économies du sud - et ce n'est pas certain car elles peuvent accueillir plus de voyageurs hors période estivale -, elle serait bénéfique pour limiter les ravages du « surtourisme », qui s'installe lorsque tout le monde va au même endroit au même moment. D'après l'Organisation mondiale du tourisme, 95% des touristes mondiaux visitent moins de 5% des terres émergées. En France, 80% de l'activité touristique se concentre sur 20% du territoire, selon le gouvernement. Les conséquences sont multiples, comme la hausse du prix de l'immobilier dans les zones touristiques et les impacts néfastes sur l'environnement. En juin 2023, le gouvernement a d'ailleurs annoncé un plan national pour réguler les flux touristiques. Il prévoit notamment de lancer une campagne de communication pour encourager un tourisme des « quatre saisons » mieux réparti sur le territoire et promouvoir des sites moins connus. Un travail doit être mené avec des influenceurs pour qu'ils participent à la sensibilisation de la clientèle touristique aux impacts de la surfréquentation. Un observatoire national des sites touristiques majeurs doit également être créé afin de mesurer les flux touristiques et leurs impacts. Finalement, le réchauffement climatique pourrait rebattre utilement les cartes du tourisme. « En France, 80 % de l'activité touristique se concentre sur 20 % du territoire, avec des conséquences multiples, comme la hausse du prix de l'immobilier et les impacts néfastes sur l'environnement ». **** *source_Les_Echos *date_2024-11-18 *am_2024-11 *annee_2024 Tourisme Avec « The Mora », TUI veut croquer un bout du marché du luxe Le leader mondial du tourisme a inauguré sa nouvelle marque haut de gamme à Zanzibar. The Mora veut s'adresser aux adeptes d'expériences modernes qui tournent le dos au « bling-bling ». C'est une première adresse censée incarner les ambitions du groupe TUI dans l'hôtellerie de luxe. « La marque TUI est certes connue et reconnue, mais pas pour son raffinement - c'est cela que l'on veut changer », concède Sebastian Ebel, président du directoire du leader mondial du tourisme. Sur la plage de Muyuni, au nord-est de l'île- zone la plus convoitée -, The Mora symbolise donc une nouvelle ère pour le géant allemand du tourisme, qui se remet tout juste du chaos généré par la pandémie de Covid. « TUI est différent d'hier et continuera à se transformer demain, assure le patron du groupe. Nous avons travaillé dur pour cette transformation et enregistrons les premiers résultats - qui sont très bons. » Avec un marché du luxe en pleine croissance, le géant allemand veut s'assurer de pouvoir croquer une part du gâteau. D'autres hôtels de la gamme devraient bientôt voir le jour - mais le groupe reste prudent pour l'instant. Cap-Vert, Egypte, Turquie et Asie du Sud-Est font partie des destinations convoitées puisque TUI souhaite se focaliser sur des « destinations de vacances alliant expériences culturelles et bien-être, nature exceptionnelle et plages spectaculaires » . « Nous ne sommes pas à court d'idées, mais plutôt en manque de bras pour les exécuter », estime Sebastien Ebel. Cible plus premium Une nouvelle cible est également dans le collimateur : celles de clients privilégiant désormais des expériences plus modernes et informelles, tournant le dos au luxe « bling-bling ». Le concept de The Mora est ainsi entièrement orienté sur la flexibilité. Les clients peuvent profiter d'une « liberté culinaire » revendiquée, avec un service de restauration ouvert toute la journée et la possibilité, dans chaque restaurant, de se faire livrer un plat du restaurant voisin. Côté expérience, le sur-mesure est mis en avant, et les clients peuvent s'adonner à des sessions de yoga ou de swahili entre deux sorties plongée. Si TUI est déjà bien implanté sur cet archipel au large des côtes de l'Afrique de l'Est - avec trois établissements -, ce nouvel hôtel s'adresse donc à un segment plus premium ignoré jusqu'à présent, assure le voyagiste. The Mora, douzième marque du portefeuille TUI, enregistre depuis son ouverture en juin un taux d'occupation moyen de 75 %, avec une clientèle âgée de 25 à 50 ans qui y séjourne de cinq à sept jours. Certains choisissent de conjuguer leurs vacances à la plage avec un safari en Tanzanie continentale. Avec 424 hôtels en portefeuille, essentiellement dans les Caraïbes, autour de la Méditerranée et en Afrique, le groupe ambitionne désormais de dépasser les 600 établissements à moyen terme. TUI vise principalement l'Afrique, avec de nouvelles ouvertures, toutes gammes confondues, attendues au Kenya, au Sénégal, en Gambie et au Cap-Vert. Car dans d'autres régions du monde, prévient Sebastien Ebel, le secteur plafonne et les habitants sont prêts à descendre dans la rue contre le surtourisme. « Il est important de construire des hôtels là où il y a de la place pour nous ; nous avons besoin de destinations qui ont faim de tourisme », résume-t-il. Neïla Beyler. **** *source_Le_Monde *date_2024-10-18 *am_2024-10 *annee_2024 « Mon terrain d’observation commence en moi-même » Cela ressemble à un cri du cœur : « Je ne suis pas l’office du tourisme. » Jérôme Ferrari en rit, dans les bureaux parisiens d’Actes Sud, sa maison d’édition, mais sous la galéjade s’entend la lassitude de s’être vu reprocher « environ cent vingt fois » de donner une mauvaise image de la Corse dans ses romans, et à nouveau dans le plus récent, Nord Sentinelle – où le nom de l’île n’est, au reste, jamais écrit. « Le livre ne tient pas un propos abstrait ! La présence d’Alexandre Romani ne signifie pas qu’un regard soit spécifiquement porté sur la jeunesse corse » , soutient-il, avec peut-être un brin d’exagération dans la candeur. Ledit Alexandre Romani est le fils d’une famille influente. Propriétaire d’un restaurant, il a, un soir, poignardé Alban Genevey sur le port. La faute du garçon, venu du continent, mais que son agresseur connaissait depuis l’enfance ? Exaspéré par une arnaque d’Alexandre portant sur le prix des bouteilles de vin, Alban en avait introduit une de l’extérieur pour accompagner un dîner avec des amis. L’atrabilaire narrateur de Nord Sentinelle , cousin de la mère d’Alexandre et ami de son père, remonte le fil de cette histoire où le tragique, le grotesque et le dérisoire avancent en rangs serrés, examine la puissance toxique de certaines légendes et vitupère avec énergie les effets du tourisme de masse sur l’île, ses habitants et leurs relations avec les touristes. A l’égard de son île, où il n’est pas né, contrairement à ses parents, mais où il a passé toutes les vacances scolaires avant de s’y établir en 1988, à 20 ans, le Prix Goncourt 2012 (pour Le Sermon sur la chute de Rome ) estime n’avoir pas de responsabilité particulière hors sa « position d’énonciation » : « La voix qui porte sur la Corse, je tiens à ce qu’elle vienne de là, mais après… » Pour estimer les dégâts faits selon lui par un regard extérieur prompt à folkloriser les comportements avec une insouciance enthousiaste et désastreuse, il renvoie à la littérature française du XIXe siècle, à Maupassant, Mérimée, et au « mythe des bandits d’honneur » , ces hommes prenant le maquis afin de vivre en hors-la-loi après un affront, qu’ils ont exalté et même élaboré. « Tous mes grands-parents sont nés en Corse au début du XXe siècle , explique l’auteur, et pour eux, “bandit d’honneur” était une contradiction dans les termes. C’est la génération suivante qui s’est approprié ces modèles. » A en croire Nord Sentinelle, ceux-ci continuent de nourrir un imaginaire (plus largement « méditerranéen » que strictement local), qui fait encore peser sur certains jeunes hommes le poids d’une norme à laquelle ils n’auraient d’autre choix que de se conformer. « La tragédie d’Alexandre est d’adopter un rôle pour lequel il n’est pas du tout fait, en raison d’une mythification du recours à la violence physique dans des circonstances jugées obligatoires. » Comme dans Le Sermon sur la chute de Rome , comme dans A son image (2018, prix littéraire du Monde ), et comme, au fond, à peu près partout chez Jérôme Ferrari, Alexandre et plusieurs autres hommes sont les jouets de la bêtise viriliste. S’il la décrit avec la précision douloureusement hilarante de ses phrases en volutes, s’il reconnaît l’avoir fréquentée de près avec la fraternité testostéronée du milieu indépendantiste de sa vingtaine ou pendant son service militaire, il ne s’en exempte pas pour autant : « J’ai un super terrain d’observation, mais il commence en moi-même. » Jérôme Ferrari ne se place pas au-dessus de la mêlée, contrairement à ce que le ton de son narrateur pourrait faire croire. Parce que celui-ci partage avec l’auteur quelques données biographiques – il enseigne la philosophie et a passé plusieurs années à l’étranger avant de revenir en Corse (pour Ferrari, c’était à Alger puis Abou Dhabi) –, certains lecteurs attribuent sa véhémence bilieuse et ses propos violemment hyperboliques à son créateur : « J’aurais aimé qu’il soit clair pour tout le monde que c’est à mes yeux un sale type ! Il est plein de rancœur, de jalousie, de passions tristes et d’impuissance. » Or donc, non, Jérôme Ferrari ne pense pas vraiment, par exemple, que « le premier qui pose le pied sur le rivage, fût-il animé des intentions les plus pacifiques et les plus louables, fût-il un saint, fût-il le sauveur du monde en personne, il faudrait le tuer, lui et tous ceux qui l’accompagnent » , comme il est écrit. Il déplore certes les effets du tourisme sur son île, et en particulier le déséquilibre entre le surpeuplement de l’été et le désert de l’hiver, mais il ne croit pas qu’il existe de « premier » à blâmer en matière de tourisme ni de solution simple à la quasi-monoactivité corse. Il sait aussi que le touriste, « c’est toujours l’autre ». Et en eût-il douté, une expérience récente à Florence, dans la Galerie des Offices, aurait suffi à lui rappeler que l’ « on peut se débattre pour revendiquer la singularité irremplaçable de sa subjectivité, vu de l’extérieur, on n’en appartient pas moins à l’ensemble de la foule détestable ». Ce qu’il veut explorer, avec Nord Sentinelle et les deux romans qui devraient suivre pour constituer « une sorte de trilogie » est, au-delà du tourisme, l’altérité. Les textes seront reliés entre eux par des motifs et des échos, mais pas par des personnages récurrents, hors le capitaine Richard Francis Burton (1821-1890), sous l’égide duquel s’ouvre Nord Sentinelle. Burton ? Un officier « graphomane », premier traducteur en anglais des Mille et Une Nuits, ethnologue, orientaliste à la vie extraordinairement romanesque… « Un capitaine anglais qui avait la passion de la géographie et de toutes les façons d’être un homme que connaissent les hommes », écrivait Borges dans Le Livre des êtres imaginaires (1957 ; Gallimard, 1987), où Jérôme Ferrari a pour la première fois lu ce nom, il y a trente ans. « Burton est un personnage compliqué. [L’intellectuel palestino-américain, 1935-2003] Edward Saïd le voue aux gémonies, mais il n’y a aucun peuple qu’il maltraite plus que les Anglais. Je ne vois personne d’autre que lui, au XIXe siècle, qui ne soit pas animé par un sentiment de supériorité mais par une curiosité délirante. Par une passion sauvage de l’altérité, qui l’a amené à apprendre plus de quarante langues. » Pour écrire ces livres, Jérôme Ferrari pense qu’il s’appuiera en partie sur ses expériences à l’étranger, très différentes l’une de l’autre. En 2003, il est parti enseigner au lycée français d’Alger, quatre ans durant. « L’ambassade était encore traumatisée par la décennie précédente [celle de la guerre civile] , le lycée était bouclé. Mais je n’ai fréquenté pendant quatre ans que des Algériens. J’ai vraiment eu l’impression d’habiter un pays. » En revanche, aux Emirats arabes unis, où il était entre 2012 et 2015, dit-il, « je me suis retrouvé à “expat land”. J’ai vu des Emiratis mais je n’en ai pas connu ». Là-bas, surtout, il a fait l’expérience d’une asymétrie totale des relations avec « la multitude des personnes au service des expatriés » : « On a beau se penser gentil, progressiste, notre bonne volonté et nos bons sentiments ne pèsent pas très lourd face à la situation que l’on se retrouve à accepter. » Si ces deux expériences ont eu un point commun, il a été de l’aider à « objectiver [sa] place » , de le pousser à ouvrir plus grand les yeux. C’est toujours du dessillement que procède, chez lui, l’écriture. **** *source_Libération *date_2023-12-30 *am_2023-12 *annee_2023 RADAR/LE LIBÉ DES SOLUTIONS Tourisme Le voyage éthique sur de bons rails Du choix d'une destination aux activités, sans oublier le moyen de transport ou l'hébergement, «Libé» vous donne quelques pistes pour s'évader de manière plus responsable, en réduisant son empreinte environnementale et sociale. La nouvelle année est propice aux bonnes résolutions - qui tiennent rarement sur la durée. Il est souvent question de changer d'habitudes de vie (arrêter de fumer, moins boire, diminuer la viande, reprendre le sport) ou de façon de consommer, peut-être vers plus de sobriété, un mot résolument à la mode. Alors pourquoi ne pas se promettre de voyager autrement, en (bonne) conscience écologique et sociale ? La question n'a rien de saugrenu, notamment pour les globe-trotters invétérés - ou ceux qui se sont lancés dans un tour du monde à vélo ou à pied. Le voyage, moteur de l'économie mondiale drainé par le tourisme de masse, est responsable de 8 % du total des émissions de gaz à effet de serre, comme le rappelle l'Agence de la transition écologique (Ademe), en particulier du fait des déplacements en avion. A cela, s'ajoutent diverses pollutions (déchets plastiques, de l'eau, des sols, etc.) -jusqu'au sommet de l'Everest- et, entre autres, une hausse du prix de l'immobilier dans les zones touristiques entraînant «un déséquilibre du marché locatif» néfaste aux locaux. Ce qui pousse depuis cinq ans environ les autorités des destinations les plus fréquentées ou menacées - des Pays-Bas à la Thaïlande, de Venise à Bali- à prendre des mesures plus ou moins timides (taxes diverses, quotas, réservation obligatoire, interdictions d'accès temporaires) pour réguler ou limiter les flux. Voici donc quelques pistes du choix d'une destination à la consommation sur place pour tenter de réduire l'empreinte environnementale d'un voyage et en faire bénéficier l'économie et les populations locales. ? DES DESTINATIONS PLUS PROCHES ET DES VOYAGES PLUS LONGS Où partir en vacances ou en voyage l'année prochaine ? Celles et ceux qui ont la bougeotte chevillée au corps sont à coup sûr dans les startingblocks pour contenter leurs désirs d'évasion. Or le choix d'une destination est déterminant si l'on envisage de limiter son empreinte carbone. Autrement dit : moins l'on va loin de chez soi, moins l'on contribuera à la dette carbone globale. Rien d'étonnant donc à ce que de plus en plus d'acteurs du tourisme (offices du tourisme départementaux, médias spécialisés ou voya- gistes), et en particulier depuis la pandémie, mettent en avant la «microaventure», soit le fait de partir à la découverte de façon originale des charmes d'une région à moins de 200 km du domicile. Depuis deux ans, l'agence de voyages Chemins propose par exemple différents types de séjours «immersifs», de la Provence au Vercors, en vélo, méhari électrique ou en canoë, selon les principes du slow tourism (tourisme lent, en français) ou slow travel (voyage lent) et pour quelques centaines d'euros par personne. De leur côté, les éditeurs de guide (le Routard, Lonely Planet, Michelin, etc) rivalisent d'idées pour aiguiller vers des destinations de proximité, éthiques, bas carbone ou durables. Et ce d'autant qu'une écrasante majorité de Français, selon les statistiques officielles, ne voyagent pas ou occasionnellement hors des frontières hexagonales. Et si l'on a quand même des envies d'étranger, comment se décider ? «Ça dépend beaucoup de la durée du voyage que l'on souhaite faire, résume Julien Buot, directeur de l'association et du label Agir pour un tourisme responsable. Il faut inviter le voyageur à faire le ratio entre la durée d'un séjour et la distance. Aller au Pérou une semaine n'a pas vraiment de sens alors qu'on peut faire un très beau voyage en France. Et si l'on part loin, il faut peut-être voyager plus longtemps, un mois, deux mois, etc. Mais pas tous les ans. Ce qui est à rebours de la pratique des grands voyageurs aujourd'hui.» L'on peut aussi se fixer comme règle minimale d'éviter à la haute saison les destinations minées par le «surtourisme» en privilégiant à la place des pays, régions ou villes moins visités. ? CONSOMMER LOCAL ET RESPONSABLE Voyager, c'est aussi voir, écouter, toucher, et surtout goûter ce qu'on n'a pas chez soi. Et pour cela rien de tel que la bouffe. Alors oui, une fois en Argentine, on a le droit de se faire plaisir avec une côte de boeuf -même si la gastronomie rioplatense ne se limite pas à la viande-, mais il est aussi possible et envisageable de se tourner vers les tables engagées dans une démarche écoresponsable. C'est par exemple privilégier les adresses qui se revendiquent du mouvement mondial slow food (nourriture lente, en français), les restaurants végé- tariens, véganes ou qui font la part belle aux produits locaux, biologiques et de saison plutôt que les chaînes de fast-food mondialisées. Une ligne de conduite que l'on peut également suivre dans les marchés - qui peuvent être des attrape-touristes! - et supermarchés. Et il en va des souvenirs : autant ramener de façon raisonnée des produits locaux, issus d'une fabrication vraiment artisanale reconnue, plutôt qu'un des goodies (casquettes, boules à neige, magnets) made in China interchangeables. Et pourquoi pas un bel objet de seconde main. ? DORMIR CHEZ L'HABITANT OU DANS UN HÔTEL LABELLISÉ Les billets (de train, donc) en poche, on a pris la fâcheuse habitude de foncer sur Airbnb pour réserver un hébergement plus ou moins luxueux, plus ou moins insolite, bref, à notre goût. Ce n'est pas forcément la plus vertueuse des idées tant la plateforme a favorisé l'essor des locations meublées touris- tiques dans des villes, de Barcelone à Buenos Aires, où le parc locatif et le marché immobilier étaient déjà en tension, aggravant la crise du logement. Le choix de l'hébergement n'est d'ailleurs pas anodin pour l'environnement. Après le transport, c'est en effet en France l'hébergement qui génère le plus d'émissions de gaz à effet de serre (7 % du secteur du tourisme hexagonal), notamment quand il est marchand. Il est néanmoins possible d'aligner ses valeurs avec la quête d'un logement de vacances original, fun, atypique ou confortable. Alternatives intéressantes : l'échange de maisons entre particuliers, dont la plateforme HomeExchange est leader en France, qui favorise le partage - mais encore faut-il y être prêt - ou les séjours à la ferme, qu'il faille ou non participer aux tâches selon les principes du woofing, pour soutenir le monde paysan. Ajoutons également les hôtels, gîtes, maisons d'hôtes, campings, engagés dans une démarche d'écotourisme ou certifiés par un label environnemental français (Clef verte, écogîte, les gîtes panda) ou international (l'écolabel européen, Green Globe, etc). Pour obtenir la certification européenne, «les hébergeurs prennent des mesures écologiques strictes et quantifiées», indique l'Agence de la transition écologique. Le site voyager-autrement, spécialisé dans le tourisme durable, invite également les voyageurs à utiliser «de façon responsable» un site de réservation comme Booking, en réservant directement auprès du propriétaire le logement trouvé, histoire d'éviter des frais de commission. Lancée en 2021, la plateforme française GreenGo se présente, elle, comme une «alternative responsable à Booking et Airbnb», en proposant 8 000 hébergements écoresponsables à travers l'Hexagone - et bientôt dans le reste de l'Europe. «Nous ne sommes pas ouverts à tout le monde. On sélectionne les hébergements sur des critères écologiques comme la gestion de l'eau et de l'énergie, la proximité d'une gare, l'alimentation proposée, et la qualité du service, précise Mathieu Ravard, son fondateur. La différence avec Airbnb c'est qu'on échange avec les hébergeurs, on vérifie qu'ils ne participent pas à la spéculation locative.» En juin, à l'instar de l'Ademe, la start-up a également lancé un comparateur de transports pour évaluer les émissions individuelles en fonction du mode de déplacement vers un lieu de séjour. Et enregistre 30 000 nuitées depuis sa création. ? PRIVILÉGIER LES TRANSPORTS BAS CARBONE C'est le nouveau mal de l'époque à l'heure de l'urgence climatique, le «flygskam», soit la culpabilité de prendre l'avion pour se déplacer, corollaire de l'écoanxiété. Et pour cause : l'avion est de loin le mode de transport le plus émissif en matière de gaz à effet de serre. Selon l'Ademe, un vol aller-retour Paris-New York équivaut en moyenne à l'objectif d'empreinte carbone d'un Français pour 2050 et un Paris-Bangkok au tiers des émissions annuelles actuelles d'un Français. Sachant que les trois quarts des rejets liés au tourisme en France sont le seul fait des transports. Pour les voyages inférieurs à 1000 kilomètres de distance, qui ne demandent pas de passer par la case aéroport, il est donc recommandé quand c'est possible de privilégier ou de combiner des transports moins énergivores. Le train, malgré des tarifs paradoxalement moins avantageux que l'avion ; mais aussi le vélo, dont l'engouement pour voyager en itinérance est encouragé par le développement d'infrastructures adaptées. En revanche, les croisières, très polluantes et symboles du tourisme de masse standardisé, sont, elles, à éviter. Là encore, pléthores de guides touristiques se sont mis à la page du «voyage bas carbone» en proposant des destinations en train en Europe ou des «itinéraires à vélo» à travers le monde. Dernier recours, quand un long courrier est indispensable pour se déplacer et soulager sa conscience : la controversée compensation carbone, proposée par les compagnies aériennes. Soit le fait de payer un surcoût pour financer un projet de réduction ou de séquestration du CO2. «On essaye de favoriser d'autres moyens de transport que l'avion au départ de la France pour nos offres en Croatie ou en Italie, plaide le PDG du tour-opérateur Terres d'aventures, Lionel Habasque, spécialisé dans l'itinérance pédestre. Mais, pour réduire l'empreinte carbone des voyages vers l'Amérique latine, on développe aussi nos propres initiatives de reforestation dans certains pays, notamment de replan- tation de mangrove au Sénégal ou en Indonésie. On doit être à 20 000 hectares désormais.» Le bus ou le covoiturage sont également à envisager pour éviter de prendre la voiture sur un trajet motorisé. ? DES ACTIVITÉS NEUTRES ET «HORS DES SENTIERS BATTUS» Il y a ceux qui, pour leurs vacances, ne ménagent pas leur paresse en bronzant au bout du monde sous un cocotier et d'autres qui considèrent qu'un voyage c'est cocher toutes les cases des trucs à voir et à faire, notamment les sites touristiques surfréquentés. Mais il y a sûrement un juste équilibre à trouver en matière d'activités pour s'évader, s'amuser ou tout simplement découvrir les atouts d'une région. Les guides touristiques sont là encore une mine d'informations et proposent de plus en plus de «pas de côté», soit la visite de sites, monuments, ou aires ou curiosités naturelles, comme les grottes, délaissés par les touristes, «hors des sentiers battus». Ce que proposent d'ailleurs de plus en plus d'agences de voyages, estampillées durables, solidaires, équitables ou responsables, avec plus ou moins de véracité marketing. «On peut faire moins et mieux. Que ce soit en Normandie ou au Laos, on n'est pas obligé de faire les incontournables, insiste Julien Buot, qui attribue la certification Agir pour un tourisme responsable aux voyagistes. Le tourisme de découverte industrielle se développe beaucoup. C'est par exemple visiter une usine ou un artisan, ce qui permet de visiter des destinations à l'aune de leur patrimoine économique et pas seulement culturel ou naturel.» A privilégier, les loisirs plus neutres en matière environnementale comme la randonnée, le vélo, la voile, la plongée plutôt qu'un tour motorisé en quad, en jet-ski ou en ULM. Exit également, par respect pour les non-humains, les promenades à dos d'éléphant ou toute excursion impliquant des animaux sauvages, parfois présentées à tort comme des «sanctuaires». ?. **** *source_Les_Echos *date_2024-07-12 *am_2024-07 *annee_2024 « Le voyage est devenu un produit de première nécessité » JEAN-FRANÇOIS RIAL PDG de Voyageurs du Monde Après 30 ans dans le monde du tourisme, quel bilan tirez-vous de son évolution ? Le côté négatif, c'est que le surtourisme, qui a toujours existé, s'est fortement aggravé. Car le volume des touristes dans le monde a augmenté et le tourisme est beaucoup trop concentré sur trop peu de zones, sur des périodes trop courtes. Ce qui est positif, c'est le très fort développement du voyage individuel dont Voyageurs du Monde est le symbole. C'est un tourisme souvent plus authentique, même s'il y a aussi du voyage de masse. La faute à qui ? Il y a deux principaux responsables. Ce sont d'abord ceux qui voyagent eux-mêmes, parce qu'ils ne font pas l'effort d'essayer de voyager autrement. Il ne suffit pas d'aller voir un conseiller de Voyageurs du Monde et de demander de tout vous faire ; il faut s'investir, cela demande un effort ! C'est ensuite la responsabilité des opérateurs professionnels, en particulier des agents de voyage locaux dans le monde entier. Le monde du tourisme, c'est bien souvent de la facilité et de l'utilitaire. A part quelques exceptions, ils privilégient ce qui est standard parce que c'est plus simple à gérer. Proposer tout le temps la même chose à plein de gens permet de générer des économies d'échelle. C'est à la fois plus simple et potentiellement plus rentable. Mais cette tentation de la simplicité, c'est aussi le reflet d'une forme de manque d'attention ou de culture. On ne fait pas assez attention au beau. C'est-à-dire ? Le beau, c'est fondamental dans le voyage. C'est ce qui procure des émotions et vous donne envie de voyager. Quand vous êtes dans la culture utilitariste et standardisée, vous n'y êtes pas. La décoration des hôtels, y compris haut de gamme, est un exemple frappant. On est trop dans du standardisé qui ne tient pas compte de la culture locale. Il n'y a pas très longtemps, je suis allé à Istanbul, j'ai vu ces vieux palais sublimes restaurés sur le Bosphore et j'avais envie d'aller dans un de ses hôtels. Eh bien je n'y suis pas allé car les bâtiments extérieurs étaient magnifiques mais les intérieurs étaient tous les mêmes. Ça, ça fait partie du tourisme de masse, ce n'est pas que La Grande-Motte ou les croisières sur des paquebots géants, ce sont aussi les grandes chaînes d'hôtels dont la créativité est faible et qui cherchent trop à minimiser la prise de risques. Quand nous lançons une offre de croisières sur le Nil, nous investissons dans de vieux bateaux steamer que nous mettons à niveau pour proposer des voyages qui ont une âme. Il faut refuser l'uniformisation. Vous dites que les premiers responsables sont les touristes eux-mêmes. Mais parfois, ils n'ont pas le choix, avec des dates de vacances contraintes ou des budgets limités… C'est la solution de facilité ! Sur les questions budgétaires, on sait depuis des années et les premières vagues de touristes à la culture « routard » des années 1970 que l'on peut sortir des sentiers battus pour voyager sans se ruiner. Ensuite, la moitié de ceux qui voyagent dans le monde sont des retraités, donc ils n'ont pas ces problèmes ou pourraient trouver des moyens de les surmonter bien souvent. Enfin, quand vous avez des enfants et que vous êtes en vacances au mois d'août, c'est-à-dire pendant la plus mauvaise période, eh bien il y a des centaines d'endroits dans le monde où il n'y a personne et qui pourtant méritent d'être découverts. Il faut investir pour développer le tourisme dans des régions qui méritent d'être découvertes. Prenez le Cantal, on ne va pas multiplier les hôtels qui ne serviraient que quelques jours par an mais on peut essayer de développer d'autres hébergements pour les périodes de pointe. D'une manière générale, 5 % de la planète est fréquentée par 95 % des touristes. Pourquoi avoir quitté la présidence de l'Office du tourisme de Paris ? La raison principale est le manque de temps. Mais même si j'ai été suivi et soutenu par des équipes formidables, il y a une forme d'inertie qui est incompatible avec ma culture de l'efficacité. Il y a des élus de toutes tendances, un conseil d'administration de 50 personnes, plusieurs ministres, la région… C'est trop long, trop complexe, on a un problème de gouvernance. Pour changer le nom de l'Office du tourisme en « Paris Je t'aime », ça m'a pris deux ans. Le tourisme représente autour de 7 % du PIB français, mais souffre d'un manque de considération. Pourquoi ? Parce que les pouvoirs publics le considèrent historiquement comme une activité de saltimbanques. Or je prétends que c'est une activité non délocalisable et extrêmement créatrice d'emplois. Si on s'en occupait bien, on pourrait investir un euro et en gagner beaucoup plus, en retombées fiscales, en emplois, en répartition des touristes sur le territoire, etc. Je dois dire que le premier président français qui s'est intéressé un peu à ce sujet, c'est Emmanuel Macron avec l'organisation de grands sommets internationaux. Malheureusement, ça n'a pas vraiment été suivi d'effets, notamment la réforme d'Atout France, malgré la volonté forte d'Olivia Grégoire qui a manqué de temps pour la réaliser. C'est un bon exemple de la difficulté de réformer et d'inertie dans les affaires publiques auxquelles j'ai moi-même été confronté. Est-ce que l'inflation a fait mal au tourisme ? Pas vraiment. Entre 2019 et 2023, qui est l'année de reprise très forte des voyages, l'inflation cumulée a été de l'ordre de 20 à 25 %. Et les clients ont suivi. Parfois en changeant de destination pour pouvoir respecter un budget, mais on en a perdu très peu. Le nombre de clients qu'on a perdu a été largement compensé par la hausse du panier moyen. Comment expliquer la bonne santé de l'industrie du voyage ? Quelque part, le voyage est devenu un produit de première nécessité. On ne peut plus se passer du voyage. C'est le premier loisir qu'on veut avoir, la première récompense qu'on veut se donner, et cela vaut pour toutes les classes de la population. On peut aisément se passer de changer de canapé pour pouvoir voyager, voire de changer de logement. Je pense que c'est du même niveau que les abonnements numériques ou les smartphones, dont on ne veut pas se passer. C'est d'ailleurs un facteur d'optimisme pour l'industrie du voyage. Les JO vont-ils avoir un effet sur le tourisme à Paris ? L'impact à court terme est très négatif sur les flux touristiques, même si ce n'est pas du tout spécifique à Paris. Avant les Jeux, les gens ne viennent pas car ils considèrent que ça va être cher et très désagréable. Cela concerne les touristes mais aussi les organisateurs d'événements. Le mois de juin a été un désastre pour les hôteliers et les restaurateurs parisiens. A moyen et long terme, ça peut être bon ou neutre. Ont-ils bien été organisés ? Les JO, c'est un événement génial. Mais si on veut en faire un événement positif pour tout le monde, on doit changer fondamentalement trois choses. D'abord, il faut cesser le monopole du Comité international olympique, cette institution non démocratique qui a tous les pouvoirs, notamment dans la distribution de la billetterie. A partir du moment où les meilleures épreuves sont vendues sous forme de packages et d'hospitalités, vous payez très cher quelque chose qui ne le vaut pas forcément et vous empêchez les citoyens locaux d'y accéder. On peut envisager que les Etats reprennent la main sur ce point. Ensuite, je pense que les JO doivent durer plus que 15 jours, au minium un mois. Vous donneriez de la respiration aux systèmes de transport et à la ville. Enfin, il faut les organiser sur plusieurs villes proches : on aurait pu les faire à Paris, Bruxelles et Amsterdam, par exemple. Mais la totalité sur un même lieu et sur une durée aussi courte, c'est un désastre écologique garanti. Paris a fait beaucoup d'effort pour rendre ces Jeux les plus verts possible, mais vous ne pouvez pas optimiser ça structurellement. Est-ce facile d'être un entrepreneur en France ? Depuis notre arrivée chez Voyageurs du Monde avec Alain Capestan il y a un peu plus de trente ans, on a créé 1.500 emplois et versé au moins un milliard d'euros de charges sociales et impôts. On a toujours payé nos impôts sans céder aux tentations de l'optimisation. Jusqu'à l'élection d'Emmanuel Macron, j'ai constaté que les entrepreneurs optimisaient dès qu'ils faisaient une plus-value. Depuis l'instauration de la flat tax que certains critiquent, je ne vois plus ça autour de moi, il y a une forme de consentement à l'impôt qui s'est installée. Ça pourrait changer ? On nous explique qu'il faudrait taxer les plus-values comme le travail pour plus de justice. Cela peut se défendre, mais vous n'aurez plus aucune incitation à la prise de risques. Et alors qu'on a déjà des prélèvements obligatoires de 52 % de la richesse nationale, il faudrait que l'on repaye sur un patrimoine pour lequel on a pris tous nos risques et sur lequel on a déjà payé tous nos impôts ? Je ne suis pas sûr de trouver ça très juste. J'ai quitté il y a plus de trente ans un très bon poste de cadre supérieur. J'ai investi toutes mes économies et je me suis massivement endetté. J'ai passé des années à tout réinvestir dans la croissance de mon entreprise. On a besoin que certains continuent de vouloir entreprendre. Pour redistribuer de la richesse… il faut bien commencer par la créer. Quelles conséquences tirez-vous des élections législatives ? On voit bien qu'on est arrivé à la limite d'un système. On dépense 58 % de la richesse nationale avec un déficit abyssal et des services publics qui ne satisfont pas nos citoyens, notamment dans les territoires. Il va falloir mettre en place un gouvernement de redressement national qui mette de l'ordre dans nos finances publiques et dans la rue. Ce gouvernement devrait regrouper tous les républicains du PS à LR si ces gens pensent d'abord à l'intérêt du pays. C'est bien plus important que leurs désaccords secondaires. Depuis 50 ans, on vit sur nos acquis sans réformes structurelles de l'Etat. Cela suffit, ils doivent s'y consacrer pour les 10 prochaines années. Sinon on aura rapidement des extrêmes au pouvoir qui cultivent la xénophobie et l'incompétence économique. Yann Duvert et David Barroux. **** *source_Les_Echos *date_2024-06-27 *am_2024-06 *annee_2024 Le livre du jour Tourists, go home ! de Linda Lainé. Editions de l'Aube, 184 pages, 17 euros. LE Propos : Le 18 août 2023, le Mont-Saint-Michel a atteint son record de fréquentation, 36.000 personnes en une journée pour une île de 4 km2. La crise a bien vite été oubliée. Les quelques sites touchés par le « surtourisme », véritable invasion humaine, deviennent des zones à éviter. Tout le monde râle : les locaux sont agacés, les collectivités écartelées entre profit et protection des sites, les visiteurs tous entassés. L'auteure revient sur les causes de ces surchauffes, comme le « revenge tourism », qui consiste à venir absolument visiter un site avant qu'il ne soit fermé ou détruit. Elle expose aussi des solutions inspirées de mesures déjà existantes. Certaines semblent extrêmes, voire burlesques, comme interdire les valises à Dubrovnik pour préserver les pavés médiévaux, la mesure a vite été abrogée. L'Intérêt : Le tourisme est un sujet global qui touche tout le monde, soulève des questions à la fois écologiques et économiques. Il représente tout de même 7,5 % du PIB et 2 millions d'emplois en France en 2023. Le surtourisme peut en pousser certains à développer une tourismophobie. A Barcelone,on trouve de nombreux tags qui incitent les touristes à décamper : « Tourists go home » . Bien que revendicateurs, ils sont peu coercitifs. D'où la mise en place de législations contraignantes visant à préserver la durabilité des sites. La Citation : « Dans un monde idéal, il faudrait par conséquent une meilleure dispersion dans le temps et dans l'espace. Que le 'trop-plein' de visiteurs bascule vers d'autres territoires. » Juliette Brosset-Heckel. **** *source_Les_Echos *date_2025-06-25 *am_2025-06 *annee_2025 TOURISME Le plan contesté de la Corse pour limiter le surtourisme estival Très dépendante du tourisme sur le plan économique, l'île de Beauté cherche depuis deux ans à rééquilibrer son modèle.Mais tous les acteurs ne sont pas d'accord avec les solutions. A l'aube de la saison estivale, la pression monte sur l'île de Beauté, entre effervescence et état d'alerte. Alors qu'elle s'apprête à accueillir des cohortes de visiteurs, attirés par des sites emblématiques comme les calanques de Piana (Corse-du-Sud) ou la réserve naturelle de Scandola (Haute-Corse), des tensions viennent troubler le paysage. A commencer par une récente série d'incendies criminels visant des bateaux de tourisme. Des actes qui jettent une ombre sur un secteur vital pour l'économie locale. Aucune région française n'est à ce point dépendante du tourisme : selon l'Insee, le secteur représente 39 % du PIB de l'île. Cette dépendance est d'autant plus marquée que l'activité reste concentrée sur les mois d'été. « Sans juillet et août, il n'y aurait plus d'hôtels, de campings, ni de résidences de tourisme en Corse », souligne Jean-Baptiste Pieri, hôtelier et secrétaire général du Cercle des grandes maisons corses, qui regroupe 19 établissements de standing. « C'est une période fondamentale », martèle-t-il. Etaler la fréquentation En moyenne, l'île accueille trois millions de visiteurs par an. Selon le dernier rapport de l'Agence du tourisme de la Corse (ATC), plus de 34,7 millions de nuitées ont été enregistrées entre avril et novembre 2024, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2023, et de près de 15 % en cinq ans. L'an dernier, 44 % de ces nuitées (15,3 millions) relevaient d'une clientèle internationale, majoritairement composée de visiteurs venus d'Allemagne, d'Italie, de Suisse et des Pays-Bas. « Quand l'île accueille plus de 400.000 personnes en août pour une population de 340.000 habitants, cela interpelle. A d'autres moments de l'année, et dans d'autres zones géographiques, la Corse est vide . C'est cet effet yo-yo qui pose problème », analyse Angèle Bastiani, la présidente de l'ATC. Depuis deux ans, son agence, autorité référente en matière de stratégie touristique, déploie un plan visant à diversifier l'offre tout en étalant la fréquentation sur l'année. En mai 2023, l'ATC présentait un plan visant à réguler l'afflux de visiteurs durant la haute saison. Parmi les mesures phares figure la réduction drastique des actions de promotion pour les mois de juillet et août. « Notre travail doit être fait sur d'autres périodes, pour éviter aux professionnels de ne travailler que deux mois par an, poursuit Angèle Bastiani. Nous avons donc fait le choix de ne plus investir d'argent public pour attirer davantage de monde sur une période déjà saturée. » Des flux « maîtrisés » L'ATC mise désormais sur le printemps et l'automne. Avec des résultats déjà probants, selon sa présidente : « Depuis 2023, plus de 53 % des visiteurs viennent hors juillet-août et la proportion ne fait qu'augmenter. » Parallèlement, l'Assemblée de Corse, dirigée par une majorité autonomiste et chargée du pilotage stratégique de l'ATC, a voté à deux reprises en 2024 le financement de nouvelles liaisons aériennes. Avec un objectif : pérenniser et annualiser cinq lignes vers l'Italie, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Allemagne et la Suisse, ainsi que quatre dessertes à destination de Nantes, Toulouse, Strasbourg et Bordeaux, jusqu'ici uniquement opérées en saison. L'initiative vise à doubler le nombre de passagers du trafic international, et à porter à 400.000 le nombre de passagers annuels au départ des quatre métropoles françaises, contre 323.000 actuellement. « Cette mesure doit garantir des flux choisis et maîtrisés, avec une offre mieux adaptée et construite autour du bien-être, de la gastronomie ou de la randonnée », détaille Angèle Bastiani. Si les hôteliers saluent l'objectif, ils doutent de l'efficacité des moyens engagés. Selon eux, les taux d'occupation en avant et arrière-saison restent figés. « En 2018, nous étions à 66 %. En 2024, notre taux n'atteint que 65 % », observe Jean-Baptiste Pieri. Un recul certes modeste mais préoccupant, selon lui, au regard des dynamiques observées ailleurs : « Dans la majorité des autres destinations françaises, les taux progressent. Ce n'est pas le cas en Corse. » En cause, pointe-t-il, un développement insuffisant des dessertes aériennes. « En Sicile ou aux Baléares, 80 % des flux passent par ce canal. En Corse, nous atteignons à peine 55 %. C'est trop peu, et cela génère des tensions sur les périodes stratégiques, notamment en début et fin de saison. » L'une des autres problématiques soulevées par les professionnels concerne l'offre internationale, toujours dans le domaine aérien. Benoît Chaudron, propriétaire de trois hôtels à Ajaccio (Corse-du-Sud), estime qu'il devient « urgent de sortir d'une dépendance à la seule clientèle franco-française ». Jean-Baptiste Pieri déplore pour sa part une desserte « absolument pas significative, et seulement symbolique ». « Sans la tour Eiffel ! » Autre point de crispation pour les hôteliers, déjà plombés par l'inflation : l'arrêt de la promotion estivale. « Ne plus communiquer sur la Corse en été, c'est comme faire la promotion de Paris sans la tour Eiffel ! », lâche Benoît Chaudron. Les débats se prolongent également sur la notion de surfréquentation. Pour certains, la saturation ne concerne pas tous les maillons de la chaîne. « En juillet et août, je ne refuse aucun client. Il ne faut pas confondre fréquentation sur les sites touristiques et taux de remplissage dans les hébergements », avance Edmond Cridel, gérant à Bonifacio. La présidente de l'ATC, elle, veut croire en un tournant : « Ce qui manquait, c'était une stratégie coordonnée. Changer un modèle économique ne se fait pas en une saison. » Jean-Toussaint Legato. **** *source_La_Croix *date_2023-07-17 *am_2023-07 *annee_2023 L'été français confronté au surtourisme De l'île de Bréhat à Marseille, en passant par Port-Cros ou Saint-Malo, beaucoup de destinations touristiques françaises font face, en période estivale, à une saturation de leur territoire par un nombre croissant de visiteurs. Ces dernières années, le phénomène est devenu tel qu'il a fait naître le néologisme « surtourisme » , désignant l'hyperconcentration des flux touristiques. En France, première destination mondiale, la situation est de plus en plus problématique : parmi les 90 millions de visiteurs, 80 % ne se rendent que sur 20 % du territoire. « Notre pays peut être comparé à un" donut" [beignet en forme d'anneau, NDLR], explique à La Croix Olivia Grégoire, ministre chargée du tourisme . Les lieux les plus fréquentés sont en périphérie : littoraux et zones de montagne. » Le Covid a donné un coup d'accélérateur. « Il y a eu notamment le souhait d'éviter les villes et de privilégier les espaces naturels. D'où une explosion de leur fréquentation, comme dans les Grands Sites de France », souligne Soline Archambault, directrice du réseau chargé de leur gestion et protection. Cette surfréquentation s'accompagne désormais d'une lassitude de la part des populations locales. Outre les gênes occasionnées par l'arrivée des touristes, la vie locale souffre toute l'année de cette popularité?: envolée des prix de l'immobilier, des services, établissements ouverts uniquement en été... De quoi faire naître un sentiment de dépossession, souvent accompagné de risques environnementaux pour la nature de ces sites uniques. Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement a annoncé la mise en place d'un plan, le 18 juin dernier. Attaché à préserver les retombées économiques du secteur - 8 % du PIB en 2018 -, il mise sur une meilleure répartition des flux, « un tourisme des quatre saisons », selon les mots de la ministre. Il propose la création de parcours alternatifs dans les territoires concernés, afin d'attirer les touristes vers d'autres destinations. Beaucoup d'acteurs locaux n'ont pas attendu l'État?: stationnement coûteux en centre-ville, éloignement des parkings en périphérie des sites, création de sentiers qui préservent la nature... « À cela s'ajoute un gros travail de sensibilisation , précise la directrice. Il faut mieux informer, expliquer aux visiteurs que si on va en Camargue ou dans la vallée de la Vézère, on ne visite pas seulement des lieux avec une grotte ou des flamants roses, mais aussi des sites habités.?» Le nerf de la guerre réside donc dans la communication. Surtout quand, aujourd'hui, la popularité d'un lieu se détermine sur les réseaux sociaux plutôt que dans les guides de voyage. « Certains sites, des zones Natura 2000 comme les gorges de l'Hérault notamment, qui étaient déjà populaires, voient désormais débarquer des hordes de touristes à cause des milliers de photos postées sur Instagram » , poursuit Soline Archambault. « Une grande partie de la solution se trouve sur ces réseaux , complète Cosmo Danchin-Hamard, de l'association Étretat demain, qui lutte pour la préservation du site normand. C'est là qu'on pourra informer les touristes sur les comportements à avoir, mais aussi les inciter à voyager hors saison et à anticiper leurs déplacements. » Le plan gouvernemental mise même sur un partenariat avec des influenceurs, tant pour les sensibiliser à ces enjeux que pour favoriser la publicité de lieux plus méconnus. Mais pour certaines destinations, difficile d'attendre les effets de ces stratégies de long terme. Comme à Bréhat, les parcs nationaux de Port-Cros et des Calanques de Marseille ont décidé de limiter l'accès à leur site pour endiguer les flux. « Quand la situation devient extrême, réduire l'accès est parfois la seule solution viable , reconnaît Soline Archambault. Mais c'est précisément cet ultime recours, une régulation par la réservation ou, pire, par l'argent, que nous essayons d'éviter.?» La mesure n'est d'ailleurs pas déclinable à tous les territoires, notamment les villages traversés par une route départementale. Enfin, de nouvelles pratiques telles que le «?démarketing?» ou la «?contre-publicité?» consistent à décourager les visiteurs de venir en affichant des photos de la surpopulation ou, au contraire, en abandonnant toute communication du site... **** *source_Les_Echos *date_2024-09-27 *am_2024-09 *annee_2024 transports Accor s'associe au World Monuments Fund pour la préservation du patrimoine culturel L'hôtelier présent dans 110 pays et la plus importante ONG mondiale consacrée au patrimoine ont signé un partenariat de trois ans pour protéger des sites culturels menacés. Comment répondre au tourisme de masse quand on est un acteur mondial de l'hôtellerie ? Le groupe Accor vient de conclure un partenariat avec le World Monument Fund, pour restaurer des patrimoines en danger. « Le changement climatique et le surtourisme nuisent à certains sites et nous voulons contribuer à sauvegarder des monuments menacés, mais aussi à valoriser des sites culturels moins connus, en dehors du tourisme de masse. Outre un mécénat financier très important, nous apporterons notre expertise, pour accompagner les populations locales et enrichir les destinations », pointe Brune Poirson, directrice du développement durable du groupe. « Notre priorité est d'aller vers un tourisme équilibré, source de revenus et de préservation des sites », ajoute Bénédicte de Montlaur, directrice générale du World Monument Fund. « C'est aussi une préoccupation d'Accor, le partenariat entre nous était naturel », conclut-elle. L'hôtelier avait déjà décidé en juin de soutenir pendant trois ans et pour 4 millions d'euros (apport financier et en nature) le bateau-musée de la fondation Art Explora reliant 15 ports méditerranéens. Sébastien Bazin, le patron d'Accor, avait alors mis en avant les valeurs partagées avec Art Explora : dialogue des cultures, innovation, hospitalité. Et le groupe s'était déjà impliqué dans la culture : rachat du Lido, naming de l'Accor Arena, concerts dans les Ibis, happenings mêlant culture et sujets de société dans les Pullman… Tourisme durable Le programme phare du WMF, le Watch, sélectionne chaque année 25 sites à soutenir au cours d'un cycle de deux ans, et Accor apportera son mécénat à quelques-uns d'entre eux. WMF travaille toujours de concert avec les instances locales pour les sensibiliser et les former, de la conservation à la gestion des touristes. Les deux partenaires espèrent même « établir ensemble de nouvelles normes qui feront référence en matière de tourisme durable », d'autant que l'audience mondiale d'Accor sur Internet fera caisse de résonance. Du même coup, Accor assoit davantage son concept d'hôtellerie « augmentée », axée sur des expériences exclusives pour fidéliser ses clients. « Avec les communautés locales, nous organisons des 'Watch Days' avec des démonstrations, des festivals, des chants, des danses, des conférences », rappelle Bénédicte de Montlaur. Les clients Accor pourront être associés à ces journées particulières comme ils pourront contribuer à des cercles de soutien s'ils le souhaitent, voire participer à des visites de chantier si cela est possible. Si le montant du mécénat n'a pas été révélé, Bénédicte de Montlaur souligne que sur chacun des cycles de deux ans du programme Watch, elle lève 3 à 10 millions d'euros auprès de quelques dizaines de mécènes locaux et globaux, impliqués à des niveaux très divers. American Express, les meubles Knoll, des fondations, ont déjà participé au programme Watch, qui a déjà généré 115 millions de dollars sur les 300 millions levés par WMF depuis sa création en 1996. M. R. **** *source_Les_Echos *date_2024-06-25 *am_2024-06 *annee_2024 tourisme Les territoires accélèrent sur les véloroutes Les 21.500 kilomètres d'itinéraires balisés génèrent des retombées croissantes dans les régions.Les services et l'intermodalité restent en deçà des standards nordiques. De Nantes au mont Saint-Michel en neuf jours. C'est la promesse de la « Régalante », l'une de ces nouvelles véloroutes ouvertes avant l'été. Sur le portail de France Vélo Tourisme, l'association qui fédère les acteurs de ces voies cyclables, on découvre aussi la nouvelle « Vélidéale », reliant Saint-Nazaire et le lac de la Vassivière, dans la Creuse, ou la « Belle Via » et ses 280 km dans la vallée de l'Isère. La France se strie de véloroutes, ces itinéraires balisés de moyenne ou longue distance. On en dénombre désormais 59 dans toutes les régions, dont 13 véloroutes nationales et 10 EuroVelo routes, des axes qui se prolongent au-delà des frontières. Selon le réseau Vélo & Territoires, l'Hexagone a gagné 1.290 kilomètres de voies cyclables en 2023, dont 780 kilomètres d'itinéraires nationaux comprenant 130 kilomètres d'EuroVélo. Plus de 82 % du Schéma national des véloroutes, défini en 2010, est tracé. L'objectif est fixé à 26.100 kilomètres en 2030, contre 21.500 kilomètres actuellement, avec l'ambition de faire de la France « la première destination mondiale à vélo ». Le pays est pour l'instant deuxième, loin derrière l'Allemagne. Développer l'intermodalité Vélo & Territoires a comptabilisé une hausse du trafic de 37 % entre 2019 et 2023. La Loire à vélo, l'une des principales véloroutes françaises, a plus que doublé sa fréquentation entre 2015 et 2023. Sur 22 millions de Français enfourchant un vélo pendant leurs vacances, 15 % sont en itinérance. La progression du tourisme à vélo se mesure aussi dans les trains. Le nombre de places de vélo vendues en 2023 ayant progressé de 16 % dans les Intercités et de 21 % dans les trains Inouï. « La France est encore très loin de l'Allemagne, notamment sur l'intermodalité vélo-train-bus où on n'est vraiment pas bons », déplore cependant Lionel Habasque, vice-président de Voyageurs du monde. « Le transport des vélos dans les trains reste un frein », confirme Hélène Fauveau, cofondatrice de Paulette Bike. Cette société de Toulouse offre une alternative aux wagons encombrés avec son réseau de 10 agences et une trentaine de partenaires permettant de louer un vélo au départ pour se rendre au point d'arrivée. La PME, en croissance, totalise 800.000 euros de chiffre d'affaires avec 10 salariés. « On observe une clientèle de plus en plus jeune, notamment de groupes séduits par ces notions de micro-aventures, de slow life ou de voyage local », note aussi Hélène Fauveau. Une kyrielle de petits acteurs s'est également lancée sur le segment du logement pour cyclistes, notamment sur le créneau du « lodge », petit habitat rustique adapté à l'itinérance. Le lillois Cocolodge lance une offre clé en main permettant aux agriculteurs de développer l'accueil dans leur ferme. A La Rochelle, Cyclocamp propose aux collectivités l'installation de bases d'accueil. V-Lodge, à Clermont-Ferrand, développe des abris en bois, comme La Cabanerie, qui construit près de Rennes des minicabanes d'inspiration scandinave. Le défi des infrastructures Les usages s'entremêlent. « On assiste à une volonté, notamment des départements, de coordonner les itinéraires utilitaires, ceux du quotidien, avec les itinéraires touristiques », mentionne Nicolas Pinson, chargé de mission à France Vélo Tourisme, citant le cas de la Loire-Atlantique qui investira 140 millions pour relier, d'ici à 2032, toutes ses communes par des itinéraires vélos. Cela représente 491 liaisons de bourg à bourg, soit 3.700 km, à réaliser en plus des 2.100 existantes. « L'arrivée des vélos électriques a modifié la perception des distances, alors il nous faut être au rendez-vous sur le plan des infrastructures », plaide Freddy Hervochon, vice-président du département. « Les collectivités se sont bien emparées de la thématique et continuent à investir dans les aménagements », observe Sophie Rapinel, chargée de mission à Vélo & Territoires. « Ce mode de déplacement est idéal pour irriguer les territoires. » L'itinérance à bicyclette est d'ailleurs une bonne affaire, le cycliste itinérant appartenant plutôt aux catégories socioprofessionnelles aisées : selon Vélo & Territoires, un touriste à vélo dépense 68 euros par jour en moyenne contre 55 euros pour un touriste motorisé. « Le cycliste itinérant va davantage au restaurant, séjourne à l'hôtel et en chambre d'hôtes », précise l'experte. Pour le réseau Grand Est, qui comprend six itinéraires et deux boucles, les retombées sont par exemple évaluées à 53,8 millions en 2023, soit 29.900 euros de revenus par kilomètre. Elles s'élevaient à 55,6 millions en 2023 pour La Loire à vélo. Quant à l'office de tourisme de Bretagne, il calcule 90 millions de retombées sur ses neuf itinéraires cyclables avec 331.000 cyclistes itinérants, dont 18 % d'étrangers. Parcours plus sportifs Pour mieux retenir cette manne, les collectivités tendent à créer des boucles locales, ce qui exonère les cyclistes d'un retour en train. La demande pour des parcours plus sportifs s'affirme également. France vélo tourisme promeut ainsi des itinéraires plus vallonnés, comme « la Vagabonde » dans l'Allier ou celui de la Vallée de la Baïse, qui monte vers Auch (Gers). La mode du gravel, ce vélo au cadre routier et aux roues tout-terrain, ainsi que le bikepacking (sacoches légères) encouragent cette pratique plus sportive. Vélo & Territoires recensait en 2022 des croissances de plus de 25 % sur l'Alpe d'Huez, le mont Ventoux ou la planche des Belles-Filles, dans le massif des Vosges. L'assistance électrique a dopé la fréquentation de ces pentes légendaires. L'hébergement reste le point majeur à améliorer pour accompagner l'essor du tourisme à vélo. On recense 7.100 établissements « Accueil vélo », le label estampillant les prestataires (hébergeurs, restaurateurs, office du tourisme, réparateurs, loueurs…). Mais cette offre est très concentrée sur les axes « lourds » dont la Loire à Vélo, la Vélodyssée (le long du littoral atlantique) ou la ViaRhôna (le long du Rhône). Pour Vélo & Territoires, ce nombre et cette répartition inégale sont des facteurs limitants. « L'ambition est d'atteindre à 20.000 membres en 2030 », avance Nicolas Pinson. Le cyclisme itinérant n'est pas encore exposé au surtourisme mais on s'en approche, en août, sur certains segments de la Vélodyssée, la Véloscénie Paris-Mont-Saint-Michel ou la Loire à vélo. « D'où l'intérêt d'innerver le territoire avec d'autres itinéraires », considère Nicolas Pinson, pointant le fait que sur des boucles telles que le tour de la Creuse ou du Jura, on sera plus tranquilles. Emmanuel Guimard. **** *source_Le_Monde *date_2024-09-18 *am_2024-09 *annee_2024 A Barcelone, la fin d’Airbnb met les « hôtes » en colère Barcelone - envoyée spéciale - Les propriétaires d’appartements touristiques de Barcelone, menacés d’interdiction en 2029, ont décidé de passer à l’offensive. Lundi 16 septembre, l’association Apartur, qui représente près de 7 000 des 10 000 logements touristiques légaux recensés dans la capitale catalane, a annoncé une pluie de recours contre la Généralité, le gouvernement local . « La décision de supprimer les appartements touristiques suppose une perte de profits et menace la récupération des investissements effectués par les propriétaires. C’est une forme d’expropriation, une atteinte au droit à la propriété. Le total des plaintes que nous sommes en train de rassembler représente déjà plus de 1 milliard d’euros de demandes d’indemnisation. Et ce n’est qu’un début… » , prévient Marian Muro, directrice générale d’Apartur. Le 21 juin, le maire de Barcelone, le socialiste Jaume Collboni, a provoqué l’émoi, en annonçant la suppression de la totalité des appartements touristiques de la ville en novembre 2028. Sa décision s’appuie sur un décret-loi de la Généralité, approuvé en novembre 2023 et limitant à cinq ans au maximum la durée de validité des « licences touristiques » – lesquelles permettent aux propriétaires de louer leur logement aux visiteurs séjournant dans la cité. Jusqu’à présent, ces autorisations étaient perpétuelles. Passé le délai de cinq ans, le décret accorde à chaque municipalité le pouvoir de les renouveler ou pas. En février, le Parti populaire (PP, droite) a déposé un recours devant la Cour constitutionnelle. En attendant la décision des juges suprêmes espagnols, l’édile a pris la décision la plus radicale : supprimer les Airbnb. « La ville ne peut pas se permettre un nombre aussi élevé d’appartements touristiques dans un contexte évident de difficultés d’accès au logement et d’effets négatifs de la massification touristique » , s’est justifié M. Collboni. Il a rappelé qu’en dix ans, le prix des loyers avait bondi de 68 % en moyenne, bien que, depuis 2014, la ville ait interdit toute nouvelle ouverture de logement touristique. « Perte de qualité de vie » « Ajouter 10 000 appartements au marché de l’immobilier est une décision pertinente , a-t-il encore insisté, en juillet, sur la radio Cadena Ser. C’est l’équivalent de dix ans de construction moyenne de logements privés dans la ville. (…) Et personne n’aime avoir dans son immeuble des appartements touristiques. » De fait, à Barcelone, la possible suppression des appartements touristiques paraît emporter l’adhésion des habitants. « Cela me semble une très bonne mesure : il faut réguler les Airbnb, miser sur un tourisme de qualité attirant des gens qui respectent la ville et ses habitants. Et il faut que les appartements servent à nous loger , assure Alvaro Molina, programmateur informatique, assis à une terrasse du quartier central du Poble Sec avec des amis, qui opinent. J’ai fait mes calculs et je dois encore vivre six ans chez mes parents pour espérer pouvoir m’acheter un appartement » , ajoute l’homme de 32 ans. « Les Airbnb privent les gens de logements dont ils ont besoin : il y a peu d’offres, et à des prix exorbitants , estime aussi Jorina (qui n’a pas donné son nom), une trentenaire néerlandaise qui réside à Barcelone depuis une dizaine d’années, tout en promenant son bébé. Durant la pandémie [de Covid-19] , on s’est rendu compte que seuls des touristes vivaient dans le quartier du Raval, car les appartements étaient fermés, il n’y avait plus personne » , poursuit-elle. Pour beaucoup, la crise sanitaire a marqué un tournant dans l’appréciation du phénomène du surtourisme. « Le confinement a permis à de nombreux Barcelonais de redécouvrir les lieux et habitudes auxquels ils avaient peu à peu renoncé à cause de la “touristification” de la ville : pouvoir se promener tranquillement (…), jouer au ballon sur les places avec ses enfants , souligne Daniel Pardo, de l’Association barcelonaise pour un tourisme soutenable (ABTS). Lorsque le tourisme est revenu, la perte de cette qualité de vie n’a cette fois pas été progressive, mais brusque et violente. » Du côté des propriétaires, la vision de la mesure est diamétralement opposée. « Supprimer les appartements touristiques est une mesure populiste qui traduit l’incapacité de l’administration à faire face au problème du logement, alors qu’elle n’a pas été capable de construire plus de 1,2 % de logements sociaux » , affirme Marian Muro, d’Apartur. « Le problème de Barcelone est son pouvoir d’attraction. Or elle veut être à la fois un hub numérique, une ville universitaire avec de nombreuses écoles de commerce et la championne des congrès professionnels. Il faudra que la mairie explique comment elle entend accueillir le Mobile World Congress ou organiser des événements comme l’actuelle Coupe de l’America en voile en se passant de nos logements. C’est impossible » , prédit-elle. L’analyse de l’ABTS, à l’origine de la plupart des manifestations contre le tourisme de masse ayant eu lieu ces derniers mois dans la cité catalane – y compris celle qui, en juillet, s’est terminée par des tirs de pistolets à eau contre des touristes –, n’est pas si éloignée de celle de Mme Muro. « La ville a besoin d’un changement de modèle : cesser de faire la promotion du tourisme, réduire les places hôtelières et l’hypermobilité favorisée par le trafic aérien à l’aéroport de Barcelone et les bateaux de croisière, arrêter d’organiser des grands événements et des spectacles. Or c’est tout le contraire que nous voyons , affirme M. Pardo. La suppression des appartements touristiques pourrait être une bonne mesure, puisque nous les considérons comme une utilisation illégitime des logements, mais si le but est de remplacer les Airbnb par des hôtels, nous n’aurons rien gagné. » Le maire de Barcelone a en effet déclaré qu’il était possible d’augmenter de 5 000 le nombre de places hôtelières dans la ville et de 15 000 dans la zone métropolitaine, afin de compenser la mesure. Il a en outre relancé, avec la Généralité, un projet d’agrandissement de l’aéroport…. **** *source_Le_Monde *date_2024-11-09 *am_2024-11 *annee_2024 Débordée par Airbnb, Annecy va « réoxygéner » sa vieille ville Annecy - envoyée spéciale - Il est midi et demi dans le centre très animé de la vieille ville d’Annecy. Sous le soleil frais de ce début d’automne, une jeune femme quitte un immeuble ancien du passage Nemours, un grand cabas sur l’épaule, rempli de produits de ménage en spray. Elle vient de nettoyer une location touristique. « Ici, il y a un Airbnb au rez-de-chaussée sur rue et un sur cour, un au premier étage et tout le troisième étage, ce sont des meublés » , explique-t-elle, tandis qu’une autre jeune fille se faufile dans l’étroite courette avec un ballot de linge propre pour changer la literie. Sur les huit boîtes aux lettres, seulement deux possèdent une étiquette avec un nom. Les autres, entrouvertes, abritent cinq boîtes à clé, caractéristiques des Airbnb. Dans ce cœur historique de la préfecture de Haute-Savoie, réputé pour ses maisons aux couleurs pastel, ses rues pavées, ses canaux, son lac et sa vue sur les montagnes, la municipalité estime qu’entre 25 % et 30 % des logements sont devenus des meublés de tourisme. « La vieille ville devient un grand hôtel , résume d’une formule François Astorg, maire (divers gauche) d’Annecy, alors qu’on a besoin d’habitat, que la municipalité, les entreprises, les restaurants ont des difficultés à recruter, faute de logements. » Texte très attendu Habitante depuis toujours de ce coin devenu si prisé des instagrameurs, Brigitte Cottet, présidente de l’Association des résidents de la vieille ville d’Annecy, arpente les ruelles en désignant les nouvelles boutiques. « Airbnb alimente les take-away [services de restauration à emporter] , la fast-fashion, les bars, les restaurants soi-disant traditionnels qui servent du fromage sous plastique » , peste-t-elle. Le surtourisme a fait basculer son quartier en moins de dix ans. « C’était un village, truffé de commerces de proximité, on se connaissait tous, des gens de toutes les classes sociales et de toutes origines. C’est devenu un quartier festif où il est impossible de se loger , poursuit-elle. Alors ce texte sur les Airbnb qui vient d’être voté au Parlement est vraiment une loi morale. » Après le Sénat en début de semaine, c’est l’Assemblée nationale qui a adopté définitivement, jeudi 7 novembre, la proposition de loi « visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale » des députés Annaïg Le Meur (Renaissance, Finistère) et Iñaki Echaniz (Parti socialiste, Pyrénées-Atlantiques). Un texte transpartisan, très attendu par de nombreux élus locaux de droite comme de gauche, soucieux d’endiguer la prolifération des locations saisonnières, dont le nombre est passé de 300 000 en 2016 à 1,2 million aujourd’hui. La loi va fournir aux maires de nouveaux outils de régulation du marché des meublés. Ils pourront notamment mettre en place des quotas de locations saisonnières dans leur commune. Tenir bon sur le « un pour un » Penchée sur les derniers chiffres compilant le nombre de meublés touristiques de l’agglomération, Frédérique Lardet, présidente (Horizons) du Grand Annecy, déclare : « Heureusement cette proposition de loi est arrivée ! » Selon ses données, ils sont passés de 5 500 à 8 500 entre janvier 2023 et juillet 2024. A Annecy, ils représentent désormais 76 % des lits touristiques de la commune. Pour « maintenir une offre de logement et des loyers décents » , l’agglomération avait voté, début 2023, un règlement instaurant des quotas, s’accompagnant d’un durcissement de la règle sur les changements d’usage de logement en hébergement touristique avec, à Annecy, la limitation des autorisations à un seul bien par propriétaire et l’obligation d’un renouvellement de cette autorisation tous les cinq ans. Aussitôt, le syndicat Annecy meublés et celui des conciergeries de Haute-Savoie ont attaqué ce protocole, finalement suspendu par le tribunal administratif de Grenoble. « Avec cette loi, nos quotas deviennent légaux » , se félicite Mme Lardet, qui envisage de faire voter un nouveau règlement pour l’agglomération en décembre ou janvier. Les professionnels de la location touristique n’entendent pas, eux, lâcher le combat. Assis à la terrasse de son restaurant, Au charbon d’Ecosse, Lionel Hunziker, président du syndicat des conciergeries de Haute-Savoie, gérant de la première conciergerie d’Annecy et hôtelier, se dit ouvert à des quotas « raisonnables » , car, justifie-t-il, les loueurs qui ont déjà « investi entre 6 000 et 8 000 euros le mètre carré à Annecy-centre dans un meublé touristique n’ont pas envie que l’offre se démultiplie » . Pour ces bailleurs, l’installation de davantage de Airbnb signifie en effet un taux d’occupation et des revenus inférieurs. M. Hunziker ne s’inquiète pas non plus du rabot de la niche fiscale dite « Airbnb » pour les loueurs au régime micro-BIC (microentreprise). « Les loueurs qui avaient opté pour ce régime au forfait vont passer au régime réel, auquel la loi ne touche pas , pronostique-t-il. Sur les 450 clients de ma conciergerie, 400 sont d’ailleurs déjà au régime réel, qui permet d’amortir le bien. » La pierre d’achoppement concerne en revanche les multipropriétaires. Le représentant des conciergeries voudrait qu’un propriétaire puisse détenir et louer jusqu’à six meublés touristiques, quand la mairie d’Annecy veut tenir bon sur le « un pour un » (un bien loué par propriétaire). « Dans notre ville, 71 propriétaires détiennent entre 5 et 10 locations saisonnières et 10 investisseurs en ont plus de 10, si bien que 80 personnes louent plus de 600 meublés touristiques. Ce sont eux, notre cible » , explique Sophie Garcia, conseillère déléguée au logement abordable à la municipalité. Sécurisé par la nouvelle loi, le futur règlement d’Annecy aura pour objectif de ne pas dépasser 10 % de locations saisonnières dans la vieille ville, pour « réoxygéner ce quartier » , poursuit-elle. « C’est une résidence hôtelière » La loi sur les meublés touristiques va proposer d’autres outils aux maires, par exemple la possibilité d’abaisser le nombre maximal de jours de location touristique dans une résidence principale de cent vingt jours à quatre-vingt-dix jours par an. Si la plateforme Airbnb assure que « la location de résidences principales n’a aucun effet sur l’offre de logements abordables, et [que] cette mesure ne permettra pas de ramener des logements au sein du parc immobilier » , Marc Stakic, président du syndicat Annecy meublés, n’est pas du même avis. Il estime, à rebours, que « 90 jours, c’est encore beaucoup trop » et que « 30 jours, c’est-à-dire le temps des vacances, seraient suffisants » . Les élus locaux pourront également créer des zones réservées uniquement aux résidences principales, dans les communes situées en zones tendues ou possédant plus de 20 % de résidences secondaires. « Derrière le problème des meublés se cache celui des résidences secondaires , souligne Frédérique Lardet, qui a défendu cette mesure auprès des parlementaires. Ici, il est possible de construire un immeuble qui deviendra in fine 100 % de résidences secondaires, ce qui ne permet pas d’avancer sur la production de logements. » A la sortie de la vieille ville, en bordure du lac, un nouveau quartier dessiné par l’architecte Christian de Portzamparc a vu le jour, là où se tenait auparavant l’ancien hôpital d’Annecy. Hugues Tallon, qui a grandi dans la vieille ville et y a exercé comme médecin pendant plus de trente ans, s’est installé dans cet ensemble flambant neuf, réinterprétation contemporaine des chalets de montagne, une fois à la retraite. Dans sa copropriété, il découvre en emménageant « le pot aux roses : les locations touristiques ont envahi l’endroit où j’habite. Chez moi, c’est une résidence hôtelière et l’hôtelier, c’est moi » , explique-t-il. Il déplore les fêtards, les enterrements de vie de jeune fille, les poubelles retrouvées dans les placards techniques mais aussi la prostitution. « On a vu des clients déambuler dans les couloirs et les filles au balcon , raconte-t-il. Ça s’est calmé depuis que la ville a interdit les boîtes à clé dans l’espace public. » Le retraité a suivi sur Internet l’intégralité du débat au Sénat sur la régulation des meublés de tourisme et s’émeut d’une disposition qui va permettre d’interdire ou non la location en meublés de tourisme dans le règlement de copropriété, par un vote à la majorité des deux tiers, au lieu de l’unanimité aujourd’hui. Un outil à double tranchant pour les copropriétés où foisonnent les meublés touristiques. « Chez moi, ça ne m’arrange pas du tout, car nous ne sommes que 10 propriétaires occupants, sur 101 appartements , argue-t-il. L’an dernier, l’assemblée générale a refusé à 60 % la poursuite en justice des loueurs pour faire cesser les activités de meublés touristiques. » Il redoute désormais que propriétaires de résidences secondaires et de meublés touristiques « se liguent » pour voter en bonne et due forme une autorisation des locations saisonnières. Autre regret, glissé par Frédérique Lardet : les locations saisonnières existantes bénéficient d’un délai pour réaliser leurs travaux de rénovation énergétique, puisque l’obtention d’une étiquette énergétique au minimum classée D ne sera nécessaire qu’en 2034. « Je suis embêtée car je commençais à me faire entendre en mettant en avant les aides nationales et celles de l’agglomération pour encourager les travaux , s’inquiète la présidente du Grand Annecy. J’espère que la loi ne va pas me couper l’herbe sous le pied. ». **** *source_Le_Figaro *date_2024-11-11 *am_2024-11 *annee_2024 Accès payants aux monuments, tarifs en hausse... Comment Rome maximise les recettes du surtourisme Mais que reste-t-il aujourd'hui de la poésie de la fontaine de Trevi, enfermée derrière une barrière de Plexiglas ? Sa maintenance, en préparation du Jubilé de 2025 annoncé par le pape François, n'explique pas tout. Car l'ambition de la ville est plus vaste. À partir du mois de décembre, l'accès à la célébrissime fontaine sera payant, à raison de 2 euros pour une demi-heure, et sur réservation nominative pour un créneau horaire. Alors que les marches autour de la fontaine peuvent accueillir jusqu'à 280 personnes, près de 500 s'y pressent en permanence. « Notre but n'est pas de gagner de l'argent, mais de faire de la visite de la fontaine de Trevi une véritable expérience, et non une bousculade chaotique entre un touriste et un autre pour trouver le meilleur angle pour un selfie » , justifie Alessandro Onorato, en charge du tourisme et des grands événements à la ville. L'accès à la mythique place de Rome restera ouvert et gratuit, mais ne permettra de voir les chevaux baroques que de loin. Cette affaire, emblématique de la stratégie de la ville de Rome face à la marée humaine de touristes qui, depuis la fin du Covid, affluent toujours plus nombreux sur la cité, agace beaucoup les Romains - même s'ils seront eux-mêmes exemptés du paiement. Qui pourra encore flâner le nez en l'air dans les ruelles, dans ce continuum qui a fait son charme, et se laisser surprendre au détour d'une rue par un buste ou un visage de pierre ? Si la commune tente aujourd'hui, comme à Venise, de décongestionner certains sites, cela relève d'un mouvement schizophrénique. Depuis son arrivée, il y a trois ans, à la mairie, la nouvelle majorité du parti démocrate, qui voit dans le tourisme la seule activité productive de Rome, a déployé une stratégie tous azimuts pour doper les flux d'arrivées. « Rome bénéficiait jusque-là d'un tourisme aléatoire, lié à son riche patrimoine, sans avoir jamais déployé de stratégie de développement » , affirme Alessandro Onorato. La ville a multiplié l'organisation de grands concerts, au Circus Maximus comme au Stade olympique (3 millions d'entrées en 2023) ; d'événements sportifs, dont le Tour d'Italie, qui attire 800 000 spectateurs ; de foires, de salons et de congrès (Rome est passée à la 7e place dans le monde des villes organisatrices). Aussi, le nombre de jours moyens passés à Rome par visiteur a-t-il bondi à 4,1 jours en 2023, contre 2,3 historiquement. Pour modifier la sociologie des visiteurs, la ville encourage aussi l'arrivée d'hôtels 5 étoiles : après Bulgari, Six Senses, Palazzo Velabro, W Rome de Marriott, l'InterContinental Ambasciatori, s'apprêtent à ouvrir dans les prochains mois le Nobu Hotel de Robert de Niro, le Romeo Roma, (avec Alain Ducasse), mais aussi le Four Seasons en 2030, et un Mandarin Oriental. La ville est-elle allée trop loin ? Alors qu'en 2023 Rome a accueilli 21 millions de visiteurs, qui ont passé un total de 49,2 millions de nuits, battant tous les records de 2019, à fin juillet, l'afflux depuis le début de l'année était encore en hausse de 6,8 % sur un an, sans avoir connu la traditionnelle baisse des mois les plus chauds. Concentrée sur le centre historique, et plus encore sur quelques sites et un parcours, entre le Colisée, la fontaine de Trevi, la place d'Espagne et le Panthéon, la congestion des rues est telle que l'expérience est devenue une épreuve. Or, en 2025, pour le Jubilé, le Vatican attend entre 32 et 35 millions de pèlerins dans la capitale. Qui viendront, dans une proportion aujourd'hui difficile à évaluer, s'ajouter aux touristes non religieux. Alors que Rome compte aujourd'hui 1 164 hôtels, un nombre à peu près stable sur dix ans, le nombre de locations courte durée a lui explosé, passant en seulement trois ans de 19 000 à 31 700. Les Romains quittent le centre, souvent pour mettre en location leur appartement et retrouver ailleurs une vraie vie de quartier. Car, depuis dix ans, 30 % de l'activité artisanale et des services de proximité du centre-ville ont disparu et, dans le Trastevere, la population résidente est passée de 23 000 à 13 000 personnes. Contrairement à Florence, qui a interdit l'ouverture de nouvelles locations courte durée dans le centre historique - mais qui a fait face à de nombreux recours des propriétaires -, ou à Venise, qui depuis deux ans promet de s'attaquer au problème sans encore avoir pris de mesures fermes, la ville de Rome a décidé de surtout ne rien faire. Tout au plus s'attaque-t-elle aux locations illégales, à savoir non déclarées. « Si nous tentions d'interdire de nouvelles transformations en location courte durée, nous aurions des milliers de recours, car les Romains veulent conserver la liberté de louer leur appartement , dit Alessandro Onorato. Ce serait donc électoralement peu payant. Et, en tout état de cause, nous n'en avons pas le pouvoir, il faudrait une loi nationale pour cela. De toute façon, Rome étant étendue comme Londres, il y a encore de la place pour de nouvelles locations dans des quartiers plus périphériques. » À moyen terme, la ville cherche à étendre le tourisme au-delà du centre, dans les lieux connus par les seuls Romains. En attendant, pour réguler les flux à venir, la commune a plutôt choisi de faire payer toujours plus l'accès à son patrimoine, bien que la ville ait déjà la taxe de séjour la plus élevée d'Italie. Comme en juillet 2023, lorsque l'accès hier gratuit au Panthéon est passé à 5 euros. À compter du 24 décembre, et ce jusqu'à début 2026, le prix d'accès au centre historique par les bus touristiques, de 150 euros aujourd'hui, va être multiplié par trois, entre 450 et 720 euros par entrée. Cette mesure, visant à obliger les bus à s'arrêter dans les quartiers périphériques, est jugée « monstrueuse et inacceptable » , par les opérateurs de bus. Les transports publics ? Le ticket va augmenter de 33 %, de 1,50 à 2 euros par trajet, sachant que le métro de Rome c'est tout au plus 2,5 lignes irrégulières, et des bus parfaitement aléatoires... **** *source_Le_Monde *date_2024-03-08 *am_2024-03 *annee_2024 Teahupoo se réjouit des Jeux, mais redoute le surtourisme Papeete (Polynésie française) - correspondance - Son sac en toile plein de poissons, un adolescent de Teahupoo traverse le village à bicyclette, son fusil harpon tout juste sorti du lagon. D’un haussement de sourcils, le discret bonjour polynésien, il salue une personne âgée attablée sous l’arche d’un majestueux fara, l’arbre à pandan local. Il est 10 heures et l’ancien étale de la confiture de goyave sur des tartines de pain de mie, le regard perdu dans la vague de Havae, connue par les surfeurs du monde entier sous le nom de son village, Teahupoo. A Tahiti, on se lève et on petit-déjeune tôt, mais ici, au-delà du point kilométrique zéro, là où il n’y a plus de route, mais seulement une passerelle pour traverser la rivière, puis des chemins dans l’herbe, le temps est perçu différemment. Il s’écoule bien plus lentement qu’au nord de Tahiti, dans les embouteillages de Papeete. Et ces villageois n’ont pas la même soif de développement. Quand ce petit bout de France des antipodes a été sélectionné pour accueillir l’épreuve de surf des Jeux, en mars 2020, beaucoup d’habitants se sont méfiés. Le comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 (Cojop), tout comme les élus locaux, a dû s’engager sur la préservation du mode de vie de Teahupoo, qui a, par exemple, refusé la construction d’un pont. Pour acheminer le matériel, il faudra donc passer par une nouvelle passerelle piétonne, ou traverser la rivière en 4 × 4, en espérant que son débit soit faible. La quiétude des villageois sera donc préservée… même si, dans l’immédiat, les travaux sont partout : deux marinas sont rénovées, la passerelle est reconstruite, le Domaine rose viabilisé. Cet ancien champ de taro accueillera la zone opérationnelle du Cojop. Une cinquantaine de petites maisons ont aussi poussé ces derniers mois à l’initiative de particuliers : elles hébergeront les officiels, les médias et quelques athlètes. « Je pouvais déjà loger une trentaine de personnes, je pourrai en ajouter quinze avec ces nouveaux logements » , évalue Milton Parker, au volant de sa minipelle, devant le chantier de sa nouvelle maison. « Ça bouge, il y a eu plein de constructions, pour pouvoir louer les maisons pour les Jeux » , constate ce propriétaire de la plus grosse pension de famille, sur la pointe de Teahupoo, face à la vague de Havae. Le chantier le plus sensible, c’est la tour des juges. Fichée dans le lagon, face à la vague mythique, elle a suscité plusieurs manifestations et une pétition de plus de 250 000 signatures. Ecologistes et surfeurs reprochaient au gouvernement local et à Paris 2024 d’avoir choisi une tour surdimensionnée et de briser du corail lors des travaux. « Tout le monde va en bénéficier » Le président de la collectivité, Moetai Brotherson, a annoncé en décembre 2023 une diminution de la taille et du poids de cet édifice. Depuis, le chantier n’est plus perturbé : les fondations sont posées, et la tour, déjà construite à terre, sera montée à partir du 11 mars. Pourtant, toutes les oppositions ne sont pas éteintes. La principale association à dénoncer la tour, Vai Ara O Teahupoo, regrette l’absence de sanctions après les dégâts sur le corail. Et les pêcheurs restent mécontents. « Il y a beaucoup moins de poissons sur le spot, par rapport à avant les travaux » , constate Hoatua Parker, contraint de « vendre des fruits au lieu d’aller pêcher » . D’autres craignent un afflux de visiteurs après les Jeux. « Il faut préserver la vague : ils sont les bienvenus, mais il ne faut pas oublier de rentrer chez eux » , se méfie Haumana O’Connor, un surfeur local aux cheveux colorés en rouge. Pilote de bateau, il travaille pourtant avec les touristes et leur propose des excursions au plus près de la vague. « C’est le tourisme qui me fait manger, mais je n’en veux pas plus. » Ces quelques voix dissonantes n’empêchent pas Teahupoo de ressentir une « immense fierté » avant l’arrivée des Jeux. « Nos enfants et nos petits-enfants pourront dire qu’on a eu les JO ici, s’enthousiasme Roniu Tupana-Poareu, la maire du village. Nos prestataires nautiques, nos forains, nos hébergeurs : tout le monde va en bénéficier. » C’est aussi l’espoir de toute la Polynésie française, qui a battu son record de fréquentation en 2023, avec 262 000 touristes. Ils visitent en priorité Moorea et Bora-Bora, les deux fleurons du tourisme, moteur de l’économie locale. Le président Brotherson souhaiterait à terme recevoir 600 000 touristes chaque année. Il faudra pour cela les convaincre d’aller ailleurs : les 118 îles des cinq archipels polynésiens sont réparties sur une surface grande comme l’Europe, et plusieurs formes de tourisme sont possibles, de la plongée au charter nautique. Loin des luxueux voyages de noces de Bora-Bora, Teahupoo propose un « slow tourisme », axé sur le surf, la nature et la culture polynésiennes. « Les Jeux, c’est 3 milliards de téléspectateurs, une grosse opportunité de montrer la vague mythique de Teahupoo et les montagnes de la presqu’île : au-delà des JO, c’est montrer que Tahiti est le berceau du surf, c’est une force culturelle » , anticipe Vaihere Lissant, la directrice marketing de Tahiti Tourisme. « Les Polynésiens attendent des Jeux des bénéfices matériels et immatériels, mais ils attendent surtout des Jeux qui les respectent et leur ressemblent » , ajoute Barbara Martin-Nio, responsable du site de Tahiti pour le Cojop. Le gouvernement local, lui, mise aussi sur les Jeux pour convaincre les Polynésiens de faire plus de sport. Les athlètes comme Kauli Vaast (médaillé de bronze aux Mondiaux, à Porto Rico, dimanche 3 mars) et Vahine Fierro, tous deux qualifiés pour les JO de surf, sont minces et musclés, tout comme les meilleurs rameurs de pirogues de course. Préparer une autre échéance Mais au-delà des champions, la population est en souffrance. Les trois quarts des Polynésiens sont en surpoids et près d’un sur deux souffre d’obésité. Un habitant sur six est en longue maladie. « J’ose espérer que le rayonnement à l’échelle locale va déclencher des vocations sportives, glisse la ministre des sports polynésienne, Nahema Temarii, qui souhaite aussi attirer des athlètes de haut niveau. Tahiti pourrait devenir le camp d’entraînement d’excellence pour l’équipe de France de surf. » Pour le président de la Fédération tahitienne de surf, Max Wasna, ce serait la meilleure préparation pour les JO de 2028 à Los Angeles et de 2032 à Brisbane, en Australie. « On a une variété de vagues importante, des beach break [qui se cassent sur le sable] et des récifs, des vagues toute l’année autour de l’île, et une bonne température » , énumère-t-il pour attirer les meilleurs Français. Cet afflux de sportifs et ces expériences événementielles permettront à la Polynésie de préparer une autre grande échéance : elle accueillera les Jeux du Pacifique de 2027, le plus grand rendez-vous sportif d’Océanie. Les Jeux ont pour le moment coûté 35 millions d’euros à la collectivité. Mais s’ils dopent le tourisme et convainquent les Polynésiens d’adopter un mode de vie plus sain, cet investissement ne sera plus contesté. Encore moins si Vahine Fierro ou Kauli Vaast sortent du plus beau tube du monde avec une médaille olympique. **** *source_Les_Echos *date_2024-02-29 *am_2024-02 *annee_2024 ENVIRONNEMENT Au pays du Mont-Blanc, les stations-villages face au réchauffement climatique A Combloux et Saint-Gervais, la baisse de l'enneigement est déjà manifeste, frappant les activités touristiques comme l'agriculture. Les acteurs locaux reconnaissent qu'il sera difficile de remplacer la manne du ski. C 'est dingue… ! » Face aux paysages désolés de terre marron et d'herbe jaunie, traversés de couloirs blancs de neige artificielle, Stéphanie ne se remet pas de la douceur des températures de ce 15 février. Tous les ans à la même époque, elle choisit des stations situées entre 700 et 1.000 mètres d'altitude pour aller skier avec sa famille. Cette année, elle a opté pour Saint-Gervais-les-Bains : pendant cette première semaine des vacances d'hiver, il fait entre 12 °C et 15 °C, et le paysage manque désespérément de blanc à moins de 1.500 mètres d'altitude. « Nous avons skié pendant deux jours sur le domaine de Saint-Gervais, pour nous rabattre ensuite sur celui des Contamines-Montjoie. La bonne neige était trop rare… » dit-elle. Dans les stations-villages de moyenne altitude du pays du Mont-blanc, comme Saint-Gervais-les-Bains ou Combloux, l'enneigement commence à devenir un vrai sujet. A en croire les professionnels, les dégâts sont limités pour l'instant cette année. « Notre domaine skiable monte jusqu'à 2.400 mètres d'altitude, or la neige est de bonne qualité sur sa partie haute ! Nous allons même battre notre record de fréquentation cet hiver », assure Didier Josèphe, le directeur de l'Office de tourisme de Saint-Gervais. Même discours à Combloux où 80 % du domaine skiable était ouvert la même semaine. Mais l'inquiétude pointe pour la suite de la saison, malgré les canons à neige. « L es enneigeurs fonctionnent entre - 5 °C et - 2 °C. Or c'est un peu juste en ce moment, même la nuit… », s'alarme Françoise Jacquier, chargée de la transition au conseil municipal de Combloux. Il n'est pas sûr que les quelques centimètres tombés ces derniers jours l'aient rassurée. Ici, comme partout en moyenne montagne, le réchauffement climatique devient réalité, un peu plus vite qu'ailleurs. Selon Météo France, la température moyenne dans les Alpes a déjà augmenté de + 2 °C au cours du vingtième siècle, contre + 1,4 °C en moyenne en France. Au pied du Mont-Blanc, la dernière étude « ClimSnow » est devenue la bible des élus locaux. Réalisée par les scientifiques de Météo France, l'Inrae et Dia4s, elle fournit pour chaque territoire des projections sur plusieurs décennies en matière de température et d'enneigement.« A Saint-Gervais, il y aura davantage d'années sans neige… » reconnaît, en s'y référant, Jean-Marc Peillex, le bouillonnant maire du village (par ailleurs réputé pour sa croisade contre le surtourisme dans la région). Et ce, même s'il se dit convaincu qu'« i l n'y a pas de réchauffement climatique… Seulement un changement climatique, qui existe depuis des décennies ! » Pistes fermées jusqu'au 15 janvier Il n'y a pourtant guère de doute. L'évolution du climat s'accélère à vitesse grand V. Il y a certes toujours eu des hivers sans neige dans la région, mais depuis une dizaine d'années, ils se sont multipliés. En 2016, les enfants inscrits à l'école de ski de Combloux ont dû être transportés par bus aux Contamines-Montjoie, à une demi-heure de route. L'an dernier, les pistes sont de même restées fermées jusqu'au 15 janvier. « Le directeur de l'école de ski a dû proposer d'autres activités pour les enfants inscrits : 70 % d'entre eux ont maintenu leur inscription », raconte Aurélien Astre, le directeur de l'office de tourisme. A Saint-Gervais, il a été décidé de fermer partiellement le domaine skiable dès le 1er avril cette année, au lieu du 15 avril habituellement, notamment en raison de la faible rentabilité sur la quinzaine. Les professionnels du ski ne sont pas les seuls à être touchés. Face à au panorama extraordinaire sur la chaîne du Mont-Blanc depuis Combloux, l'accompagnateur en montagne Rémy De Vos a vu le nombre d'itinéraires possible pour ses sorties en raquettes fondre - lui aussi - comme neige au soleil. Cette année, il a même renoncé aux sept igloos qu'il bâtissait traditionnellement pour héberger des touristes, de fin janvier à mi-mars, à 1.600 mètres d'altitude. « C'est compliqué depuis trois ans. L'an dernier, les parois des igloos ont fondu à certains endroits, j'ai dû mettre des bâches, qui s'envolaient avec le vent… une vraie galère ! J'ai préféré ne pas prendre le risque cette année », dit-il. Pour les guides de haute montagne aussi, le métier a changé. Point de départ du tramway à crémaillère qui mène au nid d'Aigle, première étape de la voie normale de l'ascension du Mont-Blanc, Saint-Gervais est réputée pour l'alpinisme. Mais le réchauffement fait fondre le permafrost, jusque-là gelé en permanence, provoquant des risques de chutes de blocs sur les parcours. « Depuis une dizaine d'années, certaines courses deviennent dangereuses l'été. Alors, on se creuse la tête pour en trouver d'autres, on se convertit aux itinéraires rocheux… » raconte Olivier Begain, président de la Compagnie des guides. Sources taries Le réchauffement climatique frappe aussi de plein fouet un autre secteur crucial dans la région : l'agriculture. Guillaume Mollard, qui exploite un élevage de 66 vaches dans la vallée, à Passy, à quelques kilomètres de Saint-Gervais, en témoigne. « Depuis 2003, on doit monter de l'eau à l'alpage en moyenne tous les deux ans. Mon arrière-grand-père avait dû le faire une fois pendant sa carrière. Et mon grand-père, trois fois… » raconte-t-il. La fonte des neiges alimente la source qui permet aux animaux de s'abreuver. S'il neige moins, la source se tarit. « Il n'est pas rare, désormais, qu'il n'y ait plus d'eau dès le 10 juillet », se désole-t-il. Problème : une vache consomme 100 litres d'eau par jour. Ces dernières années, les communes ont dû financer des retenues d'eau pour alimenter les alpages, qui le plus souvent leur appartiennent. « Nous avons de notre côté investi 70.000 euros en 10 ans dans les réseaux d'eau. Nous récupérons aussi l'eau de pluie pour laver les machines, nous avons installé des toilettes sèches pour les randonneurs… » indique Guillaume Mollard. Sans parler de l'impact du réchauffement sur l'alimentation des animaux. « On n'arrive plus à récolter assez de fourrage lors de la deuxième coupe de nos champs ! Depuis 3 ou 4 ans, nous sommes obligés d'en acheter ! », explique Flavie Melendez de la ferme des Roches Fleuries, qui exploite deux troupeaux (25 vaches et 40 chèvres laitières). Ces fermes de Haute-Savoie n'ont pas trop le choix. Elles vivent du reblochon AOP (d'appellation d'origine protégée), un label qui les contraint à nourrir les vaches de fourrages locaux et de les faire pâturer pendant au moins 150 jours. Les températures pèsent aussi sur la productivité des animaux. Lors de la canicule de 2022, elles ont grimpé à 40 °C au soleil à 1.750 mètres d'altitude, sur l'alpage de Guillaume Mollard. « Les vaches ont perdu 100 kg, un sixième de leur poids ! Et leur production de lait a diminué de 4 ou 5 litres par jour, sur 25 litres… » dit-il. Neige de culture Pour l'économie locale, la menace est patente. Comment affronter un avenir moins enneigé ? Même si les élus de ces stations-villages ont commencé à se diversifier il y a vingt ans déjà, les sports d'hiver restent le socle de l'économie touristique locale, admet Didier Josèphe. A Combloux, sur les 38 millions d'euros de revenus générés par le tourisme, 32 millions le sont en hiver. « Il y a deux ou trois générations, c'était la misère ici. C'est grâce au ski que nous en sommes sortis… » rappelle de son côté Benoît Thomasson, directeur général des services à la mairie. S'ils reconnaissent la nécessité de s'adapter, les acteurs locaux ne masquent pas leur agacement face à « une vision jacobine » qui leur imposerait « des décisions péremptoires depuis Paris ». « Nous n'avons pas de leçons à recevoir ! » tacle Benoît Thomasson. Pas très bien accueilli dans la région, le rapport de la Cour des comptes paru il y a quelques jours considère par exemple la neige de culture comme une « mal adaptation ». « Au contraire, c'est l'avenir ! » répond Jean-Marc Peillex. « Elle permet de stocker, sous forme de neige, de l'eau qui sinon partirait tout droit à la mer. » Les retenues d'eau ici sont alimentées, non pas par pompage des nappes phréatiques, mais avec de l'eau de pluie ou des torrents, et les enneigeurs fonctionnent sans adjonction de produits chimiques. En outre, les retenues collinaires servent aussi l'été de plan d'eau pour les touristes ou de réservoir pour les animaux, font valoir les élus. Quant à l'énergie nécessaire, « nous en avons trop dans la région ! » balaie le maire de Saint-Gervais. Le directeur du domaine skiable de la station, Alexandre Merlin, invoque, lui, plutôt l'emploi local. « C'est de l'énergie qui sert à faire vivre des dizaines de gens en montagne. Pour moi, ce n'est pas de la mal adaptation », avance-t-il. Elus désarçonnés Depuis plusieurs années, ces stations-villages proposent de nouvelles activités hors ski - même en hiver. Dans le ciel bleu de ce 15 février, les montgolfières ayant décollé de Praz-sur-Arly (qui appartient aussi à la communauté de communes du pays du Mont-Blanc) dérivent à l'horizon. Les thermes de Saint-Gervais ont été rénovés. Les offres fleurissent : VTT, trottinette, parapente, via-ferrata, canyoning, saut à l'élastique, luge 4 saisons, nage en eau froide. De même que les festivals ou les visites culturelles du patrimoine local (les jolies églises baroques pullulent dans la région). Combloux a même créé un « escape game » : « le mystère du chalet abandonné ». Certains investissements sont revisités en conséquence. A Saint-Gervais, l'espace de ski « débutants » a été déplacé de 1.400 à 1.800 mètres d'altitude, pour préserver le plus longtemps possible les écoles de ski. Le nouveau télésiège du Chattrix, inauguré en 2019 à Saint-Nicolas-de-Véroce, pourra être adapté au transport de VTT si besoin, assure Alexandre Merlin. A Combloux, l'investissement de 14 millions d'euros prévu dans le remplacement du télésiège de Beauregard, à compter de l'hiver 2025-2026, prévoit déjà, lui, un équipement mixte (sièges et cabines) qui permettra de monter lesVTT en été. « Mais on ne veut pas faire une montagne Disneyland… » assure Aurélien Astre. L'inflexion est encore timide. Les acteurs locaux semblent désarçonnés face au bouleversement qui s'annonce. Ils espèrent attirer de nouveaux habitants pour faire vivre leurs bourgs, misent sur le panorama, l'artisanat, les « valeurs » du « territoire », un nouveau tourisme de « contemplation »… Tout en reconnaissant que la transition n'aura rien d'évident. « On n'inventera pas le modèle qui nous permettra de générer 6 millions d'euros de chiffre d'affaires en 6 semaines (comme aujourd'hui les remontées mécaniques), il ne faut pas se mentir… » déplore Benoît Thomasson. Comme la plupart des professionnels rencontrés, le directeur du domaine skiable de Saint-Gervais, Alexandre Merlin, avoue avoir tout juste entamé sa réflexion sur l'adaptation au changement climatique. « C'est devenu une préoccupation de tous les jours , dit-il. Mais on n'a pas encore trouvé les réponses… » Anne Feitz. **** *source_Le_Figaro *date_2025-07-08 *am_2025-07 *annee_2025 L'Espagne loin devant en recettes touristiques C'est un « cocorico » plutôt enroué que pousse la France en matière de tourisme. Notre pays conserve son rang de « première destination mondiale » en volume, avec 100 millions de visiteurs étrangers l'an passé. Un chiffre issu de plusieurs sources récentes, dont Atout France, et mentionné par l'Élysée en janvier 2024, au moment du deuxième sommet « Destination France ». Mais le match avec notre poursuivant, l'Espagne, tourne à son avantage en termes de recettes. Les 94 millions de voyageurs auraient dépensé 126 milliards d'euros de l'autre côté des Pyrénées l'an passé, quand les dépenses des touristes étrangers en France ont été de 71 milliards. « Ces chiffres sont difficilement vérifiables, notre secteur souffre d'un manque de données fiables. Mais le vrai sujet n'est pas le nombre de touristes » , s'agace Leslie Rival, secrétaire général de l'Alliance France tourisme. Ce groupe de réflexion qui réunit vingt-cinq grandes entreprises du tourisme, comme Accor, SNCF Voyageurs, la Compagnie des Alpes ou Belambra, lance régulièrement des suppliques pour que la question de la valeur supplante celle du nombre. « Faire venir toujours plus de monde, alors que l'on parle de surtourisme, effectivement, mieux vaut travailler sur l'expérience et le panier moyen » , appuie Didier Arino, dirigeant du cabinet de conseil Protourisme. Diagnostic partagé par la ministre française du Tourisme : « Si la France fait encore figure de leader mondial dans ce secteur, nous sommes très fortement concurrencés, notamment par l'Espagne qui, avec moins de visiteurs, parvient à générer plus de recettes » , énonçait déjà en janvier dans nos colonnes Nathalie Delattre. Les acteurs semblent converger vers la nécessité d'une stratégie axée sur le « séjourner plus longtemps et dépenser plus ». Les remèdes sont-ils à chercher du côté de la péninsule Ibérique ? Pas sûr. Si le revenu moyen par chambre disponible (RevPar) dans l'hôtellerie est relativement comparable entre les deux pays, « nos modèles sont très différents , tranche Leslie Rival. Mer, montagne, Antilles, destinations très haut de gamme comme Saint-Tropez, Courchevel ou Saint Barth... Nos atouts sont uniques. » Jean Pinard, ancien directeur du comité régional du tourisme d'Occitanie, décrypte le succès du modèle espagnol. « D'abord, de mars à octobre, l'Espagne profite de l'héliotropisme des vacanciers du nord de l'Europe, qui reste prononcé malgré les vagues de canicule , remarque-t-il. Ensuite, un tiers de la fréquentation sur ces périodes est fléché vers les Baléares et les Canaries à un rythme parfois difficilement soutenable. À Palma de Majorque, on enregistre jusqu'à 1 000 rotations d'avion par jour. Je ne pense pas que cela serait accepté en Corse. » Si les Anglais ou Allemands posent plus longtemps leurs serviettes sur les plages de la Costa Brava que dans l'Hexagone, il y a une autre raison. « Un Allemand qui prend l'avion pour les Baléares y séjournera plus longtemps que dans les Vosges, où il peut venir en voiture et passer un week-end prolongé » , illustre Jean Pinard. « Sur ce plan, les taxes sur les billets d'avion (la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion votée dans le budget 2025, NDLR) que la France est la seule à pratiquer peut avoir un impact » , regrette Didier Arino. Modèle à bout de souffle Toutefois, le modèle du tourisme de masse « sol y playa » , auquel s'ajoutent les séjours urbains à Barcelone ou à Madrid, semble à bout de souffle. Au point que nos voisins tentent de le conjurer en convoquant les mêmes formules : « montée en gamme » , « désaisonnalisation »... Le tout sous une pression populaire inconnue en France. Le 15 juin encore, des milliers d'Espagnols défilaient pour dénoncer les excès du tourisme et l'effet sur leur vie quotidienne, coût du logement en tête. « Un touriste en plus, un voisin en moins » , pouvait-on lire sur certains panneaux. Dans ce contexte, la promesse de José Luis Zoreda, vice-président de l'associaion Exceltur, que le PIB touristique de l'Espagne dépasse les 200 milliards d'euros, semble incantatoire. Il n'empêche, le modèle français doit évoluer. Il y a urgence. « Les décisions prises maintenant produiront leurs effets dans dix ans » , alerte Leslie Rival. Augmentation de l'offre d'hébergements touristique, à l'encéphalogramme plat depuis 2004, mise en avant des moyens de transport, aéroports compris... « La contribution nette du tourisme au commerce extérieur est de près de 16 milliards » , rappelle la secrétaire générale de France Tourisme, soulignant que le secteur reste l'un des rares à dégager un solde positif. **** *source_Les_Echos *date_2025-07-07 *am_2025-07 *annee_2025 Tourisme La Guadeloupe peut dire merci à Donald Trump L'île se prépare à recevoir un nombre important de vacanciers canadiens pour la haute saison, à la fin de l'année. Une rampe de lancement pour un archipel qui souhaite monter en gamme sur le plan touristique. Dans les bureaux encore flambant neufs du Comité de tourisme des îles de Guadeloupe (CTIG), aux Abymes, sur Grande-Terre, on est presque gêné par la situation. Alors que le monde frémit à la moindre prise de parole de Donald Trump, ici, l'arrivée du nouveau président et son envie furieuse de faire du Canada le « 51e Etat » des Etats-Unis fait les affaires du tourisme guadeloupéen. « Nous attirions déjà beaucoup la clientèle canadienne. Entre 2019 et 2024, la part des touristes canadiens sur l'archipel a progressé de 54,4 %. Mais c'était sans compter l''effet Trump' auquel on ne s'attendait pas du tout », s'étonne Rodrigue Solitude, actuel directeur général par intérim du CTIG. Car mois après mois, les voyageurs canadiens se détournent des Etats-Unis, en quête de nouvelles destinations face à l'agressivité du président américain envers leur pays. Or, pour la Guadeloupe, l'Amérique du Nord est le levier prioritaire de croissance. Près du dépose-minute de l'aéroport, les accents québécois sont plus fréquents qu'avant. Entre 2022 et 2024, le nombre annuel de passagers canadiens se rendant en Guadeloupe a doublé, passant de 44.798 à 90.267. Un chiffre amené à croître dès la fin de l'année 2025. Une nouvelle desserte de Toronto à Pointe-à-Pitre va ouvrir avec un vol saisonnier hebdomadaire. « Cette nouvelle liaison permettra à Air Canada d'augmenter son offre de sièges de 15 %. La compagnie Air Transat, qui opère actuellement trois rotations hebdomadaires saisonnières au départ de Montréal, va en ajouter une quatrième, toujours au départ de Montréal, en 2026 », indique Sandra Vénite, cheffe du service marketing et communication pour l'aéroport Guadeloupe-Maryse-Condé. Nouvelles infrastructures Ces touristes constituent une part de plus en plus importante des 757.129 voyageurs qui se sont rendus en Guadeloupe en 2024, selon les données de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom). Un chiffre que le CTIG souhaite voir doubler à l'horizon 2030 : « 1,5 million de touristes, répartis sur toute l'année, c'est près de 2,2 milliards de chiffre d'affaires généré », précise Rodrigue Solitude. La clientèle canadienne est particulièrement recherchée : cette dernière dépenserait 10 % à 15 % de plus en moyenne que les métropolitains en vacances. Pour accueillir tous ces nouveaux visiteurs espérés, c'est le branle-bas de combat dans les hôtels, qui préparent déjà le terrain pour cet hiver. « Nous allons mettre en place un budget spécifique pour de la communication digitale. Le moment est d'autant plus propice qu'avec la future ligne de Toronto, nous allons attirer les anglophones, et s'il faut accélérer sur la formation en anglais des salariés du groupe, nous le ferons », affirme Carole Adam, directrice des ventes et du marketing du groupe Des hôtels & des îles, qui possède le seul cinq-étoiles de l'archipel (La Toubana) ou encore La Créole Beach. Cette arrivée potentielle d'un plus grand nombre de voyageurs canadiens concorde avec un réarmement du département sur le plan touristique, à travers de nouvelles infrastructures et une stratégie davantage tournée vers le haut de gamme. « Il faut être réaliste. Le coût de la vie en Guadeloupe augmente. Les prix des billets sont élevés. La clientèle qui peut se permettre de venir ici n'est plus la même qu'avant », souligne Rodrigue Solitude. Pour mener à bien sa mission, le CTIG dispose d'un budget de 7 millions d'euros. Communication à travers des influenceurs, spots de pub télévisés au Canada, présence sur les Salons du tourisme canadien : tous les moyens sont bons pour promouvoir le territoire, qui dispose de solides atouts, notamment contre son grand rival dans les Caraïbes - la République dominicaine et ses quelque 6 millions de touristes annuels. « En République dominicaine, vous faites principalement du tourisme de plage avec des hôtels qui proposent des formules 'all inclusive'. L'avantage de la Guadeloupe, c'est que nous sommes un archipel. Vous allez avoir de la nature en Basse-Terre, de la plage en Grande-Terre ainsi qu'une multitude de spécificités culturelles propres à chacune des îles, qu'il s'agisse de Marie-Galante, de La Désirade ou des Saintes », ajoute Rodrigue Solitude. Signe de cette volonté de « premiumiser » la destination Guadeloupe, les chantiers immobiliers se multiplient. A Saint-François, c'est la SEM patrimoniale de la région et la société hôtelière Karukera qui veulent faire sortir de terre le deuxième hôtel cinq-étoiles du territoire en 2028. Un palace composé de 79 suites, dont 3 villas, en bordure de l'anse Champagne. Stratégie à double tranchant Le groupe Accor, pourtant parti avec fracas des Antilles en 2002, signe son grand come-back. Dans la commune du Moule, sur le littoral atlantique, le groupe va inaugurer en 2026 le Pullman Royal Key Wellness Resort Guadeloupe, un établissement quatre-étoiles doté de 102 chambres. A la fin de la même année, c'est l'île de Saint-Martin qui verra l'ouverture d'un MGallery au Marigot. Un projet de 165 chambres, dont 40 suites. Autant d'infrastructures censées muscler l'offre d'hébergement haut de gamme. Sur les 56 établissements hôteliers de l'archipel, seuls 25,6 % sont aujourd'hui classés quatre-étoiles. Mais cette montée en gamme n'est-elle pas susceptible d'exclure davantage de voyageurs qu'elle n'en attirerera ? La question se pose lorsque l'on discute avec Lise, une sexagénaire canadienne, venue en Guadeloupe pour la première fois à l'hiver 2024. Si elle a pour projet de revenir pour l'hiver 2025, la retraitée et son mari peinent à convaincre leurs amis de faire de même. « Le département est magnifique mais le problème, ici, c'est le prix. Mes amis préfèrent nettement passer leurs vacances au Mexique plutôt qu'en Guadeloupe, car c'est moins cher. Le coût des locations saisonnières est démentiel et aucune réduction n'est faite pour des personnes qui resteraient plusieurs mois », raconte la Canadienne. Sans compter le taux de change, qui ne joue pas en faveur des Canadiens (100 dollars canadiens valent 62 euros) et vient affecter leur pouvoir d'achat dans un archipel où la vie chère se ressent partout, notamment dans l'alimentation. L'idée même d'une population touristique estimée à 1,5 million à l'année pour un territoire qui, en temps normal, compte 380.000 habitants questionne jusqu'au sein du conseil départemental de la Guadeloupe. « Nous avons déjà des problèmes de surtourisme à Terre-de-Haut, où la population n'en peut plus de voir des voiturettes électriques partout dans les rues. Avoir des touristes en dehors de la saison haute est une chose, mais il faut aussi revoir l'offre afin que tout le monde ne se rende pas en même temps aux chutes du Carbet, par exemple », nous indique une source départementale qui préfère conserver l'anonymat. De son côté, l'Iedom rappelle que « la Guadeloupe est confrontée à des freins majeurs au développement du secteur touristique », à commencer par la crise de l'eau. Les coupures sont fréquentes, notamment dans les communes ultra-touristiques de Sainte-Anne et du Gosier. Pour répondre à ce problème, un programme pluriannuel d'investissement, doté de 370 millions d'euros, a été lancé. Au Moule, où doit s'élever le futur Pullman d'Accor, la population est frappée depuis trois mois par des coupures d'électricité pouvant durer plusieurs heures. La question de l'insécurité La question de l'insécurité se pose elle aussi, notamment dans la capitale administrative, Pointe-à-Pitre. Selon les chiffres de la gendarmerie et de la police, la Guadeloupe a enregistré en 2024 un meurtre tous les onze jours et près de 496 vols à main armée. Des données qu'il faut nuancer, selon Rodrigue Solitude : « Si ces faits sont intolérables, il s'agit la plupart du temps de règlement de comptes entre Guadeloupéens, sans que les touristes soient pris à partie. Qui plus est, dans l'arc caribéen, il n'y a pas plus de violence en Guadeloupe que dans les autres îles francophones ou anglophones. » Parmi les réponses apportées par les pouvoirs publics, plus de 400 caméras vont être installées dans tout le département sur cinq ans, pour un coût total de 5 millions d'euros. Par ailleurs, si la Guadeloupe souhaite atteindre son objectif de devenir une destination phare du tourisme durable, beaucoup reste à faire sur la question. Aujourd'hui, moins d'une quinzaine d'infrastructures hôtelières disposent d'un label vert. Le territoire est confronté à la question de la congestion du réseau routier ainsi qu'à celle de la gestion des déchets. Il n'est pas rare d'assister sur l'île à des dépôts sauvages d'appareils électroménagers en pleine nature ou sur le bord des routes. Sans oublier les sargasses, ces algues brunes qui envahissent les plages de la façade atlantique et qui, lorsqu'elles entrent en décomposition, produisent de l'ammoniac et du sulfure d'hydrogène. Une odeur d'oeuf pourri s'installe alors sur les plages. Si un nouveau « plan sargasse » est à l'étude du côté du gouvernement, ce phénomène lié au réchauffement climatique est amené à s'intensifier dans les années à venir. Autant de défis que la Guadeloupe va devoir affronter si elle souhaite asseoir une position de leader en matière de tourisme dans les Caraïbes. Ludovic Clerima. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-06-19 *am_2024-06 *annee_2024 Face au surtourisme, la Corse se lance dans l'achat de flux aériens pour lisser la fréquentation Les compagnies aériennes qui remporteront la procédure de mise en concurrence s'engagent à transporter, depuis dix aéroports de provenance préalablement choisis pour leur potentiel de clientèle touristique, un nombre minimal de passagers en période creuse. En contrepartie de ce trafic garanti, elles bénéficient d'un achat unitaire des passagers transportés en Corse. Trois millions de visiteurs concentrés sur une petite dizaine de semaines, une sur-fréquentation des sites exceptionnels - sanctionnée dans un passé récent par un déclassement de la Réserve naturelle de Scandola par l'Unesco - des routes aussi encombrées que les conteneurs à déchets et une hausse de la consommation d'eau en période de sécheresse : voilà ce qui donne du grain à moudre aux tenants du tourisme-bashing galopant au sein d'une population censée être consciente du caractère vital de l'activité pour l'économie de la Corse. Vue par le prisme des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, la situation est tout aussi bilieuse : la croissance effrénée des meublés de tourisme au détriment de l'hébergement marchand (hôtels, gîtes et campings) et quelques billets de transport de 800 euros le trajet Paris-Corse, qui font les choux gras des réseaux sociaux, ajoutent à la morosité ambiante et à l'angoisse d'une saison 2024 déprimante. Aussi, c'est avec une curiosité mâtinée d'optimisme que l'on regarde l'initiative, inédite en France et même en Europe, imaginée par la CCI de Corse, qui fait la preuve en l'occurrence de son esprit créatif, et reprise par la Collectivité de Corse pour sa mise en oeuvre. Le dispositif, baptisé « Achat de flux », a pour objectif de renforcer, d'élargir et d'annualiser les liaisons aériennes, domestiques et internationales, à destination de la Corse et ce, en dehors des lignes de service public, Paris, Nice et Marseille. Lire aussiDissolution de l'Assemblée : la Corse autonome a du plomb dans l'aile Dix destinations choisies, nationales et internationales Le projet, juridiquement innovant, vise non seulement à conforter la desserte aérienne de l'île mais permet de promouvoir une gestion responsable, raisonnée et durable de son tourisme. Le principe est simple : la Collectivité de Corse, compétente dans le domaine des transports et propriétaire des quatre aéroports internationaux (Ajaccio, Bastia, Calvi et Figari), lance un marché auprès des opérateurs du transport aérien pour obtenir des flux de passagers, lissés tout au long de l'année et particulièrement sur les ailes de saison. Le premier appel a concurrence concernera dix lignes. Six lignes internationales (Bruxelles, Rome, Milan, Francfort, Genève et Londres) et quatre lignes nationales (Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Toulouse). Des bassins géographiques de population choisis, sur la base des recommandations de l'Agence de Tourisme de la Corse, pour leur gisement potentiel de visiteurs et donc de retombées économiques pour la Corse en marge de la haute saison. Au total, dès la première année de lancement, l'accroissement des flux serait de l'ordre de 25% soit environ 600.000 passagers. Les avantages sont légions : diversification des marchés sources, fréquence accrue des vols existants et création de nouvelles liaisons, réduction sensible de la pression sur les ressources naturelles et les infrastructures - grâce à une fréquentation étirée dans le temps et plus homogène - augmentation de la rentabilité des aéroports et, bien sûr, soutien à l'économie locale, les entreprises issues des filières touristiques mais aussi les artisans et les commerçants qui bénéficieraient d'une source de revenus régulière et stable. Gilles Simeoni s'est laissé convaincre par la vision consulaire : « Ce mécanisme est vertueux, argumente-t-il. Il suscite, en période creuse, un trafic qui n'existe pas ou de façon marginale et ne finance pas la fréquentation en haute saison. » Le président du Conseil exécutif de Corse a été rendu destinataire d'un courrier cosigné par les principales organisations socio-professionnelles insulaires du tourisme qui exprime leur adhésion au projet. L'Assemblée de Corse s'est ralliée à leur cause et l'a voté ce jeudi. Lire aussiQuelles ambitions pour SACOI3, la liaison électrique qui va relier la Corse et la Sardaigne? Une compensation financière pour les compagnies Les compagnies aériennes qui remportent le marché s'engagent concrètement à transporter chaque mois, sur une période de quatre ans, un nombre minimal de passagers à partir des villes citées plus haut. Ce « trafic garanti » constituerait donc une obligation de résultat pour elles. Les contrats, conclus dans le strict respect des législations nationales et européennes, prévoient que les compagnies concessionnaires ne bénéficieront d'aucune exclusivité sur les lignes exploitées. Par ailleurs, en cas de non-respect des engagements pris sur le volume des flux de passagers à acheminer en Corse, ces dernières s'exposent à une pénalité financière. Dès lors, la question se pose légitimement : qu'est-ce qui pourrait donc inciter les opérateurs aériens à répondre à une procédure de mise en concurrence qui fait peser sur leur tête une épée de Damoclès ? D'abord, leur rémunération sera constituée par les recettes tarifaires que cette nouvelle perspective de marché leur offre, car la Corse demeure malgré tout une destination attractive. Ensuite, ils se verront octroyer le paiement d'un prix unitaire pour chaque passager acheminé dans l'île de la part de la Collectivité de Corse, susceptible d'être répercutée sur le titre de transport pour séduire la clientèle. Le prix payé par la Collectivité sera plafonné et variera en fonction des mois et des aéroports concernés. Il sera égal à zéro pour les mois de juillet et d'août. Lire aussiRésiliente, l'économie de la Corse reste dynamique En revanche, si l'économie locale, éminemment saisonnière, pourra tirer profit de ce dispositif novateur et très prometteur, il ne coûtera pas un centime au contribuable corse. L'argent investi pour aider les compagnies aériennes concessionnaires proviendra du produit fiscal que perçoit la Collectivité de Corse au titre du trafic passagers qui va augmenter mécaniquement et de manière significative. Le produit annuel et additionnel de la taxe sur les transports aériens est estimé à plus de 6 millions d'euros. La mise en oeuvre opérationnelle de l'achat de flux aériens est prévue pour le printemps 2025. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-12-12 *am_2023-12 *annee_2023 Tourisme : les vacances de Noël concluront une année mitigée en Bretagne, sauvée par la fréquentation des campings Si les TGV vers la Bretagne font le plein, les vacances de Noël, traditionnellement synonymes des retrouvailles familiales, ne devraient pas radicalement modifier le bilan mitigé de la saison touristique. De fait, l'arrière-saison d'octobre et les vacances de la Toussaint n'ont pas permis aux professionnels de poursuivre sur la lancée d'une saison estivale, dynamisée par les campings et les mobil-homes. Les fêtes de Noël approchent à grands pas. Résultat, les TGV vers la Bretagne affichent tous complet, et ce, depuis plusieurs semaines. La saturation récurrente de l'offre ferroviaire n'est pas le seul fait des Bretons qui se déplacent ou de résidents extérieurs en télétravail. Elle prouve que la région, qui affiche déjà la plus forte progression du nombre de voyageurs SNCF avec plus de 40% depuis 2019, continue de se maintenir parmi les régions touristiques les plus attractives de France. Lire aussiTourisme en Corse : un été avec vue sur... l'amer Reste à savoir si le mois de décembre va conclure une nouvelle année de hausse globale. Bretagne Tourisme, qui prévoit d'établir un bilan annuel en janvier 2024, ne s'engage sur aucune perspective précise l'office régional à La Tribune. Il faut dire que la fréquentation sur l'année n'a pas montré un visage homogène. À partir d'octobre, l'arrière-saison n'a pas gardé le rythme du mois de septembre (+6% de nuitées sur un an). Absence de pont ou de week-end prolongé le 1er novembre, aucun événement majeur et une météo défavorable avec la tempête Ciaran : la fréquentation a baissé de 6% à la Toussaint. L'été sauvé par la fréquentation des campings Une déception pour 61% des professionnels ouverts en cette période et un contraste par rapport à la période couvrant avril à septembre. Depuis 2019, la tendance est pourtant aux séjours plus courts, plus écolos, avec une clientèle plus locale, en particulier hors période estivale. Après le Brexit, puis la crise sanitaire du coronavirus, l'inflation et la perte de pouvoir d'achat ont achevé de modifier les comportements. Ainsi, l'été dernier, c'est l'activité des campings et des mobil-homes qui a dynamisé la saison estivale. Terminée sur une bonne note, la période d'avril à septembre a en effet bénéficié à l'hôtellerie de plein air, selon une étude publiée la semaine dernière par l'Insee Bretagne. Après avoir renoué en 2022 avec les niveaux de fréquentation d'avant-crise sanitaire (109 millions de nuitées), la région a enregistré un total de 22,5 millions de nuitées enregistrées sur cet avant et arrière-saison estivale. Cela porte la hausse de la fréquentation à 3,1% par rapport à la saison 2022, un niveau proche de celle des autres régions de la moitié nord de la France métropolitaine. A eux seuls, les 621 campings en service ont représenté 14,4 millions de nuitées. Cette croissance de 5,8% sur un an (785.000 nuitées supplémentaires) s'est avérée plus marquée dans le Finistère, le Morbihan et les Côtes-d'Armor, où la fréquentation des hôtels et des autres hébergements collectifs ont stagné, voire baissé. Retour des Allemands et des Britanniques Avec 444.000 nuitées supplémentaires, les résidents bretons (huit nuitées sur dix) restent largement majoritaires au sein de la clientèle de l'hôtellerie de plein air (79,2%, contre 70,7% au niveau métropolitain). Mais « la météo, très tempérée en juillet et en août en Bretagne » a ralenti la progression de cette fréquentation dite-résidente, ajoute l'Insee Bretagne. En revanche, les emplacements équipés (de type mobil-homes, bungalows, chalets) ont attiré davantage de touristes étrangers que la saison précédente (+12,8% de nuitées, contre +7,8% au niveau métropolitain). Lire aussiSurtourisme : la régulation mise en place à Bréhat peut-elle faire des émules? L'Insee Bretagne note en effet un retour en force de la clientèle étrangère (+10,5% contre +7,4% en France métropolitaine), pour un total de 4,3 millions de nuitées. Les touristes allemands (1,1 million de nuitées), britanniques (926.000 nuitées), malgré tout moins nombreux qu'avant le Brexit, et néerlandais (695.000 nuitées) ont représenté à eux seuls plus des deux tiers de la clientèle non résidente des campings et des hôtels bretons. Avec 38.000 nuitées supplémentaires (+39,5%) et des déplacements facilités par la Brittany Ferries, les visiteurs irlandais ont aussi davantage franchi la Manche. Les établissements 3 étoiles moins prisés des clients français Cet engouement pour la vie au grand air n'a pas forcément fait les affaires des hôtels bretons de moyenne gamme (les hôtels 3 étoiles représentent 44% des nuitées), de fait moins abordables que le camping, en dépit de l'évolution de leurs prestations. Entre avril et septembre 2023, ils ont accusé une légère baisse de 67.000 nuitées par rapport à 2022, pour un total de 5,1 millions de nuitées. Ce recul de 1,3% a été homogène dans les quatre départements, mais il est comparable à la « baisse de fréquentation hôtelière enregistrée en Nouvelle-Aquitaine (-1,2%), Pays de la Loire ou Normandie (-2%) », temporise l'Insee. Durant la saison 2023, seuls les hôtels 4 et 5 étoiles ont enregistré une hausse du nombre de nuitées (+2,9%). **** *source_L_Opinion *date_2024-08-02 *am_2024-08 *annee_2024 Ukraine : « un système militaire libéral concurrentiel » autre Un spécialiste de l'armement décrit l'organisation militaire de Kiev, fondée sur les initiatives de la société civile Page 3 Pour lutter contre la hausse de meublés de tourisme, la collectivité vient de prendre des mesures restrictives. Une première en montagne La vallée de Chamonix dégaine à son tour une arme anti-Airbnb Ça sut ! Chaque année, plus de cinq millions d'amateurs de montagne affluent au pays du Mont-Blanc. Revers de la médaille, le nombre de meublés de tourisme s'est dé- multiplié, entraînant spéculation foncière et attrition des logements longue durée. C ', terrain de jeux pré- féré de nombreux montagnards, Chamonix, en Haute-Savoie, jouit d'une renommée inter- nationale qui en fait à la fois sa richesse et son fardeau. Victime de son succès, la vallée de Cha- monix-Mont-Blanc – qui englobe Chamonix, les Houches, Servoz et Vallorcine – vient de voter des mesures restrictives contre les locations des meublés de tourisme. Après Paris, Biarritz ou en- core Saint-Malo, c'est le premier territoire fran- çais de montagne à le faire. L'objectif est triple : enrayer la flambée des prix, favoriser l'habitat longue durée et lutter contre le surtourisme. A compter du 1er mai 2025, les propriétaires de logements n'auront plus les coudées franches. La communauté de communes a mis en place une procédure d'autorisation préalable de changement d'usage. Lorsqu'un bien est des- tiné à la location de très courte durée (résidence secondaire ou non), pour une clientèle de pas- sage, ou si la résidence principale est louée à des vacanciers plus de 120 jours par an au total, alors le sc considère que le bien « change d'usage » et bascule du statut d'habitation à celui d'activité commerciale (articles D3241 et suivant du code du tourisme). En l'espèce, le propriétaire devra faire une déclaration – un site dédié sera lancé à l'automne – et obtenir un numéro d'enregistre- ment valable trois ans. Ce numéro sera exigé par les plateformes de locations (Airbnb, Abri- tel, Booking…). De plus, le nombre de meublés de tourisme sera limité à un seul par personne sur Chamonix et Les Houches, deux à Servoz (pas de limitation à Vallorcine). Pour l'instant, la mesure se limite aux particuliers et ne s'adresse pas aux sociétés (dont les sociétés civiles immo- bilières, pourtant détenues par des personnes physiques). Mais, le territoire envisage de voter l'année prochaine un deuxième règlement vi- sant ces dernières. Zone très tendue. « La commune compte 70 % de résidences secondaires. En quatre ans, le nombre de meublés touristiques est passé de 2 700 à environ 4 000. Chaque année, plus de 400 demandes de logements sociaux ne trouvent pas d'o res », détaille la mairie de Cha- monix auprès de l'Opinion. La vallée, qui vient d'être classée en zone très tendue (A bis, au même titre que Paris), subit une forte pénurie de logements, ce qui impacte autant les locaux que les saisonniers. En avril, une conseillère municipale des Houches, Vanessa Devouassoux, conait au Dauphiné libéré ne pas réussir à trou- ver de toit pour vivre, parce qu'elle gagne trop pour avoir droit à un logement social et pas assez pour les exigences des propriétaires privés. Les loyers peuvent désormais atteindre 30 euros par mètre carré (contre 23 euros en 2019), et l'offre est évidemment très mince eu égard à la démultiplication des meublés touristiques et du manque de terrain pour construire. A l'achat, les prix deviennent hors d'atteinte pour le quidam : à 11 000 euros le mètre en moyenne, ils sont plus élevés qu'à Paris ! « Les prix immobiliers avaient commencé à amber avant le Covid mais ce dernier a été un accélérateur, entraînant de nouvelles pressions foncières et immobilières, explique Eric Fournier, maire de Chamonix et président de la communauté de communes du territoire, au micro de RTL le 29 juillet. On veut maintenir une population permanente qui puisse se loger. » Pas sûr pour autant que ces mesures soient sufisantes. Dans l'agglomération du Pays basque, qui a frappé un grand coup l'année dernière, le nombre d'autorisations de change- ment d'usage a chuté de 92 % en 2023... mais le territoire a instauré un système beaucoup plus contraignant, celui de la compensation. Pour un meublé touristique, le propriétaire doit en pro- poser un autre à la location à l'année ou payer des droits. Une condition nancière qui n'est pas à la portée de tous. Les prix d'achat deviennent hors d'atteinte : 11 000 euros le mètre carré en moyenne. **** *source_Le_Monde *date_2023-08-16 *am_2023-08 *annee_2023 En Grèce, le casse-tête du surtourisme Athènes - correspondance - Cet été, sous des températures parfois caniculaires à Athènes, les touristes attendent près d’une heure avant de pouvoir visiter l’Acropole. Le nombre de visiteurs a bondi de 80 % depuis 2019, assure le ministère de la culture grec. En juillet, jusqu’à 23 000 personnes par jour ont grimpé sur la colline du célèbre site, selon l’Organisme de la gestion des ressources archéologiques (ODAP). Début août, le ministère a annoncé que les visites seraient régulées sur le site à partir de septembre. Au maximum, 20 000 personnes pourront quotidiennement venir, selon des heures précises. Le surtourisme devient un casse-tête pour le gouvernement, qui se réjouit pourtant de la bonne santé d’un secteur qui représente 25 % du produit intérieur brut du pays et emploie un actif sur cinq. En 2023, les autorités grecques espèrent dépasser les 31,3 millions d’arrivées de touristes enregistrées en 2019, année record pour le pays. Les incendies qui ont frappé le pays fin juillet, et notamment l’île de Rhodes, ont certes apeuré le secteur, qui espère ne pas subir un impact négatif en 2024, mais, partout en Grèce, les habitants se révoltent de plus en plus face à l’hypertourisme. Depuis quelques jours, un « mouvement des serviettes » réclame des plages libres d’accès, non privatisées par des bars ou des hôtels. Oppositions locales Sur les réseaux sociaux, une photo de la plage de Vroskopos, sur l’île cycladique de Kéa, a fait le buzz. A gauche de l’image, la baie est désertique, en juillet 2018, accessible uniquement par une route de terre. A droite, le paysage d’octobre 2022 est tout autre : 75 maisonnettes en construction remplissent la colline surplombant la plage, qui doit être transformée en complexe hôtelier de luxe. Si la plupart des Grecs se réjouissent de la bonne santé du tourisme, certains s’inquiètent de la croissance effrénée du secteur. A Sifnos, le maire a demandé à l’Etat d’intervenir pour préserver son île. Il propose que des mesures soient prises pour interdire la construction de piscines, alors que les îles grecques sont souvent en manque d’eau, ou encore d’autoriser uniquement la construction de maisons respectant l’architecture traditionnelle. Toujours dans l’archipel des Cyclades, à Amorgos, les insulaires sont hostiles au projet du maire d’agrandir le port de Katapola. Dans un journal local, l’édile défend la nécessité de moderniser l’infrastructure en raison du monde qui vient l’été, mais souhaite aussi accueillir des navires plus grands et des petits bateaux de croisière transportant jusqu’à 200 passagers. Sur le site Web de la mairie, après la présentation des travaux, plus de 300 personnes ont laissé des commentaires contre cet aménagement. Les ingénieurs civils qui ont travaillé sur l’île ont signé une lettre à destination de la mairie et de l’entrepreneur chargé de l’étude. Ils soulignent que cet agrandissement du port « n’est pas en harmonie avec la taille de la commune » . La construction d’une nouvelle route, proche d’un site archéologique et qui abîme une plage, est aussi une source d’inquiétude. Pour Marie, une Française amoureuse de l’île, qui n’a pas souhaité donner son nom, « Amorgos est magnifique parce qu’elle est elle-même » , et personne ne souhaite qu’elle ait la même destinée que Santorin ou Mykonos, saturées de touristes. En 2022 déjà, l’ancien président de la Confédération des entreprises touristiques grecques (SETE), Andreas Andreadis, avertissait : « Sans planification sur des décennies et sans gestion de la crise, Santorin finira par être détruite. » Il rappelait que la SETE avait proposé d’imposer une taxe pour les paquebots débarquant sur l’île, qui aurait permis de financer les infrastructures, de mettre fin aux constructions anarchiques et de contrôler la multiplication des locations saisonnières. Pour Paris Tsartas, professeur en développement touristique à l’université Harokopio d’Athènes, « le phénomène du surtourisme en Grèce est limité à quelques destinations comme Santorin, Mykonos ou le centre d’Athènes, et reste récent par rapport à d’autres destinations européennes. Mais l’Etat doit prendre des mesures et améliorer les infrastructures, car les conséquences sur la gestion de l’eau, des déchets ou sur l’encombrement des routes sont déjà visibles ». Manque de personnels Le manque de personnels dans les services publics, notamment d’ambulances, de médecins, ou de gardes pour surveiller les sites archéologiques, est aussi régulièrement pointé du doigt par les syndicats de ces professions. Pour remédier à ce danger de l’hypertourisme, « l’Etat a tenté, ces dernières années, de prolonger la saison touristique et de faire en sorte que les touristes ne viennent plus seulement l’été » , souligne M. Tsartas. Sur ce point, un progrès a été observé : d’après une enquête de l’agence Mindhaus, en 2023, près de 30 % des visiteurs européens ont choisi de voyager entre avril et mai, et seulement 23 % en août et en septembre (– 9 % par rapport à 2022). « Le gouvernement a également créé des organismes locaux [les DMOS] pour le développement de chaque destination, afin que l’environnement et la population soient respectés , poursuit M. Tsartas. Les lois, notamment contre les constructions illégales, existent, mais le problème, c’est de les faire respecter ! » Mais pour l’universitaire, le plus important est l’implication grandissante des citoyens grecs et d’ONG comme WWF ou Ellet (Société grecque pour l’environnement et l’héritage culturel), qui souhaitent protéger l’environnement et l’authenticité des îles. Le gouvernement conservateur du premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, réélu le 25 juin, a annoncé une série de mesures pour lutter contre le surtourisme : développement des énergies vertes et des transports électriques sur les îles, remise à niveau des infrastructures avec notamment la construction d’un nouveau port à Santorin ou d’une déchetterie à Mykonos, lutte contre les constructions illégales, et tentative de limiter l’accès à certains sites. A Santorin, le nombre de passagers débarquant avec des bateaux de croisière est désormais limité à 8 000 personnes par jour. Sur l’île de Zante, où la célèbre baie du Naufrage n’est plus accessible après des glissements de terrain, seules des escapades en mer seront organisées pour que les visiteurs puissent se baigner, au large d’une des plus belles plages de sable au monde. **** *source_Le_Monde *date_2024-02-05 *am_2024-02 *annee_2024 L’Etat s’associe à Netflix pour attirer des touristes en France AVillefranche-de-Rouergue, dans l’Aveyron, le tournage de la série Netflix Toute la lumière que nous ne pouvons voir n’est pas passé inaperçu. Des rues transformées, des commerces redécorés… « C’était quelque chose ! », se rappelle le maire, Jean-Sébastien Orcibal (divers gauche). Il estime à 2 millions d’euros les retombées économiques de ce tournage d’un mois, qui a mis en valeur les rues médiévales et les places bordées d’arcades de la ville. Désormais, la Mairie aimerait profiter du succès de cette série (50 millions de vues) pour attirer des touristes et a même créé un dépliant spécifique. Mais encore faut-il le savoir. Car cette fiction n’est pas censée se passer à Villefranche-de-Rouergue. La ville que l’on voit à l’écran est présentée comme étant… Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine. Voilà pourquoi le maire se réjouit du guide touristique lancé, jeudi 1er février, par Netflix en partenariat avec Atout France, l’agence de l’Etat consacrée au tourisme. Le guide fait la promotion des lieux de tournage des séries ou des films produits par la plate-forme. Outre Villefranche-de-Rouergue, on y apprend que le château de Chantilly, dans l’Oise, a servi de décor à The Gray Man , que l’abbaye de Chaalis, dans l’Oise également, a accueilli Family Business , que l’église Saint-Julien-le-Pauvre, à Paris, apparaît dans Berlin … Mais aussi que Lupin est passé par le musée Nissim-de-Camondo, à Paris, que c’est à Bonnieux (Vaucluse) qu’Emily (de la série Emily in Paris ) effectue son escapade. « Nous avons refusé d’y faire apparaître certains sites exposés au surtourisme, comme les falaises d’Etretat vues dans Lupin , ou la boulangerie d’ Emily in Paris » , affirme Caroline Leboucher, directrice générale d’Atout France. A ce guide en ligne s’ajoute un spot publicitaire de Netflix pour promouvoir le tourisme dans l’Hexagone. Pour la plate-forme, qui finance environ vingt productions françaises par an, aller chercher le soutien de l’Etat dans cette campagne de communication est une manière de faire valoir son poids politique. « La contribution de Netflix sur l’attractivité culturelle de la France est très positive » , explique Marie-Laure Daridan, directrice des relations publiques chez Netflix. La plate-forme a financé un sondage auprès de 2 250 personnes en Allemagne, au Japon et aux Etats-Unis, qui montre que le fait d’avoir déjà vu des films français (ou tournés en France) dans son catalogue a un effet décisif sur l’envie de connaître la France. En s’associant à cette campagne, Atout France y voit un moyen de « pour toucher de nouveaux publics » , explique Mme Leboucher. D’après une étude du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) de janvier, 11 % des touristes étrangers disent qu’ils ont décidé de venir à Paris après avoir vu un film ou une série française. Selon Cécile Lacoue, directrice des études du CNC, le nombre de productions étrangères tournées en France a beaucoup augmenté depuis 2016 et la mise en place d’un crédit d’impôt spécifique. Le ciné-tourisme a de beaux jours devant lui. **** *source_Les_Echos *date_2024-05-27 *am_2024-05 *annee_2024 tourisme En Espagne, un défilé contre le surtourisme à Majorque Les mouvements de protestation contre le tourisme de masse se multiplient en Espagne. Samedi, des milliers de personnes ont manifesté à Palma de Majorque, rapporte l'AFP, défilant derrière une bannière « Majorque n'est pas à vendre ». Au centre des crispations : la difficulté de plus en plus grande pour les habitants de se loger dans cette île des Baléares particulièrement prisée des Allemands, des Britanniques et des Néerlandais. Mais aussi les nuisances sonores et environnementales induites par les flots de visiteurs. La deuxième destination touristique au monde L'Espagne, deuxième destination touristique au monde après la France, a accueilli 85 millions de visiteurs étrangers en 2023, selon les statistiques officielles. Un chiffre record. Sur ces 85 millions, 14,4 millions ont débarqué dans les îles Baléares, deuxième région d'Espagne en termes d'accueil de touristes, rapporte l'AFP. Malgré la manne économique qu'elle représente, l'expansion du tourisme entraîne un mouvement de ras-le-bol dans le pays. Ces derniers mois, des manifestations ont aussi eu lieu aux Canaries, à Barcelone, à Saint-Sébastien ou à Malaga. Un projet de loi en France pour réguler les flux La situation en Espagne fait largement écho à celle en France, où le gouvernement tente de mieux réguler les flux touristiques. Et où le Parlement s'est emparé de la question d'un encadrement plus poussé des meublés de tourisme loués sur les plateformes de type Airbnb. Ceci pour permettre aux habitants de se loger plus facilement et à des prix abordables. Après l'Assemblée nationale en janvier, le Sénat a voté il y a quelques jours une proposition de loi en ce sens. Elle prévoit de mettre fin à la « niche fiscale Airbnb » et de doter les maires de nouveaux outils de régulation. Comme la possibilité d'instaurer des quotas de meublés touristiques dans certains quartiers. Ou celle de sanctuariser, dans les plans locaux d'urbanismes, des zones dédiées aux logements permanents. Elsa Dicharry (avec AFP). **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-08-22 *am_2024-08 *annee_2024 Avec un nouveau record de visites en juillet, le Japon n'a jamais eu autant de touristes Selon l'Office national du tourisme du Japon, sur un an, l'archipel a vu son nombre de visiteurs augmenter de 40%. Revers de la médaille, les autorités nippones doivent aussi composer avec des problèmes de surtourisme dans certains sites prisés. Le pays du Soleil Levant n'en finit pas d'attirer les touristes du monde entier. Preuve en est ce nouveau record obtenu au mois de juillet, le Japon ayant accueilli 3,29 millions de touristes étrangers le mois dernier, selon des données officielles publiées ce mercredi. Ce score constitue donc son deuxième record mensuel consécutif, le mois de juillet ayant dépassé le précédent record de 3,13 millions de visiteurs venus au Japon, un mois plus tôt. Lorsqu'on remonte un peu plus loin dans le temps, au mois de mars, saison printanière très prisée des cerisiers en fleurs au Japon, on trouve un chiffre proche : 3,1 millions de visiteurs étrangers, d'après le JNTO. Une augmentation de plus... de 40% sur un an Dans le détail, les 3,29 millions de visiteurs de juillet représentent une augmentation de 41,9% sur un an, a comptabilisé l'Office national du tourisme du Japon. Il s'agit également d'une augmentation de 10,1 % par rapport à juillet 2019, avant que la pandémie de Covid 19 ne suspende les voyages internationaux. « Le nombre de visiteurs a fortement augmenté dans des régions telles que l'Asie de l'Est et l'Europe, où les vacances scolaires ont commencé, ce qui a stimulé la demande de voyages au Japon », a notamment avancé le JNTO pour expliquer ce chiffre. » Le nombre de visiteurs chinois a plus que doublé en juillet par rapport à l'année dernière, pour atteindre 776.500, suivis par 757.700 Sud-Coréens, soit une augmentation de 20,9%. Les touristes taiwanais arrivent en troisième position, avec 571.700 visiteurs, soit une hausse de 35,4%. Lire aussiJapon : la faiblesse du yen fait le bonheur des touristes Selon d'autres statistiques de l'Agence japonaise du tourisme (publiées en mai), les vacanciers australiens sont les plus dépensiers, suivis des Britanniques et des Espagnols. L'engouement pour l'archipel nippon est aussi au rendez-vous chez les Français. Les derniers chiffres du syndicat français des entreprises du tour-operating (Seto) le confirment : cet hiver, entre le 1er novembre 2023 et le 30 mars 2024, les tour-opérateurs membres de l'organisation ont engrangé plus de 38 millions d'euros sur la destination, soit une progression de 86,3%. Des vols directs plus nombreux et un yen faible L'augmentation des vols directs en provenance des principaux marchés a contribué au record de juillet, a aussi ajouté le JNTO. De sorte qu'au total, le Japon s'attend à accueillir jusqu'à 35 millions de touristes étrangers en 2024. Lire aussiL'action du géant japonais des supérettes Seven & i s'envole après une offre de rachat du canadien Couche-Tard Autre facteur de croissance de l'engouement touristique pour le Japon : la faiblesse du sa monnaie nationale, le yen. De nombreuses entreprises nippones se sont ainsi appuyées sur le pouvoir d'achat des touristes pour booster leurs ventes. Néanmoins, il est à noter que la faiblesse du yen pèse négativement sur la consommation des ménages nippons, en recul constant depuis mars 2023. Certains sites prisés Revers de la médaille de cette moisson touristique exceptionnelle : les autorités japonaises doivent gérer le problème du trop grand nombre de visiteurs dans certaines zones populaires du pays, notamment le mont Fuji et la ville historique de Kyoto. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2024-05-26 *am_2024-05 *annee_2024 GrèceiÀ Athènes, la manne touristique... jusqu'à saturation Dimitris sirote un verre d'ouzo, l'alcool anisé grec. Il est 11 heures, « le calme avant la tempête », rit le patron. Dans quelques minutes, les touristes afflueront dans le quartier de Plaka, au pied de l'Acropole à Athènes. Comme chaque midi, le restaurant du Grec ventripotent sera pris d'assaut. En 2023, la Grèce a accueilli un nombre record de touristes - plus de 32 millions, soit trois fois la population grecque - et engrangé 20,5 milliards d'euros de revenus. « C'était notre meilleure année », reconnaît Dimitris, qui dirige son établissement depuis douze ans. Le tourisme vole de record en record. Un second souffle pour ce pays, traumatisé par une crise de la dette publique à la fin des années 2000 qui avait déclenché plusieurs années d'austérité éreintante. Membre de l'UE depuis 1981, la Grèce avait failli en être exclue. Dimitris boit le fond de son verre, d'un trait : « On s'en souvient tous. On n'oubliera jamais. On fera en sorte que ça n'arrive plus. » Le tourisme a permis à Athènes et aux Cyclades de tourner cette page douloureuse. L'activité représente 25 % du produit intérieur brut du pays et emploie un actif sur cinq. « Autour de moi, une vingtaine de personnes vivent grâce à ça », calcule Valantis, en caressant sa longue barbe blanche. « On n'a pas de répit » L'année 2024 s'annonce tout aussi chargée. Le serveur de 45 ans tire la langue : « Ça a commencé plus tôt que d'habitude, dès le mois de mars, et ça ne diminue pas. On n'a pas de répit, jamais. » Chaque jour, son restaurant nourrit plus de 700 clients de moussaka et de tzatziki. « J'ai déjà besoin de vacances », souffle Haris, 46 ans. La patronne du Bazar oriental, échoppe de la rue commerçante de Monastiraki, voit défiler les étrangers, parfois en cohortes, surtout les jours où les bateaux de croisière accostent au Pirée. « Le business marche bien. Il y a plus de monde, mais les gens achètent moins. Nous, on a du mal à recruter plus d'employés. » Dans la boutique de souvenirs voisine, les fausses couronnes de lauriers dorées se vendent 1,50 €. Les offres spéciales s'affichent en lettres rouges et en anglais. « Ma crainte, c'est qu'au fil des ans, on perde notre identité, glisse Despoina, une étudiante de 21 ans qui travaille dans le magasin pour financer soncursus dans la finance. Dans le métro d'Athènes, les annonces sont en anglais, les gens parlent anglais... » Des nuages au paradis La jeune femme s'inquiète aussi de voir le patrimoine du berceau de l'Europe abîmé par le surtourisme. En 2020, la polémique avait enflé quand le gouvernement avait fait installer des allées en béton et un ascenseur pour améliorer l'accessibilité de l'Acropole à tous les visiteurs. Depuis quelques mois, le nombre d'entrées sur le site antique est limité à 20 000 par jour, à des horaires précis. Et le gouvernement a annoncé des mesures pour lutter contre le tourisme de masse dans les îles, à peu près - mais pour combien de temps ? - épargnées par le bétonnage à outrance qui a défiguré des pans entiers du littoral méditerranéen. La beauté des sites, la légendaire douceur de vie, la modicité des additions au restaurant ou des loyers... Le beau ciel touristique grec commencerait à se voiler ? À Koukaki, autre quartier situé au pied de l'Acropole, Kostas, 65 ans, écrase sa cigarette puis en allume une autre. En quelques années, son quartier a vu ses prix flamber à cause du développement de la location des appartements sur Airbnb. « Avant, on pouvait louer un 50 m 2 pour 300 € par mois. Maintenant, c'est 50 € la nuit ! », s'étonne le retraité, qui votera dans deux semaines pour la liste Nouvelle Démocratie du Premier ministre conservateur Mitsotakis, qu'il « adore ». Kostas lève les yeux vers la colline où trône le Parthénon. « Je comprends, on est à cinq minutes du plus bel endroit du monde », admire le sexagénaire, qui n'y est monté que deux fois. **** *source_Les_Echos *date_2025-03-14 *am_2025-03 *annee_2025 tourisme « Nous sommes prêts à utiliser les carburants durables » Pierfrancesco Vago, président de MSC Croisières, défend les progrès réalisés pour rendre l'industrie de la croisière moins polluante. Et lance un appel aux pouvoirs publics. Poursuivant son impressionnant rebond post-Covid, l'industrie de la croisière anticipe une nouvelle année de croissance en 2025, mais souffre toujours d'une image écornée d'un point de vue environnemental. Injustifié, selon Pierfrancesco Vago, président exécutif de la division croisières du Groupe MSC. Pierfrancesco Vago Président de MSC Croisières L'industrie de la croisière a parfois mauvaise presse. Quel message voulez-vous faire passer aux gouvernants ? Il y a trois grands chantiers navals sur le continent, en France, en Italie et en Allemagne. D'un point de vue stratégique, il est essentiel de pouvoir construire des paquebots aussi complexes en Europe, encore plus au vu de la situation géopolitique. Et c'est important également pour l'économie européenne : chaque navire coûte désormais entre un milliard et 1,5 milliard d'euros, et cela se répercute sur les territoires. Aujourd'hui, l'industrie a des commandes fermes pour près de 50 navires en Europe soit l'équivalent de 60 milliards d'euros d'investissement. Et particulièrement en France ? Avec Chantiers de l'Atlantique, c'est une longue et belle histoire d'amour ! Nous travaillons avec eux depuis plus de vingt ans et y avons fait construire 19 navires auxquels s'ajoutent les 3 derniers : le « World America », le « World Asia » et le « World Class IV ». Au total, nous avons directement investi plus de 15 milliards d'euros. L'impact est d'autant plus considérable car ce montant d'investissement est multiplié par deux si l'on prend en compte les effets sur l'économie réelle du pays étant donné le nombre très important de fournisseurs et d'entreprises françaises avec lesquels nous travaillons. La croisière a souvent l'image d'un moyen de transport polluant. Où en est-on de la décarbonisation ? Un navire s'amortit en une trentaine d'années, par conséquent, nous devons nécessairement imaginer les attentes des voyageurs en 2035 en termes d'hospitality. Il en va de même pour les technologies environnementales dans l'optique de décarboner la croisière. Nos navires les plus récents sont déjà capables de fonctionner avec des carburants durables comme le bio GNL et le GNL synthétique [à partir d'une énergie 100 % renouvelable, NDLR] . Nous sommes prêts, nous attendons simplement que ces carburants deviennent disponibles à grande échelle. Vous réclamez plus d'investissements publics dans ces carburants ? Nous en avons déjà fait la demande à la Commission européenne. Nous avons créé la demande et ouvert la voie, nous sommes pionniers en la matière car nos navires peuvent fonctionner avec ces carburants de nouvelle génération et le fret maritime commence lui aussi à construire des navires au GNL. Dans plusieurs destinations, les autorités locales ne veulent plus de gros paquebots de croisière. Cela vous inquiète ? Oui, mais c'est peut-être notre faute, car nous n'avons pas assez communiqué autour des aspects positifs de l'industrie de la croisière. Pourtant, il faut comprendre qu'à la différence d'autres formes de tourisme, nous avons la capacité de contrôler les flux de passagers qui débarquent pour visiter. Le surtourisme est quelque chose de bien plus vaste, au regard du 1,5 milliard de touristes sur la planète qui voyagent et transitent par des moyens différents. Je suis convaincu que c'est grâce au dialogue avec les autorités locales que nous pourrons ensemble réguler les flux de voyageurs. Avec l'augmentation des prix de l'aérien et de l'hôtellerie, la croisière a-t-elle une carte à jouer ? C'est effectivement une opportunité pour la filière de se renforcer par rapport à d'autres expériences touristiques. Le rapport qualité-prix est clairement à l'avantage de la croisière avec sa formule tout inclus. Nous profitons d'économies d'échelle : cette année, MSC Croisières va par exemple servir 60 millions de repas, ce qui va nouspermettre de répercuter cette économie sur le prix final. Nous permettons en quelque sorte aux voyageurs de voyager dans le luxe à des prix plus accessibles. Les hôtels de luxe se lancent dans la croisière, comme Accor, Marriott ou Four Seasons. C'est un danger pour une compagnie comme la vôtre ? Au contraire, c'est une bonne chose pour nous. Cela va donner des expériences différentes et aider à élargir le marché. La plus grande difficulté est de convaincre les voyageurs de choisir la croisière. Une fois qu'ils ont essayé, ils sont conquis.- Propos recueillis par Y. D. **** *source_Le_Figaro *date_2024-08-01 *am_2024-08 *annee_2024 En Charente-Maritime, une entame de saison « catastrophique » Les Parisiens ? Je les cherche aussi ! Où sont-ils ? Je n'en sais rien. Dans le Sud, peut-être... » , s'interroge Jean-Baptiste Dagréou. Propriétaire de plusieurs campings à Châtelaillon-Plage et président de la Fédération de l'hôtellerie de plein air de Charente-Maritime, ce professionnel misait sur les Jeux olympiques et la transhumance des Franciliens pour doper la fréquentation des établissements du département. Mais ses espoirs ont été douchés en juillet. Pire, l'entame de la saison estivale s'avère « catastrophique » pour l'ensemble des acteurs touristiques. « Les campings sont remplis à 70 %, pas plus. C'est tendu » , résume Jean-Baptiste Dagréou, qui attend désormais un rebond au mois d'août. Sur l'île de Ré, le mois de juillet a tout autant diminué l'enthousiasme des professionnels. « La fréquentation a baissé de 20 % à 30 % selon les commerces. La météo, les élections et les prix attractifs des autres destinations à l'étranger ont sûrement pesé dans la balance. Tout comme le pouvoir d'achat : les gens passent et repassent devant les boutiques mais ne dépensent pas » , assure Gisèle Vergnon, maire de Sainte-Marie-de-Ré et directrice de l'Office de tourisme de l'île de Ré. Directrice d'exploitation d'un camping situé au Bois-Plage-en-Ré, Sophie Ravet a enregistré un recul de 25 % des nuitées en juillet. En misant sur des formules plus accessibles, elle a réussi à davantage contenir la chute de la fréquentation de son restaurant (- 12 %). Face à cette situation inédite depuis la crise sanitaire, Sophie Ravet espère limiter les dégâts d'ici à la fin de l'été. « Nous avons eu très peur, mi-juillet, mais nous devrions finir la saison à - 6 % » , analyse-t-elle en pariant sur les réservations de dernière minute et jusqu'à la Toussaint. La clientèle étrangère n'a pourtant pas boudé la Charente-Maritime et ses précieux emblèmes, les îles d'Oléron et de Ré. « J'ai 35 % d'étrangers, comme chaque année » , confirme Sophie Ravet. « En juillet, nous avons accueilli beaucoup de visiteurs étrangers avec un fort pouvoir d'achat , abonde Laurent Favier, un restaurateur installé à La Flotte. Mais nous voyons moins notre clientèle d'habitués et ceux qui possèdent une résidence secondaire. Normalement, je suis complet tous les soirs avec 20 couverts. Mais j'ai fini des services à 9 couverts. Je n'ai jamais vu ça. » À La Rochelle, où le Vieux-Port n'a jamais semblé aussi déserté en été, les mêmes questions agitent les professionnels. « Est-ce la météo ? Le manque d'argent ? Les JO ou les élections ? En tout cas, il est possible de dîner sans réservation. Normalement, à cette période de l'année, tout est complet. Même les mauvais restaurants travaillent tout l'été » , constate Carlos Foito, un restaurateur associé dans quatre affaires. « Je n'ai pas augmenté les prix depuis dix-huit mois malgré l'explosion des factures. Si je l'avais fait, ça serait encore pire. Mais j'ai préféré réduire les marges. Par contre, mes équipes sont au complet. Sans clientèle, je me retrouve avec trop de staff » , souligne-t-il avec amertume. Président de Charentes Tourisme, un office de tourisme interdépartemental, Stéphane Villain partage les mêmes inquiétudes. « Ça n'est pas bon du tout, il y a un problème. Normalement, les touristes arrivent trois semaines plus tôt. Là, ils commencent à peine à entrer dans le département » , souligne celui qui est aussi le maire de Châtelaillon-Plage, l'une des stations balnéaires parmi les plus courues de la Charente-Maritime. Première économie du département bien avant l'industrie, le tourisme pèse ici plus de 2 milliards d'euros à l'année, attire essentiellement les Français - 85 % de la clientèle - et génère près de 20 000 emplois. « Ça fait vivre de très nombreuses familles » , rappelle Stéphane Villain. « Ces derniers temps, nous parlions beaucoup du surtourisme. Nous en sommes loin » , observe par ailleurs cet élu habitué à collectionner les nouveaux records année après année. Dans le Marais poitevin, à cheval sur la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres et la Vendée, le bilan n'est pas plus reluisant. Batelier à Coulon, au coeur de la Venise verte, Manuel Mercier a vu son activité chuter de 30 %. Premier opérateur touristique du cru, il emploie l'été près de 140 salariés. « Les années pluvieuses, on sait d'où vient le problème. Mais là, c'est beaucoup plus sérieux. Mes boutiques fonctionnent moins bien, les gens se font moins plaisir. Ils n'achètent plus la carte postale ou le produit régional après un tour en barque. Ça traduit un problème financier » , avance Manuel Mercier tout en souhaitant « repenser nos offres touristiques » pour s'adapter à cette nouvelle donne. Sur l'île de Ré, Lionel Quillet, maire de Loix et président de la communauté de communes, appelle lui aussi à travailler les prix et les prestations. « Ceux qui tirent leur épingle du jeu ont baissé leurs tarifs ou proposent des formules attractives. Le pouvoir d'achat, on pense toujours que c'est pour les autres. Mais il concerne aussi l'île de Ré » , insiste cet élu. « Les visiteurs ne peuvent plus se faire plaisir. Il y a dix ans, au restaurant, les gens prenaient une entrée, un plat et un dessert. Aujourd'hui, ils ne commandent plus qu'un plat » , remarque de son côté Stéphane Villain. En Charente-Maritime, les acteurs touristiques comptent désormais sur « une saison à retardement » et « l'été indien » pour limiter la casse. « L'espoir est là. Les départs se reporteront en août et en septembre , avance la Rhétaise Gisèle Vergnon. Et peut-être que juillet sera dorénavant un mois de moyenne saison. » F.P. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-05-31 *am_2024-05 *annee_2024 En Corse, l'avenir des paillotes confronté à la législation... et au recul du trait de côte Cet été, les paillotes, ces restaurants éphémères de plage, seront au nombre de 280 sur l'île de beauté, moins nombreuses que par le passé et soumises à des règles de plus en plus strictes. Toutefois, les organisations professionnelles ont obtenu de l'État certaines avancées comme l'allongement de la durée d'exploitation. Dans l'imaginaire collectif, les doux soirs d'été corse sont tels de la cendre dorée que le soleil couchant saupoudre à la surface d'une mer d'huile... Les paillettes éblouissent les pupilles et les paillotes les papilles. Mais derrière ce décor idyllique, les restaurants de plage, tout de bois vêtus, dont les menus exhalent toutes les saveurs salines de la pêche du jour, sont beaucoup moins de strass que de stress. La concurrence y est âpre car l'activité est concentrée sur à peine quelques mois - une paillote a encore été détruite par une explosion criminelle le 13 avril dernier en Plaine orientale sur le rivage de Taglio-Isolaccio. Or, le sésame pour ouvrir son établissement éphémère est délivré longtemps en amont de la saison par les services de l'État sous la forme d'une AOT, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime. Lire aussiSurtourisme : aux Canaries, haro sur le tourisme de masse Il aura fallu une révolution culturelle pour que les paillotes historiques s'affranchissent de la coutume tenace des structures en béton sur le sable. Désormais, tout est démontable et doit être démonté à la fin de la saison. Les mesures coercitives et les sanctions pénales ont eu autant raison des mauvaises habitudes, tout comme les tempêtes submersives que le changement climatique ne manque plus de réserver aux installations qui ne sont pas mises à l'abri... « Respecter l'équilibre entre usage commercial et accès au public » Cette année, l'État a enregistré 317 demandes d'AOT (183 en Corse-du-Sud et 134 en Haute-Corse). 280 ont été accordées, ce qui représente un niveau de concession rarement atteint : 88 %. En 2019, par exemple, sur les quelque 400 demandes, près de la moitié avaient été refusées. Confronté aux abus, le préfet de l'époque avait voulu marquer le coup et les esprits. Après une période de relations conflictuelles, la concertation a prévalu et le climat d'apaisement est revenu grâce aussi aux organisations professionnelles en charge des filières touristiques et à la médiation de la Collectivité de Corse. « Nous avons un peu moins de demandes que l'année dernière, en raison, peut-être, d'une baisse de la fréquentation mais aussi parce que nous avons commencé à accorder des AOT pluriannuelles », explique Riyad Djaffar qui pilote la Direction de la Mer et du Littoral de Corse. Deux raisons essentielles ont motivé le rejet de la petite quarantaine de dossiers : la persistance d'installations en dur, une pratique en nette voie de disparition et la saturation des plages en demande, surtout du côté de Porto-Vecchio et de Sartène. « La finalité consiste à respecter l'équilibre entre l'usage commercial et l'accès au public », argumente Riyad Djaffar. En 2023, les AOT concernaient 104 plages et une occupation du domaine public maritime qui se déployait sur 5,5 hectares. Les nombreux contrôles effectués par les forces de l'ordre avaient débouché sur 67 contraventions et mises en demeure. Lire aussiRésiliente, l'économie de la Corse reste dynamique La procédure de délivrance des AOT prévoit la consultation des communes. Ces dernières ont la possibilité de demander la concession des plages et de délivrer elles-mêmes les AOT après appel d'offres. Mais sur 97 communes insulaires qui ont une façade littorale, seules quatre ont fait la démarche (deux dans le Golfe d'Ajaccio, une dans le Golfe de Sagone et Propriano) auxquelles s'ajoute désormais Calvi, en Balagne, dont la demande est en cours d'instruction. Cette forte réticence pourrait s'expliquer par la pression que souhaitent éviter les maires comme c'est déjà le cas pour eux avec les permis de construire... Le filtre législatif du Padduc et l'érosion du littoral en prime Les restaurateurs de plage paient une redevance pour l'obtention de l'AOT. Chaque année en Corse, le montant global de cette redevance s'élève à 2,5 millions d'euros qui vont directement dans les caisses de l'État. Cette année, cette contribution était censée représenter 4,5 % du chiffre d'affaires. Mais la conjonction de la difficile sortie de la pandémie, de la crise économique, qui grève le pouvoir d'achat, et de la flambée des titres de transports, aérien et maritime, a amené les professionnels à monter au créneau. « Nous avons demandé et obtenu sur cette question un moratoire de trois ans », se réjouit Karina Goffi. Ce n'est pas le seul sujet de satisfaction pour la présidente de l'UMIH* de Corse : « Les barèmes n'étaient pas les mêmes entre la Corse-du-Sud et la Haute-Corse, ils sont aujourd'hui harmonisés. Par ailleurs, l'État a répondu favorablement à la demande d'une prolongation de la saison d'exploitation dans la limite de huit mois. » Une requête conjointement portée par César Filippi, président pour la Corse du GHR**. « Un allongement de deux mois hors montage et démontage. Les choses vont un peu mieux puisque, d'une part, les paillotiers qui respectent les règles ont la possibilité d'acquérir des AOT pour une période de trois ans (ils sont au nombre de 24 à ce jour, NDLR) et, d'autre part, la caution de 100.000 euros exigée que doivent verser les contrevenants, sera supprimée au-delà de la période probatoire de trois ans. » Lire aussiSurtourisme : les Français réclament des quotas En revanche, César Filippi met l'accent sur une situation d'iniquité : sur le Continent, la loi relative aux concessions des plages autorise jusqu'à 20% d'occupation du domaine public maritime. C'est beaucoup moins en Corse où s'applique aussi le Padduc*** qui hiérarchise les plages en quatre catégories, dont la première, les plages classées « naturelles », les plus sacralisées de toutes, imposent un embargo à toute activité commerciale. « La plage de Palombaggia s'étire sur sept kilomètres mais les concessions n'excèdent pas 7 % d'occupation ! Le Padduc aurait dû légalement être révisé depuis au moins trois ans », dénonce l'hôtelier de Porto-Vecchio qui prévient que son organisation ne restera pas sans agir en cas de statu quo. Un autre phénomène, lent mais inexorable, pourrait sceller le sort des paillotes : le recul du trait de côte à cause de l'érosion. Les plages de sable de la Plaine orientale fondent inexorablement. À moyen terme, le domaine public maritime sera de moins en moins étendu. **** *source_Le_Figaro *date_2024-09-19 *am_2024-09 *annee_2024 L'insolente santé de l'économie espagnole dopée par le tourisme L'année 2024 va être bonne, cet été nous avons reçu plus de touristes étrangers qu'en 2023 et l'automne promet d'être exceptionnel. » Toni Mayor, président de la chaîne hôtelière Port Hostels, installée sur la côte de la région de Valence, ne boude pas son plaisir. « Nous nous ouvrons à de nouveaux marchés. Les Polonais, par exemple, découvrent notre région et les États-Unis sont devenus le deuxième pays émetteur. » Sur les îles Canaries, le directeur général de Cordial Canaria Hotels & Resorts, Nicolas Villalobos, fait un constat encore plus enthousiaste : « La saison a été spectaculaire. C'est un record absolu. » Ces observations faites à quelques mètres des plages rejoignent les analyses tout juste sorties des bureaux de la Banque d'Espagne. L'institution a revu mardi ses prévisions à la hausse et table désormais sur une croissance du PIB de 2,8 % en 2024. L'Institut national des statistiques (INE) va dans le même sens, en rehaussant de deux dixièmes la croissance 2023, désormais établie à 2,7 %. Des chiffres insolents en regard de ceux de la zone euro : 0,5 % en 2023 et une prévision de 0,8 % en 2024. Les experts de la Banque d'Espagne expliquent la « force remarquable » de l'économie espagnole « surtout par l'apport élevé de la demande extérieure nette » . Ils soulignent en particulier « l'extraordinaire dynamisme des exportations de tourisme, favorisées par un processus de diversification géographique et saisonnière » . Pour Manuel Hidalgo, professeur d'économie à l'université Pablo Olavide de Séville, le tourisme enregistre en Espagne « un nouveau boom qui permet d'enfin récupérer les niveaux d'avant la pandémie » . L'économiste observe que l'industrie touristique parvient à rompre en partie son caractère saisonnier. La côte valencienne étire la saison de mai jusqu'à novembre. « À Séville, où les températures peuvent être très élevées, c'est l'inverse : des visiteurs viennent nous voir l'été, alors que traditionnellement la ville est plus attractive au printemps et à l'automne. » Les manifestations contre le surtourisme aux Canaries, aux Baléares ou à Barcelone, et les mesures annoncées par les pouvoirs publics pour limiter les conflits avec les populations locales, n'ont pas encore découragé les visiteurs étrangers. L'inflation a certes provoqué une augmentation des tarifs des hébergements. À Barcelone par exemple, le prix moyen de la chambre était cet été de 190 euros, soit 11 euros de plus que l'an dernier et 50 euros de plus qu'en 2019. Le taux de remplissage s'en est ressenti, à 85 %, soit 3,9 points de moins qu'en 2023. Mais un effet compense l'autre : en vendant moins de chambres plus chères, les hôteliers maintiennent ou augmentent leur chiffre d'affaires. Une population vieillissante Une autre composante de la demande extérieure est au vert : les exportations de services non touristiques. En 2022, ces derniers ont représenté plus de la moitié (56,7 %) des revenus de l'ensemble des services, contre 40,2 % en 2000 et 49,2 % en 2019, selon un récent rapport du ministère de l'Économie. « Mais ce chapitre inclut à la fois des services à forte valeur ajoutée comme l'ingénierie et le software, et à faible valeur ajoutée, comme les call centers » , nuance Manuel Hidalgo. L'immigration est également un facteur de dynamisme en Espagne, où la population locale vieillissante peine à renouveler les actifs. « Les arrivées de migrants disposés à travailler, notamment latino-américains et dans une moindre mesure ceux venus d'Europe de l'Est, gonflent la population active et contribuent mécaniquement à faire baisser le taux de chômage » , indique l'économiste. Les bonnes nouvelles de la croissance en facilitent une autre : le respect par l'Espagne des objectifs de déficit. Madrid a décidé l'an dernier d'avancer d'un an la cible du déficit à moins de 3 % du PIB, qui devrait se produire cette année au lieu de 2025. « La conjoncture aide , explique Manuel Hidalgo. La croissance, mais aussi l'inflation, qui augmente mathématiquement les rentrées fiscales. » La modération de cette inflation pourrait participer à relancer la demande interne, dont la Banque d'Espagne prédit qu'elle sera le nouveau moteur de la croissance entre 2024 et 2026, prenant le relais des exportations. MDT. **** *source_Le_Monde *date_2024-10-22 *am_2024-10 *annee_2024 Canaries : manifestations contre le surtourisme Des milliers de manifestants ont investi, dimanche 20 octobre, les rues de hauts lieux touristiques des îles Canaries pour exiger un changement de modèle : le tourisme de masse a, selon eux, envahi l’archipel de l’océan Atlantique. Quelque 6 500 personnes ont manifesté à Tenerife, 5 000 sur l’île de Grande Canarie et 1 500 à Lanzarote, selon des responsables locaux. En 2023, un nombre record de 16,2 millions de personnes, soit plus de sept fois plus que la population locale de 2,2 millions d’habitants, ont visité les Canaries. Quatre habitants sur dix travaillent dans le tourisme, qui représente 36 % du PIB. – (AFP.). **** *source_Les_Echos *date_2024-08-07 *am_2024-08 *annee_2024 LES NOUVEAUX SPOTS DU SURTOURISME (3/5) Les calanques de Marseille disent stop à la voiture Il est de plus en plus difficile de se rendre dans les criques protégées du parc national périurbain.Pour lutter contre la surfréquentation touristique, les autorités s'attaquent d'abord aux accès routiers. Marseille ne lésine pas sur les moyens pour tenter d'endiguer la surfréquentation des Calanques. Les restrictions se multiplient dans le parc national périurbain qui les protège, le premier du genre en Europe et avant-dernier né des onze sanctuaires de nature tricolores. Depuis la crise sanitaire, il faut souvent traverser l'enfer pour accéder à ce paradis aux portes de l'agglomération. Trois de ses criques - Callelongue, Morgiou, Sormiou - sont accessibles par des routes qui se terminent en cul-de-sac. Aux heures chaudes de l'été, on y voit donc des embouteillages monstres qui piègent les automobilistes parfois pendant plusieurs heures. Dès les vacances de printemps, la ville a pris plusieurs arrêtés pour y réglementer la circulation. Tout d'abord, jusqu'à fin septembre, impossible de se rendre en voiture jusqu'aux plages de Morgiou et de Sormiou, au coeur du parc. L'accès est fermé par une barrière sécurisée par une société de surveillance. Ne passent que la trentaine de cabanoniers dûment répertoriés et les clients du restaurant de plage, munis d'un QR Code de réservation. Brigade de médiateurs La plupart des 6.000 vacanciers qui arrivent là font demi-tour après quelques explications sur la préservation écologique et la prévention des incendies délivrées par une brigade de médiateurs. « Mais il y a parfois des pressions et des menaces », reconnaît un des gardiens. Au point que la Police nationale a établi un camp de base à proximité, prête à intervenir pour calmer les récalcitrants. Sur la route de Callelongue, l'accès au parc le plus au sud de la ville, c'est un vaste « plan d'apaisement », piloté par le préfet, qui a été mis en oeuvre pour la tranquillité des riverains et la lutte contre le surtourisme. A l'automne, les 5 kilomètres de bitume reliant le quartier urbain de la Pointe-Rouge aux cabanons de ce village littoral sont passés en zone 30 et les cars de tourisme y sont désormais interdits « pour sécuriser les piétons et cyclistes », explique Olivia Fortin, maire d'arrondissement du secteur. La deuxième étape a été réalisée pendant l'arrivée des juillettistes avec l'installation de glissières anti-stationnement, officiellement destinées à protéger la garrigue littorale, un habitat rare et en danger. Une barrière gardiennée a également été posée 200 mètres au-dessus du village, et des parkings visiteurs sont en cours d'aménagement. « On a retrouvé les grasses matinées de notre enfance. C'est un soulagement », exulte Guy Barotto, président du Comité d'Intérêt de Quartier. Les touristes ont des alternatives pour se rendre à l'entrée du parc national : une navette embarque toutes les 30 minutes jusqu'à 23 heures au départ de la Pointe-Rouge ; plusieurs stations de vélos électriques ont été déployées le long de la route ainsi que des arceaux de parking. Et pour encourager le choix de transports doux, la signalétique a été renforcée en ville avec de grands panneaux lumineux affichant des messages dissuasifs. L'impact de ces aménagements sera évalué après la saison et de nouveaux travaux seront réalisés avant l'été 2025 pour repousser les véhicules qui s'engagent encore jusqu'à la plage des Goudes assaillie à son tour, à mi-chemin de l'entrée du parc. Quota touristique A Sugiton, pas de voiture. Mais être piéton ne suffit pas à être bienvenu. Pour accéder à cette calanque aux eaux turquoise, la réservation est obligatoire depuis 2022. Elle est gratuite mais limitée à 400 personnes chaque jour dans la limite de 5 autorisations par personne et 8 fois seulement pendant la saison. Premier arrivé, premier servi. « La mesure est bien acceptée », assure Gaëlle Berthaud, directrice du parc. En un an, elle a réduit la fréquentation du site de 84 % avec 16.800 visiteurs enregistrés sur la dernière saison contre 105.000 avant. Et gare aux resquilleurs : ils risquent 68 euros d'amende s'ils sont pris par l'un des 65 agents et gardes forestiers qui patrouillent dans le secteur. Le coût de la mesure s'élève à 120.000 euros, « mais la calanque revit », assure Gaëlle Berthaud. Il faudra cependant une quinzaine d'années pour que le milieu naturel retrouve son état initial. Plus terreuse que ses voisines rocheuses, Sugiton subit une érosion incomparable qui met à nu le système racinaire de sa vieille pinède et empêche sa régénération. Dans cet espace contraint formant un entonnoir, les aménagements réalisés pour canaliser le public n'y ont rien fait, surtout après le retour en grâce de Marseille parmi les destinations favorites des Français : jusqu'à 3.000 personnes par jour s'y étaient pressées, embarquant avec eux leurs mauvaises habitudes urbaines (musique à tue-tête, jeux de plage, barbecue sauvage…). Même le trafic de drogue s'était invité sur le site. Côté mer aussi, les restrictions se renforcent. Depuis la création du parc, seuls 60 navires commerciaux ont le droit d'exercer au coeur du parc marin. Cette année, les loueurs professionnels et privés sont concernés, y compris pour des activités de kayaks. La circulation maritime au fond des calanques est interdite et depuis 2021, les bateaux ne peuvent plus mouiller dans celle d'En-Vau, réputée pour ses grands herbiers de posidonie. Le parc ne plaisante pas avec les contrevenants s'ils viennent à attenter à l'environnement : en juin 2021, quatre braconniers pris sur le fait ont été condamnés par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à plus de 50.000 euros de dommages et intérêts pour avoir pêché illégalement des oursins. Ils avaient été condamnés en première instance à 350.000 euros d'amende et 18 mois de prison. Paul Molga. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-12-20 *am_2023-12 *annee_2023 Ski, Bretagne, New York, Londres... : les Français se serrent (un peu) la ceinture mais ne renoncent pas aux vacances d'hiver L'inflation et l'actualité internationale pesante ne découragent pas les Français. Dans quelques jours, pour ces congés de Noël, ils seront encore plus nombreux que l'année dernière à partir à la montagne ou à prendre l'avion pour des destinations soleil « long-courrier ». Quand il s'agit de leurs vacances, les Français ne sont pas à un paradoxe près. Plus tôt en décembre, une étude Ifop réalisée pour le courtier immobilier Ymanci révélait que six Français sur dix comptent réduire leurs dépenses liées aux festivités de cette fin d'année, qu'il s'agisse des repas familiaux, des sorties et des cadeaux. Si cette restriction du budget est plus marquée au sein des catégories socio-professionnelles pauvres et modestes, elle n'épargne pas les ménages financièrement plus confortables : 79% des Français de la classe moyenne se disent également dans cette situation cette année, mais aussi plus de la moitié (56%) des personnes considérées comme aisées (plus de 2 500 euros nets de revenus mensuels). Lire aussiSurtourisme : Venise dévoile les 29 journées concernées par la taxe de cinq euros pour ses touristes Les départs au ski en hausse cet hiver Pour autant, selon le baromètre Opinion Way-Orisha, publié fin octobre, 26 % des Français prévoient de partir au ski pendant la saison d'hiver 2023-2024, contre 19% il y a tout juste un an. Pour rappel, cette même intention de départ n'était que de 20 % en octobre 2021 et 11 % en octobre 2020, année marquée par les confinements successifs. « Les réservations pour les vacances de Noël sont en progression par rapport à l'année passée » confirmait récemment Jean-Luc Bloch, président de l'Association nationale des stations de montagne. L'Alliance France Tourisme, qui précise que le taux de réservation pour la première semaine de vacances (entre Noël et le nouvel an) est plus important que pour la seconde semaine, souligne de son côté que, dans certains domaines comme Chamonix-Mont-Blanc ou Paradiski, ce taux « atteignait » voire « dépassait » déjà les 80% à la mi-novembre. Mais, et c'est ce qui peut en partie expliquer cette contradiction, face à la hausse des prix, 85 % des répondants à l'enquête Opinion Way -Orishan prévoyant de partir au ski pensent modifier leurs habitudes de consommation et plus d'1 sur 2 (52 %) considère le prix de la location comme un critère clé en 2023. Lire aussiLes fans de ski veulent partir cet hiver Des budgets maîtrisés grâce à des locations avec services inclus Du côté de Belambra, qui gère plus de 50 clubs dans toute la France, Alexis Gardy, son président, confirme « un début de saison prometteur ». Pour l'expliquer, il met en avant « l'avantage de l'offre club qui permet de contrôler son budget ». Au sein des sites 5B, l'offre premium de l'opérateur, les clients pourront même profiter d'une offre all inclusive, y compris dans les deux résidences que vient d'ouvrir Belambra, aux Deux Alpes et à Flaines : « Le prix comprend l'intégralité des prestations : l'hébergement, les activités sportives et récréatives, les clubs enfants, la restauration, le bar, le retour ski, le goûter, détaille le patron. Ensuite, selon que le client soit un skieur chevronné ou occasionnel, il peut y ajouter son matériel, son forfait et des cours au plus juste de ses besoins. Les clients apprécient de savoir exactement ce qu'ils auront à payer, sans surprises désagréables ». Autre raison invoquée pour expliquer cette belle saison des vacances d'hiver qui s'annonce : « l'envie de se retrouver "en vrai" », avance de son côté Pascal Recorbet, président de Nemea, un groupe qui gère 95 à 100 résidences en fonction des saisons pour un chiffre d'affaires de cent millions d'euros. Nemea note pour les prochaines vacances scolaires une progression de 17% du taux d'occupation dans ses établissements à la montagne et met également en évidence le contrôle du budget. « Nos appartements sont tout équipés et ne sont donc pas obligés d'aller au restaurant. Les clients bénéficient de services inclus dont une piscine intérieure. Tout est compris : le budget est maîtrisé dès le départ ». Belle percée de la Bretagne Au-delà du ski, Pascal Recorbet pointe cet hiver une belle percée de la Bretagne avec un taux d'occupation de 65% dans ses résidences, soit une progression de 9% par rapport à l'année dernière. Selon lui, la mise en place de services inclus explique là aussi cet engouement : « nous avons eu l'idée de gérer une résidence en Bretagne comme à la montagne. Aller se balader, même sous une petite pluie, avant de profiter librement du hammam, du sauna ou de la piscine intérieure, c'est une formule qui plait ». Par ailleurs, tant à la montagne que sur les zones littorales, Nemea note que « les Français sont à la recherche d'expériences authentiques telles qu'accompagner un dameur sur les pistes ». Enfin, pour les vacances d'hiver dans l'Hexagone, l'Alliance France Tourisme souligne « le succès des marchés de Noël qui ne se dément pas ». Le Japon, la surprise de l'hiver En dépit de l'actualité internationale, l'envie de partir en vacances à l'étranger semble également intacte. Selon les derniers chiffres du syndicat des entreprises du tour-operating (Seto), compilés fin octobre, les réservations affichent même une hausse de 19% pour cette saison hivernale (novembre-mars). Mais comme chaque année, il y a les destinations gagnantes et les perdants. Les ventes vers la Jordanie et l'Egypte, « même si elles ne sont pas au point mort », explique Frédéric Pilloud, directeur digital de Misterfly, se sont effondrées en raison de la guerre entre Israël et le Hamas. Pour cette agence de voyages en ligne, le best-seller de l'hiver est assurément New York : « l'interdiction de Airbnb pour des locations de moins de trente jours profite aux tour-opérateurs qui packagent des offres vol + hôtel ». Autres surprises positives de cet hiver 2023-2024 : « le regain d'intérêt pour le Maroc, qui offre du soleil en hiver et qui peut se poser comme alternative à l'Egypte », mais aussi les Canaries et le Royaume-Uni « qui connaît un afflux de visiteurs à Londres, principalement pour des voyages liés à Harry Potter ». Misterfly note par ailleurs que la Thaïlande est en train de redevenir une destination prisée « grâce à une meilleure desserte aérienne ». Enfin, « malgré son coût élevé, le Japon est en forte croissance. Les spécialistes de l'Asie ont du succès ». A la recherche de lointains soleils d'hiver Pour Eva Fouquet, Senior Vice-Présidente du comparateur Kayak : « Leur budget voyage reste une priorité des Français ». « Beaucoup cherchent du soleil. Tunis et Cancun, qui ne font habituellement pas partie de notre « top », sont très demandés cet hiver, tout comme l'île Maurice. Zanzibar est également tendance ». La Réunion se distingue particulièrement, c'est même la destination la plus prisée par les utilisateurs de Kayak​. Par ailleurs, précise Eva Fouquet, « les Français semblent vouloir une expérience plus luxueuse, que ce soit pour l'avion ou dans leur choix d'hôtels ». Pour les aider à faire des économies, le comparateur - qui renvoie vers des sites partenaires - donne quelques astuces : pour bénéficier des meilleurs tarifs pour un vol vers l'Asie, il est préférable de réserver son vol 24 semaines à l'avance. Pour les vols vers l'Amérique du Nord, les Caraïbes ou les îles du Pacifique Sud, c'est 26 semaines. Émergence de critères de choix écologiques Pour ces vacances de Noël 2023, Londres, Lisbonne et Prague composent le podium des destinations européennes les plus recherchées par les utilisateurs, Kayak. Un succès qui devrait se prolonger début 2024 puisque la recherche de vols pour ces villes enregistre une forte augmentation par rapport à 2023 : respectivement, plus du double pour Londres, 36% pour Lisbonne et 76% pour Prague. Enfin, même si de nombreux Français ne semblent pas prêts à renoncer à leurs vacances d'hiver, les préoccupations écologiques prennent de l'importance dans leur choix. Kayak constate ainsi « une hausse de 9% de recherches pour les voitures électriques ou hybrides ». De son côté, Alexis Gardy, le patron de Belambra, estime que les vacanciers sont désormais disposés à faire des efforts : « L'an dernier, dans le contexte d'une inflation colossale des prix de l'énergie, nos clients ont compris notre décision de ne pas chauffer certaines parties communes lorsqu'elles sont vides. On se responsabilise tous ensemble ». L'action environnementale des opérateurs à la montagne apparaît d'autant plus cruciale pour leur avenir que l'étude Opinion Way pointe une réflexion croissante des Français en faveur de l'éco-responsabilité de leurs vacances au ski : 12 % des répondants ayant prévu de partir feront le choix « d'une station écologique, responsable et durable ». Ce critère de choix s'élève même à 26 % pour les 18-24 ans. **** *source_Libération *date_2024-07-20 *am_2024-07 *annee_2024 France Environnement Surtourisme Assailli, le Mercantour tente de protéger ses marmottes France Environnement La nuit est tombée. Lundi, seules la lune et les étoiles se reflètent sur le lac d'Allos, niché au nord-ouest du parc national du Mercantour (Alpes-Maritimes). Enfin presque. Sur l'autre rive, une lumière ronde, artificielle, brille dans le noir. «Aujourd'hui, c'est calme, mais d'habitude on croirait qu'il y a une ville», grommelle Raymond, adossé au mur de sa cabane pastorale. Berger «depuis toujours», le sexagénaire vient tous les ans faire paître ses moutons de juillet à septembre. Ce site à la beauté sauvage, où mélèzes, montagnes et fleurs multicolores, encerclent l'eau bleu pâle, il le connaît par coeur. Le lac d'Allos, enfant des glaciers situé à 2 228 mètres d'altitude, est un joyau d'une extrême fragilité. Ses multiples habitants passent une grande partie de leur vie au ralenti, piégés sous la glace et la neige. A l'arrivée du dégel, l'écosystème se remet doucement en activité. Puis les chamois réapparaissent sur les parois verticales, les marmottes sortent de leur terrier et les vers luisants scintillent au milieu de la pelouse alpine. vallées luxuriantes Un véritable paradis de biodiversité qui se transforme d'année en année en spot touristique, soupire Raymond. Le bassin naturel se trouve à quarante-cinq minutes de marche depuis le dernier parking accessible en voiture. Faisant de lui l'attraction naturelle la plus prisée du Mercantour. «En journée, ça ressemble à Disneyland», compare le propriétaire de 1 200 brebis. Après le Covid, «on avait jusqu'à 2 000 personnes par jour, abonde Emmanuel Gastaud, chargé de communication du parc national. Pour le Mont-Saint- Michel, c'est rien mais là on parle d'une zone aux milieux naturels très sensibles. A ce niveau, on ne peut plus être dans la préservation.» Depuis deux ans, grâce aux efforts de sensibilisation et de régulation, le nombre de visiteurs a fini par baisser. Dans le parc de stationnement qui peut accueillir jusqu'à 120 véhicules, la place coûte désormais 10 euros et peut être réservée en ligne. Pendant l'été 2023, la moyenne de promeneurs est ainsi descendue à 750. Avec tout de même un pic à 1 300 le 16 août. C'est toujours trop, critique Raymond : «On devrait en autoriser 200 par jour, pas plus.» Pour l'instant, le parc du Mercantour, toujours à la recherche d'un équilibre entre développement local, tourisme durable et protection de ces fragiles milieux alpins, ne se dirige pas vers la régulation stricte. L'ambition : protéger et sensibiliser encore plus, tout en incitant le quidam à venir découvrir ces coins sauvages. «L'accès à la nature doit être garanti, c'est d'utilité publique. Il vaut mieux que les gens viennent marcher plutôt qu'ils restent devant leur télé», répète Emmanuel Gastaud, au volant de sa voiture. Ce, malgré toutes les contradictions que cela comporte. Chaque année, entre 600 000 et 800 000 visiteurs passent sur les routes du Mercantour. Et cette année, «on attend un peu plus de monde à cause du Tour de France», poursuit le communicant. Notamment au mythique col de la Bonette, à l'est du lac d'Allos, où la fréquentation est déjà en hausse de 14 % par rapport à 2023. Ce matin-là, Anthony, garde du parc, et deux ouvriers de sentier, Grégoire et Nicolas, y démêlent du filet pour mouton. Autour d'eux, le temps radieux illumine vallées luxuriantes, forêts ancestrales et cours d'eau sinueux. Au-dessus des massifs, d'immenses vautours fauves planent. Pour le passage du Tour, qui a eu lieu vendredi – une formidable «vitrine pour la région», se félicite Emmanuel Gastaud –, tout a été fait pour que la biodiversité en sorte indemne. Pas de graffitis, de goodies ou de klaxons. Mille mètres de filets jaunes avaient été installés pour empêcher le public d'applaudir les coureurs depuis certaines pentes caillouteuses. Le piétinement serait fatal au trésor local, la bérardie laineuse, sorte de petit chou au poil blanc et à l'épaisse fleur jaune, et favoriserait l'érosion du sol. Une goutte d'eau dans l'océan des 68 000 hectares à protéger. La veille de l'arrivée du Tour, nombreuses étaient les voitures stationnées dans des endroits sensibles, hors sentiers battus, au grand dam de quelques agents du parc et de l'Office national des forêts. Hommes de terrain, le policier de l'environnement Anthony, et les veilleurs des sentiers Grégoire et Nicolas, ont bien noté une hausse de la fréquentation à certains endroits du parc. Mais pour eux, le problème est plutôt que le public a changé. Les randonneurs chevronnés ont laissé la place à des «néopratiquants» qui ont une «vision idyllique de la nature» et ne connaissent ni les codes de la montagne ni la fragilité des écosystèmes alpins. Ils veulent «une nature Côte d'Azur, retrouver le même confort qu'à la maison, expose Anthony. Ils sont rarement équipés pour la nuit ou le froid alors que le temps change très rapidement et que cela peut être dangereux.» Rando silencieuse Certains viennent en crocs, en short, tee-shirt, s'engagent sur des «randonnées avec des enfants ou des personnes handicapées sans même avoir regardé le temps de marche ou ALPESDE HAUTE PROVENCE le dénivelé», jurent Grégoire et Nicolas. Aussitôt dit, aussitôt observé. Lundi matin, un groupe de retraités montent à la cime du col de la Bonnette. «Dudu y est allé en claquettes !» se marrent-ils. Le fameux «Dudu» redescend quelques minutes plus tard, penaud et le genou égratigné : «J'ai pris une bonne gamelle. C'est sûr que c'était pas malin.» Un comportement dont les conséquences sont moindres sur l'environnement. En revanche, certains «méfaits», comme promener son chien, laisser ses déchets, faire du feu, bivouaquer hors zone autorisée, laver sa vaisselle dans les lacs ou encore écouter de la musique sur une enceinte perturbent lourdement la faune et la flore. Des actions interdites observées par au col de la Bonette et au lac d'Allos – cependant, la majorité des promeneurs était plus ou moins consciente des gestes à adopter en haute montagne et qualifiait de «bon sens» les règles de protection du vivant. «Les pires viennent de la côte. Partout, ils se sentent les rois, font ce qu'ils veulent», estime Nicolas, lui-même Niçois. Le parc national n'est qu'à une heure trente de la ville en voiture. VAR 10 Aussi, depuis deux ou trois ans, le parc du Mercantour met les bouchées doubles sur la communication. L'accès aux informations est renforcé sur les points surfréquentés, des portions de sentiers prônent désormais la randonnée silencieuse et un tout nouveau capteur intelligent doit être installé à la Gorde- lasque, autre lieu d'intérêt, pour contrôler la fréquentation. Des projets de réaménagement de parking et de «porte d'entrée» symbolique dans le parc, afin d'alerter les visiteurs de leur arrivée dans «un endroit ITALIE Parc du Mercantour ALPES MARITIMES Nice Mer Méditerranée exceptionnel», sont en cours de réflexion. Les efforts vont en parallèle se concentrer sur les motards et les conducteurs de voitures sportives. Ceux-ci sont souvent «trop bruyants», «trop rapides» et, parfois, fauchent les marmottes qui se faufilent sur le bitume. «Rien qu'hier [dimanche, ndlr], trois ont été tamponnées», déplore Anthony. «Moi d'habitude j'ai plein de copines marmottes, de copines biches, regrette Joëlle Teste, photographe professionnelle du col de la Bonette. Mais là, avec le Tour de France, elles se cachent.» Enfin, comme d'autres parcs nationaux, le Mercantour va lancer une étude sociologique sur ce nouveau public. «L'enjeu est de le capter, parce qu'il ne vient pas naturellement vers nous, et de le sensibiliser. Comment continuer à l'inciter à profiter de la nature tout en préservant la biodiversité ? C'est le fameux curseur entre accessibilité et protection que l'on doit trouver», déroule Emmanuel Gastaud. Preuve que la question préoccupe au-delà du Mercantour, un projet européen Biodiv' Tour Alps, lancé en 2021, soutient financièrement les parcs nationaux alpins dans leur mission de protection et de verdissement de leurs activités touristiques. Un enjeu de taille, car la situation risque d'aller en s'aggravant, analyse Rémy Knafou, expert du tourisme durable. «On a besoin de vivre» De fait, la population mondiale ainsi que le tourisme vert et local progressent tandis que les milieux montagneux subissent les effets du changement climatique. Tout cela résulte d'une diminution drastique du territoire des bouquetins des Alpes, lagopèdes et autres gypaètes barbus. «Il y a une contradiction fondamentale lorsqu'on parle de parc national : on veut protéger un lieu, mais le fait de les classer fait venir les gens, rappelle Rémy Knafou. Ceux qui créent ces périmètres à protéger savent très bien que ça va entraîner un développement du tourisme. Pourtant, l'objectif premier des parcs nationaux, avant la mise à disposition du public, c'est la conservation de l'espace.» A l'heure actuelle, personne n'a trouvé la solution adéquate pour concilier retombées économiques et épanouissement du vivant. «Pour qu'il n'y ait pas d'impact sur la biodiversité, il ne faudrait rien faire du tout. Mais ce n'est pas comme ça que le monde fonctionne, nous, on a besoin de vivre», défend Jacques Fortoul, maire de Jausiers, commune située dans le Mercantour. Côté parcs nationaux, on se demande encore comment réagir à ce nouveau genre de touristes. Faut-il les concentrer sur certaines zones, quitte à les sacrifier pour épargner les autres étendues, ou faut-il les séparer et ainsi répartir les impacts environnementaux ? Si le flou demeure à ce sujet, la sensibilisation semble quand même porter quelques fruits. Au col de la Bonette, lundi, Ludivine est en pleine lecture du panneau d'informations. L'infirmière de 45 ans et sa famille viennent chaque année pour admirer ces paysages «magnifiques qui changent tout le temps». Notamment le col de la Cayolle, plus au sud, «royaume des marmottes». Avant, admet-elle, elle adorait s'approcher de ces «adorables» rongeurs au poil brun, et poussait même ses enfants à les caresser – «j'ai plein de photos», nous montre-t-elle. Des gestes nuisibles à la survie des marmottes, qui attendaient auprès des touristes pour se nourrir. Depuis, une zone de quiétude a été mise en place pour éviter ce genre de comportements. «A posteriori, je comprends. Maintenant je dis aux enfants, ne criez pas, on est chez elles», sourit la mère de famille.• «Pour qu'il n'y ait pas d'impact sur la biodiversité, il ne faudrait rien faire du tout. Mais nous, on a besoin de vivre.» Jacques Fortoul maire de Jausiers (Alpes-Maritimes). **** *source_La_Tribune_(France) *date_2025-03-13 *am_2025-03 *annee_2025 Surtourisme : l'analyse des données et l'IA au services des communes rurales La commune iséroise de Lans-en-Vercors veut lutter contre la sur-fréquentation touristique et les incivilités au départ de l'un de ses chemins de randonnée, au moyen d'un QR code informant en temps réel ses visiteurs du taux d'occupation de son parking. Le dispositif, basé sur l'IA, séduirait de plus en plus de collectivités. Pour en finir avec la saturation de son parking et les plaintes des riverains, la commune iséroise de Lans-en-Vercors a tenté la manière forte, avec la distribution de procès verbaux... et teste également un dispositif de sensibilisation. Depuis début février, les visiteurs qui souhaitent grimper aux circuits de randonnée du plateau panoramique de la Molière ont accès à un nouvel outil : l'affichage de deux QR codes, situés au pied de la petite route d'accès, leur permettant de savoir si le parking des Egauds est saturé ou non. Car il y a tout juste un an, en février 2024, près de 200 automobilistes avaient stationné de façon anarchique, empêchant les riverains de sortir de chez eux. Un phénomène devenu un irritant dans cette petite commune de 2.800 habitants, dont la fréquentation peut facilement doubler lors des périodes touristiques, été comme hiver. « Il s'agit d'un parking au départ d'une randonnée très prisée, qui ne peut pas accueillir plus de 30 voitures et qui n'est pas extensible. Or, les automobilistes franchissent les quatre kilomètres de route départementale ont tendance à stationner coûte que coûte, bloquant ainsi les accès des riverains, d'une ferme, des secours et même d'un réservoir d'eau potable », grince Michaël Kraemer, le maire de Lans-en-Vercors. Lutter contre les incivilités C'est donc en premier lieu pour « lutter contre les incivilités » et « faire de la pédagogie » que sa commune a opté pour l'installation de caméras munies de capteurs qui, reliées à une antenne 3G, envoient des données qui sont ensuite traitées avec de l'intelligence artificielle. « Nous avons mis en place un second QR code qui renvoie à des idées de randonnées alternatives à proximité, en cas de saturation ». Coût de cette mesure : près de 5.000 euros, financés pour moitié par la commune et par le Département de l'Isère. « Il s'agit du deuxième volet d'une expérimentation commencée il y a six mois sur l'espace naturel sensible (ENS) du plateau de Molière-Sornin, qui est l'un des plus grands ENS de l'Isère, et où nous avions l'enjeu de mieux qualifier et quantifier la fréquentation sur un secteur pouvant engendrer des conflits d'usages », ajoute Nathalie Lecrivain, chargée de mission au Parc naturel régional du Vercors. Celle-ci constate que depuis la mise en place de ces QR code, le trafic de la page internet a grimpé de quelques clics à une centaine de consultations par jour, tandis que la saturation tend à diminuer : « Nous observions, au début du mois de février, des pics de saturation à 170% du parking des Egauds, alors que ces seuils n'ont pas été atteints pendant la période de vacances scolaires ». Chaque année, ce sont en effet près de 100.000 visiteurs qui gravitent sur ce secteur. Cette expérimentation sera donc regardée de près : « Rien que sur le Nord du Vercors, nous avons beaucoup de sites au départ de randonnées connues qui font face aux mêmes problématiques », illustre-t-elle. Le maire assume quant à lui de tester une nouvelle voie : « aujourd'hui, les collectivités locales font face à des enjeux financiers, ce qui nous conduit à innover pour répondre aux problématiques rencontrées par les riverains », admet Michaël Kraemer, rappelant que l'installation d'un panneau lumineux en plein coeur d'un espace naturel sensible n'était pas envisageable. Une problématique que connaît bien la start-up francilienne Affluences qui a installé ces caméras : depuis le Covid, la demande des collectivités rurales et des parcs naturels a grimpé, à mesure que les visiteurs se sont rués vers les activités outdoor. Une alternative aux « quotas » Créée en 2014, la jeune pousse francilienne de 50 salariés s'est spécialisée dans la fourniture de solutions de comptage utilisant de l'IA, en commençant par le milieu universitaire et les sites culturels, avant de se tourner vers le milieu outdoor, qui représente désormais près d'un tiers de son activité et tire désormais la demande, aux côtés du secteur des transports. « Nous avons commencé à proposer des solutions en autonomie, lorsqu'il n'existe ni alimentation électrique, ni connexion mobile car si l'on souhaite éviter de devoir mettre en place des quotas sur un site naturel, la première mesure la moins contraignante réside dans la mesure de l'affluence », ajoute Paul Bouzol, pdg d'Affluences. Avec un parti pris : opter pour une information quantifiée, qui laisse aux visiteurs la latitude de reporter ou non leur visite, en fonction de leur propre sensibilité aux pics de fréquentations. C'est ainsi qu'elle a équipé des sites comme la station de ski du Semnoz, près d'Annecy, où ses capteurs permettent aux skieurs de connaître les taux de remplissage des différents parkings en temps réel depuis décembre dernier. Ou encore le site naturel haut-savoyard du Cirque du Fer-à-Cheval, dans la vallée du Giffre, où l'office de tourisme, la communauté de communes et le syndicat mixte du grand site s'étaient positionnés en précurseur dès 2021 afin de ne pas revivre les « pics » de l'été 2020. « On ne souhaite plus voir de stationnement anarchique, de gens mécontents ou d'incivilités. Cette attractivité, il faut arriver à la maîtriser », affirmait, lors du lancement de ce nouveau dispositif, le vice-président de la communauté de communes en charge de la promotion du tourisme, Martin Girat. Le site, qui accueillait en temps normal 400 véhicules par jour, pouvait voir sa fréquentation multipliée par trois. A ce jour, Affluences serait encore le seul acteur français face au géant Google, qui propose quant à lui une fonctionnalité gratuite, basée sur une estimation des signaux envoyés par les smartphones qui bornent à proximité d'un site d'intérêt. « Mais cette fonction est loin d'être aussi précise que la nôtre, et ne permet pas forcément aux visiteurs de changer de comportement, ni aux collectivités ou gestionnaires de suivre leurs flux », défend Paul Bouzol. Bien que la start-up reste discrète sur les chiffres, elle enregistrerait près de 13 millions de consultations chaque mois, et travaillerait déjà à développer une fonction de prédiction sur une échelle de plusieurs mois, toujours en se basant sur des modélisations issues de l'IA. **** *source_Les_Echos *date_2024-08-08 *am_2024-08 *annee_2024 LES NOUVEAUX SPOTS DU SURTOURISME (4/5) La croissance démesurée de Malaga irrite ses habitants En quelques années, Malaga s'est imposée comme l'une des destinations phares en Espagne, alliant plages, vie nocturne et musées. « Malaga pour vivre, pas pour survivre ». Sur les banderoles en tête de cortège, manifestation après manifestation, les habitants de la ville andalouse, au sud de l'Espagne, clament leur colère. Depuis le printemps dernier, ils multiplient les protestations contre le surtourisme et l'invasion des groupes qui serpentent, en suivant le parapluie de leurs guides dans les rues piétonnières. Selon les derniers recensements, les locations saisonnières représentent un quart des offres dans le quartier du centre historique et expulsent implacablement les populations locales. Des autocollants plaqués à l'entrée des immeubles avertissent le visiteur : « Avant ici c'était ma maison », « Allez-vous faire voir loin d'ici » ou encore, plus lapidaire : « Ça pue le touriste ». La colère monte. Il faut dire que Malaga, 570.000 habitants, attire une part croissante des visiteurs internationaux qui arrivent en Espagne : ils ont été 1,5 million, en 2023 soit 16 % de plus que l'année précédente, sans compter les escales de bateau de croisière et ceux qui passent la journée. « Notre quartier a disparu, il n'y a plus de commerces de proximité, l'espace public est envahi par des terrasses, on ne peut plus fermer l'oeil, entre les bars et les boîtes de nuit, raconte Monica Reino, de l'association des habitants du centre ancien, très mobilisée contre le bruit. Nous avons réclamé à la mairie une cohabitation intelligente des activités mais c'est le chaos total, jour et nuit. Et depuis la pandémie c'est pire encore. » La ville est débordée par son succès. Elle a été propulsée destination star du sud de l'Espagne, en faisant valoir à la fois son ensoleillement toute l'année, des plages de sable blanc, de bonnes connexions aériennes, le rythme de vie andalou, et son cachet de ville natale de Picasso qui permet d'ouvrir l'éventail d'un large choix de musées. A l'écart des grands circuits touristiques il y a vingt ans à peine, elle figure aujourd'hui parmi les escales obligées des voyageurs européens et américains, aime rappeler Francisco de la Torre, le maire depuis 2000, qui a été le grand artisan de l'émergence de la ville. Stratégie payante Le pari était incertain car, si l'Andalousie regorge de trésors culturels, Malaga semblait au départ plutôt mal lotie. Séville avait l'Alcazar, Grenade avait l'Alhambra et Cordoue avait la grande mosquée-cathédrale. Et à Malaga ? Rien de comparable. Qu'à cela ne tienne, faute de pouvoir se fabriquer un patrimoine historique, le maire a décidé de miser sur le tourisme de croisière. En parallèle à l'aménagement du port, il avait l'idée de s'appuyer sur le développement d'une offre de musées pour occuper les voyageurs en escale. Et il s'est battu pour décrocher des franchises d'institutions culturelles de prestige. Comme l'antenne du Centre Pompidou, sur les quais, et celle du musée russe de Saint-Pétersbourg toutes deux inaugurées en 2015, ou encore le musée Carmen Thyssen, sans compter le très riche circuit Picasso, entre sa maison natale et la collection offerte par sa belle-fille Christine et son petit-fils Bernard Ruiz-Picasso. Ainsi qu'une flopée de musées en tous genres, de la voiture ancienne au vin, en passant par la verrerie ou le jeu vidéo, entre autres. Soit près d'une quarantaine de lieux au total. « Tapage permanent » De quoi chambouler l'image de la ville provinciale. « Avant, les touristes qui débarquaient à l'aéroport n'avaient qu'une envie, partir vers Marbella et les stations balnéaires de la Costa del Sol, nous avons réussi à les attirer et les retenir », raconte le maire, en rappelant l'époque des ruelles obscures et peu rassurantes. Plus d'une centaine de bateaux de croisière se sont amarrés au port depuis avril et aux alentours de 150.000 passagers sont descendus à quai pour découvrir le centre-ville. Les habitants, eux, suffoquent sous les flots de visiteurs en observant la mutation de leur quartier, où les commerces de proximité ont disparu. « Avant, il y avait des vacanciers en été surtout, aujourd'hui c'est tout le temps. Depuis qu'il est piétonnier, le centre ancien est devenu le lieu de montage d'événements, explique Monica Reino, la porte-parole des habitants du quartier. Cela n'arrête pas, entre les célébrations sportives, les processions de la semaine sainte, les opérations commerciales, les courses au profit d'ONG etc. Toute l'année, nous sommes dans le tapage permanent. » Jusqu'ici, les mobilisations n'ont pas été prises au sérieux. « Quand nous avons des réunions avec la mairie, on nous glisse que le plus raisonnable pour nous serait de partir vivre ailleurs », raconte-t-elle avant de conclure avec amertume : « Dire que les touristes viennent visiter les musées, c'est de l'hypocrisie. Ce qui les intéresse, ce sont les discothèques et la bière qui coule à flots. » Aux yeux de l'architecte et urbaniste Fernando Ramos, du cabinet Sinarquitectura, la nouvelle façade culturelle de la ville est un mirage. « C'est une stratégie destinée uniquement à servir les intérêts de l'industrie touristique, tout l'espace urbain est au service d'une seule industrie, dit-il, en décrivant « la mercantilisation de la cité ». « Une ville inventée s'est substituée à la ville réelle, les commerces sont tous orientés vers le visiteur de passage. Elle n'est plus faite pour y vivre et c'est contre cela que les habitants protestent, les tissus relationnels s'effacent, ils se sentent poussés dehors. » L'architecte porte un oeil critique sur la grande transformation de Malaga : s'il s'agissait d'attirer le plus de bateaux de croisières possibles, c'est réussi, mais ce mouvement n'a pas enrichi ni stimulé la ville. « Pour l'instant, nous sommes surtout dans la spirale d'un formidable boom immobilier grâce à l'effet Airbnb, constate-t-il. Cela n'a pas servi à l'impulsion de nouvelles activités, et les emplois créés sont précaires, liés à des activités peu qualifiées. » Il n'y a en effet pas eu d'ébullition créative notable ni de circuit de galeries mettant en valeur les jeunes artistes locaux. Et la nouvelle Californie qui allait séduire les nomades numériques et les start-up dans ses pôles technologiques n'a toujours pas fait ses preuves, selon lui. Cécile Thibaud. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2024-05-11 *am_2024-05 *annee_2024 Franche-Comté Du rhum sous terre Le gouffre Franche-Comté Du rhum sous terre Le gouffre de Poudrey, à Étalans (Doubs), accueille depuis un an du rhum de Trinité-et-Tobago. Trois fûts ont été déposés à 70 m de profondeur avec une température de 7 °C et une humidité de 90 %. Des données qui devraient permettre un échange complexe entre le bois utilisé et l'alcool. Ils seront remontés début juin et mis en vente dans la foulée. Bretagne Engagement payant La région Bretagne veut encourager l'engagement associatif en offrant 1 000 bons d'achat pour se déplacer sur le réseau TER BreizhGo vers toutes les destinations en Bretagne. L'offre est réservée aux 1 000 premiers candidats nouvellement élus dans une association, à partir de 16 ans, qui en feront la demande sur Bretagne.bzh/aides. Centre - Val de Loire Au sport, les jeunes ! L'esprit des Jeux olympiques souffle à Orléans (Loiret). La capitale du Centre - Val de Loire organise ses propres olympiades, du 21 mai au 20 juin, dans ses écoles primaires afin de donner envie aux plus jeunes de pratiquer régulièrement une activité physique. Une cérémonie de clôture est programmée le 20 juin au CO'Met, réunissant plus de 4 000 élèves. Corse Danger en montagne Le parc naturel régional de Corse lance un appel à la prudence. Il est fortement déconseillé aux marcheurs de s'élancer sur le GR20 jusqu'à dimanche soir. Des fortes chutes de neige et des crues sont attendues au-dessus des 2 000 m d'altitude. Une campagne de prévention a été diffusée sur les réseaux sociaux et les sites spécialisés de randonnée. Grand-Est Contre le surtourisme Pour lutter contre le surtourisme en période de marché de Noël, la commune de Riquewihr (Haut-Rhin) va instaurer un forfait de 100 € par jour pour les stationnements de cars de tourisme sans réservation les week-ends, et 70 € avec réservation. Des agents municipaux seront postés aux entrées de la commune pour faire respecter cette taxe. Hauts-de-France Gigafactory en vue Spécialisée dans les batteries sodium-ion, l'entreprise Tiamat va construire sa gigafactory à partir d'octobre sur la commune de Boves (Somme). La production de 25 000 batteries par jour, notamment pour l'éolien ou les data centers, devrait démarrer en 2026 avec 350 salariés dans un premier temps et près de 2 000 vers 2030. Normandie Escale à Fécamp Jusqu'à ce dimanche, le port de Fécamp (Seine-Maritime) accueille le festival Grand'Escale, une fête de la mer avec de nombreux voiliers et navires traditionnels. Temps forts de ce week-end, le défilé des équipages le samedi après-midi accompagné en musique par le Bagad de Lann-Bihoué, et la grande parade des bateaux le dimanche après-midi. Occitanie 8 000 poules à adopter En collaboration notamment avec l'association Champs libres aux poules, le magasin Animalis Toulouse Portet (Haute-Garonne) organise une adoption responsable de poules pondeuses bios (vendues 4 €). Destinées à l'abattoir à partir de 18 mois, elles pourront ainsi avoir une vie plus longue. D'autres journées sont prévues pour sauver un total de 8 000 poules. Pays de la Loire Rave et cauchemar Plus de 6 500 personnes participent, depuis mercredi, et jusqu'à ce dimanche, à une rave-party, à Parnay, au sud de Saumur (Maine-et-Loire), malgré une interdiction préfectorale. Les teufeurs occupent un terrain privé où les pompiers ont monté un poste médical et où 60 gendarmes multiplient les contrôles. Le son se fait entendre à des kilomètres à la ronde. **** *source_Les_Echos *date_2024-08-09 *am_2024-08 *annee_2024 LES NOUVEAUX SPOTS DU SURTOURISME (5/5) Lac Tahoe : un joyau américain submergé par les touristes Situé à la frontière entre la Californie et le Nevada, le lac est un lieu très prisé des habitants de la baie de San Francisco et de bien d'autres.Confrontés à un afflux de touristes encore plus important depuis la pandémie, pouvoirs locaux et ONG tentent de préserver cet endroit exceptionnel. Dans « A la dure », Mark Twain raconte son voyage dans l'ouest des Etats-Unis. Parti à l'aventure avec quelques amis, il décrit sa surprise en découvrant le lac Tahoe. « Le Lac surgit devant nous - un magnifique drap d'eau bleu, élevé à 6.300 pieds au-dessus du niveau de la mer et encerclé de montagnes enneigées s'élevant de toute leur hauteur, jusqu'à trois mille pieds plus haut ! […] Pendant qu'il reposait, avec l'ombre des montagnes imprimée sur sa surface tranquille, je me disais que c'était sans doute l'image la plus belle que la Terre puisse offrir. » Les voyageurs qui arrivent au lac Tahoe aujourd'hui n'ont pas tout à fait la même expérience que le grand écrivain américain. Le site est toujours exceptionnel, avec ses montagnes imposantes, couvertes de forêts de conifères, et ses plages aux eaux turquoise. Mais la région fait face à un afflux de visiteurs - 15 millions par an environ - qui menace son fragile équilibre. La situation est devenue particulièrement intolérable depuis la pandémie, explique Darcie Goodman Collins, la directrice de l'ONG Keep Tahoe Blue : « Lorsque la pandémie a commencé, il y a eu deux mois pendant lesquels plus personne n'avait le droit d'aller nulle part. C'était bien. Et puis tout le monde a débarqué ici. » Le lac marque la frontière entre la Californie et le Nevada. La réouverture des casinos dans l'Etat républicain a attiré les touristes, tandis que les travailleurs de la tech ont profité du télétravail pour s'installer au vert. Le changement climatique contribue lui aussi à l'afflux de visiteurs. « Le lac Tahoe est tellement populaire, et il continue à gagner en popularité », note Darcie Goodman Collins, en pointant un ancien marais, aujourd'hui recouvert de logements, avec une marina. « Il fait si chaud dans la région alentour que nous sommes devenus un refuge climatique. Les gens viennent ici pour échapper à la chaleur. » La pandémie a aggravé la situation sur les rives du lac Tahoe, entre bouchons à répétition, soirées sur des plages couvertes d'ordures au petit matin, et nuisances pour les riverains. Mais cette crise a au moins incité les pouvoirs publics à chercher des solutions. L'un des défis pour la gouvernance du lac est que ce dernier se partage entre deux Etats, cinq comtés, et une demi-douzaine de municipalités. « Le conseil de gestion est né pendant le Covid », raconte Ryn Muat de Visit Lake Tahoe, un office du tourisme. « Notre PDG recevait tous les coups de fil et elle a eu l'idée de créer ce forum, qui a continué à se réunir depuis. » Celui-ci rassemble dix-sept organisations, qui comporte pouvoirs publics, représentants des indiens Washoe, agences de tourisme, stations de ski et associations. Depuis la pandémie, il a développé plusieurs initiatives, dont Lake Link, un service de bus qui vient chercher touristes et locaux pour les conduire gratuitement à leur destination. Cette solution, populaire auprès des résidents, pourrait permettre de réduire l'affluence de véhicules sur les routes. L'une des principales sources de pollution, selon Keep Tahoe Blue, est la poussière soulevée par les roues des voitures, qui noircit la neige, et finit dans le lac, notamment au printemps. Les ONG locales vantent aussi les efforts qui ont été faits pour nettoyer les plages. Cette catastrophe écologique, qui n'est pas nouvelle, s'est aggravée pendant la pandémie. Le 5 juillet 2022, au lendemain de la fête nationale américaine, des volontaires ont ramassé l'equivalent de 3,6 tonnes de déchets sur les plages. Colin West, directeur de l'ONG Clean Up the Lake, nuance ce constat. Il a plongé des dizaines de fois dans les eaux bleues du lac Tahoe pour en retirer des déchets. « Nous trouvons des ordures qui datent des cinquante dernières années, mais surtout des années 1970 à 1990. Dans les années 2000, les gens ont commencé à prendre conscience du problème », assure le trentenaire. Ce qui ne veut pas dire qu'il est réglé pour autant. « Cette année, nous avons mis plein de panneaux avant le 4 juillet », note Ryn Muat. Les services forestiers ont ajouté des poubelles, et la police s'est mobilisée pour faire respecter l'interdiction de boire sur les plages. Grâce à tous ces efforts, nous avons eu moins du quart de la masse de déchets collectés l'année dernière. » Danger sur les routes Pour les habitants de la région, ces efforts ne suffisent pas. Colton, qui travaille dans un café à la frontière entre la Californie et le Nevada, est exaspéré par le comportement des visiteurs : « Les touristes ont tendance à éteindre leur cerveau quand ils sont en vacances. Ils peuvent être dangereux sur les routes. Il y en a qui ne regardent pas la route parce qu'ils sont trop occupés à admirer le lac », peste-t-il. Le barman se plaint aussi du prix des logements, qui a explosé depuis l'arrivée des télétravailleurs pendant la pandémie. « Il y a plein de gens qui viennent ici mais qui ne dépensent pas d'argent. Ils occupent juste de la place et ils balancent leurs ordures sur nos plages », s'emporte-t-il. Il espère néanmoins qu'une taxe sur les logements inoccupés, actuellement en débat, pourrait calmer les prix. Patty, qui habite à Truckee depuis 2020, mentionne de son côté des permis Airbnb délivrés au compte-goutte par la mairie : « C'est important d'éviter qu'il y ait trop de gens qui achètent pour louer » sur la plate-forme, argumente-t-elle, « parce qu'il n'y a pas assez de logements pour les personnes qui travaillent dans le secteur du tourisme. » En revanche, elle n'est pas convaincue par le projet de taxe sur les résidences secondaires. « Tahoe est un endroit incroyablement beau, nous ne voulons pas le garder pour nous tout seuls », conclut-elle. « Nous voulons le partager avec les touristes, qui sont une source de travail et de revenus pour la région. Mais c'est important de limiter les nuisances. » Hortense Goulard. **** *source_Le_Figaro *date_2024-03-14 *am_2024-03 *annee_2024 Histoire Avant le tourisme de masse Avec le « surtourisme » , voyager est devenu aujourd'hui la nouvelle aliénation des masses transformées, comme disent les Vénitiens, en « damnés de l'art ». Avec ces files interminables, le périple touristique s'est transformé en une forme exotique du métro à 5 heures du soir. La « dromomanie » , comme les médecins psychiatres de la fin du XIXe siècle définissaient la folie de ceux qui cherchaient à voyager toutes les fins de semaine, incapables de rester chez eux, s'est transformée en petite tragédie dont les victimes sont encore consentantes. Mais pour combien de temps ? Cette évolution est ancienne. C'est le XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, qui marque la transition entre le voyage classique, lent, érudit, et cette forme encore balbutiante de « tourisme » frénétique dont le mot apparaît bien avant Stendhal. Il est tiré du fameux « Grand Tour » , expression inventée en 1670 par l'Anglais Richard Lassels, que Louis Simond traduit par « tourisme » en 1816 - soit vingt-deux ans avant les Mémoires d'un touriste de Stendhal - dans son Voyage d'un Français en Angleterre . Le comte Visconti représente, nous dit l'historien Gilles Montègre, dans cet essai très documenté, ce prototype du touriste moderne, pressé, dilettante, désireux de tout effleurer sans rien approfondir. Une ouverture sur le monde Le voyageur classique du XVIIIe siècle, nous explique Montègre, recherchait, lui, deux sensations complémentaires. Il concevait son voyage d'abord comme une formation, destinée soit à façonner son goût en le frottant aux splendeurs de l'Italie, soit à le préparer aux leçons de la liberté, en se rendant en Angleterre ou en Hollande ; ce qui fut le cas de Montesquieu, qui avait accompli les deux périples, en Italie et à Londres. Mais le voyage pouvait avoir un autre but, celui de l'exploration destinée à découvrir, comme Bougainville, de nouvelles civilisations. Car le siècle de Voltaire est une ouverture sur le monde et offre l'apprentissage de la différence, cette « incessante mise à l'épreuve de soi par l'autre et de l'autre par soi » , comme le disait Merleau-Ponty, que les Lumières européennes ont été les premières à offrir à l'esprit humain. Montègre rappelle, après Antoine Lilti, qu'une mauvaise littérature postcoloniale confond l'esprit des Lumières avec le colonialisme des États européens du XIX siècle, qui est davantage le fruit du scientisme et des illusions « universalistes » républicaines (même si l'effroyable commerce triangulaire existait déjà). Le principal intérêt du livre de Gilles Montègre, qui suit avec précision les tribulations de François-de-Paule Latapie, un proche de Montesquieu, est de nous faire pénétrer dans toutes les coulisses du voyage au XVIIIe siècle. Cabaretiers, voituriers, guides avides ou incompétents, cicérones sans scrupule, mais aussi « maîtres de langue » , consuls et diplomates, femmes savantes, etc., toute une société du voyage, pas toujours aristocratique, s'est constituée un peu partout en Europe et entretient ce goût pour l'esprit nomade. Les périples sont alors fort lents, en moyenne quelques kilomètres par jour, ce qui favorise cette « culture du voyage ». Le goût pour l'exotisme et le bon sauvage est fréquent en ce XVIIIe siècle, mais les esprits de l'époque restent, au fond, moins naïfs que nous. Les « voyages de l'extrême » ou les rêves écologistes du « retour aux sources » n'ont pas bonne presse, car le siècle des Lumières reste malgré tout le siècle de la civilité. Latapie note ainsi, à propos de la Corse, que, si les habitants de cette île conservent encore « leur caractère original et sauvage » , cela n'en fait pas un lieu très agréable, n'en déplaise à Rousseau. « Car malgré les portraits séduisants que des écrivains éloquents mais trop amis des paradoxes nous ont présentés de la vie sauvage, il est peu de gens sensés qui (...) ne jugent (...) que ce ne soit à la société seule que nous devons le plus haut point de perfection. » Et, finalement, après avoir aimé se frotter à divers peuples, le voyageur comme Latapie en arrive à cette conclusion, qui est bien dans l'esprit de Sénèque, que « voyager n'est pas guérir son âme » . Et Latapie d'ajouter : « C'est une des grandes ressources que la nature s'est procurée que cet attachement des hommes à leur patrie et aux lieux auxquels ils ont passé leur enfance. Il est très heureux que les Lapons n'aiment que leurs neiges et les Écossais leurs montagnes. » Au fond, le voyageur des Lumières pourrait faire sien le paradoxe profond de l'incipit de Tristes tropiques : « Je hais les voyages et les explorateurs. » Voyager en Europe au temps des Lumières De Gilles Montègre, Tallandier, 655 p., 26,90 euros. **** *source_Le_Figaro *date_2024-06-24 *am_2024-06 *annee_2024 Le défi migratoire de Malte Tout a commencé à l'hiver 60 de notre ère par une terrible tempête entre la Crète et Malte. Poursuivi par les Romains pour être jugé, saint Paul fait naufrage à Malte, selon les Actes des apôtres. Paul et ses compagnons sont accueillis et sauvés par les habitants de l'île. De cette aventure naîtra la réputation des Maltais d'être un peuple pétri d'humanité envers les étrangers. Près de deux mille ans plus tard, le plus petit des États de l'Union européenne, 316 km2, soit trois fois la superficie de Paris intra-muros, est à nouveau soumis au défi de l'acceptation de l'autre. Les étrangers étaient environ 12 000 en 2004, lors de l'entrée de Malte dans l'UE. Ils sont aujourd'hui plus de 140 000, sur une population de 542 000 habitants (2022). La jeune République maltaise accepte un ailleurs hétéroclite : des retraités, des jeunes Européens venus apprendre l'anglais, des télétravailleurs, des personnels hautement qualifiés et une importante main-d'oeuvre issue des pays sous-développés. « Des Indiens, des Pakistanais, des Népalais... Ils viennent de partout. Il y a désormais trop d'immigrants, mais aussi trop de touristes » , confie Nicholas, un retraité maltais. Outre une aide mensuelle de 130 euros, les demandeurs d'asile, eux, reçoivent assez facilement un document valable trois mois, renouvelable. Ce récépissé les autorise à travailler. Nicholas lâche : « Le gouvernement a légiféré pour que les étrangers maîtrisent l'anglais pour avoir le droit d'exercer un métier ici, mais certains migrants ne le connaissent pas. Ils ne peuvent pas lire les mises en garde de sécurité dans le secteur de la construction, et il y a des accidents. » Une vision contestée par les principaux intéressés. « Je suis venu comme réfugié il y a douze ans. J'ai fait quatre années d'études dans un collège de Malte et j'ai obtenu un diplôme de technicien de laboratoire. Mais je n'ai jamais pu exercer ce métier, car les patrons préfèrent employer des Indiens ou des Pakistanais, qu'ils paient au mieux 800 ou 1 000 euros » , confie Mohamed, un Érythréen un brin agacé par cette concurrence de migrants d'autres pays, mais aussi par l'exploitation de la misère par les patrons maltais. Les relations entre les communautés ethniques venues de pays du tiers-monde sont tout sauf harmonieuses. « C'est la guerre des pauvres. Les Indiens contre les Philippins. Les Philippins contre les Pakistanais. Ils se battent pour le même bout de pain » , raconte Régine Nguini, journaliste et directrice de l'African Media Association, à La Valette. Selon cette Malto-Camerounaise, les choses sont claires : « Les Maltais n'aiment pas les Africains. Leur racisme est très décomplexé envers nous. C'est toujours la même rengaine. Ils veulent une immigration blanche, alors qu'eux-mêmes ne sont pas vraiment blancs » , dit-elle en souriant. Et la journaliste déplore : « Il y a là une grande hypocrisie. Malte est un pays de tourisme. Il y a deux millions de touristes l'été. Les Maltais ne veulent pas travailler dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration ou du bâtiment. Ce sont les migrants qui effectuent ces travaux, alors que le pays reçoit toujours plus de voyageurs chaque année et ne pourrait pas fonctionner sans ces personnels. » Dans tous les grands centres de l'île, de La Valette à Marsaxlokk, les serveurs et les cuisiniers sont presque tous issus du sous-continent indien, parfois de Serbie et de Bulgarie. Sur leurs rapports avec les Maltais, les immigrants qui ne sont pas blancs esquissent des réponses embarrassées, lorsqu'ils n'évitent pas carrément de répondre. Le salaire minimum dans le micro-État est de 213 euros par semaine, pour ceux qui sont déclarés. Le département des Relations industrielles et de l'Emploi souligne que « la durée normale du travail est basée sur 40 heures par semaine. Dans certains cas, la durée normale du travail peut être plus longue, mais sans dépasser une moyenne de 48 heures ». Régine s'indigne : « Les contrats de travail sont liés à une entreprise. Si le travailleur étranger ne fait pas l'affaire, il est licencié et il n'a que dix jours pour trouver un autre travail. Il est ensuite dans l'illégalité » , et doit restituer sa carte de séjour. Mario, employé à l'aéroport de Malte, assure adorer les travailleurs européens, mais il assume d'avoir une image très négative des demandeurs d'asile et des migrants ; une posture assez symbolique de certaines classes pauvres et moyennes maltaises. « Il y a dix à quinze ans, nous avons eu les migrants africains. Ils venaient de leurs pays dans des conditions épouvantables, les pauvres. Aujourd'hui, ce sont les Indiens et les Pakistanais. Ils ne sont pas intégrés. Ils ne parlent pas maltais. Dans les hôpitaux, par exemple, bien des Maltais comme ma mère ne comprennent pas les infirmières philippines qui leur parlent en anglais. » Mario ne cache plus sa colère : « Cette main-d'oeuvre travaille pour une misère. Les conséquences sont catastrophiques pour les Maltais. Les salaires n'augmentent pas. Les patrons nous disent que si nous ne sommes pas contents, ils embaucheront un Pakistanais. Les loyers, eux, s'envolent, car les migrants partagent un appartement à six ou sept en payant 300 euros chacun. » Si les classes populaires se défient des migrants, c'est l'inverse parmi les plus aisés. « La ligne éditoriale de pratiquement tous les médias s'insurge, à contre-courant des sentiments xénophobes d'une grande partie de la population maltaise » , note le journaliste maltais Mark Micalleff, dans une étude sur le traitement médiatique du phénomène des migrants à Malte. L'humanité des élites, qui ne se traduit pas au quotidien par une amélioration des conditions de travail des immigrés pauvres, se mêle à un intérêt purement pécuniaire pour la classe patronale. « Tout le monde trouve son compte dans cette situation » , estime Frédéric (dont le prénom a été changé à sa demande). Ce cadre supérieur franco-maltais d'une école de langue française n'en reconnaît pas moins que « les Maltais sont un peu filous ». Une étude de la Commission européenne, abondamment reprise dans les médias locaux, note que si la croissance économique du petit pays a été exceptionnelle ces dernières années, cela n'a pas été le cas pour les salaires. « La croissance du PIB de Malte est impressionnante. La croissance du PIB par habitant ne l'est pas » , a relaté le journal Malta Today à la mi-mai. Le journaliste Mark Saïd, du Malta Independent , livre cette analyse dans un article : « Étant donné que la plupart des migrants irréguliers n'ont pas accès aux prestations sociales, il est probable qu'une forte proportion d'entre eux travaille pour survivre, ce qui suggère qu'ils peuvent avoir un impact significatif sur l'économie grâce à leur contribution au marché du travail. Ces consommateurs génèrent de la croissance économique grâce à leurs dépenses. » Faute de perspectives, Wadjid, un jeune Égyptien, lui, ne voit Malte, où il réside depuis cinq ans, que comme un tremplin. Et l'espoir d'obtenir un passeport maltais pour partir vivre en Grande-Bretagne ou au Canada. Selon la Commission européenne, dans un pays où le chômage n'est que de 3 % et où « le nombre d'arrivées de touristes a augmenté de plus de 26 % dans les deux premiers mois de 2024, le fort afflux de travailleurs stimule la demande intérieure. Après avoir atteint une croissance du PIB de 5,6 % en 2023, l'économie maltaise devrait atteindre un taux de croissance de 4,6 % en 2024 ». Frédéric, le cadre franco-maltais, assure qu'il faut remettre les choses dans leur contexte : « Ancienne colonie britannique et longtemps un pays de forte émigration, Malte n'est indépendante que depuis 1964. Elle a quitté le Commonwealth en 1974, est devenue une république la même année et a rejoint l'UE en 2004, ce qui a eu une influence bénéfique sur Malte. » L'appartenance à l'UE a certes fait bouger les législations du petit paradis fiscal, mais insuffisamment, cependant. « Il n'y avait jusqu'à présent presque aucune norme dans la construction » , explique James Cummings, journaliste au Times of Malta. Plus de 25 travailleurs sont décédés dans ce secteur ces cinq dernières années, faute de réglementation sérieuse. Il a fallu la mort récente d'un jeune travailleur maltais lors de l'effondrement d'un immeuble et l'émoi de l'opinion pour que le gouvernement légifère. Modestement. Et le surtourisme ? « Quel autre choix ont les Maltais ? » , répondent souvent ces derniers. L'île n'a guère plus d'habitants que Toulouse, mais elle a su en vingt ans se spécialiser dans les casinos en ligne - il y en a plus de 300 - et dans la vente de passeports dorés à 1 million d'euros. Plus de 25 % de ces derniers ont été vendus à des Russes, dans un environnement où la corruption fait régulièrement la une des journaux locaux. Pour s'être attaquée à cette ambiance délétère dans les cercles du pouvoir, la journaliste Daphne Carouana Galizia a été assassinée en 2017. « Je ne crois pas que l'ex-premier ministre Joseph Muscat ait donné l'ordre de l'assassinat, il est trop intelligent ; mais deux de ses amis sont proches du commanditaire, Yorgen Fenech (un milliardaire maltais) » , confie une source informée. Celui-ci n'a toujours pas été jugé, sept ans après les faits. Tous les observateurs maltais ou étrangers demeurant dans l'île s'accordent sur un point. La petite nation « ne dispose d'aucune stratégie de développement pour le futur. Certains parlent d'attirer plus de main-d'oeuvre hautement qualifiée » , confie James Cummings. À l'instar de nombreux experts locaux, le journaliste ne croit guère en la possibilité de séduire des profils de haute volée. En l'état actuel des choses, La Valette semble condamnée à poursuivre son modèle actuel de développement du tourisme de masse biberonné par les charters. Dans cette course à la croissance débridée, le risque pour Malte est bien de perdre son identité. Le ministre des Finances, Clyde Carouana, a indiqué en 2023 que la population de la petite île de 27 km de long sur 14 km de large devrait atteindre 800 000 habitants dans quinze ans si le pays veut conserver sa croissance actuelle. La nation méditerranéenne fait donc appel à toujours plus de travailleurs peu qualifiés pour faire progresser sa principale source de croissance... le tourisme. C'est là le piège maltais. Exception faite de quelques villages et lieux patrimoniaux, les villes maltaises ont perdu leur âme au profit de chaînes et de restaurants proposant des saveurs gastronomiques que l'on retrouverait à Little Rock ou à Calgary. Cette dilution de l'identité maltaise est aussi démographique, puisque les Maltais ne constituent plus que 77 % de la population contre 95 % en 2011. Selon l'Office national de la statistique, les étrangers apprennent peu la langue maltaise, et celle-ci est menacée : « Même si le maltais reste la langue prédominante dans tous les groupes d'âge des ressortissants maltais, près d'un quart des moins de 10 ans et 14,7 % des 10 à 19 ans considèrent l'anglais comme leur langue principale dès la petite enfance. » Entre le choix de beaux chiffres de croissance grâce à une immigration riche ou pauvre et celui de garder son identité, le défi pour Malte sera bien de ne pas devenir le nouveau Dubaï de la Méditerranée. L. H. **** *source_Le_Figaro *date_2024-04-13 *am_2024-04 *annee_2024 Entreprises Le plan du Mont-Saint-Michel pour monter en gamme Hormis le cri rauque des goélands, il règne en ce matin de printemps un silence religieux dans l'enceinte de l'abbaye du Mont-Saint-Michel. Seuls quelques touristes japonais ont eu le courage de gravir les marches menant à celle que l'on surnomme « la Merveille » avant que la mer ne l'entoure pour quelques heures. Quelques jours par an, à l'occasion des grandes marées, le rocher retrouve son « caractère maritime » , c'est-à-dire, insulaire. « Les travaux amorcés il y a près de vingt ans ont été couronnées de succès » , s'enthousiasme Thomas Velter, directeur de l'établissement public depuis 2020. Au prix d'une longue et profonde métamorphose (construction d'un barrage antisable, suppression du parking au pied du Mont...) la mer a repris ses droits dans le paysage. Classée deux fois au Patrimoine mondial de l'Unesco, la baie est visitée par trois millions de flâneurs chaque année, ce qui en fait le site touristique le plus couru de l'Hexagone en dehors de l'Île-de-France. Le remplacement de la digue-route par une passerelle, accompagné d'un système de navette, n'a pas découragé les touristes hexagonaux. Ils représentent toujours la majorité de la fréquentation totale (60 %), devant les visiteurs étrangers, européens et asiatiques pour la plupart. Si tous ne poussent pas le zèle jusqu'à s'aventurer dans les méandres de l'abbaye gothique, les visiteurs se bousculent dans les ruelles étroites de l'ancien village de pêcheurs. Au risque, parfois, de frôler la saturation, comme lors du dernier week-end de l'Ascension. À cette occasion, le directeur de l'établissement public avait diffusé une photo du mont submergé par la foule, dans l'espoir, souligne-t-il, de susciter « une prise de conscience ». « Le Mont-Saint-Michel n'est pas victime de surtourisme, mais il connaît des pics de fréquentation qui peuvent nuire à l'expérience touristique » , explique Thomas Velter . Pour lisser les flux de voyageurs, les prix des parkings ont été revus à la baisse en hiver. Ils sont désormais gratuits à partir de 18 heures, exception faite des mois de juillet et août. Lors de la dernière saison estivale, l'établissement a expérimenté la réservation obligatoire des places de stationnement pour éviter l'engorgement du site. Mais, à la différence d'un musée, le Mont-Saint-Michel est une localité de plein droit. Une vingtaine d'habitants y réside d'ailleurs à l'année. Pas question, donc, de restreindre l'accès au Mont en instaurant des quotas de visiteurs ou en monétisant l'entrée sur le site. « Nous ne souhaitons pas que la Merveille devienne une destination élitiste, exclusive, où les familles ne seraient plus les bienvenues lors des grands week-ends estivaux » , renchérit le directeur général du groupe La Mère Poulard, Léo Vannier, premier acteur économique du site. Le massif graniteux, qui fait chaque jour le plein aux alentours de midi, ne sera donc pas mis sous cloche. L'omelette de La Mère Poulard facturée 39 euros Fort de ses premiers faits d'armes, de la refonte du service de navette au succès de la soirée organisée à l'occasion du millénaire de l'église abbatiale, l'Epic s'apprête à relever le défi, autrement périlleux, de la montée en gamme du site. Car le Mont peine à se départir de sa réputation d'attrape-touriste. « La qualité de l'offre hôtelière ou commerciale n'est pas toujours au rendez-vous, fustige un expert reconnu du secteur. Certains établissements continuent de surfer sur le « tourisme de cueillette » en proposant des prestations chères et peu satisfaisantes. » Pour déjeuner, les badauds ont le choix entre une poignée de brasseries aux décors vieillissants et des gargotes rudimentaires, dont l'offre se limite bien souvent aux crêpes et au snacking. Il reste bien le restaurant La Mère Poulard et son omelette soufflée, mais les années passant, ce met emblématique, qui a jadis valu une étoile Michelin à l'établissement, n'a plus rien de la légèreté qu'on lui prête : à 39 euros l'omelette, nombreux sont les touristes qui préfèrent opter pour un sandwich tiré du sac. Ou s'attabler dans l'un des restaurants localisés en amont de l'îlot rocheux, dans cette zone hôtelière que les locaux surnomment « la Caserne » . Sur internet, les commentaires ne sont pas tendres avec les institutions culinaires du lieu. Comptez 2,5 étoiles sur TripAdvisor pour le restaurant La Mère Poulard, 1,5 pour Les Terrasses de la Baie. « Cet établissement, qui survit grâce à sa notoriété d'antan, offre une triste représentation de la gastronomie française » , se lamente un déçu de la fameuse omelette. « Cuisine de cantine, hygiène douteuse, accueil frôlant l'irrespect » , commente un autre à propos de son expérience aux Terrasses. Admiré depuis les hauteurs de l'abbaye, le village prend des airs de Monopoly miniature. Trois familles se partagent la longue artère commerçante du Mont et les établissements des alentours. L'Epic ne possède que 20 % du foncier de l'îlot, exception faite de l'abbaye. Difficile, dans ce contexte, de faire bouger les lignes. D'autant qu'avant l'instauration de l'Epic, les frontières entre l'action publique et l'activité commerciale étaient toujours plus ou moins poreuses, puisque tous les maires de la ville, excepté l'édile actuel, étaient également à la tête d'un établissement commercial. En apparence, l'Epic semble avoir rebattu les cartes puisque seul un « opérateur privé » exerçant sur le site est aujourd'hui représenté au sein du conseil d'administration. Il siège aux côtés des collectivités territoriales, des représentants de l'État et du Centre des monuments nationaux. « Je veille à ce que les décisions se prennent en concertation avec toutes les parties prenantes du site » , insiste Thomas Velter. Les familles « montoises » ont beau garder un oeil sur les initiatives prises par l'État, ce dernier compte mettre un coup de pied dans la fourmilière. Le projet d'ouverture d'un nouveau restaurant « haut-de-gamme » dans le logis Sainte-Catherine, propriété de l'Epic, les a brusquées. Ces dernières semaines, le nom de Jean Imbert a circulé : le chef étoilé est pressenti à la tête du futur établissement. Il n'en fallait pas davantage pour que le projet soit taxé d'élitisme et soupçonné de renier le caractère populaire du Mont... « Notre cahier des charges est clair : des menu accessibles à tous, du local et une ouverture en soirée pour inciter les visites nocturnes » , clarifie le directeur. Dans la même veine, une boutique de souvenirs « officielle » devrait voir le jour d'ici la fin d'année. « L'idée est de proposer des produits locaux et de favoriser les savoir-faire du fabriqué en France » , indique l'Epic. À terme, le directeur de l'établissement public n'exclut pas de transformer l'un de ses édifices vacants en hôtel. L'offre « intra-muros » se limite pour l'heure à une vingtaine de chambres, dont aucune n'affiche plus de trois étoiles. « Il faut aller vers un tourisme plus durable, symbole du renouveau du Mont » , défend celui qui s'est initié aux enjeux du tourisme culturel rue de Valois, au sein du cabinet de Franck Riester. « Nous croyons fermement aux vertus de la concurrence sur le marché touristique, à condition bien sûr que cette concurrence soit loyale et que l'État ne prenne aucune mesure favorisant ses points de vente à ceux du privé » , réplique, de son côté, le numéro un du groupe Poulard, premier acteur économique du Mont. Le ton est donné. **** *source_Le_Figaro *date_2023-08-03 *am_2023-08 *annee_2023 Climat, inflation, conflits... la carte du tourisme mondial redessinée TOURISME Un secteur béni des dieux, vraiment ? Réputé pour sa capacité à se relever de toutes les crises, le tourisme mondial subit ces temps-ci une série de mises à l'épreuve. La plus impressionnante a été infligée par les incendies ravageurs sur les îles grecques de Rhodes, Corfou et Eubée. Causant la mort de cinq personnes, ils ont dévasté 50 000 hectares de forêts, décimé la faune et détruits des dizaines de commerces, hôtels, habitations et véhicules. À Rhodes, 30 000 personnes ont été évacuées en urgence, dont nombre de touristes, relogés dans des salles de conférences, écoles, gymnases ou ferries. Les voyagistes ont rapatrié en avion des milliers de visiteurs, tout en supprimant pendant une semaine la desserte de l'île. Ailleurs en Grèce, les touristes, exposés à la canicule la plus longue qu'ait connue le pays (plus de 14 jours consécutifs au-dessus de 40 °C), fuient les sites historiques aux heures les plus chaudes. L'Acropole se retrouve prise d'assaut dès l'aube par des hordes de visiteurs. « Nous avons tellement souffert de la chaleur dans la file d'attente que nous avons renoncé, confie Aude, touriste varoise. C'est très triste mais il était impossible de continuer à attendre dans ces conditions. » Dans la presse hellénique, la question est posée : le réchauffement climatique menace-t-il le secteur du tourisme ? En fait, bon nombre d'acteurs et experts du tourisme se la posent partout dans le monde. Le climat n'est pas la seule épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des tour-opérateurs, hôteliers, restaurateurs, guides et autres marchands de souvenirs. À court comme à long terme, le secteur est aussi menacé par l'inflation, qui a privé de vacances bon nombre d'Européens cet été, et par les conflits locaux ou internationaux qui rendent inaccessibles certaines destinations et empêchent des candidats au voyage de quitter leur pays. La Russie faisait travailler des voyagistes organisant des croisières entre Moscou et Saint-Pétersbourg, des voyages en Sibérie et des séjours sur le lac Baïkal... Une activité qui semble stoppée pour longtemps par la guerre en Ukraine. Plus personne ne part en Syrie, longtemps un pays chéri des organisateurs de circuits culturels... Le Sud algérien, la Libye et l'Afghanistan restent des « no go » zones pour les voyageurs. Le Niger n'était pas une destination touristique phare. Mais le coup d'État risque de peser sur des voyages en Afrique. Quant à la Chine, s'il est à nouveau possible de s'y rendre, les autorités locales semblent peu pressées de rouvrir les vannes qui envoyaient leurs ressortissants en goguette en Asie et en Europe. Le fléau qui risque de bouleverser le plus durablement la carte du tourisme mondial est le réchauffement climatique. Pour ses vacances de juillet, Teresa avait mis le cap sur la Sardaigne pour la plongée dans les criques d'eau turquoise et les randonnées en montagne. « Nous avons adapté notre séjour au climat, confie cette mère de famille . C'est impossible de rester sous cette chaleur, la baignade est la seule solution pour tenir la journée . » Les vacanciers veulent du beau temps et du soleil, pas de froid et encore moins de pluie. « Ils recherchent des températures comprises entre 25 et 30 degrés, selon Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme. Au-delà c'est supportable en bord de mer . Cela ne l'est plus pour du tourisme urbain. » En Espagne, Mabiran, une firme d'analyse de données, a conçu un indice de perception climatique mesurant le degré de satisfaction des touristes. « Notre étude en 2022 a fait valoir que les vagues de chaleur ont fait baisser la satisfaction globale des touristes en Espagne, en Grèce, en Italie et en France. Les conclusions sont diamétralement opposées au Royaume-Uni » , explique le directeur des ventes, Carlos Cendra. Cela se ressent-il dans les chiffres ? « Pour l'instant, ils se maintiennent. La demande est tellement grande en Espagne qu'il est possible que les touristes déçus par la canicule ne reviennent pas et qu'ils soient remplacés par d'autres et qu'on ne détecte pas encore de baisse de fréquentation. » Il n'empêche, plusieurs experts inquiets des conséquences du changement climatique tirent la sonnette d'alarme. « 75 % du tourisme international choisit notre pays en raison de ses plages , indique Fabian Gonzalez, analyste chez Phocuswright. Si les températures augmentent, la saison haute, le coeur de l'été, risque d'être lourdement impactée. » La difficulté, en Espagne, est la dépendance aux tour-opérateurs. Si la demande en Allemagne ou au Royaume-Uni veut éviter le pays parce qu'ils le considèrent trop chaud, les grands hôtels de plus de 500 chambres ne pourront pas faire grand-chose. « Ils peuvent multiplier les clims, les communes peuvent planter des arbres sur les avenues principales... Si le thermomètre est à 45, il est à 45 » , ajoute Fabian Gonzalez. S'il est encore trop tôt pour dresser un bilan chiffré, il existe bel et bien un effet de bascule des touristes vers des températures plus clémentes au nord, au risque d'y rencontrer la pluie, le vent et le froid. « Les destinations froides sont plébiscitées » , confirme Alain Capestan, président du Comptoir des voyages. L'Islande a connu une forte affluence en mars, « avec une pénurie de logements tant l'engouement des voyageurs était fort » . « Aujourd'hui, la météo est devenue un facteur important dans l'acte d'achat, abonde Valérie Laroche, directrice commerciale de Selectour. Ce sujet est souvent abordé au moment de la réservation avec le client. » Les châteaux écossais, les fjords norvégiens et les lacs suédois ont le vent en poupe. En France, la cote de la Bretagne et de la Normandie est remontée. « L'an dernier, nous sommes allés dans le Pays basque mais il faisait très chaud et il y avait énormément de monde, raconte Nathalie. Cette année, on a préféré le Cotentin. » Les pays du Sud, dont l'économie dépend du tourisme (en Grèce, le secteur réalise plus d'un quart du PIB et emploie un actif sur cinq) cherchent la parade. Il faut diversifier les propositions, plaide Fabian Gonzalez : « Les touristes qui viennent à Madrid pour y voir un grand musée ne vont pas s'inquiéter de savoir si l'on est en été ou en hiver. Majorque a développé le cyclotourisme en complément de ses plages, et l'île est devenue l'une des destinations leaders en Europe pour pratiquer le vélo. » Il est moins facile de vanter des régions moins en vue comme la Galice, la Cantabrique ou les Asturies sur l'Atlantique. « Il faut créer une demande, assure l'expert ibère. Il n'y a pas de clients internationaux qui vont systématiquement en Espagne et qui vont passer de la Méditerranée à l'Atlantique . » L'avant et l'arrière-saison (juin et septembre) offrent une alternative, peu accessible cependant aux familles à cause du calendrier scolaire. « Pour les trois destinations d'été des Français (Grèce, Espagne, Tunisie), où la canicule a été à la limite du supportable, on va assister à un étalement de la saison d'été sur le printemps et l'automne et à un affaiblissement de la fréquentation en juillet-août, assure Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du voyage. Ce qui les rendra plus accessibles. » Les canicules à répétition devraient inciter les opérateurs à baisser leur prix en haute saison. Autre enjeu, selon les professionnels : proposer un tourisme plus durable, respectueux de l'environnement et moins gourmand en ressources, surtout en eau. Les clients y sont de plus en plus sensibles. Cet été, c'est le niveau des prix qui inquiète le plus les voyageurs, voire les scandalise. Les tarifs atteignent des sommets en haute saison, en particulier en août. La loi de l'offre et de la demande ? Pas seulement. La facture s'envole à chaque étape des vacances. Qu'on prenne la voiture, l'avion ou le train, tout coûte plus cher. Au restaurant, la note est de plus en plus salée. De la location de voiture à la bière en terrasse, tous les acteurs du tourisme semblent avoir perdu le contrôle de leurs tarifs. Surfant sur la demande exceptionnelle d'après-Covid, ils profitent qu'elle soit encore forte. En France, les prix d'hôtels atteignent des records (+32% en juillet par rapport à 2019, selon le cabinet spécialisé en hôtellerie MKG Group). « On retrouve les prix de Paris en vacances » , témoignent trois amies, parties début août en Corse pour quinze jours. L'avion et le logement étaient réservés depuis des mois. Décidées à se faire plaisir sur place avec modération, les trois vacancières déchantent. « On ira moins au restaurant que prévu, à cause des prix : 25 à 30 euros le plat, on ne peut pas se le permettre tout le temps, déclarent-elles. Heureusement, on a loué un appartement meublé avec cuisine. Mardi à la plage, la location de transat avec parasol a augmenté de 25 %. On nous a expliqué que c'étaient les tarifs d'août. On viendra moins. » D'autres n'ont pas attendu d'être arrivés pour limiter leurs dépenses. Ils ont renoncé à des vacances en Corse. Habituée à la foule des grands jours, l'île de Beauté vit un été curieusement calme, après un mois de juin déjà en « demi-teinte » avec un taux d'occupation en baisse. « L'inflation rend les vacances moins accessibles, insiste Jean-Pierre Mas. Certains en ont été privés, d'autres ont été obligés de revoir leurs prétentions. » Selon ADN Tourisme, fédération des organismes institutionnels de tourisme, la durée moyenne des séjours en France est passée de 9 jours à 8,5 jours. Les dépenses de loisirs se réduisent pour absorber la hausse du coût de l'hébergement. « Le tourisme de proximité progresse, souligne François de Canson, le président d'ADN Tourisme. Cet été, Franciliens et Nordistes sont moins venus dans le Sud, et plus en Bretagne et en Normandie. » De nombreux Français sont partis chez des amis, dans la famille. « Ceux qui ont pu le faire ont choisi des destinations économiquement accessibles, au détriment des résidences de loisirs en France, voire de la Corse » , ajoute Jean-Pierre Mas. C'est typiquement le cas de la Tunisie, où les départs des Français ont augmenté de 18 % par rapport à juillet 2022 malgré les fortes chaleurs. L'Italie aussi a vu le changement. Selon Furio Truzzi, président d'Assoutenti, une grande association de consommateurs, « l'été 2023 restera comme le plus cher de tous les temps » . Cela incite de plus en plus d'Italiens à rester chez eux. Selon l'institut Youtrend, 62 % devraient prendre des vacances cette année, contre 71 % en 2021. Selon Codacons, la coordination italienne des associations de consommateurs, les prix des vols ont explosé, et plus encore des vols intérieurs (+50% à fin juillet sur un an), en particulier vers les îles : de Naples à Olbia (multipliés par deux à près de 1 000 euros), de Rome à Trapani. Intégrant les réservations, les algorithmes des compagnies ont anticipé l'explosion de la demande pour cet été, alors que l'offre de sièges reste inférieure au niveau pré-Covid. Les transports en ferry se sont renchéris de 13 %, les places de train de 6 %. Les prix des hôtels ont augmenté de 15,5 % sur un an, avec une explosion dans les villes d'art. En tête Florence, où les prix des hôtels et chambres d'hôte ont bondi de 53 % par rapport à l'an passé. La deuxième place est occupée par Palerme (+35,9%), devant Milan (+27,7%), Olbia (+27,2%), Venise (+25,5%) et Rome (+20,9%). Se rafraîchir coûte de plus en plus cher : +20 % pour les boissons et glaces. Quant aux prix de la location de parasols sur les plages privées, ils auraient gagné 50 % dans un contexte où les concessions balnéaires pourraient bientôt être renouvelées. On n'entend pas les professionnels se plaindre : s'ils ont moins de clients italiens, les étrangers compensent. Alors que la fréquentation a dépassé celle de 2019 (on projette 101 millions d'arrivées, 1 % de plus qu'en 2019), on déplore un surtourisme dans les destinations les plus prisées, et pas seulement à Rome, Florence et Venise. Sur la côte amalfitaine et dans les montagnes du Trentin-Haut-Adige, où les sentiers les plus recherchés des Dolomites autour des lacs de Garde, Braies et Carezza sont aussi fréquentés que la via del Corso un samedi après-midi à Rome, on parle d'un « tourisme incontrôlé ». Certains évoquent un numerus clausus de touristes dans toutes les vallées, avec préréservation pour l'accès comme le fait le lac de Braies. Cela ne doit pas empêcher les professionnels d'être vigilants. Si le tourisme mondial est appelé à continuer à se développer malgré des contraintes plus fortes, leurs services doivent être à la hauteur des prix. C'est moins le cas, le recrutement d'une main-d'oeuvre qualifiée se compliquant. Si les consommateurs sont prêts à des sacrifices pour préserver leurs vacances, ils veulent en avoir pour leur argent. De plus en plus de vacanciers, ont « l'impression d'être pris pour des pigeons » . Même les plus aisés n'hésitent pas à dire stop quand les prix leur paraissent excessifs. « 62 euros une salade de tomates avec de la burrata. Même sur la plage de Saint-Tropez, je ne comprends pas » , s'élève une vacancière. Il y a une limite à ne pas dépasser, qui semble être atteinte. « On est arrivé à un palier d'acceptabilité , affirme Vanguelis Panayotis, président de MKG Group. Depuis juin, on constate que la demande est plus sensible aux augmentations de prix, qui du coup sont plus difficiles à faire passer. » En France, on a vu des promotions en juillet et même août. Il restait de la place dans la plupart des hébergements marchands. L'été 2023 restera comme le plus cher de tous les temps FURIO TRUZZI, PRÉSIDENT D'ASSOUTENTI, UNE ASSOCIATION DE CONSOMMATEURS. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-06-01 *am_2024-06 *annee_2024 Millenials, croissance modérée, décarbonation : quels enjeux pour la croisière? Souvent vilipendée pour son impact environnemental et souvent perçue sous l'unique prisme de méga paquebots, la croisière - qui pèse mondialement 140 milliards de dollars - entre pourtant, assure Marie-Caroline Laurent, directrice générale de la CLIA (l'association internationale des compagnies de croisières), dans une phase de croissance modérée, avec une clientèle plus large, plus jeune et de nouveaux entrants tels Accor ou Ritz-Carlton. Une croisière qui est scrutée de plus près dans ses habitudes de consommation via une étude menée avec Oxford Economic, pour aussi déjouer les mécanismes de surtourisme. LA TRIBUNE - Après deux années de rattrapage Covid, dans un contexte inflationniste... comment se porte l'activité de croisière ? MARIE-CAROLINE LAURENT - En janvier, nous étions tous dans l'expectative... avec une inquiétude sur le tourisme en général, sur comment l'activité allait pouvoir repartir et puis, sur les capacités de consommation, des passagers également. Mais la croisière va bien. Elle a réuni 31,7 millions de passagers au niveau mondial. Ce qui signifie une augmentation de plus de 10% par rapport à 2022 et de l'ordre de 7% par rapport à 2019, cette dernière étant notre meilleure année. Nous sommes donc sur un dépassement pré-Covid. Tout cela crée une bonne émulation : les destinations sont contentes, les armateurs cherchent à développer de nouvelles offres. L'autre bonne nouvelle concerne la démographie de notre clientèle qui se modifie, qui conforte l'envie de voyages en famille, dans un environnement sécurisé... 28% des voyages comportent ainsi deux ou trois générations d'une même famille... Nous enregistrons également davantage de croisières solo... Cela conforte le rajeunissement de la croisière. Et les excursions elles-mêmes se diversifient, avec une davantage de demande d'activités sportives, culturelles... et même de découverte de gastronomie locale. Cela confirme l'évolution du produit croisière. Autre point de satisfaction, la fidélisation des croisiéristes, qui s'établit à 82% et qui comprend une forte partie de millenials, avec 27% de nos croisiéristes qui n'avaient jamais effectué de croisière auparavant. La croisière a toujours fonctionné sur ses repeaters, mais le fait d'attirer de nouveaux clients est certes une bonne nouvelle mais aussi un besoin car nous avons de nouveaux navires qui arrivent, nous avons donc besoin d'augmenter, bien sûr, notre nombre de passagers pour correspondre à cette nouvelle capacité. Quels sont les investissements prévus ? Nous envisageons toujours une croissance modérée, de l'ordre de 10% du nombre de cabines sur les 10 prochaines années. Nous allons atteindre 300 navires au sein de la CLIA. C'est une croissance saine, contrôlée, qui se diversifie. Nos carnets de commandes, pour les 5 prochaines années, établissent une répartition qui comprend un tiers de petits navires c'est-à-dire moins de mille cabines, un tiers entre 1.000 et 4.000 cabines et un tiers au-dessus de 4.000 cabines. Il n'y a donc pas de tendance de la croisière de ne faire que du grand navire. Au contraire, nous sommes sur un modèle qui se diversifie et veut répondre à l'ensemble de la demande. Nous remarquons aussi l'arrivée de nouveaux acteurs - Accor, Ritz-Carlton - qui lancent leur marque de croisières ce qui attire un nouveau type de passagers, plutôt les clients de l'Orient-Express, de Ritz-Carlton et qui vont pouvoir avoir la même expérience de service et d'exploration à bord d'un navire et plus seulement dans un train. Cela a-t-il une incidence sur les commandes de navires ? Jusqu'à présent nous avons vécu sur nos commandes de navires pré-Covid. Depuis février, 12 nouveaux navires ont été commandés. Notre carnet de commandes reprend et cela est aussi un signal fort de la bonne santé de notre secteur et de la bonne confiance que nous avons de nos clients et de nos passagers. Hormis la flotte et les investissements consentis pour les nouveaux navires, qu'en est-il plus largement des retombées économiques ? La croisière demeure une activité modérée, elle représente 2% des voyages dans le monde. Mais nous avons un impact économique important, grâce à la construction de nos navires. Sur un investissement direct pour l'Europe dans les cinq prochaines années, cela signifie 40 milliards d'euros d'investissements. La croisière participe à l'activité économique mondiale à hauteur de 140 milliards de dollars, avec une contribution qui concerne l'Amérique du Nord et l'Europe. Concernant la France, les retombées économiques s'élèvent à 7,7 milliards d'euros, ce qui comprend les chantiers navals, les taxes portuaires, les fournisseurs... La France est le troisième pays en termes de retombées économiques après l'Italie et l'Allemagne. Vous évoquez une croissance modérée. Cela signifie-t-il une croissance linéaire ? Nous comptons sur une croissance lissée sur les prochaines années avec une croissance progressive de nos passagers, sans créer de surcapacité. Cela se reflète au niveau des destinations. La croissance attendue, en France et en Europe, pour 2024, s'établit à 3%. Cela confirme la stabilisation de nos activités. Nous gardons également un oeil sur la situation géopolitique. L'Asie va rouvrir cette année, ce qui signifie un repositionnement progressif des navires dans cette zone. Ce n'est pas un grand mouvement de réinvestissement mais plutôt un rééquilibrage géographique. La croisière est souvent vilipendée pour son impact environnemental... Notre priorité est de continuer sur nos efforts environnementaux, d'identifier les investissements nécessaires au niveau européen pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Nous avons entamé une étude européenne en janvier, laquelle va établir différents scénarios et fournir une cartographie des nouvelles technologies dans laquelle la croisière investit, ce qui permet de connaître les tendances d'investissement entre le GNL, les piles à combustibles, le vélique... et quelles vont être les besoins en nouvelles énergies. Concrètement, d'ici la fin de l'année, nous aurons une carte qui signifiera les points de soutage en Europe, le carburant utilisable, le volume disponible et où en est le déploiement de la connexion à quai, qui concerne aujourd'hui une vingtaine de ports en Europe en Méditerranée. Nous faisons évoluer notre agenda pour répondre à nos objectifs environnementaux : quelles sont les infrastructures nécessaires, comment avancer avec les autorités locales, les ports, les énergéticiens... Vous insistez aussi sur l'impact économique, parfois pas considéré dans sa globalité... Nous menons également une seconde étude, avec Oxford Economics, pour approfondir ce qu'est notre impact économique et de façon plus détaillée que ce que nous avons pu faire par le passé, alors principalement basé sur des questionnaires ou passagers. Nous considérons pour cette étude dix ports dont Marseille, Bergen en Norvège, Civitavecchia en Italie, Mykonos en Grèce, Seattle... L'étude va modéliser les mouvements de passagers, ce qui va nous permettre d'identifier les points de tension mais aussi les opportunités, des quartiers peu fréquentés par exemple. Ce qui permet d'éviter le surtourisme. Vont être étudiés aussi l'impact économique au niveau des ports - c'est-à-dire ce que la compagnie dépense en termes de charges portuaires - les achats effectués par les compagnies de croisières, l'impact auprès des commerçants - combien la croisière représente dans leur chiffre d'affaires, quels sont les types de dépenses... Cette étude nous permet d'avoir une méthodologie harmonisée et donc un cadre d'analyse comparable. **** *source_Les_Echos *date_2023-10-31 *am_2023-10 *annee_2023 Tourisme : choisir pour ne plus subir La France a bénéficié d'un bel été indien économique grâce aux touristes venus en nombre, notamment dans le cadre de la fashion week, et la Coupe du monde de rugby a attiré de nombreux supporters en provenance des quatre coins de la planète. Les dépenses des touristes étrangers ainsi que les ventes de navires de croisière et d'avions contribuent à limiter le déficit de la balance des paiements courants de la France. Les principales agglomérations françaises vivent au rythme du tourisme et des loisirs. La présence d'un musée est un gage d'attractivité comme l'ont prouvé, ces dernières années, Lens et Metz qui disposent d'antenne du Louvre et de Beaubourg. Que ce soit à Lille, Bordeaux, Nantes ou Dijon, les commerces de centre-ville dépendent d'une clientèle de passage. Les vieilles pierres, la gastronomie, les grands crus, les grands peintres attirent un nombre croissant de personnes. Si depuis la fin de l'épidémie de Covid, la croissance de la France est deux fois supérieure à celle de l'Allemagne, c'est en grande partie grâce au tourisme. La spécialisation touristique n'est pourtant pas totalement assumée ; elle est subie plus que louée. Cette activité est perçue parfois comme une nuisance. Certains rêvent de s'en passer quand d'autres veulent la limiter. La réalisation en cours du CDG Express devant relier l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle au centre de Paris en est l'une des manifestations. Elle a été contestée, car elle est accusée d'améliorer les trajets des voyageurs au long cours et non ceux des banlieusards. Les opposants à ce projet semblent ignorer que les touristes contribuent à la création d'emplois qui profitent à tous les habitants de la région parisienne. Si la France est le premier pays d'accueil au monde pour le nombre de touristes étrangers - plus de 70 millions -, elle est devancée par l'Espagne et les Etats-Unis au niveau des recettes. La quantité semble l'emporter sur la qualité. Le secteur souffre d'un déficit de main-d'oeuvre, en particulier de personnel qualifié. Les jeunes dédaignent cette activité jugée peu valorisante, aux horaires décalés et offrant de faibles rémunérations. Le surtourisme est une réalité : des villes comme Saint-Jean-de-Luz ou des lieux typiques comme les calanques de Marseille et les aiguilles de Bavella en Corse en font l'expérience. La concentration d'un grand nombre de touristes crée d'évidentes nuisances environnementales et génère des effets pervers, en particulier, au niveau de l'immobilier.Dans les villes, les commerces traditionnels sont remplacés par des échoppes de souvenirs kitsch, ainsi que par des bars, des restaurants et des hôtels. Les populations locales sont ainsi privées de l'accès aux services du quotidien. Elles éprouvent de plus en plus de difficultés à résider sur place. Un nombre croissant de logements sont disponibles sur les plateformes de location saisonnière. Plus de 700.000 logements en France sont sur des sites comme Airbnb. En quelques semaines, les propriétaires peuvent gagner bien plus et avec moins de contraintes réglementaires ou fiscales qu'en louant leur logement sur l'année à des résidents. Un effet d'éviction s'est ainsi instauré, obligeant les locaux à habiter de plus en plus loin du coeur des agglomérations. Les pouvoirs publics rechignent à légiférer pour restreindre ces locations saisonnières, par peur de la réaction des nombreux ménages se constituant ainsi d'avantageux suppléments de revenus. Une régulation de l'activité touristique sera pourtant nécessaire afin de garantir sa soutenabilité et sa pérennité. Mais au-delà de l'étalement de la saison qui est une antienne, une réflexion doit être menée sur la gestion des flux de touristes et leur meilleure valorisation. Un effort de formation est indispensable pour consolider le rang de la France en matière touristique. Les infrastructures, si elles sont nombreuses, doivent être néanmoins modernisées. L'amélioration des conditions de transport profitera à tous, touristes et résidents. Le tourisme est un atout pour l'économie française susceptible de contribuer à sa croissance dans les prochaines années, sous réserve de ne pas le mépriser. Philippe Crevel. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2025-01-28 *am_2025-01 *annee_2025 Christian Estrosi bannit les gros bateaux de croisière près de Nice, les professionnels vent debout Le maire de la capitale azuréenne a signé un arrêté afin que les bateaux de croisière de plus de 900 personnes renoncent à faire escale dans les eaux de sa métropole. Une victoire pour les écologistes. Un coup de tonnerre pour les professionnels de cette industrie. Le maire de Nice Christian Estrosi (Horizons) a signé vendredi un arrêté dans une volonté de privilégier un « tourisme choisi » face à la menace du « surtourisme ». Les navires de moins de 900 passagers, généralement beaucoup plus luxueux, restent en effet les bienvenus au port de Nice, où des aménagements sont en cours pour mieux les accueillir, avec en particulier une électrification qui devrait permettre de les obliger à stopper leur moteur pendant l'escale. Quelque 124 escales de ces navires d'une capacité allant de 32 à 700 passagers, sont programmées pour 2025. Lire aussiLe plus grand navire de croisière du monde largue les amarres malgré les accusations de monstruosité anti-écologique « Une immense victoire » pour les élus écologistes En revanche, les navires d'une capacité supérieure, qui mouillent actuellement dans la rade voisine de Villefranche-sur-Mer, ne seront plus les bienvenus. M. Estrosi n'a pas les pouvoirs d'interdire leur présence, mais l'arrêté qu'il a signé en tant que président de la métropole Nice Côte d'Azur -qui englobe les communes de la rade de Villefranche- leur interdit de débarquer des passagers en excursion et limite donc fortement l'intérêt des escales pour les compagnies. Selon le site du port, près de 90 escales sont prévues dans la rade en 2025, dont les deux-tiers de navires de plus de 900 passagers. Et « il y a de la demande pour 300.000 passagers d'ici à 2026 », contre 160.000 en 2024, a assuré le maire. « La plaisance, oui, les immeubles flottants, non » , a-t-il résumé. « C'est une immense victoire », ont réagi les élus écologistes qui réclament des mesures depuis des années. Même si l'arrêté risque de faire l'objet de recours de la part des compagnies ou de certains maires de la métropole, c'est « un pied dans la porte » et « un tournant décisif pour la qualité de vie, la santé publique et la protection de nos écosystèmes marins ». Stupéfaction dans l'industrie des croisières L'association internationale des compagnies de croisières (CLIA) s'est, elle déclarée samedi « stupéfaite » de la décision du maire de Nice. « Dans l'intérêt des acteurs de l'économie locale ainsi que des voyageurs qui souhaitent découvrir cette région, nous exhortons les autorités à reconsidérer cette décision », indique l'association dans un communiqué. De telles mesures « ne font que stigmatiser l'industrie des croisières » déplore la CLIA, et « n'apportent rien pour promouvoir un tourisme durable ». Lire aussiCroisières : en Corse, le débat sur les retombées économiques divise Les relations entre les bateaux de croisière et les maires sont compliquées sur la Côte d'Azur. Ainsi à Cannes, qui voit passer plus de 400.000 passagers par an, le maire LR David Lisnard, président de l'Association des maires de France, fustige régulièrement la présence des géants des mers mouillant au large de la Croisette et l'impuissance des maires au-delà d'une bande de 300 mètres. En 2019, il a imposé une charte environnementale aux compagnies sous peine de bloquer les excursions de passagers. Il réclame désormais la possibilité pour les maires de communes littorales de pouvoir réguler le trafic sur un domaine maritime élargi et de créer une police environnementale susceptible de sanctionner toute infraction des paquebots. Avec AFP. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2025-07-07 *am_2025-07 *annee_2025 « Pas facile de comprendre la valeur de trois pierres dans un champ » Faites le test. À la question « Pensez-vous que les menhirs de Carnac sont classés à l'Unesco ? », vous obtiendrez une avalanche de « oui ». Rien d'étonnant : le site est une destination star en Bretagne et attire chaque année dans le Morbihan entre 600 000 et 800 000 touristes venus découvrir ces pierres dressées venues du fond des âges. Pourtant, malgré des velléités dès le début des années 1990, jamais sa candidature pour entrer dans la prestigieuse liste, aux côtés, par exemple, du pont du Gard, des rives de Seine parisienne ou de la cathédrale de Reims (Marne), n'avait été portée à son terme. Une anomalie qui devrait être réparée lors de la 47 e session du comité du Patrimoine mondial de l'Unesco, qui s'ouvre ce lundi, mais dont la décision est attendue pour le 12 ou le 13 juillet. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Le dossier présenté va bien au-delà des célèbres alignements. « Notre projet regroupe 557 monuments et sites, répartis sur un territoire de 1 000 km 2 et 28 communes, de la baie de Quiberon au golfe du Morbihan, détaille Victoire Dorise, directrice de l'association Paysages de mégalithes, fondée en 2013 pour porter le projet Mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan. Vestiges du néolithique « Il comprend des menhirs, des dolmens, des cairns, des tumulus... qui remontent à l'époque du néolithique, il y a 6 000 ans environ. L'ensemble est d'une extrême multiplicité. Ça va des alignements de Carnac à un tas de cailloux sous un buisson... Il rassemble tous les acteurs du territoire, commune, département, région, également la Drac et le Centre des monuments nationaux, mais aussi des propriétaires privés, car certaines pierres se trouvent dans des jardins, des champs... » ajoute-t-elle. « En tant que breton et ancien président du conseil régional, je soutiens à fond cette candidature. Il y a eu une très grande mobilisation de tous les acteurs pour assurer une protection globale », se félicite l'ancien ministre Jean-Yves Le Drian, président d'honneur de l'association. Si la reconnaissance s'annonce mondiale, l'objectif avoué, paradoxalement, est avant tout territorial. « Nous souhaitons d'abord fédérer tous les acteurs autour de la préservation de ce trésor commun dont parfois nous n'avons pas assez conscience, soutient la directrice de l'association. Nous devons le transmettre aux générations futures. Pour cela, il faut renforcer la réglementation et la cohésion des différents acteurs. La démarche vise aussi le grand public. Ici, les mégalithes font partie de la vie quotidienne des gens. À la différence d'un château ou d'une église, ce n'est pas si simple de comprendre la valeur historique de trois pierres dans un champ... » « Ce projet collectif doit permettre aux élus et à la population de mieux s'approprier ce bien commun et précieux, ajoute Olivier Agogué, administrateur pour le CMN des sites de Carnac et de Locmariaquer. Le classement à l'Unesco, il faut le rappeler, n'apporte aucun financement. Mais il permet de construire une vraie politique de préservation et de mise en valeur. Très concrètement, depuis le début de projet, nous avons pu apporter des améliorations au site des alignements : nouveau cheminement piéton, aménagement des accès, remplacement de clôtures... » Le classement, plus que probable, va soulever une autre problématique : celle de multiplier l'attrait touristique de cette région de pierres dressées, où de nombreux sites sont ouverts à tout vent. « Comme pour tous les sites classés, il y aura forcément une hausse, reconnaît l'administrateur. Et il y a presque une schizophrénie à augmenter le nombre de visiteurs tout en renforçant la protection... Je pense que l'impact sera essentiellement sur les publics asiatiques, peu nombreux aujourd'hui, et sans doute aussi américains. Mais c'est très difficile de savoir dans quelle mesure pour le moment. » Ne pas accueillir « plus », mais « mieux » Du côté de l'association, on l'assure : on ne court pas après un afflux de nouveaux visiteurs. « Ce n'est absolument pas l'ambition de notre dossier. Le tourisme, on l'a déjà, on ne veut pas accueillir plus. En revanche, on peut accueillir mieux,essayer de mieux répartir les flux sur l'année, orienter vers d'autres sites que Carnac... Bien sûr, la première année, on se doute que nous aurons plus de monde. Mais ça va se tasser au fil des années, car nous n'allons pas entretenir touristiquement ce classement », affirme Victoire Dorise. Sur place, l'enthousiasme semble toutefois modéré. « Le maire veut vendre la commune au surtourisme, à n'importe quel prix », accusait ainsi un élu d'opposition non inscrit, Pierre-Léon Luneau, dans les colonnes du « Monde ». « Nous avons fait énormément de réunions publiques. Il y a une poignée d'opposants, mais je n'ai jamais senti d'hostilité au classement », assure la directrice de l'association. « Je n'ai pas la crainte du surtourisme. Nous ne sommes quand même pas Le Mont-Saint-Michel... » renchérit Jean-Yves Le Drian. Olivier Agogué croit également en l'adhésion des habitants : « Il y a souvent eu des crispations autour du sujet de menhirs à Carnac. Je pense que les gens attendent de voir ce qui va se passer. Mais je suis sûr que la fierté va l'emporter. Carnac serait le premier site breton classé au Patrimoine mondial de l'humanité ! ». **** *source_La_Tribune_(France) *date_2023-07-13 *am_2023-07 *annee_2023 « Nous sommes en train de réussir notre stratégie sur le marché brésilien » (François de Canson, CRT Sud) Pays au potentiel avéré, considéré comme pionnier en matière de biodiversité, le Brésil est aussi le pays du tourisme, du Carnaval, par excellence. Il partage néanmoins avec la France et le Sud, plus que les images d'Epinal et tout autant des sujets d'étalement de la fréquentation touristique, de tourisme de filières et de tourisme responsable. Entrés en phase de séduction mutuelle, le Sud et le Brésil semblent (re)construire des liens durables. LA TRIBUNE - Pourquoi le CRT Sud s'intéresse-t-il au Brésil ? FRANÇOIS DE CANSON - Le Sud est un petit pays de 5 millions d'habitants, doté de trois marques monde - Provence, Alpes et Côte d'Azur - c'est la première destination à l'international après Paris et en termes de fréquentation, c'est la seule région de France et peut-être d'Europe à avoir fait mieux, en termes de résultats, qu'en 2019. Nous avons retrouvé la clientèle française, la clientèle européenne aussi. Au niveau du grand international, nous voyons les clientèles américaine, canadienne, brésilienne revenir également. Les Brésiliens, avec 1,2 million de personnes qui viennent en France, avec un fort pouvoir d'achat, dépensent entre 800 euros et 1.000 euros par jour hors billets d'avion sont aujourd'hui en troisième position sur le marché français, la démarche est logique de venir en Amérique du Sud, rencontrer ces Brésiliens dont les tour-opérateurs. C'est une volonté de nos professionnels - ce sont eux qui créent l'offre, avec une montée en gamme financée par la Région Sud - de travailler ensemble ce marché. La présence du CRT Sud au Brésil se fait dans une démarche de promotion. D'ailleurs des marchés ont déjà été signés avec des tour-opérateurs américains. Oui, il existe la possibilité d'améliorer les chiffres. Nous savons que 40% des Brésiliens ont envie de partir en vacances hors-saison. Dans le Sud, nous cherchons à désaisonnaliser. Nous ne menons plus d'actions de promotion pour la période juin-juillet-août, et cela depuis quelques années. Les Brésiliens sont donc notre cible. Les Brésiliens « consomment-ils » aisément la France et le Sud ? 7% des Brésiliens viennent en Provence Alpes Côte d'Azur et les Brésiliens contribuent pour 10% du chiffre d'affaires réalisé par les hôtels haut de gamme, 4 étoiles et 5 étoiles. Nous devons pousser le curseur plus loin, d'autant plus que la clientèle moyen de gamme a envie aujourd'hui de partir en vacances dans le Sud. Les Brésiliens sont sensibles au phénomène de mode et le Sud est une destination tendance, il y a donc un nouveau marché qui s'ouvre. D'autant que nous avons fait découvrir à cette clientèle qui a envie de ski que le Sud est la deuxième destination montagne de France avec une offre riche de 65 stations. Nous leur avons également présenté notre volonté de créer, avec le Président de la Région, Renaud Muselier, notre volonté de créer les Jeux Olympiques 2034. Le Brésilien fan de sport est également une cible. Je rappelle que nous accueillons dix matchs de la Coupe du monde de rugby du 8 septembre au 28 octobre. Le Sud sera the place to be et pour le Brésilien, c'est important. Et ce le sera à nouveau pour les JO en 2024, une ambiance particulière que le Brésilien connaît bien. Sans oublier en 2025, l'arrivée du Tour de France à Nice. Du côté des tour-opérateurs, tout cela provoque des réactions positives. Vous avez mené, avec Rising Sud, une mission à Rio en mai dernier avec pour objectif de définir des synergies à déployer... Ce que l'on peut retenir de cette mission c'est que tous les interlocuteurs rencontrés au Brésil nous ont accueillis à bras ouverts, contents de revoir des Français et nous sommes la première région de France à venir les voir. D'un point de vue économique, nous avons fait, avec Bernard Kleynhoff, le président Rising Sud, l'agence d'attractivité et de développement économique, des rencontres particulièrement intéressantes. Très vite, une délégation de la mairie de Rio va venir nous voir avec des sujets d'innovation, de technologie sous-marine, d'entretien des bateaux militaires, de santé, l'énergie. Le MEDEF local nous a accueilli les bras ouverts et lorsqu'on évoque le sujet du Carnaval, il existe de leur part une volonté de travailler ensemble. Mon idée d'organiser une semaine de la Gastronomie française autour du Carnaval de Rio et une semaine de la Gastronomie brésilienne autour du Carnaval de Nice permet de construire un échange culturel. Seuls 20% d'étrangers viennent au Carnaval de Rio et le Carnaval de Nice rencontre la même problématique. Organiser une Route des Carnavals pourrait être un moyen de créer des synergies. Nous avons la route de l'histoire, la route de la culture, celle du pèlerinage religieux... Est-ce qu'une association réunissant la Région Sud, la Région de Venise et la Ville de Rio n'aurait pas de sens ? On peut rêver, en tout cas, la porte est ouverte et l'envie de travailler ensemble est bien là. Le Brésil est présenté, notamment par le président de la CCI France-Brésil comme le pays de la biodiversité. La Région Sud et son président se sont engagés pour avoir « une COP d'avance ». Cela facilite-t-il les échanges ? Dans le Sud, nous n'opposons pas écologie et économie. Je rappelle que la Région dispose du premier budget 100% vert d'Europe. Chez nous aussi, nous voulons préserver cet environnement. Et quand on voit Rio, ce paysage vert en centre-ville, on sait que les Brésiliens sont très sensibles au sujet de l'écologie et de l'économie durable. Nous avons l'ensemble des paramètres qui semblent parfaitement correspondre au marché brésilien. Nous avons développé depuis toujours des filières, c'est l'un des points qui nous a sauvé durant la crise sanitaire, nous sommes capables de porter un tourisme à l'année. Lorsqu'on regarde cela, ça correspond aux Brésiliens. Nous avons l'oenotourisme - 1ère région de rosé dans le monde -, la gastronomie, le tourisme religieux - on sait l'importance de la religion pour les Brésiliens -, visites d'entreprises, cyclo-tourisme. Ce qui leur plaît c'est lorsqu'on décline les caractéristiques de cette région. Certes, il y a le côté vert, béni des Dieux des paysages avec 60% d'espaces protégés, 1.000 km de côtes, 9 parcs naturels régionaux, 4 parcs nationaux mais il y aussi le fait que nous sommes première région du nautisme et de la croisière, 945 festivals et carnavals, 400 musées dont 5 nationaux... Tout cela, travaille à l'attractivité de notre région. J'ai l'impression que les Brésiliens nous attendaient... Nous l'avons clairement mesuré lors de nos échanges avec la Ferjan. Ou lors de nos échanges avec l'adjointe à la Ville de Rio... Nous avons également des ambassadeurs sur place, dont font partie les chambres de commerce. Des liens sont déjà tissés, c'est un travail de longue haleine. Nous n'aurons peut-être pas les résultats dès cette année, bien que des contrats aient été signés. Je reste persuadé qu'au bout d'un an, le curseur aura augmenté. Après le Covid, nous sommes revenus sur le marché français avec une campagne de promotion « Nous avons tous besoin du Sud » et nous avons été la première région de France en termes de résultats sur le marché français. Nous avons travaillé également avec Atout France. Il y a un alignement des planètes. Nous sommes en train de réussir notre stratégie sur le marché brésilien. Ceci est une question davantage pour le président d'Atout France. On évoque souvent le tourisme de proximité, le tourisme durable. Comment l'intégrer dans la stratégie ? Nous avons lancé, avec l'ensemble des CRT de France, le comportement des Français a changé après la crise sanitaire et c'est la règle des 3 R qui s'applique : rupture - malgré l'inflation, les Français veulent partir en vacances - se retrouver, ressourcement - ce retour à la terre, vers la nature, ce tourisme expérimental doit provoquer un effet wahou. C'est tout ce que l'on offre. Nous avons compris, bien avant la crise sanitaire, qu'il ne fallait pas faire de promotion pour les mois de juin, juillet, août. En haute saison, nous avons tous les atouts pour que les touristes nous choisissent. Le reste de l'année, nous allons chercher une clientèle internationale qui a un fort pouvoir d'achat et qui apporte un plus sur notre territoire. Le consommateur est-il prêt à payer plus cher pour un service plus durable ? Oui ! C'est mesuré, il l'affiche, il le dit... Après, va-t-il toujours au bout de la démarche ? Je n'en suis pas convaincu... Mais la volonté s'affiche. Et nous, nous affichons notre volonté de tourisme durable, responsable. Nous régulons les flux touristiques depuis des années. Nous essayons de mettre le touriste dans des conditions excellentes. Et puis il y a cette montée en gamme, aidée par la Région, nous avons la chance d'avoir la grotte Cosquer qui est apparue sur le marché français. Le Sud est un petit pays au sein duquel on se déplace facilement. Nous sommes également la première industrie avec 13% du PIB, 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Lorsqu'on parle de surtourisme on se trompe. On peut parler de pics de fréquentation, mais n'oublions pas tout ce que le tourisme apporte à la région, en termes économiques, en termes d'emplois. Hormis le Brésil, d'autres pays sont-ils plus particulièrement ciblés ? Nous avons mené une mission en Israël, nous sommes allés au Japon... N'oublions pas que nous n'avons jamais laissé tomber le marché asiatique. Car, lorsque ce marché va se rouvrir, nous devrons être les premiers. C'est cela la force du CRT : toujours considérer tout le monde, ne jamais laisser tomber une piste. Cela exige énormément de travail, mais les professionnels sont sensibles à cela. **** *source_Les_Echos *date_2023-08-11 *am_2023-08 *annee_2023 Repenser l'attractivité touristique française La saison touristique bat son plein, illustrée dans les médias par les images bien connues de sites saturés de visiteurs. Les perspectives mondiales nous promettent d'ailleurs des taux de croissance qui nourriront longtemps encore ces flux de plus en plus massifs. Nous pourrions croire que c'est une bonne nouvelle. Pourtant, ce tourisme des hordes met à l'épreuve notre biodiversité, notre patrimoine et, contre toute attente, disons-le, notre économie. S'il a le mérite d'exister, le plan du gouvernement contre le surtourisme n'aborde pas de front la question centrale des flux de fréquentation. Pourtant, c'est bien de cet enjeu que dépend la pérennité de la filière tout entière. Au contraire même, pouvoirs publics comme professionnels du tourisme clament avec gourmandise des chiffres qui n'ont plus lieu d'être. Oui, la France est bien la première destination mondiale. Mais à quoi bon ? Avec près de 90 millions d'entrées, notre pays perçoit sensiblement moins de recettes que les Etats-Unis ou l'Espagne. Et pour cause : la clientèle étrangère ne reste pas. Ce tourisme étape, bien souvent figé dans un Paris intra-muros qui absorbe l'essentiel de ces flux, déforme la réalité. Ces visiteurs express ne prennent tout simplement pas le temps de s'immerger, de rencontrer et de consommer dans nos commerces de bouche qui, exsangues, finissent par déserter ce centre-ville muséifié. Pourtant, nous continuons à nourrir cette vision en misant quasiment tout sur Paris et en priant pour que les régions en récoltent des miettes. En cela, le marketing des JO à Paris relève du symptôme. Soyons clairs, accueillir les Jeux Olympiques est évidemment un motif de fierté et de motivation pour tout le pays mais nous aurons une fois encore l'hyperconcentration de tout et de tout le monde au même endroit au même moment. Une congestion dont Paris sortira rincé et le reste de la France frustré. Plus de normes et restrictions Néanmoins, derrière ces excès, un tourisme vertueux est possible, plus responsable, plus éthique et plus lent. Angle mort de nos décideurs, le sujet du temps est stratégique. Il devrait même devenir le nouvel indicateur pour mesurer la bonne santé du secteur touristique. Voilà un chantier autour duquel acteurs publics et privés gagneraient à se mobiliser. Allonger la durée des séjours plutôt que d'allonger les files d'attente. Comment ? En jouant sur les visas touristiques, la mise en place de paliers de détaxe, la variation des taxes de séjour ou la dégressivité des prix des nuitées, etc. Les leviers sont nombreux dès lors que la volonté est là et qu'elle sert une saine ambition, celle de devenir le leader d'un tourisme régénératif, respectueux de notre pays, c'est-à-dire de l'humain, du vivant et de notre patrimoine. En effet, la préservation de notre environnement, naturel et culturel, est incontournable pour poser l'équation d'un tourisme vertueux. Dopé par l'explosion d'Airbnb, celle des compagnies aériennes low cost mais aussi par la synchronicité des vacances estivales, le tourisme express tend à engorger quelques spots et à dévitaliser notre patrimoine naturel de manière exponentielle. Or, sans patrimoine, sans paysage, sans terroir et sans les conditions propices à leur découverte, il n'y a pas de tourisme possible. C'est sur son patrimoine et sur sa biodiversité que repose en grande partie le tourisme en France, à travers ses terroirs, ses paysages, ses produits locaux et ceux qui nous les font découvrir. Leur donner la résonance qu'ils méritent tout en les préservant, c'est prendre soin de notre héritage commun et de la raison d'être des acteurs touristiques. A l'échelle locale, ces derniers sont prêts à travailler main dans la main avec les pouvoirs publics et tous les acteurs de la filière sur cet objectif majeur : « Comment allonger les durées de séjour et en faire profiter tous les territoires ? » Derrière la réponse que nous serons capables d'imaginer, se tient l'avenir de la destination France, non pour en faire forcément la première mais en faire la meilleure. C'est une belle ambition et une immense responsabilité. Xavier Alberti. **** *source_Le_Figaro *date_2025-05-03 *am_2025-05 *annee_2025 Culture QUI VA PAYER POUR LE MONT-SAINT-MICHEL ? Il n'y a pas que les touristes qui soient en surnombre sur le Mont-Saint-Michel (Manche). Ce petit rocher d'à peine 4 kilomètres carrés se targue d'avoir deux établissements publics - et donc deux dirigeants et deux équipes - pour le gérer et en prendre soin. Un de trop ? C'est en tout cas l'avis des deux intéressés qui, interrogés séparément, parlent chacun de leur côté de « tensions » et de « crispations » . « C'est invivable au quotidien, et schizophrénique à l'heure où l'État doit faire des économies » , juge Thomas Velter, directeur de l'Epic (Établissement public à caractère industriel et commercial) de la baie du Mont-Saint-Michel, chargé de son rayonnement culturel, économique et touristique. « Cela dysfonctionne, créé des doublons et rend invisible notre action » , estime de son côté Marie Lavandier, présidente du Centre des monuments nationaux (CMN), chargé pour le compte de l'État de l'abbaye, des remparts, des espaces verts et des bâtiments publics. Cinq ans auparavant, l'affaire était simple : l'État, à travers le Centre des monuments nationaux, était seul maître à bord. Mais après le rétablissement du caractère maritime du mont, et la construction d'une grande passerelle entre les nouveaux parkings et le rocher, le site a soudain pris une ampleur différente. En dehors de la Merveille et de ses ruelles, toute la baie, son barrage et les espaces naturels environnants ont formé un ensemble cohérent. « À l'époque, nous étions nombreux, parmi les élus locaux, à réclamer que le rocher et la baie soit regroupés sous une seule et même bannière » , se rappelle Jacques Bono, maire de la commune du Mont-Saint-Michel (30 habitants). Une seule, mais laquelle ? Une association de collectivités ? Le ministère de la Transition écologique ? Celui de la Culture ? Le Centre des monuments nationaux ? Après trois missions de préfiguration, et moult discussions au sommet, l'ancien premier ministre Bernard Cazeneuve - élu de la Manche - va choisir une solution très française. D'un côté, l'État conservera ses 70 salariés et l'abbaye - un des rares monuments nationaux « rentables » , avec l'Arc de triomphe et la Sainte-Chapelle. De l'autre, un établissement public est créé, chargé du barrage, du tourisme et du rayonnement culturel. La nouvelle entité, dont le conseil d'administration est présidé par le président de la région Normandie, Hervé Morin, est alors dotée de 15 emplois. La Culture, la Transition écologique mais aussi les collectivités locales sont derrière elle, le temps qu'elle dégage ses propres recettes. Sur le papier, les deux établissements sont censés collaborer, et fonctionner main dans la main. Une convention formelle les lie, qui vient à échéance en fin d'année. Les enjeux de ce tandem sont énormes : gestion des parkings, de 3 800 places, accueil des 2,7 millions de touristes annuels, limitation du surtourisme, tenue des commerces, gestion des lourds travaux de ce site doublement classé, le tout faisant la réputation d'un des monuments les plus connus à l'étranger. Derrière se profilent également la délicate gestion et la répartition des recettes et des investissements. Avec 16 millions d'euros de recettes par an, l'édifice médiéval est une des « poules aux oeufs d'or » de l'État. C'est grâce à cette manne que les travaux de restauration de ce site classé monument historique peuvent être conduits. Elle fait toutefois rêver tout le monde sur place, d'autant que ce petit territoire grand comme un mouchoir de poche est gourmand en financement. L'entretien du barrage coûte une fortune chaque année. Les moindres travaux de restauration réclament que l'on héliporte les matériaux et il faut bientôt refaire les éclairages du Mont. Inutile de préciser que la mairie, et ses 30 habitants, n'a pas un sou en poche. Pire : la région Bretagne, partenaire des premières heures de l'Epic, a annoncé son retrait cette année, et le ministère de la Transition écologique, une diminution de sa subvention. La Cour des comptes parle pourtant d'un mur d'investissements pour 2025-2029, de l'ordre de 30 millions d'euros, y compris sur le système de navettes touristiques. « Le Mont ne bénéficie pas assez des retombées de l'abbaye » , assure aujourd'hui Thomas Velter, qui a déjà contracté un emprunt. Ce dernier, ancien des cabinets de Bruno Le Maire et de Franck Riester, arrive en 2020 avec des idées plein la tête et de l'ambition à revendre. Le dirigeant de l'Epic parle du Mont comme d'une « marque » qu'il faut faire vivre, et fait siens les mots du rapport Beaux sur l'avenir du Mont, qui parlait crûment de « cash machine » et de « clients captifs » . Dès sa nomination, il promet un nouveau restaurant - qui vient d'ouvrir dans un ancien logis de pompiers -, une nouvelle concession pour les parkings, un tourisme mieux étalé sur l'année. Philippe Bélaval, à l'époque patron du CMN, observe les premières agitations du jeune Velter avec circonspection. Dans les couloirs, on l'entend tonner contre le nouveau directeur qui semble trop tirer la couverture à lui, et ne pas « comprendre » que le Mont, c'est lui. Cinq ans plus tard, entre le CMN qui a changé de président et la baie, la guerre de tranchées est ouverte. À écouter les uns et les autres, les absurdités d'une double casquette sont légion dans ce lieu qui cristallise les passions françaises. « Le ministère de l'Écologie nous demande de poser des panneaux de sécurité, mais le ministère de la Culture refuse, car ils seraient trop proches du monument. On ne sait pas vers qui se tourner pour trancher cette histoire » , raconte le maire. Des mécènes de l'Epic qui voulaient organiser une soirée sur la terrasse de l'abbaye se sont vus réclamer un tarif de location par le CMN. Chacun des établissements lance de son côté des saisons culturelles, et chacun possède même une page Facebook. Curieusement, Matignon avait décidé que Thomas Velter serait l'administrateur de l'abbaye, qui dépend du CMN. Mélange des genres ? « C'est comme si je n'avais plus d'interlocuteur sur place, et les salariés sont désorientés » , regrette Marie Lavandier. Les touristes l'éprouvent parfois à leurs dépens. Il n'y a, par exemple, pas de billet couplé entre le parking obligatoire et la visite de l'abbaye. Les visiteurs quittent leur véhicule, marchent ou prennent une navette pour les deux kilomètres qui les séparent des remparts, s'égayent ensuite dans les ruelles médiévales. Omelette soufflée chez la mère Poulard (45 euros !), achat de pulls Saint-James ou de biscuits, puis visite de l'inusable musée de la torture parachèvent le tour pour plus de la moitié d'entre eux. Seuls 1,4 million poussent leurs pas jusqu'à l'abbaye, située au faîte du rocher, et qui offre pourtant une terrasse avec vue imprenable sur la baie. Une fois arrivé en haut, il leur faut remettre la main à la poche, ce que tous ne font pas. « Les touristes viennent du bout du monde pour voir ce monument iconique de la France. Ils devraient tout de même pouvoir organiser leur visite à l'avance sur internet, et ne plus avoir à se soucier de rien » , regrette le maire. Cette « gouvernance baroque » a fini par attirer l'oeil de la Cour des comptes, qui s'apprête à rendre un rapport dans les jours qui viennent. « La coopération entre l'Epic et le CMN se dégrade et se transforme en cohabitation, ce qui nuit à la construction d'une politique touristique de culturelle d'ensemble, et d'amélioration des recettes. Elle bloque aussi la nécessaire réduction des coûts, alors que des doublons existent sur les missions de rayonnement » , peut-on lire dans le prérapport de la Cour des comptes, que Le Figaro a pu consulter. Comment remettre les choses en ordre ? Si le dynamisme de l'Epic fait merveille (il s'autofinance à 72 %) et est salué par la cour, les magistrats savent bien que l'on ne peut pas se passer de l'État lorsque l'on parle grand patrimoine national. N'est-ce pas son rôle de l'entretenir ? Et qui d'autre que la puissance publique peut faire face à la restauration d'une abbaye millénaire ? Depuis 2009, l'aumônerie, le cellier, le cloître, puis la Merveille (7,7 millions d'euros) ont pu redresser la tête. Le logis où se trouve le fameux nouveau restaurant a été restauré sur les deniers publics pour 1,7 million d'euros. Un grand plan pour l'abbaye va démarrer sur plusieurs années, pour un coût astronomique de 30 millions d'euros. « On aborde une période où on va énormément investir dans la restauration et l'entretien du Mont-Saint-Michel, qui est un site à la fois précieux, complexe et fragile » , poursuit la présidente du CMN. Après travaux, et versement de 680 000 euros par an à l'Epic, il ne reste parfois plus grand-chose, calcule-t-elle. Et tout ce qui reste sert à alimenter les caisses du Centre des monuments nationaux, et à voler au secours des 110 petits châteaux ou monuments nationaux moins visités, et donc moins riches. En 2018, devant le président de la République, Philippe Bélaval avait d'ailleurs argumenté : « Si vous retirez au CMN la gestion de l'abbaye du Mont- Saint-Michel, je ne pourrai pas restaurer le château de Villers-Cotterêts. » L'argument avait fait mouche, et il est toujours valable, en 2025. Si Villers-Cotterêts a été redressé et a ouvert au public, les châteaux de Cadillac, en Gironde, ou de Bussy-Rabutin, en Côte-d'Or, pour ne parler que d'eux, ont toujours besoin des recettes de l'abbaye, de la Sainte-Chapelle ou du Panthéon pour survivre. Seul le rapport définitif de la Cour des comptes donnera l'orientation finale des magistrats sur ce doublon institutionnel. Ils ont, semblent-ils, beaucoup amendé leur premier jet, après avoir auditionné des dizaines d'intervenants. Le ministère de la Culture, qui ne semble pas décidé à lâcher le CMN et l'abbaye, leur a fait passer son message. On ne touche pas si facilement au Mont et à l'abbaye, porteurs d'identité française, et parmi les monuments les plus connus au monde. C. B. **** *source_Les_Echos *date_2024-01-18 *am_2024-01 *annee_2024 tourisme Venise fait payer l'entrée dans la Cité des Doges La municipalité de Venise a commencé mardi à mettre en vente des billets d'entrée pour accéder à la ville. Venise désormais payante. Enfin, pour les touristes qui entendent n'y passer qu'une seule journée. Adopté en septembre 2023, le principe du paiement d'un droit d'entrée dans le centre historique de la Cité des Doges afin de lutter contre le surtourisme vient d'entrer en vigueur. La municipalité de Venise a commencé mardi à mettre en vente des billets d'entrée de cinq euros. Pendant 29 jours au total sur une période allant du 25 avril au 14 juillet, la haute saison touristique, les touristes journaliers devront acheter ce billet pour entrer dans la vieille ville entre 8h30 et 16 heures. Le site d'achat a été mis en ligne en anglais et en italien. Nombreuses exceptions De nombreuses exemptions sont cependant prévues, notamment pour les moins de 14 ans, les étudiants ou les membres des forces de l'ordre. Aucun nombre limite de visiteurs n'est prévu. Ce projet, annoncé en septembre, a pour objectif principal de dissuader les visiteurs à la journée. Ces derniers contribuent en effet à engorger la ville, célèbre dans le monde pour ses oeuvres d'art, ses ponts et ses canaux et qui fait partie depuis 1987 du patrimoine mondial de l'Unesco. 3,2 millions de touristes « Venise est la première ville au monde à mettre en place ce système, qui pourra servir d'exemple pour d'autres villes fragiles […] qui doivent être sauvegardées » , avait déclaré en novembre son maire, Luigi Brugnaro, quand la municipalité a rendu publiques les dates d'application de cette taxe. Quelque 3,2 millions de touristes ont passé une nuit dans le centre historique de Venise en 2022, selon les données officielles, un chiffre qui n'inclut pas les milliers de visiteurs qui s'y rendent seulement pour la journée. « Ce n'est pas une révolution mais le premier pas d'un système qui réglemente l'accès des visiteurs à la journée », avait expliqué le maire en précisant que l'objectif était « la qualité de la vie dans la ville » . Mi-septembre, la ville de Venise avait échappé de justesse à l'inscription au patrimoine mondial en péril de l'Unesco. Les experts de l'Unesco avaient pourtant recommandé fin juillet le classement « en péril » de Venise. Ce joyau, menacé par un tourisme trop important et le réchauffement climatique, du fait de mesures « insuffisantes » prises en Italie pour lutter contre sa détérioration. Les Echos, avec AFP. **** *source_La_Croix *date_2025-07-04 *am_2025-07 *annee_2025 La Corée du Nord inaugure une gigantesque station balnéaire L’immense site touristique de Wonsan-Kalma sur la côte est de la Corée du Nord a été inauguré cette semaine par le leader Kim Jong-un. Hormis des touristes nord-coréens triés sur le volet et quelques Russes frontaliers, il n’accueillera pas d’Occidentaux, pour qui les frontières restent fermées. Des familles en maillot de bain sous des parasols colorés et des enfants nageant avec de jolies bouées aux couleurs vives, sur fond d’hôtels et d’immeubles flambant neufs… Bienvenue à la station balnéaire nord-coréenne de Wonsan-Kalma, la plus grande de tout le pays située sur la côte est, inaugurée en grande pompe cette semaine par le leader Kim Jong-un. Des Nord-Coréens de tous âges, venus de tout le pays, ont afflué sur ce vaste site touristique, « remplis de joie à l’idée de découvrir un nouveau niveau de civilisation », a vanté l’agence officielle de presse nord-coréenne KCNA. La Corée du Nord possède déjà des parcs aquatiques, des fêtes foraines, des cirques et des sites d’amusement pour enfants, mais Wonsan-Kalma est le plus gigantesque et pourra accueillir plus de 20 000 touristes. Mais si Pyongyang accorde une grande importance au tourisme, qu’il considère comme une source potentielle de devises étrangères, il n’est pas certain que Wonsan-Kalma soit victime d’un surtourisme de sitôt. Car les frontières du pays restent pour le moment largement fermées aux étrangers, et les capacités aériennes du pays restent très limitées. Depuis février 2024, quelques petits groupes de Russes ont pu se rendre en Corée du Nord pour des brefs séjours d’une semaine, et il est prévu qu’une poignée de visiteurs russes de la région frontalière du Primorié débarquent à Wonsan-Kalma le 7 juillet prochain. On est loin des plus de 120 000 touristes chinois qui se rendaient en Corée du Nord à partir de 2016 jusqu’à la fermeture des frontières pour cause de Covid en janvier 2020. Et ce tourisme des « frères chinois » reste au point mort aujourd’hui. Par le passé, le tourisme international était très limité, jusqu’au « boom » du début des années 2000. Les visiteurs occidentaux étaient motivés par la curiosité, l’exotisme, la nostalgie d’un monde communiste ancien et la singularité d’un séjour « hors du monde » pour tout de même 1 500 à 2 000 € la semaine. D’après les voyagistes, quelque 5 000 Occidentaux y séjournaient chaque année, soit une rentrée financière annuelle d’un demi-million de dollars (425 000 €) pour Pyongyang. Les frontières nord-coréennes leur sont désormais fermées. **** *source_Les_Echos *date_2025-02-12 *am_2025-02 *annee_2025 Vin et spiritueux La France attire toujours plus d'amateurs de vin Douze millions de touristes, dont 45 % d'étrangers ont visité les caves et les domaines viticoles français en 2024. Le vin n'est pas seulement une force à l'export, il est aussi un élément d'attractivité vis-à-vis des touristes étrangers. « Un tiers des touristes étrangers citent le vin et la gastronomie comme une motivation de leur séjour », a ainsi assuré la ministre du Tourisme, Nathalie Delattre, lundi lors de l'ouverture du Salon Wine Paris. Une appétence qui se traduit dans les chiffres, fournis par Atout France. Entre 2016 et 2023, le nombre annuel d'oenotouristes a connu une hausse de 20 %, pour atteindre 12 millions. Avec une croissance plus marquée (29 %) des touristes internationaux, qui représentent 45 % de la fréquentation. Les Britanniques, les Belges et les Américains occupent le podium des nationalités les plus représentées. Une tendance qui s'inscrit dans celle, plus large, du tourisme « expérientiel », où la destination n'est plus le seul critère de choix des voyageurs. Avec un avantage certain pour la filière touristique tricolore, qui cherche à lutter contre les pics ponctuels de fréquentation, aussi qualifiés de surtourisme. « Cela permet une meilleure répartition des flux dans le temps, avec une saisonnalité qui s'étend de mai à octobre, voire des activités en hiver comme la distillation à Cognac. Mais aussi une répartition géographique », illustre Martin Lhuillier, chargé du pôle oenotourisme chez Atout France. De fait, l'oenotourisme irrigue la plupart des régions françaises, notamment la Nouvelle-Aquitaine, la région Paca et le Grand Est. Reste désormais à structurer la filière, et à mettre en place une véritable politique d'offre. Un label « Vignobles et découvertes », qui met en relation les vignerons avec les hôteliers et les restaurateurs, a été décerné à « 75 destinations et plus de 8.700 prestations, avec des retombées économiques tangibles », selon Nathalie Delattre. Quelques investissements (environ 300.000 euros) ont également été consentis par les pouvoirs publics, dans le cadre du plan Destination France. Malgré tout, certains professionnels estiment que le potentiel reste sous-exploité, estimant en particulier que l'offre hôtelière est insuffisante dans les territoires concernés. « Cela a pu être vrai à une époque, ça l'est moins, et la difficulté reste la saisonnalité », tempère Martin Lhuillier. Pour accélérer le développement de la filière, le Conseil supérieur de l'oenotourisme, fondé en 2009 et présidé par l'ancien ministre Hervé Novelli, a été chargé d'établir « une feuille de route ambitieuse » pour le printemps, selon Nathalie Delattre. Objectif : grimper d'une place dans la hiérarchie mondiale, la France occupant actuellement la troisième marche du podium, derrière les Etats-Unis et l'Italie. Yann Duvert. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2025-06-25 *am_2025-06 *annee_2025 L'Unesco fait pétiller la Champagne En une décennie, l'inscription des « coteaux, maisons et caves de Champagne » au patrimoine mondial de l'Unesco a donné un coup d'accélérateur à l'oenotourisme*. « Le label Unesco, c'est le graal, sans lui nous n'aurions sans doute pas eu de projets de taille comme le musée du Vin de Champagne, à Épernay ou le centre Pressoria, à Aÿ (Marne) », reconnaît Séverine Couvreur, la présidente de la Mission Unesco. Depuis cette reconnaissance, obtenue en 2015, les projets dans les maisons de champagne se sont en tout cas multipliés comme les grains de raisin sur une grappe, à l'image du Pavillon Nicolas Ruinart ou de la rénovation du circuit de visite de Taittinger à Reims. Des réalisations hôtelières fastueuses ont aussi vu le jour comme le Royal Champagne, un palace sur les hauteurs de Champillon, ou cette ex-caserne de pompiers qui s'est métamorphosée en hôtel de luxe, grâce au groupe Marriott, avec vue imprenable sur la cathédrale de Reims. D'autres aménagements d'ampleur sont en cours comme celle de la maison Thiénot qui vise à transformer un bâtiment de 5 000 m 2 en circuit immersif avec bar et hôtel 5 étoiles au coeur de Reims. « Il y a toute une dynamique sur le territoire avec énormément de travaux d'embellissement et de préservation de la biodiversité grâce à la création de corridors écologiques », relève Séverine Couvreur. Des séjours plus longs Ce classement à l'Unesco a également eu un double impact majeur en dopant le tourisme et l'emploi. Rien qu'entre 2016 et 2023, Reims a vu son nombre de touristes passer de 1,1 à 1,8 million. Plus fulgurant encore, à Hautvillers, les visiteurs sont passés sur la même période de 72 000 à 162 000. « La fréquentation est en nette hausse avec des séjours de plus en plus longs, constate Séverine Couvreur. Nous avons noté une croissance de 33 % du nombre de postes dans ce secteur d'activité, soit 8 240 salariés en plus. L'Unesco a été un moteur pour créer de l'emploi. » Et c'est sans compter l'ouverture prochaine de l'abbaye de Dom Pérignon, propriété de Moët Hennessy (société du groupe LVMH, propriétaire du « Parisien » - « »), à Hautvillers. Le chantier XXL doit débuter en décembre pour une ouverture en 2028. Avec l'Unesco, une centaine de projets de restauration ont émergé sur l'aire d'appellation. Hugues Pereira, du champagne Christian Muller, a ouvert en 2023 une annexe d'accueil à Mailly-Champagne. « S'il n'y avait pas le label Unesco, je ne sais pas si j'aurais investi autant, confie-t-il. La Champagne, c'est 6 millions de touristes, on se dit que dans dix ans, ça sera peut-être 12 millions. » La région veut prévenir le surtourisme avec un nouveau plan de gestion durable de la Mission Unesco qui sera signé le 4 juillet, en préambule des festivités : une soirée spéciale sera organisée à Champillon le même jour, date anniversaire de l'inscription. Au programme, pique-nique géant dans les vignes, bars à champagne, concerts et spectacle son et lumière. **** *source_Libération *date_2023-09-04 *am_2023-09 *annee_2023 MONDE Hawaï Après l'incendie, le retour des touristes divise l'île de Maui Alors que les habitants de Lahaina, ville ravagée par le brasier le plus meurtrier depuis un siècle aux Etats-Unis, continuent de rechercher des disparus, une partie de l'île appelle les visiteurs à revenir pour soutenir l'économie locale. Deux mondes s'y côtoient : l'un en deuil, l'autre en vacances.Reportage A ttablée à l'une des terrasses de l'hôtel Four Seasons de Wailea, Carolin Avery prend des notes sur un carnet puis laisse son regard bleu azur se perdre dans le décor de carte postale qui lui fait face. Au premier plan, une piscine à débordement se fond dans les vagues turquoises du Pacifique. A l'horizon, l'île de Lanai, privatisée à 98 % par le milliardaire Larry Ellison, qui a fait fortune dans la tech. Le cadre est idyllique, l'hôtel cinq étoiles emblématique : le Four Seasons a servi de décor à la série The White Lotus. Cet écrin de luxe a un prix : au minimum 1 000 dollars hors taxes la nuitée et jusqu'à 29 000 dollars pour certaines suites (de 928 à 27 000 euros). Carolin commence à y prendre ses habitudes, même si cette artiste de 68 ans admet ne pas avoir tous les codes : «Les touristes nous reconnaissent, c'est sûr.» «Nous», ce sont les évacués, ces survivants de l'incendie de Lahaina qui ont tout perdu. Le 8 août, alors que cette ville historique était dévorée par les flammes, elle a fui sa résidence pour seniors à revenus modestes à la dernière minute : «Le manager a donné l'ordre d'évacuer trop tard. Je suis partie à pied le plus vite possible. A la sortie de la ville, j'ai sauté dans une voiture, ça m'a sauvé la vie. Mais certains voisins n'ont pas eu ma chance, ils sont morts asphyxiés.» Ballet étrange De son bâtiment, de ses effets personnels, de ses peintures et de son manuscrit en cours, il ne reste aujourd'hui qu'un tas de cendres. La miraculée a été momentanément relogée dans ce palace de la côte Est, à une heure de route de Lahaina : «Jusqu'ici dans l'hôtel je croisais surtout des secouristes ou des employés de l'agence chargés de la gestion des catastrophes. Mais les touristes commencent à revenir.» Autour de la piscine, deux mondes se côtoient timidement, l'un en deuil et l'autre en vacances, dans un ballet étrange où chacun se jauge du regard. «Je ne sais pas combien de temps je vais rester. Je pense que l'hôtel voudra bientôt récupérer nos chambres. Le gouvernement va nous reloger ailleurs», continue Carolin. La catastrophe - l'incendie le plus meurtrier depuis un siècle aux Etats-Unis - a fait au moins 115 morts et des centaines de disparus. Dans les jours qui ont suivi, l'ensemble des touristes présents sur cette île de 154 000 habitants, qui a accueilli 3 millions de visiteurs en 2022, a été évacué. Ces derniers ont été sommés d'annuler leurs vacances pour ne pas priver les victimes de ressources précieuses. Mais deux semaines après le drame, le gouverneur d'Hawaï, Josh Green, a appelé les voyageurs à revenir «sur les parties de l'île qui sont ouvertes» pour «soutenir l'économie». Les consignes n'ont pas vraiment été suivies d'effets pour l'instant. Dans l'unique aéroport de Maui règne un silence pesant : grave pour les locaux ou ceux venus leur prêter main-forte, gêné pour les rares vacanciers à débarquer. Au comptoir d'une agence de location de voitures, Lizzie semble sortir d'une longue torpeur quand deux touristes franchissent enfin le seuil : «C'est important qu'ils reviennent. Dans notre entreprise, ils commencent à licencier des gens», soupire-t-elle. Sur l'île, 75 % des employés du privé dépendent des revenus du tourisme. Les voitures de location débordent au milieu des allées du parking de l'aéroport et jusqu'à la pelouse extérieure. Jason Garcia déambule à la recherche de son véhicule. Il est venu avec sa femme pour célébrer leurs 10 ans de mariage : «C'était prévu de longue date, on a hésité jusqu'au dernier moment. On a écouté les consignes. On espère que c'était une bonne idée. On a pris un hôtel loin de Lahaina», conclut-il avant de s'engouffrer dans une voiture rutilante. «Trop de photos» Ils ne sont pas nombreux, mais certains touristes se sont quand même fait suffisamment remarquer pour que les forces de l'ordre déploient un dispositif de sécurité massif dans les environs de la ville sinistrée de Lahaina. Sur la route 30 qui contourne le centre-ville sur ses hauteurs, des policiers sont stationnés tous les 500 mètres, prêts à verbaliser quiconque s'arrêtera sur le bas-côté pour prendre une photo des ruines en contrebas. Des militaires sont postés sur des barrages improvisés à l'entrée de chaque rue réduite à néant : «On a pour ordre de ne laisser passer personne, explique l'un d'eux. Certaines personnes venaient trop près, marchaient sur les cendres ou prenaient trop de photos.» Zach Sato passe plusieurs fois par semaine sur cette route aujourd'hui bordée de palmiers calcinés. Propriétaire d'un food-truck vers l'aémonde roport, il a rejoint l'ONG Chef Hui et cuisine désormais pour les victimes : «Ah, c'est sûr que les touristes qui font des selfies sur les lieux du drame, on s'en passerait bien ! Mais mon commerce tourne au ralenti depuis un mois, donc je suis pour leur retour.» A 6 kilomètres au nord des décombres de Lahaina, des bénévoles ont installé quelques tentes dans un parc public au bord de la plage de Honokowai. Sur place, les personnes dans le besoin peuvent venir chercher des repas gratuits, des soins médicaux ou profiter d'un service de 50 Kauai Oahu Lihue Honolulu Lanai HAWAÏ Océan Pacique garde d'enfants. Ou juste d'une oreille pour partager leur traumatisme ou d'une activité pour ne pas y penser. Ce jour-là, le chef Sato cuisine en équipe. Au menu : riz frit avec de l'ananas et du Spam - une viande en conserve que l'on consomme partout à Hawaï. Derrière les fourneaux, son coéquipier Naiwi Teruya exécute ses gestes par automatisme. Le 8 août, ce natif de Lahaina, qui y résidait et y travaillait, a échoué ici même, sur cette plage à quelques centaines de mètres du camp : «Le jour de l'incendie, les lignes de téléphone ne marchaient pas, je n'avais qu'une idée en tête : savoir si mes enfants étaient en vie.» Il a quitté la ville à pied - son pick-up étant déjà entouré par les flammes et inaccessible. Direction, la côte Nord, où ses quatre enfants habitent avec leur Molokai Lahaina Maui Hilo mère. Après 6 kilomètres de marche, hébété et asphyxié par la fumée, il a finalement trouvé refuge - et du réseau - vers un hôtel en contrebas de la plage : «Je n'avais plus rien, que mes vêtements sur le dos, je ne savais pas si mes enfants étaient morts et j'ai croisé des touristes qui buvaient des cocktails. Ça m'a rendu fou.» Il a finalement retrouvé ses enfants sains et saufs mais tout le reste est parti en fumée : son appartement, les souvenirs de sa mère décédée et son lieu de travail. Il est au chômage mais il porte encore aujourd'hui la casquette avec le logo du restaurant. Comme tout le Hawaï monde à Lahaina, il a aussi dû faire le deuil de plusieurs connaissances. Pour dépasser le traumatisme, Naiwi Teruya fait ce qu'il aime : cuisiner. Mais cette fois, pas pour les touristes, pour sa communauté : «C'est ma thérapie. Le aloha, l'esprit d'hospitalité qu'on donnait aux touristes, cette fois on l'utilise pour nous et ça fait du bien de penser à nous pour une fois. Notre communauté est vulnérable, à mille lieues de ce que les touristes imaginent d'Hawaï.» «Sauveur blanc» Il y a toujours eu deux Maui - et cela vaut pour toutes les îles de l'archipel. Dans la partie construite pour les touristes, des golfs luxueux côtoient des hôtels haut de gamme qui grignotent progressivement la côte. Fin 2022, les guides touristiques Fodor avaient justement inscrit l'île sur la liste des dix endroits touristiques à éviter, à cause des ressources limitées en eau. A l'abri dans ces écrins de verdure qui contrastent avec l'aridité du paysage environnant, les touristes voient rarement l'autre monde : celui des populations qui jonglent avec deux emplois pour faire face au coût de la vie, de plus en plus exorbitant. Tout le monde veut son petit bout de paradis et certains ne lésinent pas sur les moyens pour l'acquérir. Alors, la pression foncière devient de plus en plus forte pour les populations les plus précaires de l'île - en grande partie des natifs hawaïens, des migrants polynésiens et micronésiens. «Ils travaillent pour les touristes pour s'en sortir financièrement, explique Noelani Ahia qui a installé le stand de soins traditionnels hawaïens "Mauna Medic Healers Hui" pour les victimes, au coeur du camp de bénévoles. Imaginez des natifs hawaïens qui doivent danser un hula stéréotypé devant des touristes C'est une marchandisation de notre culture, je dirais même la prostitution de notre culture. » Elle le clame depuis bien avant la catastrophe : «Le surtourisme était déjà un problème avant. C'est l'une des causes de l'incendie. Nos terres ont été occupées illégalement, les Hawaïens sont tellement accueillants qu'on a profité de nous. Et maintenant, des gens veulent venir s'amuser pendant qu'on est en deuil ? C'est ajouter du traumatisme au traumatisme !» Un autre genre de touristes a fait son apparition récemment dans les environs de Lahaina. Juste en face du camp, le magasin de souvenirs Island Living Gifts vient tout juste de rouvrir ses portes. La propriétaire, Diana Harjunpia, a eu une bonne surprise : «Des bénévoles du monde entier viennent aider les victimes et ils m'achètent des souvenirs, si j'avais su j'aurais même rouvert plus tôt !» Noelani Ahia juge la venue de ces volontaires d'un oeil inquiet : elle ne voudrait pas voir débarquer trop de personnes atteintes du complexe du «sauveur blanc». Le chef Naiwi Teruya est plus optimiste. Il se prend même à rêver que ce nouveau genre de bénévoles puisse aider à repenser le tourisme sur l'île, après la phase de guérison et de reconstruction : «Au lieu de juste prendre, peut-être que les visiteurs pourraient réfléchir à ce qu'ils ont à nous offrir. Ce serait bien qu'ils apprennent l'esprit aloha.» Sur cette partie de l'île, on mise sur un retour du tourisme pour octobre ou novembre. «On verra comment ils se comportent, les gens oublient vite, poursuit Naiwi Teruya. En tout cas, quoi qu'il arrive, moi, je continuerai toujours à les accueillir avec le aloha.»? «Je n'avais plus rien, que mes vêtements sur le dos, je ne savais pas si mes enfants étaient morts et j'ai croisé des touristes qui buvaient des cocktails. Ça m'a rendu fou.» Naiwi Teruya habitant de Lahaina. **** *source_Le_Monde *date_2024-08-12 *am_2024-08 *annee_2024 Le tourisme des fans de Harry Potter pollue une plage galloise protégée Sur les réseaux sociaux, en pleine période estivale, les « vlogs » de voyages retrouvent leur haute saison. Chaque année, certains se démènent pour allier couchers de soleil, dunes de sable et imaginaire de leur enfance. C’est le choix qu’a fait Jessica (les personnes citées par leur prénom n’ont pas souhaité donner leur nom), 26 ans, à la fin du mois de juillet, en se rendant sur la plage de Freshwater West, près de la ville de Pembroke au sud-ouest du Pays de Galles (Royaume-Uni). Particularité de ce site : il a servi de décor à une scène célèbre de la saga britannique Harry Potter, filmée dans la première partie du dernier opus Harry Potter et les Reliques de la mort en 2010. C’est en effet sur cette plage que Dobby, un excentrique elfe qui vient en aide au jeune sorcier tout au long des tomes de l’ouvrage, trouve la mort et est enterré. « Je vis en Allemagne et cela faisait des mois que j’attendais cela. Voir la tombe de Dobby en réalité, c’est juste incroyable » , raconte Jessica. Il y a quelques années, des fans ont installé sur la plage un mémorial en hommage à l’elfe. Au fil des mois, de plus en plus de visiteurs ont perpétué une tradition consistant à laisser des galets peints et des chaussettes au pied de la pierre tombale, sur laquelle on peut lire : « Here lies Dobby a free elf » ( « Ici repose Dobby, un elfe libre » ). Dans la saga, les elfes sont réduits en esclavage et ne peuvent être libres que s’ils se voient offrir un vêtement. Dans le tome 2, Harry fait cadeau d’une chaussette à Dobby, ce qui signe la fin de son asservissement. Après la mort de l’elfe, il est raconté que le sorcier se rend régulièrement sur la tombe de son ami, apportant à chaque fois une nouvelle paire de chaussettes. En 2022, l’association de protection de la nature National Trust, responsable de cette plage, s’était inquiétée de la hausse du nombre des visiteurs et de la curieuse habitude d’y laisser chaussettes et galets, qui pourrait avoir des effets délétères sur l’environnement de ce littoral classé d’intérêt scientifique et zone protégée. L’association avait lancé une enquête, au terme de laquelle elle avait annoncé que « dans l’immédiat, le monument à la mémoire de Dobby restera à Freshwater West ». « 75 000 visiteurs par an » Mais la National Trust avait également mis en garde les fans, demandant de « se contenter de prendre des photos au mémorial, rien de plus » . Car les objets comme les chaussettes, les bibelots ou les galets peints peuvent se retrouver dans l’environnement marin, perturber la chaîne alimentaire et mettre en danger la biodiversité. A Freshwater West, il est encore possible de trouver des grands phoques gris, des marsouins, mais aussi de grandes populations d’oiseaux aquatiques. Malgré les avertissements de la National Trust, les témoignages de visiteurs semblent dépeindre une situation inchangée, surtout en plein été. Aiden, 25 ans, habitant Cardiff, s’y est rendu en juin : « Tout autour du mémorial, le sol était jonché de chaussettes, de galets peints. Cela faisait comme une montagne » , raconte-t-il. En 2023, des locaux anonymes avaient enlevé toute la masse de chaussettes et autres objets sur la plage, mais le désordre est revenu peu après. Harvey Edgington est responsable des tournages au sein de la National Trust. Il a d’abord vu ce mémorial comme une belle opportunité. « A Freshwater, on a actuellement à peu près 75 000 visiteurs par an, c’est énorme », détaille-t-il. Selon un rapport de la National Trust de 2022, le tourisme et les activités connexes « ont des avantages économiques et sociétaux plus larges pour la région du Pembrokeshire » , dont plus de 11 000 emplois dépendent du secteur. « Mais nous n’avions pas prévu ce problème avec les fans d’Harry Potter, affirme Harvey Edgington. Pour être honnête, je trouve ça un peu idiot. » Le surtourisme, qui cause bien souvent des déboires environnementaux, est favorisé par une nouvelle tendance, appelée « set-jetting », qui consiste à choisir sa destination touristique en fonction d’une œuvre fictive, notamment cinématographique. Beaucoup identifient les origines de ce type de voyage à la saga du Seigneur des anneaux , dont les décors avaient poussé de nombreux fans à se rendre en Nouvelle-Zélande. « Harry Potter, c’est spectaculaire en termes de retombées et de longévité. Des générations entières restent passionnées des décennies plus tard » , affirme Harvey Edgington, qui souligne que les « set-jetters sont économiquement plus intéressants : ils restent plus longtemps et dépensent plus au cours de leur séjour que des touristes lambda » . Selon un sondage de l’institut OnePoll pour l’agence de voyages en ligne Expedia, les films et séries sont désormais la deuxième plus grande source d’inspiration pour partir en voyage (40 %), tout juste derrière le bouche-à-oreille (42 %) et désormais devant les réseaux sociaux (31 %). **** *source_Le_Monde *date_2024-08-05 *am_2024-08 *annee_2024 Sur les galets de Trieste, des murs et des fantômes Trieste (Italie) - envoyés spéciaux - Sur cette plage-là, la plus illustre de Trieste, rien n’est simple – à commencer par son nom. L’appellation officielle, La Lanterna, se réfère à un phare adjacent. Les origines de son surnom, « Il Pedocin » (« le pou » en dialecte), se perdent, elles, dans une nébuleuse de légendes urbaines. « Trieste a toujours été à l’avant-garde en matière d’établissements balnéaires », assure une affiche désuète, à l’entrée, pour rappeler qu’à sa création, qui oscille, selon les sources, entre 1890 et 1903, le Pedocin accompagna les prémices du tourisme balnéaire. Ouvert toute l’année, l’établissement abrite aujourd’hui l’ultime plage non mixte d’Europe, héritage de mœurs d’un autre temps : séparés par un mur de 3 mètres de haut, les deux sexes persistent à faire bain à part. Non loin du distributeur de tickets (1,20 euro la journée), une plaque célèbre la mémoire d’ Ulysse (1922), le roman que James Joyce a en partie écrit à Trieste. L’ombre de l’écrivain irlandais plane sur la plage, comme s’en amuseune maître-nageuse au prénom évocateur, Serena. « Il y a deux ans, on a fêté le centenaire d’ Ulysse , côté femmes , se souvient cette étudiante en lettres de 21 ans. C’était la pagaille, les habituées refusaient de céder leur place. » Serena apprécie la « grâce revêche » de Trieste, dit-elle en citant une autre gloire locale, le poète Umberto Saba. Le jour où nous l’avons rencontrée, elle surveillait le côté hommes – les maîtres-nageurs, les enfants de moins de 14 ans et les handicapés sont les seuls à pouvoir franchir la muraille. « Ici, c’est plus petit et plus tranquille que chez les femmes , juge Serena. Libérées du regard masculin, elles parlent et agissent très librement, souvent seins nus, quel que soit leur âge. Les hommes, eux, sont plus taiseux. » Resplendissant dans son slip de bain azur, Attilio porte beau ses 81 ans. Du temps où il travaillait sur les chantiers navals, il déposait son épouse au Pedocin, où elle se prélassait tous les midis, ou presque. « Depuis sa mort, il y a quelques années, je prends le relais. J’y retrouve mes copains d’enfance et de chantier. » Chauffeur de taxi la nuit, un quinquagénaire se dore au soleil en lisant Lumière d’août (Gallimard, 1935), de William Faulkner. Dans un coin ombragé, des dockers à la retraite jouent aux cartes. Immergés jusqu’à la taille, un homme et une femme papotent de part et d’autre des bouées qui prolongent, sur l’eau, le mur de séparation. Nulle vague : le Pedocin est protégé par les jetées du port, qui font écran aux vents. « Ici, tout est affaire de territoire » Cette juxtaposition de lignes arrêtées et d’esprits rôdeurs a fasciné Mathieu Amalric, qui y a tourné Le Stade de Wimbledon (2001), l’histoire d’une écrivaine qui passe ses désirs au révélateur triestin, sur les traces d’une intrigante figure littéraire de la ville, Roberto Bazlen (1902-1965). Le temps d’une scène, son personnage se retrouve par inadvertance au Pedocin, côté hommes. « Sur cette plage, on projette des fantasmes, on guette des fantômes, comme au cinéma , retrace Mathieu Amalric, dans son domicile parisien . Pour moi, Trieste, ce sont à la fois les vieilles psychorigides, qui t’engueulent avec un accent autrichien si tu n’as pas validé ton titre de transport, et les fous qui tournent avec le vent, dans les rues. » D’autres fantômes de cinéma peuplent le Pedocin : ceux de L’Ultima Spiaggia (« la dernière plage »), un documentaire où les cinéastes Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan donnent à voir la microsociété locale. La plupart des baigneurs qu’ils ont filmés, cent dix jours durant, de novembre 2014 à novembre 2015, sont désormais invisibles : certains sont morts, d’autres malades. Assis face à la mer, à une distance respectueuse des joueurs de cartes, les deux cinéastes se souviennent des plagistes et de leurs conflits minuscules, de leurs fêtes felliniennes, de leurs conversations trempées d’angoisse existentielle. « De leur côté du mur, les hommes s’autorisaient à être vulnérables » , raconte Davide. En dialecte triestin, créole italo-adriatique piqué de termes slaves et germaniques, les plus âgés faisaient revenir à la surface leurs souvenirs de guerre. Des bottes allemandes. Des pendus. Des exils. Des murs. « Ici, tout est affaire de territoire » , résume Thanos Anastopoulos. Le cinéaste grec, marié à une Triestine, fixe les bouées délimitant l’espace alloué à la baignade mixte, à une vingtaine de mètres de la rive : « Ça, c’est nouveau ! » , s’étonne-t-il. Un relief vert pointe à l’horizon. Les derniers contreforts des Alpes descendent vers la ville. Du temps de l’empire des Habsbourg, qui la reprit à la République de Venise, Trieste était le port jeté par Vienne sur l’Adriatique. Tous les peuples du bassin du Danube s’y côtoyaient, sans forcément se mélanger. Conquise par Rome après la première guerre mondiale, convoitée par les partisans yougoslaves de Tito après la seconde, occupée par les Alliés, puis rendue à l’Italie en 1954, après avoir été neuf ans durant un « territoire libre », investie par les réfugiés italiens expulsés d’Istrie et de Dalmatie, Trieste est une île habitée par l’idée de frontière. Et par la promesse du grand large. « Le seul endroit où on ne te demande pas à quelle identité tu appartiens, c’est la mer » , dit Thanos. « Le vent de l’histoire » Au croisement des rues Saint-François-d’Assise et Donizetti, on ne voit pas la mer, mais des militaires chargés de garder la synagogue, édifiée en 1912. Elle est jouxtée par un bel immeuble d’habitation typiquement triestin – c’est-à-dire typiquement viennois. Au rez-de-chaussée se trouve l’Antico Caffè San Marco et sa librairie animée par Alexandros Delithanassis et son épouse, Eugenia Fenzi. « Avec moins de 200 000 habitants, Trieste est grande comme la moitié d’un quartier romain, mais on s’y rêve encore comme la deuxième ville de l’Empire austro-hongrois ! » , ironise M. Delithanassis, par ailleurs vice-président de l’historique communauté grecque. Pour autant, le cosmopolitisme triestin résiste : à côté de la communauté slovène historique, les Serbes et les Croates, par exemple, s’épanouissent. « Il faudrait que la diversité retrouvée pour des raisons économiques ait un débouché culturel, comme autrefois » , espère le cafetier littéraire. Installé sur la même terrasse, le rabbin Alexandre Meloni, 63 ans, se félicite de ne pas y voir de manifestations contre les massacres à Gaza, qu’il considère comme antisémites : « Ici, on vit à côté les uns des autres avec une certaine distance, mais dans le respect. » Italo-Alsacien de Strasbourg, M. Meloni n’aime guère la mer. Mais, s’il devait aller à la plage, il irait au Pedocin « pour des raisons religieuses » – comme le font son épouse, l’ancien rabbin ou le prêtre orthodoxe serbe, qui y ont leurs habitudes. A l’entrée de la librairie du Caffè San Marco, l’ouvrage est en tête de gondole. La couverture rouge de l’ouvrage est frappée d’un titre menaçant, Verranno di Notte (« ils viendront de nuit »). Dans le dernier tome d’une série consacrée à l’identité européenne, l’écrivain voyageur triestin Paolo Rumiz se penche sur la montée des extrêmes droites et la menace de la guerre. « De Trieste, on entend arriver de loin le vent de l’histoire , confie-t-il. C’est ce que j’appelle l’oreille périphérique . Trieste est un sismographe qui enregistre les grands mouvements du monde. » Il cite le phénomène du surtourisme qui transforme les villes européennes en « cartes postales d’elles-mêmes ». Ainsi des bateaux de croisière, omniprésents à Trieste et porteurs, selon M. Rumiz, du « vrai grand remplacement » , celui des citadins par les touristes. Il évoque aussi le « spectacle souverainiste » que constitue, à ses yeux, la surveillance militarisée de la route migratoire des Balkans, aux frontières voisines. Seul point stable au milieu de ce chaos : le Pedocin. « Vous y rencontrerez la vraie Trieste populaire. Ceux qui parviennent à y faire campagne gagnent les élections », affirme Paolo Rumiz. « Au Pedocin vibre l’âme libre de la ville, c’est une plage urbaine qui n’a rien à voir avec l’idée de villégiature » , assure pour sa part Federica Manzon. L’écrivaine triestine rappelle que l’établissement a souvent été décrit, après la fin de la guerre froide, comme le « dernier mur encore debout d’Europe ». Lors du référendum proposant de le démolir, les habitants n’y ont-ils pas opposé un non ferme, dans les années 1980 ? De tous ceux qui traversent Trieste, les murs de l’hôtel de ville sont parmi les plus chargés d’histoire. C’est de son balcon que Benito Mussolini proclama, en 1938, les funestes lois raciales organisant la persécution des juifs italiens. On y retrouve le maire, Roberto Dipiazza. Ce politicien de centre droit navigue avec bonhomie entre les contradictions de sa ville. Son agenda en témoigne, où les commémorations communautaires cohabitent avec les annonces en grande pompe – dont celle, très médiatisée, d’un projet visant à raviver le vieux port. Son 30 septembre est déjà réservé : comme chaque année, il célébrera la fin de la saison au Pedocin, dont il salue le folklore « sympathique ». C e jour-là seulement, la muraille tombe, laissant les sexes se mélanger, le temps d’un coucher de soleil, dans des bullesde prosecco. Afflux migratoire et angoisses Le maire a grandi près de l’hôpital d’où est partie, dans les années 1970, la « révolution psychiatrique », promue par le médecin Franco Basaglia : il s’agissait, à l’époque, d’abattre les murs des asiles d’aliénés. On en élève aujourd’hui de nouveaux, en direction des migrants passés par les Balkans, dont beaucoup ont fait du port triestin une étape. « Nous avons des milliers de casernes militaires vides, dans les campagnes alentour, un héritage de la guerre froide, soutient M. Dipiazza. Pourquoi ne pas y loger les réfugiés plutôt que de les laisser vaguer au centre-ville ? » De cet afflux migratoire et des angoisses qu’il charrie, le Pedocin porte l’écho. Sur les murs de la buvette, où l’on sert de rudimentaires sandwichs au porc, figure un autocollant à l’effigie de CasaPound, un groupuscule d’extrême droite. Sur la plage, une polémique a éclaté, en 2023, lorsqu’une baigneuse s’est présentée en voile intégral. « Je ne m’en souviens pas, admet Serena. Mais, l’autre jour, il y a eu du grabuge parce qu’un Chinois a fait irruption côté femmes. En dépit de toutes les évidences, il prétendait ne pas être un homme. » Trieste est réputée, du reste, pour être à la pointe des chirurgies de changement de sexe, comme elle l’est pour ses cafés, ses assureurs,ses écrivains ou son Musée Bora, du nom d’un vent continental qui souffle du nord ou du nord-est, surtout en hiver. Celui qui balaie le Pedocin trouve de plus en plus d’espace où s’engouffrer, à mesure que disparaissent les habitués : Trieste affiche la démographie la moins dynamique du pays. Le soleil se couche sur La Lanterna. De part et d’autre du mur, baigneuses et baigneurs ne se voient pas, mais le même spectacle s’offre à eux. Des navires de commerce croisent ceux des forces de l’ordre ; à l’horizon stagne le yacht d’un oligarque russe, confisqué sur fondde guerre en Ukraine. En 1959, Pier Pasolini achevait par ces mots, à Trieste, La Longue Route de sable (Arléa, 2004), récit de son périple autour des plages italiennes : « Ici finit l’Italie, finit l’été. » Ici survit l’Europe, serait-on tenté d’ajouter. Contre vents et marées. **** *source_L_Humanité *date_2024-08-27 *am_2024-08 *annee_2024 Venise régule le tourisme Les agences de voyages sont invitées à laisser les gondoles tranquilles. La cité des Doges a édicté de nouvelles règles afin de lutter contre le surtourisme, qui s'appliqueront également aux îles de Murano, Burano et Torcello. Après avoir banni les paquebots du coeur de Venise en 2021 pour préserver le patrimoine des inondations, les autorités ont cette fois décidé de limiter la taille des groupes de visiteurs à 25 personnes, soit près de la moitié d'un car de tourisme, avec toutefois des exceptions pour les enfants de moins de 2 ans, les groupes scolaires et les voyages éducatifs. Désormais, les guides aperçus avec des groupes plus importants devront s'acquitter d'amendes allant de 25 à 500 euros. L'usage de haut-parleurs, « qui peuvent générer de la confusion et des perturbations » pour les habitants et les travailleurs, selon la ville, a également été prohibé. Pour réguler les foules, Venise a en outre testé une taxe de 5 euros par personne pour les visiteurs d'un jour entre avril et mi-juillet, y compris la plupart des week-ends. Si la Sérénissime a collecté 2,2 millions d'euros pour 450 000 visiteurs, certains estiment cependant que leur nombre n'a guère été réduit, avec une moyenne de 75 000 visiteurs durant les onze premiers jours de l'essai. **** *source_Le_Monde *date_2023-08-29 *am_2023-08 *annee_2023 A Venise, le surtourisme, une réalité difficile à occulter Venise (Italie) - envoyé spécial - Le soir tombe et le guide Stefano Croce vient de rallier, au sommet du pont du Rialto, le pôle magnétique de la Venise des touristes, cité fantasmée dont il craint qu’elle avale celle des Vénitiens. « Nous avons un choix : rester une ville en contrôlant cette industrie ou devenir un parc à thème » , lâche-t-il, marchant entre deux rangées de boutiques de souvenirs, à contresens d’une foule en reflux qui enjambe un Grand Canal encombré de gondoles. En cette journée de la mi-août, la beauté labyrinthique et amphibie de la Sérénissime se trouve engorgée par des files tristes de visiteurs guidés à l’oreillette, passant devant des portes d’entrée où les mots « locazione turistica » ont remplacé des patronymes oubliés. L’endroit regorge d’individus de passage, occupés à projeter leurs désirs sur le décor d’une ville précieuse et fragile. « J’espère que, cette fois, la procédure aboutira » , souligne M. Croce, 61 ans, en référence à un rapport du 31 juillet de l’Unesco sur Venise, préconisant son placement sur la liste du patrimoine en danger. « Le pétrole de l’Italie » Après avoir été évitée en 2021 grâce à un décret sur les navires de croisière, la sanction pourrait être votée en septembre, motivée notamment par l’incapacité des autorités à préserver « l’identité culturelle et sociale » d’un archipel touristique dont la population est passée, en 2022, sous le palier des 50 000 habitants (contre 171 000 en 1951), pour 30 millions de visiteurs par an. Ce discours, ces scènes n’ont toutefois rien de nouveau. En 1964, en effet, on parlait déjà aux actualités d’un « tourisme de masse [corrompant] les traditions » de Venise. L’exode de ses habitants était présenté par l’Unesco, en 1969, comme une « attaque contre la ville » . « Les problèmes pointés aujourd’hui sont les résultats de choix faits il y a un demi-siècle et sur lesquels on ne pourra plus revenir totalement » , observe l’anthropologue urbaine Clara Zanardi. Dans les années 1970, l’abandon des industries de la lagune a conduit à une exploitation totale du filon touristique vénitien, les biens culturels étant considérés comme le « pétrole de l’Italie » avant que les pouvoirs locaux appellent à « privatiser Venise » , dans les années 1990. L’apparition d’Airbnb a généralisé cette rente, vidant la cité des Doges de petits propriétaires, qui profitent, depuis le continent, de leur patrimoine à louer. « Qu’ils logent, nourrissent ou transportent les touristes, trop d’acteurs dépendent du centre historique comme une poule aux œufs d’or pour que des limitations décisives soient imposées. Peu importe l’avis de l’Unesco » , estime Mme Zanardi. En réaction, la municipalité, l’un des multiples régulateurs du tourisme local, a toutefois prévu de présenter, en septembre, des mesures d’essai pour 2024. Elles pourraient aboutir à un système de réservation de l’usage de la ville censé éviter les pics de fréquentation. « Cette affaire fait l’effet d’une petite tape sur la joue, mais il n’y a pas de solution magique » , juge Simone Venturini, responsable pour le tourisme de l’exécutif vénitien emmené par le maire de droite non encarté et entrepreneur Luigi Brugnaro. Critique des réserves de l’Unesco à l’égard du système MOSE, un barrage contre l’Adriatique mis en place après des décennies de scandales et de controverses pour sauver la ville de la montée des eaux, il minimise : « Nous pensons qu’ils mettent la pression sur Venise pour faire parler d’eux. Qu’ils nous placent sur la liste, ça n’empêchera pas les touristes de venir et les Vénitiens de travailler. » Une réduction draconienne des flux n’est de toute façon pas en discussion, la municipalité invoquant la liberté de circulation des personnes. A la mairie, on estime que la désertification des centres est une malheureuse nécessité historique qui touche la lagune comme toutes les villes d’Europe. La ligne est la même chez Bre-VE, l’association vénitienne de propriétaires de locations brèves. « Notre ville a perdu son authenticité en même temps que ses habitants, qui ont rejoint la terre ferme » , constate sa porte-parole, Elena Fiorani, pour qui cet exode est un « fait économique et social » à prendre en compte, le problème de Venise étant, selon elle, surtout lié aux visiteurs d’un jour. D’après Clara Zanardi, la critique du tourisme comme modèle de développement reste ultraminoritaire bien que très active chez « quelques chercheurs, militants et résidents fortunés du centre » . Idéal de « contrôle total » « La solution pour la Venise insulaire est de se libérer de la périphérie continentale qui l’exploite » , juge Petra Reski, autrice de Venise n’est pas à vendre (Arthaud, 336 pages, 21,90 euros). Mme Reski a milité pour un référendum allant en ce sens, remporté par les autonomistes en 2019, mais non suivi d’effets faute de participation qu’elle attribue à un « boycott de la presse », et critiqué par certains comme une sécession des riches de la Venise historique, isolat politique de centre gauche détaché d’une métropole majoritairement continentale qui a réélu M. Brugnaro en 2020. Sur le campo Santa Margherita, cœur de l’ancienne Venise rouge désormais rongé par les locations Airbnb, Maria Fiano, insulaire, éducatrice en milieu carcéral et engagée sur les questions de logement, défend une ville invisible aux touristes. « Il y a encore des enfants qui vont à l’école, des gens qui vont à la boulangerie, chez le médecin, qui sont exclus de la rente immobilière mais ont une vie ici et qui doivent être défendus avant que Venise devienne une non-ville » , lance-t-elle. Son association, OCIO, qui suit les pressions du tourisme sur l’habitat vénitien, a placé dans la vitrine de la Librairie Marco Polo, qui donne sur la place, un compteur LED indiquant le nombre de couchages disponibles à la location : 49 272 en juillet, soit davantage que la population actuelle. Une autre Venise, pourtant, serait possible. « Notre ville a une superficie idéale pour le concept de “ville des quinze minutes”, ses places sont parfaites pour le lien social, elle est piétonne depuis toujours dans une Europe qui exclut les voitures des centres-villes » , fait remarquer Laura Fregolent, urbaniste à l’université IUAV de Venise. « Elle aurait tout pour devenir le modèle de la ville durable. Travailler dans cette direction requiert cependant une politique fondée sur le contrôle du marché immobilier et la limitation des industries touristiques » , précise-t-elle, par opposition à l’accompagnement public d’un secteur qui croît de lui-même, crée des emplois et des richesses en exploitant la rente d’une beauté menacée mais toujours rentable. Le thème de la soutenabilité est très présent dans les discours des pouvoirs publics. Face à l’idéal de cité organique prôné par Mme Fregolent, la lagune voit cependant émerger un autre modèle d’avenir : la ville machine. Dans l’envers du décor vénitien, outre les mécaniques cyclopéennes du système MOSE, se trouve ainsi, sur l’île artificielle du Tronchetto, un œil qui voit tout, la Smart Control Room de la police municipale, obéissant à l’idéal de « contrôle total » porté par la municipalité. Sur des murs couverts d’écrans, des données récoltées et traitées grâce aux téléphones portables actifs sur la superficie de la ville permettent de visualiser les flux, les lieux de concentration et la distribution des touristes, étrangers, italiens, vénitiens, et des employés pendulaires, de même que ceux des véhicules qu’ils empruntent et des bateaux qui les transportent. « Nous avons pour ambition d’exporter ce modèle unique au monde qui regroupe toutes les fonctions de la gouvernance urbaine dans un lieu unique, avec des informations en temps réel » , explique un cadre de la municipalité. Les quelque 700 caméras de surveillance de la ville y sont reliées. A défaut de pouvoir contrôler le tourisme, Venise peut surveiller ses touristes et ceux qui les servent. **** *source_Les_Echos *date_2024-03-15 *am_2024-03 *annee_2024 Adios au tourisme de « sol y playa » ? Les risques climatiques, la sécheresse et le surtourisme fragilisent le modèle touristique espagnol. Le risque est de mourir de succès. L'Espagne va-t-elle devoir dire « adios » à son modèle de tourisme de « sol y playa » ? Si ce n'est pas pour demain, il est sans doute temps de s'y préparer et d'envisager de nouvelles pistes, mieux adaptées au changement climatique. C'est l'avertissement des experts, alors que le pays vient de boucler une année touristique triomphale. Les résultats de 2023 ont dépassé toutes les espérances, avec la venue de 85 millions de visiteurs, battant les records d'avant la pandémie. Les chiffres sont vertigineux dans un pays de 48 millions d'habitants. Mais le triomphe a été discret parmi les professionnels du secteur, car cette annonce coïncide avec le moment où une bonne part de la Catalogne et de l'Andalousie entre en alerte pour sécheresse. Les municipalités prennent des mesures pour réduire la consommation et font la chasse au gaspillage en baissant la pression au robinet. Les régions qui sont arrivées à la limite de leurs réserves après trois ans sans pluie, cherchent des sources d'approvisionnement alternatives, entre eaux régénérées ou désalinisation. Barcelone et Malaga se préparent à des livraisons par bateaux-citernes et personne ne sait ce qui se passera l'été prochain. Dans ce contexte, est-il possible de prétendre attirer chaque année plus de vacanciers ? Les critiques se font de plus en plus nombreuses. Il est temps de tourner la page du fameux modèle de « sol y playa » inventé aux temps du franquisme, qui a construit la prospérité et fait la réputation de l'Espagne depuis les années 1960. Mais il est encore bien vivant dans les stations balnéaires bondées du côté de la Costa Brava ou les usines à touristes commeBenidorm, non loin d'Alicante, qui continuent d'attirer les classes moyennes du nord de l'Europe à la recherche d'un coin de sable bon marché. Touristes inconscients et gaspilleurs Chaque soubresaut géopolitique en Méditerranée orientale envoie de nouvelles vagues de vacanciers vers l'Espagne ou le Portugal, réputés destinations sûres, mais leur risque est de mourir de succès. L'année 2024 se profile meilleure encore. Faut-il s'en réjouir ? L'incertitude grandit au moins autant que les chiffres. « Il faut agir avec prudence. Nous devons évaluer si cette intensité de croissance est viable, et surtout souhaitable, du point de vue social », avertit José Luis Zoreda, le vice-président d'Exceltur, le lobby qui rassemble les acteurs les plus importants du secteur de l'hôtellerie et des voyages. Pourquoi faudrait-il partager nos ressources en eau, de plus en plus précieuses, avec des touristes inconscients et gaspilleurs ? La grogne monte dans les régions saturées, entre le prix des logements inaccessible pour les jeunes, les commerces de quartiers qui disparaissent, les embouteillages permanents et, maintenant, le risque de coupures d'eau… « Source de prospérité et d'emploi » L'année 2023 a été marquée par l'été le plus long et le plus chaud jamais enregistré. Qu'en sera-t-il en 2024 ? Les hôtels et campings craignent de devoir avertir les clients qu'ils seront privés de piscine l'été prochain. Au point dans la station balnéaire de Lloret de Mar, sur la Costa Brava que les hôteliers ont décidé de se cotiser pour louer ensemble leur propre unité de désalinisation afin de contourner le décret sécheresse catalan qui prévoit une interdiction de remplir les bassins. « On oublie que nous sommes source de prospérité et d'emploi », affirme Jorge Marichal, le patron de la confédération de l'hôtellerie, agacé de voir le secteur accusé de tous les maux, alors, dit-il, que « les hôteliers ont été pionniers dans la réduction de l'empreinte carbone et la promotion de l'usage responsable de l'eau dans leurs installations ». L'argument ne convainc pas forcément la population locale. D'autant qu'une étude indique qu'à Barcelone, un client d'hôtel quatre étoiles consomme plus du double d'eau par jour qu'un habitant de la ville, et un client de cinq étoiles plus du triple. Il est grand temps de se préparer aux contraintes climatiques qui pourraient rendre le pays inhospitalier durant l'été. De fait, une étude de CaixaBank Research analysant les paiements par carte bancaire signale l'impact des jours de canicule sur les dépenses des vacanciers l'été dernier. Ils ont moins déboursé dans les régions les plus chaudes près du littoral méditerranéen, alors qu'ils ont été plus enclins aux dépenses dans les régions plus fraîches du nord du pays. Est-ce une exception, liée à un été 2023 particulièrement torride le long de la côte méditerranéenne, avec des nuits à plus de 40 degrés parfois, ou bien cela marque-t-il le début d'une tendance ? Il est trop tôt pour le savoir, mais « il est crucial que le secteur touristique innove et investisse en stratégie d'adaptation », concluent les experts de CaixaBank Research. De fait, le changement est déjà en marche, avec à la fois les efforts d'aménagement des hôteliers et des localités pour offrir plus d'ombre et de fraîcheur, le confort d'horaires de visites mieux adaptés, ou encore le développement de nouvelles destinations vertes. Mettre en valeur d'autres potentiels « A moyen terme, dans cinq à dix ans, nous allons assister à une évolution de la demande qui affectera non seulement la péninsule ibérique mais tout le bassin méditerranéen », prévoit le consultant Bruno Hallé, codirecteur de la branche hospitality pour Cushman et Wakefield en Espagne. C'est l'occasion, selon lui, de mettre en valeur d'autres potentiels et d'ouvrir un éventail de propositions plus désaisonnalisées, autour du bien-être, du sport, de la culture ou de la gastronomie. Et il avertit : « Le sol y playa ne va pas disparaître, mais il ne sera plus le seul héros. » Cécile Thibaud. **** *source_Le_Monde *date_2024-03-06 *am_2024-03 *annee_2024 Pourquoi la crise du logement s’installe en Europe Athènes, Berlin, Bruxelles, Madrid, Malmö (Suède), Rome - correspondants - En 2022, lorsque les taux d’intérêt se sont envolés, le scénario d’un grand krach immobilier européen était redouté. Il n’a pas eu lieu, mais il n’y a guère de quoi se réjouir. A la place, le marché est entré dans une phase de quasi-gel, avec un fort ralentissement du nombre de ventes, une insuffisance des nouvelles constructions et un tassement des prix immobiliers qui restent historiquement très élevés, limitant l’accession à la propriété des jeunes. Dans toute l’Europe, les prix des logements ont reculé ou stagné en 2023. Ils ont chuté de 5 % en Allemagne, de 2 % au Royaume-Uni comme en France, et ont légèrement progressé de 2 % à 3 % en Italie et en Espagne, selon les données de l’agence de notation Fitch, dans un rapport sur l’immobilier mondial publié en décembre 2023. « Nous prévoyons des prix stables ou en hausse modérée en 2024 et 2025 » , estime l’agence. La France fait néanmoins figure d’exception, avec un recul des prix de 2 % à 4 % prévu cette année. Les conditions économiques laissaient craindre bien pire. La Banque centrale européenne a augmenté ses taux d’intérêt de – 0,5 % à 4 % entre septembre 2019 et septembre 2023, la plus forte hausse de l’histoire de la monnaie unique. Mais, en zone euro, les prêts sont majoritairement à taux fixes sur de longues durées. La hausse des taux n’affecte pas ceux qui ont déjà emprunté, mais seulement les nouveaux acheteurs qui, dès lors, ont plus de mal à décrocher un prêt à la banque. Les propriétaires qui ont des prêts à taux fixes bas, eux, évitent de déménager, de peur de ne pas pouvoir décrocher un nouveau prêt. Ce qui grippe le marché, en réduisant le nombre de biens à la vente – en Allemagne, le nombre de prêts immobiliers a baissé de moitié en deux ans. En France, les transactions immobilières ont été réduites d’un quart. En outre, le nombre de constructions est insuffisant, notamment dans les pays pris d’assaut par les touristes durant la saison estivale, et dans ceux qui ont accueilli des réfugiés depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, en 2022. Ce gel du marché à des prix très élevés a de douloureuses conséquences sociales en cascade. Dans les centres-villes pris d’assaut par les touristes, les classes populaires et moyennes, pénalisées par l’inflation énergétique et alimentaire, peinent de plus en plus à se loger. Certains ménages sont relégués à la périphérie, voire pire. Au Royaume-Uni, le nombre de personnes qui se sont retrouvées sans domicile fixe en 2023 a dépassé le nombre de primo-accédants, selon l’association Generation Rent, qui défend les locataires. En Irlande, l’âge médian des acheteurs est de 39 ans, contre 35 ans en 2010. Aux Pays-Bas et en République tchèque, le sujet alimente la colère politique, tandis que l’Italie, le Portugal et la Grèce tentent de lutter contre les excès du tourisme. En Italie et en Grèce, le surtourisme aggrave les problèmes En Grèce, la gentrification dans les grandes villes comme Athènes, Thessalonique, et dans certaines îles prisées des touristes, exaspère les locaux, qui peinent désormais à se loger. A l’instar de Costas, un jeune étudiant en architecture chassé de son appartement début janvier dans le quartier athénien d’Exarchia. « Le propriétaire avait augmenté mon loyer de 100 euros l’an dernier, puis, en septembre, il m’a annoncé qu’il voulait le transformer en Airbnb , raconte-t-il, énervé. Je peine désormais à retrouver un studio pas trop loin de mon université, tous les prix ont explosé ! » A Exarchia, quartier alternatif berceau de l’anarchisme et de la révolte étudiante contre la dictature en 1973, les réactions face à cette gentrification sont parfois violentes : manifestations contre la construction d’un nouveau métro, tags sur les murs appelant les touristes à rentrer chez eux, et, plus récemment, vandalisme contre des magasins jugés représentatifs de cette transformation accélérée du quartier. En 2023, les loyers grecs ont augmenté de 5,9 % en moyenne, et la hausse est de 37 % depuis 2018. Dans certains quartiers, elle est même de 50 %, alors que les salaires n’ont que peu augmenté depuis quinze ans. Durant la crise de la dette, au début des années 2010, de nombreux propriétaires n’avaient pas les moyens de payer les impôts et de rénover leurs biens – ils ont donc choisi de laisser leurs logements fermés. Problème : quand l’économie est repartie, en 2015, les investisseurs de locations saisonnières se sont intéressés à ces biens, ainsi qu’aux bureaux ou petites boutiques fermés pendant la récession, afin de les transformer en locations. En 2016, Vangelis Filippidis travaillait ainsi dans une petite entreprise de publicité, lorsqu’il a changé d’activité. « J’ai transformé mon bureau en deux appartements Airbnb » , explique-t-il. Il a créé sa propre société, qui emploie aujourd’hui 17 personnes, et gère désormais 80 appartements pour d’autres propriétaires. « Beaucoup d’entreprises ont fermé pendant la crise, les bureaux se sont retrouvés vides : le business des Airbnb était une aubaine pour la Grèce qui n’est pas une contrée industrielle » , souligne le quadragénaire. Peut-être. Mais selon la Banque du Pirée, il manque actuellement 212 000 logements dans le pays, principalement parce que 170 000 appartements ou maisons ont été mis sur les plates-formes de location à court terme, de type Airbnb. Pour limiter le problème, le gouvernement a lancé un programme pour inciter les propriétaires à rénover leur logement : ils bénéficieront de déductions fiscales s’ils les mettent en location, notamment à des jeunes. Il s’apprête également à relever de 250 000 euros à 800 000 euros le niveau des investissements dans l’immobilier exigé aux ressortissants non européens souhaitant obtenir un « visa doré » dans le pays. Pas sûr que cela suffise. En Italie aussi, l’afflux de visiteurs et le développement des locations brèves alimentent la crise du logement qui sévit dans tout le pays. En 2022, les locations d’appartements pour touristes ont ainsi enregistré 178,2 millions de nuitées, d’après les données du cabinet Sociometrica pour Federalberghi, la fédération nationale des hôteliers. Cela représente 42 % du marché, pour un chiffre d’affaires de 11 milliards d’euros. La situation est particulièrement criante à Florence, qui compte parmi les destinations les plus recherchées de la Péninsule. Avec une offre considérablement réduite, le salaire moyen (1 570 euros mensuels net) ne permet plus de s’y loger. Les étudiants comme les familles sont chassés du centre-ville, où 14 300 locations brèves sont enregistrées, soit deux fois plus qu’en 2016, selon la municipalité. Bien plus profitables que des locations résidentielles, ces dernières ont de plus en plus souvent la préférence des propriétaires, ce qui a fait grimper les prix. Entre 2016 et 2022, les prix des logements ont ainsi crû de 42 %. Le coût de la vie dans la ville, même dans un appartement de 35 mètres carrés, est désormais supérieur au salaire moyen des moins de 35 ans, selon la Confédération italienne des syndicats de travailleurs. « J’ai de nombreuses connaissances qui sont les seuls habitants de leurs immeubles, tous les autres appartements étant destinés à des locations pour touristes , raconte Ilaria Agostini, urbaniste florentine et chercheuse à l’université de Bologne. La situation de Florence est caractéristique de la dynamique des villes italiennes attractives pour les touristes : les politiques urbaines sont orientées par la rente touristique et le centre-ville est mis entièrement à disposition du secteur. En conséquence, les habitants s’en vont, la vie urbaine ordinaire disparaît. » Ces dix dernières années, le centre de la capitale toscane a perdu 4 500 habitants. Selon le syndicat des locataires CGIL-Sunia, les expulsions de personnes qui ne sont plus en mesure de payer leurs loyers, en forte hausse, se traduisent de plus en plus par la transformation de logements en locations touristiques. Pour tenter d’endiguer le phénomène, le conseil municipal a adopté en octobre 2023 une mesure « anti-Airbnb ». Elle prévoit un gel des locations touristiques dans la zone du centre inscrite au patrimoine de l’Unesco et des mesures incitatives censées convaincre les propriétaires d’accepter des locataires ordinaires. La zone concernée ne représente cependant que 5 % de la superficie de la ville. En Suède et en Allemagne, les complexités réglementaires accentuent la pénurie La scène est devenue un classique pour ceux qui cherchent à se loger dans les grandes villes allemandes : tout appartement mis en location à un prix abordable suscite des files d’attente interminables. La concurrence sur les dossiers est extrêmement rude, en particulier pour les revenus modestes, les étudiants ou encore les étrangers, comme le 1,1 million d’Ukrainiens arrivés depuis 2022. Le chiffre de 400 000 logements construits par an, promesse phare du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, a été abandonné. La crise n’est pas seulement une bombe sociale et politique, c’est aussi devenu un frein à la croissance dans un pays déjà en récession. « L’énorme manque de logements empêche la transition structurelle de l’économie et la mobilité sociale » , analyse Moritz Schularick, président de l’Institut économique de Kiel. Les taux d’intérêt élevés ne sont qu’une partie de l’explication. Pour beaucoup d’experts, la politique a échoué à améliorer les conditions réglementaires autour de la construction. Selon un rapport de l’Institut économique de Munich, l’Ifo, publié en février, l’Allemagne est une des lanternes rouges de la construction en Europe : le pays devrait livrer seulement 200 000 logements neufs en 2026, soit un effondrement de 40 % par rapport à 2022. Seule la Suède devrait enregistrer une baisse supérieure sur la période. « La construction est globalement trop complexe et coûte trop cher , estime Ludwig Dorffmeister, expert des questions immobilières à l’institut Ifo et auteur du rapport. La prolifération des réglementations, notamment énergétiques, n’a cessé de renchérir le coût de la construction au cours des trois dernières décennies. » Le chercheur estime que l’élaboration des projets immobiliers – comme l’aménagement de l’espace et les procédures d’autorisation – est devenue très complexe et prend plus de temps qu’auparavant. « En 1994, 710 000 permis de construire ont été accordés. En 2021, ce chiffre était tombé à 380 000 » , alors même que les taux d’intérêt étaient faibles et la crise du logement déjà aiguë. « Si le politique n’arrive pas à s’entendre sur une réduction radicale des règles de construction, la seule solution est le rétablissement d’une subvention aux constructions neuves , poursuit Ludwig Dorffmeister. Mais cela n’est pas efficace immédiatement et coûte de l’argent public. » Un tabou pour la coalition à Berlin, qui peine déjà à tenir son budget dans les limites constitutionnelles auxquelles l’Allemagne s’est astreinte. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de la Suède, où l’on appelle cela la bostadskö – bostad pour « logement », kö pour « file d’attente ». Pour décrocher un contrat de location de première main pour un appartement, peu importe la commune ou la région, il faut faire la queue. Certains inscrivent leurs enfants dès leur plus jeune âge. De nombreux organismes exigent, cependant, d’avoir plus de 18 ans, comme Bostadsförmedlingen, l’agence stockholmoise du logement, qui gère une grosse partie des locations dans la capitale. Jeudi 29 février, 834 644 personnes (dans un pays de plus de 10 millions d’habitants) étaient enregistrées dans la file d’attente de l’organisme. En moyenne, il faut compter neuf ans pour décrocher un bail. Dans la seconde ville du pays, Göteborg, c’est presque sept ans, et trois ans à Malmö. Il est certes possible de louer un appartement auprès d’un particulier. Mais les conditions sont très réglementées. Le syndic, notamment, doit donner son autorisation, et il le fait en général pour des durées courtes. Nombreux sont ceux qui passent des mois, voire des années, à attendre de se voir enfin attribuer un appartement, d’autant plus difficile à obtenir quand il ne se situe pas trop loin du centre d’une grande ville. Une situation aggravée par la crise du bâtiment : afin de faire face à la demande, il faudrait construire 67 300 logements neufs par an d’ici à 2030, selon Boverket, l’agence nationale du logement. On est très loin du compte : en 2024, seulement 20 000 logements devraient être mis en chantier. Les jeunes, en particulier, sont affectés par cette pénurie. Selon le dernier rapport de Hyresgästförening, l’association suédoise des locataires, publié en novembre 2023, un quart des 20 à 27 ans (qui sont près de 1 million) vivent encore chez leurs parents. Pour 77 % d’entre eux, ce n’est pas un choix, mais une obligation, car ils n’ont pas d’alternative, faute de logements libres et des ressources nécessaires pour payer des loyers qui ont augmenté en moyenne de 1 000 couronnes (près de 90 euros) depuis 2021. En Espagne, les institutions locales résistent à l’encadrement des loyers Près d’un an après l’approbation de la loi pour le droit au logement, en mai 2023, la principale mesure pour lutter contre la flambée de loyers, l’encadrement des prix, n’est toujours pas appliquée. Pis, à l’exception de la Catalogne, aucune des communautés autonomes du royaume n’est pressée de la mettre en œuvre. Le gouvernement régional de Madrid est convaincu qu’il s’agit d’une intervention qui « fera monter davantage les prix » . Pour celui de Cantabrie, elle est « digne de pays communistes » comme « Cuba » . Quant à la Galice, elle craint qu’elle ne provoque une baisse du nombre de logements mis en location. Toutes, gouvernées par le Parti populaire (droite), ont l’intention de la boycotter. Le texte en vigueur, fruit d’un compromis entre le Parti socialiste, réticent à l’idée de trop altérer les lois du marché, et la gauche radicale Unidas Podemos, désireuse d’approuver des mesures fortes de contrôle des loyers, est pourtant timide. Il prévoit bien l’encadrement des prix, mais uniquement dans les zones déclarées officiellement « sous tension » par l’administration régionale. Par ailleurs, l’indice de référence des prix, qui entrera en vigueur le 13 mars, est une fourchette de prix assez large, élaborée en fonction de statistiques globales et des caractéristiques de chaque appartement susceptibles d’en augmenter la valeur, qui a suscité les critiques de la gauche radicale. Enfin, le plafonnement ne s’appliquera qu’aux contrats signés avec des « grands propriétaires » (de plus de dix biens immobiliers) et pour les logements vides depuis cinq ans. Pour les petits propriétaires, c’est le loyer du dernier contrat qui servira de référence : il ne pourra être augmenté (hors inflation) qu’en cas de travaux effectués dans le logement. La Catalogne est cependant la seule région qui a prévu de décréter des « zones sous tension », en l’occurrence dans 140 municipalités, où les prix moyens des loyers dépassent 30 % des revenus moyens des foyers, et où elle pourra, dès le 13 mars, encadrer les prix. Aux Pays-Bas, les tensions sur les loyers alimentent la montée du populisme Les difficultés des classes moyennes à se loger correctement, au moment où l’inflation contraint leur budget et réduit leur pouvoir d’achat, nourrissent un désarroi, voire une colère, sur laquelle les formations populistes entendent prospérer. En particulier dans les pays où les partis traditionnels ont échoué à traiter le problème, à l’instar des Pays-Bas. Avant sa chute, en juillet 2023, le gouvernement de Mark Rutte avait ainsi de grandes ambitions : il avait esquissé une « grande transformation » des Pays-Bas à l’horizon 2030, 2050 et même 2100. Un vaste projet prévoyant notamment la construction de 936 000 logements d’ici à 2030. Il entendait répondre à ce problème crucial qui fut au cœur des élections législatives, en novembre 2023, et du bouleversement politique qu’elles ont entraîné. Les logements sociaux, longtemps accessibles au très grand nombre, se sont faits plus rares depuis une quinzaine d’années. Gérés par des corporations, ils représentent toutefois un tiers encore du parc résidentiel, mais les conditions d’accès ont été durcies et les constructions ralenties. En même temps, les prix du marché locatif privé, qui ne représente que 7 % du marché, ont fortement grimpé, comme ceux des appartements et maisons à vendre. Pour beaucoup de familles, même de la classe moyenne, vivre dans le centre des villes est devenu difficile. Et les moins aisées doivent attendre plusieurs années pour obtenir un logement social. De quoi faire naître un véritable problème que l’extrême droite populiste a exploité. Geert Wilders, dirigeant du Parti pour la liberté, en a même fait un sujet de campagne, sur le thème : « Les demandeurs d’asile occupent des logements qui ne peuvent aller aux Néerlandais. » Pour tenter de résoudre la crise, le gouvernement Rutte évoquait donc la construction rapide de logements accessibles au plus grand nombre et voulait favoriser l’acquisition pour les revenus modestes et moyens. Il envisageait aussi de sanctionner – avec de lourdes amendes à la clé – les propriétaires exigeant des loyers jugés excessifs et de forcer les municipalités, qui disposent de larges compétences en matière de logement, à mieux contrôler la situation. Que restera-t-il de ces projets ? M. Wilders, arrivé en tête des élections de novembre 2023, tente, depuis plus de trois mois, d’esquisser une formule gouvernementale. Et pour le logement comme pour beaucoup d’autres sujets, on ignore toujours à quoi il pourra aboutir. **** *source_Le_Figaro *date_2023-11-01 *am_2023-11 *annee_2023 Quand les randonneurs exaspèrent les riverains LOISIRS Une passion française. En plus du million de kilomètres de chemins ruraux et de voies communales, notre pays est traversé par 226 000 kilomètres de sentiers balisés, régis par des législations spécifiques. Parmi eux figurent les quelque 360 grandes randonnées recensées par la Fédération française de la randonnée pédestre (FFRP), dont le premier est apparu en 1947. Ils passent par des sites historiques ou géographiques remarquables, traversent des villages et domaines boisés, près de maisons d'habitations ou des châteaux classés. Ils longent aussi le littoral ou coupent des estives pâturées. Au total, l'Hexagone recense 27 millions de randonneurs réguliers ou occasionnels, selon un sondage de l'Union sport et cycle réalisé pour la FFRP. Un loisir en pleine expansion après les confinements successifs de 2020 et 2021, liés au Covid. Revers de la médaille : les jours d'affluence, notamment pendant les vacances scolaires, on est proche de la saturation et les conflits d'usage sont de plus en plus fréquents. Surnommé le sentier des douaniers, le GR34 est à la fois le plus long et le plus emprunté de tous. Relativement plat, il est aussi l'un des plus simples. Depuis le Mont-Saint-Michel (en Normandie), il fait le tour du littoral breton et prend fin au pont de Saint-Nazaire (Pays de la Loire), soit 2 090 kilomètres au total. Un itinéraire en bordure de falaise, avec la mer en contrebas, ayant attiré 9,1 millions de randonneurs en 2018, selon une étude du ministère des Sports. Mais la loi Littoral du 31 décembre 1976, qui impose aux propriétés privées en bord de mer une servitude de trois mètres pour laisser passer les marcheurs, n'est pas toujours du goût des riverains. Certains n'hésitent plus à se lancer dans de longues batailles juridiques. Quitte à évoquer l'érosion de la côte pour barrer le passage, comme l'a fait récemment un retraité de Saint-Briac-sur-Mer (Ille-et-Vilaine). Retombées économiques « À Saint-Briac-sur-Mer, il aura fallu 4 décennies de rebondissements judiciaires pour que le tracé du sentier des douaniers soit totalement validé par la justice, le 12 octobre 2022, rappelle Isabelle Bielle, vice-présidente du Comité départemental de la FFRP en Ille-et-Vilaine, en charge des itinéraires. Le dernier passage côtier litigieux est désormais rouvert et bien balisé en GR depuis début 2023. L'ancien tracé nous obligeait à faire une longue bifurcation dans les terres. » Plus à l'est, à la pointe du Grouin, entre Cancale et Saint-Malo, pour absorber l'afflux de randonneurs, le parking d'accueil des véhicules a dû être réaménagé et éloigné de la côte par les collectivités locales. « On a connu des pics de fréquentation proche de la saturation sur ce sentier pendant les années Covid, mais depuis, les gens peuvent repartir à l'étranger et il y a moins de monde » , ajoute celle qui est elle-même randonneuse. Toujours au départ du Mont-Saint-Michel, le GR37, long de 270 kilomètres, traverse la Bretagne intérieure jusqu'à Crozon. Là aussi, le tracé n'est pas accepté par tout le monde. « Nous avons actuellement deux conflits d'usage sur le GR37 en Ille-et-Vilaine , poursuit Isabelle Bielle. Une riveraine dans le nord du département a fermé l'accès du GR car elle estime qu'il passe trop près de sa maison. Elle ne veut plus rouvrir cette portion de chemin communal alors qu'elle a été déboutée en justice car le tronçon litigieux est inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade. Plus au sud, entre Fougères et Vitré, un nouveau propriétaire a mis fin à une convention de passage sur le GR37 qui passait dans son domaine. Il souhaitait chasser plus souvent et a invoqué des raisons de sécurité. Résultat, la FFRP a mis en place une déviation temporaire en collaboration avec le département et Vitré Communauté. Nous espérons trouver une meilleure solution au plus vite. » Dans les Alpes, le Mont-Blanc et les sentiers environnants sont également victimes de leurs succès. « Nous avons mis dix-sept ans, avec l'appui d'Emmanuel Macron, pour arriver à pacifier le Mont-Blanc tellement il y avait de monde, indique Jean-Marc Peillex maire de Saint-Gervais-les-Bains en Haute-Savoie. En écrivant ce que l'on voulait y faire, c'est-à-dire réserver ce site mondialement connu à l'alpinisme et au ski, nous avons repoussé tous les autres usages. On y faisait tout et n'importe quoi. Pour faire l'ascension du Mont-Blanc, il faut avoir désormais une réservation dans un des refuges proches du site. Nous avons créé des itinéraires exclusivement réservés aux VTTistes qui, avec l'assistance électrique, vont de plus en plus haut. À côté, nous avons mis en place des pistes uniquement pour les piétons. Il faut que chacun y mette du sien pour que cela ne soit pas conflictuel. Nous régulerons aussi l'accès au GR Tour du Mont-blanc, l'un des plus difficiles en France, par l'obligation d 'un hébergement. » Pour mieux gérer les déchets produits par tous ces visiteurs, l'édile a supprimé les poubelles. « Au départ des grands chemins, nous avons planté des totems avec des recommandations en pictogrammes compréhensibles pour tous. On demande notamment de rapporter les déchets ou tenir les chiens en laisse, poursuit Jean-Marc Peillex. Cela fonctionne très bien. » En revanche, l'Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), qui fêtait ses 20 ans cette année, du 28 août au 3 septembre, n'est pas du goût du maire de Saint-Gervais. « Cette course qui attire 100 000 personnes sur plusieurs jours n'est pas adaptée à notre environnement. Elle contribue au surtourisme et est destructrice du milieu naturel, déplore-t-il. Détenu par un groupe chinois, l'UTMB est là pour faire de l'argent. Je n'ai pas donné mon autorisation aux organisateurs de cette manifestation pour passer sur nos chemins, mais ils sont passés outre. Nous organisons deux courses, la Montagnarde et la Montée du nid d'aigle, qui sont limitées en nombre de participants. » Outre la surfréquentation, les GR souffrent aussi des incivilités des marcheurs. « Les usagers des chemins de randonnée pensent que la campagne est à tout le monde, note Sébastien Gouttebel, maire de Murol, dans le Puy-de-Dôme. Ils font ce que bon leur semble. Pourtant, ces chemins sont soumis à des servitudes de passage des engins agricoles, ajoute le maire auvergnat, également président de la Communauté de communes du massif du Sancy, gérant 750 kilomètres de chemins balisés. Les usages doivent être partagés et des règles respectées. Certains se promènent avec leur chien en liberté, à proximité des troupeaux. Dans les estives, cela crée des tensions avec les chiens de protection qui peuvent se montrer agressifs vis-à-vis des intrus. Par ailleurs, nous devons faire face à de nouveaux usages : l'utilisation de vans aménagés. Ils s'engagent de plus en plus loin dans les chemins pour faire des bivouacs dans des endroits interdits. L'application Park4night les pousse à repérer et géolocaliser les sites les plus insolites. Quitte à pénétrer dans un domaine privé ou à laisser après leur passage une barrière ouverte, au risque de voir s'échapper les vaches. On ne peut plus rien interdire aux gens, depuis le Covid. Ils s'estiment être libres et menacent de ne plus jamais revenir faire du tourisme dans votre commune. » Une menace qui ne laisse pas indifférents les maires ruraux, en mal de recettes pour boucler leur budget. Les randonneurs représentent une retombée économique non négligeable : 45,40 euros de dépenses par jour, selon une étude de l'Association française des coureurs cyclistes (AFCC) datant de 2021. « Je voulais être seul... » Plus au sud, en Corse, le mythique GR20 traverse l'île par ses montagnes, du nord au sud, sur 180 kilomètres de long pour 13 000 mètres de dénivelé. Il a été pris d'assaut en 2022 avec plus de 130 000 nuitées, frôlant la saturation à certains goulets d'étranglement du parcours. Mais là aussi, après une saison record l'an dernier, la fréquentation en 2023 a diminué. « Elle affiche une baisse de l'ordre de 20 % pour retrouver son niveau d'avant-Covid, affirme au quotidien Corse Matin , Benoît Vesperini, chef du pôle montagne au Parc naturel régional de Corse. L'année 2022 a connu une fréquentation exceptionnelle, avec des taux de remplissage parfois à la limite de nos capacités d'accueil. On sortait de deux saisons perturbées par le Covid, les gens avaient des envies de nature et d'évasion. » Une baisse de fréquentation liée aussi aux contraintes d'hébergement ou à l'accueil sur place, réputé plutôt froid. « On est obligés de bivouaquer dans l'un des 15 refuges ou à proximité immédiate , note Basile, un cadre trentenaire de Dordogne ayant parcouru le GR20 cet été. L'accueil le long du GR est plutôt froid. On ne croise pas souvent de locaux, sauf quand on se perd ! On croise alors un berger qui nous demande ce qu'on fait hors sentier. » Sur le GR le plus spirituel de France, le 65 ou « via Podiensis » (voie du Puy), l'un des quatre principaux chemins partant de France vers Saint-Jacques-de-Compostelle, l'afflux de randonneurs pose également quelques problèmes. « Je voulais être seul, mais cela n'a pas duré longtemps. Le soir, dans les gîtes, on retrouve les marcheurs croisés dans la journée et on fait connaissance. Il y a tellement de monde que l'on voit parfois des panneaux plantés par les riverains sur lesquels on peut lire : « Pèlerins, merci de ne pas faire de bruit » , se souvient Basile, qui a marché sur le GR65 pendant l'été 2022. Les lieux d'hébergement sont nombreux, avec des pièges à touristes mais aussi des haltes authentiques où les riverains sont très accueillants. » Moins fréquentés, les chemins noirs, du nom de ces minuscules sentiers empruntés par Sylvain Tesson dans son livre du même nom, sont, eux, en sursis. Ils disparaissent petit à petit, sans coup férir. Certains riverains ne les apprécient guère, car ils viennent empiéter leurs terres. Ils usent alors de tous les stratagèmes pour bloquer le passage aux promeneurs : tronc d'arbre en travers du sentier, clôture électrique, ronciers fournis et piquants... S'ils sont patients et qu'ils connaissent leurs droits, ces riverains mécontents peuvent ainsi faire jouer la « prescription trentenaire » et acquérir ces petits chemins par voie de justice. Ainsi à Larroque, dans le Tarn, un agriculteur vient d'avoir gain de cause au tribunal judiciaire d'Albi. Il est devenu propriétaire de quelque 220 mètres d'un sentier qui passait derrière sa ferme et qui, selon lui, n'était plus emprunté. Et cela, au grand dam des riverains. « Cela bloque la continuité du sentier qui relie Vaour à Monclar de Quercy en passant par la crête nord de la forêt de la Grésigne » , regrette Daniel Fleckinger, habitant près du chemin en question et plaignant dans cette affaire, avec d'autres voisins. « Revoir la législation » Un cas loin d'être isolé en France. « Nous sommes de plus en plus sollicités par des associations locales pour intervenir dans des conflits d'accaparement des chemins ruraux par des riverains, dans une pâture ou une propriété privée, constate Charles Péot, directeur de Codever, collectif de défense des loisirs verts. Bien souvent, les communes laissent pourrir la situation depuis des années car elles n'ont plus les moyens de les entretenir et les vendent à des personnes privées en les aliénant. » Ce qui n'est pas du goût d'associations attachées à la biodiversité et au patrimoine. « L'article 161-10 du code rural stipule que les chemins ruraux peuvent être aliénés par vente aux riverains, s'il est estimé qu'ils ne sont plus utiles à la circulation publique, précise Benoist Grangier, président de l'association Tous en chemin rural, un collectif qui entretient ces sentiers ruraux. Cette disposition date d'une époque, le XIXe siècle, où le tourisme rural et les randonnées n'existaient pas. Ces chemins ont une histoire, ils participent à une richesse patrimoniale et jouent le rôle de sentinelle de l'environnement. Il faudrait revoir la législation et l'adapter au contexte actuel. » Une proposition qui a fait des émules. « Je vais m'emparer du sujet à l'Assemblée nationale et demander que l'on procède à un état des lieux des chemins cadastrés. Il faut que l'on fasse des propositions pour ne pas voir ces sentiers aux vocations multiples disparaître de la carte de France » , assure le député de Lozère Pierre Morel-À-L'Huissier, bien au fait de ce sujet. **** *source_Les_Echos *date_2024-08-22 *am_2024-08 *annee_2024 Dans la presse étrangère Surtourisme : comment voyager sans importuner les habitants locaux Faire le « touriste », c'est par essence être un peu agaçant, constate le journal « The Guardian ». Et dans certaines villes, c'est plus qu'un simple agacement : alors qu'environ 1,3 milliard de personnes ont franchi une frontière internationale pour un voyage en 2023 - un chiffre multiplié par 25 depuis les années 1950 -, les mouvements « antitourisme » se développent. A Venise par exemple, une taxe touristique de 5 euros a été créée pour les visiteurs qui ne passent qu'une journée. Le conseil municipal d'Amsterdam a choisi de fermer un terminal de croisière pour limiter le tourisme de masse et réduire la pollution des bateaux. Dubrovnik (Croatie) est obligée de rappeler qu'il est interdit de sauter dans les fontaines ou de grimper sur les statues, tandis qu'à Rome le gouvernement en est à menacer de prison les touristes qui dégradent le Colisée. Voir moins d'endroits, y rester plus longtemps Ces désagréments sont exacerbés par le caractère massif du tourisme, en net rebond depuis la fin de la crise du Covid et favorisé par « des vols de plus en plus abordables mais aussi par la commodité de réserver des voyages en ligne, du lancement des courtiers de vols et d'hôtels de dernière minute à la fin des années 1990, à l'apparition d'Airbnb à la fin des années 2000, suivi de Google Flights and Trips. » Autant d'évolutions qui ont facilité les réservations de dernière minute. Faut-il alors arrêter de voyager ? La journaliste Paige McClanahan prône plutôt de commencer par ne plus envisager un voyage comme « un élément rayé de sa liste de choses à faire avant de mourir, une photo amusante à ajouter à son Instagram, une chose de plus dont on peut se vanter auprès de ses pairs » mais comme l'occasion de profiter d' « interactions de haute qualité et significatives et d'approfondir notre compréhension de ce que signifie être un être humain dans un monde aussi interconnecté ». La deuxième étape est de voir moins d'endroits mais plus longtemps. Et surtout, de réfléchir à deux fois avant de chercher à voir les chutes Victoria au Zimbabwe ou la Grande Barrière de corail en Australie, qui sont les marqueurs d'une « planète mourante ». Finalement, le « Guardian » suggère de soutenir le développement en cours de moyens de transport alternatifs, comme l'avion électrique ou à hydrogène. Sarah-Yasmine Ziani. **** *source_L_Opinion *date_2024-08-09 *am_2024-08 *annee_2024 Les cibles de Meloni pour boucler son budget 2025 AUTRE Pour maintenir les mesures prises en 2023, le gouvernement italien envisage de taxer les étrangers fortunés, les banques et les touristes Le gouvernement de droite cherche envi- ron 20 milliards d'euros pour son budget 2025. Comme la France, l'Italie est sous le coup d'une procédure de l'Union européenne pour décit excessif. L M se prépare à pré- senter son budget 2025, qui sera discuté au Parle- ment à partir de n septembre. L'exécutif fait dé- jà ltrer quelques mesures d'une loi de nances qui s'annonce dicile alors que la dette publique italienne continue de grimper : elle dépassera bientôt 140 % du PIB et atteindra 3 000 milliards d'euros l'an prochain avec une trajectoire qui prévoit une hausse jusqu'en 2027. Rome paie en- viron 100 milliards d'intérêts par an, résultat des décits accumulés lors de la période post-Covid (7,4 % du PIB en 2023), ce qui amenuise considé- rablement ses marges de manoeuvre. « Puzzle ». L'exécutif semble notamment envisager de doubler l'impôt forfaitaire sur les revenus générés à l'étranger, dont les non- résidents qui s'installent scalement en Italie peuvent bénéicier. Dans ce cas, ils doivent s'acquitter de 100 000 euros, plus 25 000 eu- ros pour chaque membre de la famille. Ce régime a été introduit en 2017 pour attirer en Italie contribuables fortunés et capitaux. En 2022, 1 136 personnes – dont 818 contribuables principaux et 318 membres de la famille – en ont proté, pour des recettes totales d'environ 90 millions d'euros. Doubler le montant de cet impôt, pour le passer à 200 000 euros, serait donc presque imperceptible pour les caisses publiques. Cette piste semble toutefois cohérente avec l'idée de « puzzle » de recettes avancée par le ministre des Finances, Giancarlo Gior- getti, conscient que trouver quelque 20 mil- liards d'euros pour maintenir les mesures du budget précédent – notamment la réduction de l'impôt sur les revenus des moins aisés, seulement nancée pour 2024 – sera ardu. Ne pouvant acter un déicit comparable à celui de 2023, le ministre n'a d'autres solutions que d'augmenter les impôts et de faire des éco- nomies. Il a, par exemple, déjà réclamer aux ministères de baisser leurs dépenses d'environ 2,5 milliards, et semble décider à lutter contre l'évasion scale. Le gouvernement a aussi l'intention de de- mander un eort aux banques. « Comme tous les citoyens, a expliqué Giorgetti, elles seront également appelées à contribuer aux nances publiques. » La mise en place d'une nouvelle taxe sur les superproits apparaît dificile, malgré la rumeur insistante, alors que l'exé- cutif avait essayé de l'imposer pendant l'été 2023 avant de faire machine arrière. L'hypo- thèse avancée par le quotidien La Repubblica tourne plutôt autour d'une obligation faite aux banques de rémunérer les dépôts des comptes courants : pour l'Etat, ce serait une manière de générer des ressources, les revenus mobiliers étant taxés à 26 %. Justiier les mesures à venir génère aus- si des contorsions lexicales de la part des membres du gouvernement. Face à la forte progression du tourisme, et en prévision de l'auence à Rome dans le cadre du jubilé 2025, l'exécutif de droite voudrait augmenter la taxe de séjour jusqu'à 25 euros par nuit. Une dispo- sition critiquée par le secteur, qui pourrait être contraint de baisser ses prix ain d'absorber l'impact de cette hausse sur les clients pour éviter de perdre des parts de marché. « Toutes les taxes ne sont pas des taxes, a tenté de ras- surer la ministre du Tourisme, Daniela San- tanché. La taxe de séjour n'en est pas une. En période de surtourisme, nous plaidons pour qu'elle contribue réellement à l'amélioration des services et à la responsabilisation des tou- ristes qui la paient. » Une explication qui pei- nera à rassurer les professionnels. @FrMaselli X. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2024-05-13 *am_2024-05 *annee_2024 En baie de Somme, la revanche de l'arrière-pays Isabelle Boidanghein Ouvrir des chambres d'hôte dans un lieu prestigieux : à quelques kilomètres de la prisée baie de Somme, des particuliers viennent de franchir le pas en transformant manoirs, maisons de caractère ou châteaux. Le phénomène est en plein boom. Les propriétaires trouvent dans ces beaux lieux la sérénité à laquelle ils aspirent - même si on ne peut pas vraiment parler de surtourisme, la côte picarde connaît parfois des pics de fréquentation -, tout en en faisant profiter leurs clients à la recherche de quiétude et de patrimoine. Lassés de leur vie de Lillois, Aurélie et Éric Bécourt ont acheté le château de Belloy-sur-Mer à Friville-Escarbotin, érigé par un industriel. Une grande chance pour Aurélie, qui a grandi dans le village voisin et cueillait des jonquilles, enfant, dans le parc de 14 ha. C'est devenu depuis quelques mois une belle maison d'hôte de quatre chambres et un gîte. Deux autres chambres et une salle de réception seront bientôt proposés. « C'est un endroit où respire la nature, confie Aurélie. Les clients sont heureux d'observer les animaux, de se balader à vélo en ayant la baie de Somme à 4 km seulement. C'est un secteur porteur mais il était nécessaire que ma famille soit à proximité pour nous épauler. Ce n'est pas l'achat qui coûte le plus cher mais les travaux. » Le couple a bénéficié de l'aide du conseil régional pour certains travaux dans le cadre d'un contrat de rayonnement touristique visant à développer l'offre d'hébergements à l'intérieur des terres dans les zones Ponthieu-Marquenterre/baie de Somme/Vimeu. « Les porteurs de projets peuvent nous contacter en amont pour vérifier s'ils correspondant aux attentes des prestataires comme la région ou Somme Tourisme, informe Marc-Antoine Weyl, responsable du pôle attractivité et promotion du parc naturel régional baie de Somme Picardie maritime. On ne s'improvise pas hébergeur du jour au lendemain. » Encore des opportunités Selon lui, il reste des opportunités. À Gamaches, par exemple, une propriété de 12 pièces est affichée à 365 000 €. À Abbeville, un immeuble de 654 m 2 est à 397 000 €. À Mareuil-Caubert, une belle villa de 14 pièces et de 425 m 2 est annoncée à 798 000 €. « Investir dans ces biens, ça se faisait depuis longtemps aux environs d'Amiens et en baie de Somme mais pas dans l'arrière-pays, constate Aurélie Wallet, chargée de communication à Somme Tourisme. Ces projets d'envergure sont menés par des couples qui misent sur un secteur qui n'est pas le plus développé touristiquement. » À 27 ans, Charlotte Serpier et Antoine Rémy sont tombés sous le charme du manoir de Béthencourt-sur-Mer, datant de 1926 et entouré d'un parc de 4 000 m 2 avec piscine. Acheté en juillet 2023, il accueillait ses premiers clients en octobre. « La côte picarde est en vogue, mais pas trop l'arrière-pays, assure Antoine. Je suis certain que, d'ici vingt à trente ans, toutes les belles demeures du Vimeu seront transformées ! ». **** *source_Libération *date_2024-05-02 *am_2024-05 *annee_2024 A Venise, «on ne voyait pas d'autre solution que ce ticket à 5 euros pour décourager le tourisme journalier». Pour combattre la montée des eaux, Venise avait invoqué Moïse. Depuis 2020, les digues du «Mose» (pour Module expérimental électromécanique, un projet lancé en 2003) se dressent en effet à l'entrée de la lagune pour freiner l'acqua alta. Pour affronter la vague de touristes, la Cité des doges n'a pas en revanche choisi d'acronyme biblique. Il faut dire que la ville vit essentiellement de ses visiteurs, qui assurent plus de 65% des emplois. Néanmoins, le surtourisme y est vécu comme une plaie. En 2023, le Comité du patrimoine mondial, qui dépend de l'Unesco, avait même préconisé d'inscrire Venise sur la «liste du Patrimoine mondial en péril», généralement réservée aux sites victimes de catastrophes naturelles ou de conflits armés. «Nous ne voulons pas fermer la ville, affirme Michele Zuin, adjoint au maire. Nous ne voyons pas d'autre solution que ce ticket pour décourager le tourisme journalier.» Reportage à lire sur .fr. **** *source_Le_Figaro *date_2024-08-31 *am_2024-08 *annee_2024 L'Italie veut augmenter la taxe de séjour jusqu'à 25 euros Faire d'une pierre deux coups. Le gouvernement italien propose d'augmenter drastiquement la taxe de séjour pour les touristes, dans un contexte de fortes arrivées internationales. L'Italie a retrouvé ses niveaux de fréquentation d'avant-pandémie, avec environ 65 millions de visiteurs étrangers en 2023. Mais les protestations contre le surtourisme sont de plus en plus fréquentes. Alors que Venise expérimente des frais d'entrée pour les visiteurs à la journée, le ministère du Tourisme envisage d'introduire une nouvelle taxe nationale par nuitée pouvant aller jusqu'à 25 euros. Alors que le gouvernement Meloni est sous pression financière avec une dette publique élevée (140 % du PIB) et des coûts d'emprunt qui augmentent, ce revenu supplémentaire permettrait de soutenir les finances publiques tout en régulant le tourisme de masse. La taxe de séjour est actuellement entre 1 et 5 euros par nuitée, en fonction du type d'hébergement. Le projet prévoit de la porter de 5 euros jusqu'à 25 euros pour les chambres les plus chères (plus de 750 euros). Reste que la proposition se heurte au courroux des représentants de l'industrie hôtelière. Les fédérations Federalberghi et Confindustria Alberghi s'y opposent, craignant qu'elle ne dissuade les touristes de choisir l'Italie. En particulier, face à une concurrence intense avec d'autres destinations européennes, l'Espagne ou la France. C. G. **** *source_La_Croix *date_2023-08-02 *am_2023-08 *annee_2023 Venise menacée d'intégrer la liste du patrimoine en péril Des poubelles qui débordent, des touristes qui piétinent, le bruit des valises à roulettes sur les pavés... Avec plus de 30 millions de touristes par an, Venise, classée depuis 1987 au patrimoine mondial de l'Unesco, est tristement devenue l'emblème du surtourisme. Lundi 31 juillet, le Centre du patrimoine mondial, une branche de cette même Unesco, a une nouvelle fois recommandé de placer la Cité des doges sur la liste du patrimoine en péril, l'Italie ayant pris des mesures « insuffisantes » pour lutter contre la détérioration du site (voir repères) . En 2021, face à une première recommandation de l'agence de l'ONU en charge de la culture, le premier ministre italien de l'époque, Mario Draghi, avait réagi rapidement, en bannissant les navires de croisière du centre-ville, afin d'échapper à la sanction. Résultat, depuis deux ans, les bateaux de plus de 25 000 tonnes de jauge brute, de 180 mètres de long, de 35 mètres de hauteur, dont les émissions contiennent plus de 0,1 % de soufre ne sont plus autorisés à naviguer en bordure du centre historique et doivent accoster dans le port industriel de Marghera. Les touristes rejoignent ensuite le centre-ville en bus ou en petit bateau. « On a juste déplacé le problème » , déplore Giovanni Andrea Martini, conseiller municipal d'opposition de la formation citoyenne Tutta la città insieme. « On ne voit plus les gros paquebots dans le centre-ville, mais ils arrivent quand même dans la lagune et les touristes aussi » , poursuit l'homme politique, qui dénonce « la pagaille » créée dans le port industriel lorsque se mélangent bateaux de croisière et porte-conteneurs. « Deux quais spécialement dédiés à l'accueil des bateaux de croisière sont en cours d'aménagement » , répond l'adjoint au tourisme Simone Venturini. Autre mesure mise en avant par la municipalité : la « Smart Control Room », des caméras, des capteurs sensoriels, et un système de traçage des téléphones portables reliés à une salle de surveillance pour étudier les flux touristiques. « Une opération de communication » , selon Giovanni Andrea Martini. « On nous l'a vendue comme une solution miracle. Mais cela ne sert à rien d'étudier les flux s'il n'y a pas de mesures adaptées en conséquence » , fustige l'élu de l'opposition, qui plaide pour la mise en oeuvre d'un plafonnement du nombre d'entrées dans le centre historique. Accès sur réservation, entrée payante, quotas... cela fait des années qu'élus et habitants se déchirent sur un moyen de restreindre les flux de touristes. En vain. Dans les tuyaux depuis 2018, la proposition du maire de centre droit, Luigi Brugnaro, d'une entrée payante et sur réservation. Un ticket d'entrée dont le prix varierait entre 3 et 10 €, selon l'affluence. Annoncé pour juillet 2020, repoussé de six mois en six mois, le projet a été reporté, l'hiver dernier, à 2024. Pour la mairie, il s'agit tout autant de maîtriser le flux touristique que de s'assurer de sa qualité. « Le problème c'est le touriste qui vient à Venise juste pour quelques heures » , comme l'explique Simone Venturini, l'adjoint au tourisme, qui a lancé l'opération #EnjoyRespectVenezia, en faveur d'un tourisme responsable. Pour Matteo Secchi, hôtelier et fondateur de l'association citoyenne Venessia.com, la solution doit être plus drastique. « Cela aurait du sens de taxer les touristes journaliers, mais éthiquement c'est compliqué. Nous ne sommes pas un parc d'attractions, avance ce Vénitien. Il y a aussi le risque qu'après avoir payé, les touristes se croient tout permis alors qu'il faudrait au contraire les sensibiliser à la nécessité de préserver notre patrimoine. » Ce quinquagénaire, qui habite à côté du Rialto, le pont le plus célèbre de Venise, est quotidiennement témoin des ravages liés à l'excès de fréquentation : « On ne peut plus circuler, on ne peut plus se loger, les commerces nécessaires aux habitants ferment les uns après les autres au profit de boutiques de souvenirs. Venise devient de plus en plus fausse et les habitants partent. » Il y a quinze ans, Matteo Secchi a installé un compteur dans une pharmacie du centre-ville, qui affiche le nombre de résidents. À l'époque, Venise recensait plus de 60 000 habitants. L'an dernier, elle est passée sous le seuil des 50 000, alors que le nombre de lits disponibles pour les touristes a quadruplé depuis 2008. **** *source_La_Croix *date_2023-08-04 *am_2023-08 *annee_2023 Tourisme équitable À partir de septembre, l'accès des touristes à l'Acropole d'Athènes sera limité. Un premier quota - tout de même 20 000 visiteurs par jour - a été fixé. L'Acropole, pour symbolique qu'elle soit, ne fait que s'ajouter à la liste désormais bien longue des sites se protégeant du « surtourisme ». Dubrovnik en Croatie, l'île de Majorque, le Machu Picchu au Pérou, et bien d'autres, rationnent leurs visiteurs. Et les villes et responsables locaux ont tendance à adopter des mesures de plus en plus restrictives. On ne peut que se réjouir de voir la Grèce protéger ce site vieux de 2 500 ans. Sans doute l'exemple de Venise, menacée par l'Unesco de figurer sur la liste du patrimoine mondial en péril, a-t-il joué. Mais l'équation est loin d'être simple. La manne touristique est importante pour l'économie, ce que la pandémie du Covid, qui a interrompu brutalement les voyages, a bien montré. Sauf que rien n'a été organisé face à la mondialisation des voyages et l'arrivée sur le marché du tourisme d'une nouvelle population, du fait de l'augmentation du pouvoir d'achat. L'Organisation mondiale du tourisme chiffre à 2 milliards le nombre de touristes dans dix ans. Et 95 % d'entre eux visiteront moins de 5 % des terres émergées... Impossible, donc, de laisser jouer simplement les lois du marché ! Pour autant, si chaque site invente dans son coin ses propres restrictions, cela pourrait devenir une sacrée pagaille. Qui laisserait les visiteurs démunis, à la merci de règles aléatoires. Surtout, on risque de privilégier un tourisme de luxe, qui aurait les moyens de s'adapter financièrement aux restrictions. Il est donc urgent que les États s'entendent sur une régulation juste et équitable des flux et des transports. Pour ne pas priver une partie de la population mondiale des sites dont elle rêve... **** *source_Le_Figaro *date_2023-08-29 *am_2023-08 *annee_2023 Même en travaux avant les Jeux olympiques, Paris garde tout son attrait auprès des voyageurs Paris, éternelle Ville Lumière. Alors que les Parisiens se désolent de voir la capitale en travaux et regrettent les nombreux monuments bâchés à la veille des Jeux olympiques, les touristes semblent rester sous le charme. Difficile de trouver des vacanciers qui râlent dans les rues de Paris. « Tous ces travaux, cela nous donnera une raison de revenir » , lance Juana, une Mexicaine interrogée devant l'Opéra Garnier. « Paris est magnifique ! Il y a cette atmosphère qu'on ne trouve nulle part ailleurs » , témoigne Hayley, une Américaine qui a certainement adoré Emily in Paris . Cette série phénomène a beau véhiculer une image très cliché de la capitale française, elle participe à la promotion internationale de la ville. « Les touristes sont avant tout conquis par la richesse qu'offre la ville , témoigne un observateur parisien. Ils ne voient pas les problèmes que subissent des Parisiens : embouteillages, transports en commun bondés... » Même la saleté de la ville, en permanence décriée par nombre de ses habitants, ne semble pas être un sujet pour des touristes qui ne veulent voir que le beau. « À New York, nous avons de véritables problèmes avec les ordures dans les rues. À Paris, ce n'est presque rien comparé à la Big Apple » , affirme Rose, une New-Yorkaise venue à Paris pour la troisième fois avec son mari. Selon un indice BVA que la région Île-de-France suit depuis 2016, le niveau de satisfaction des touristes a encore progressé cette année, qu'il s'agisse de l'hébergement, de l'accessibilité des transports ou de l'expérience générale. « En plus de l'offre gastronomique exceptionnelle, les touristes plébiscitent la montée en gamme de l'hôtellerie ces dernières années, et une qualité d'accueil qui s'améliore (conseil dans les aéroports, mobilisation par la région de 600 volontaires du tourisme, formation des professionnels toujours par la région...) » , précise Valérie Pécresse. À un an des Jeux olympiques, la présidente de la région ne cache pas sa satisfaction : « L'Île-de-France a vécu une bonne saison estivale. La fréquentation des Français, qui était record en 2022, est stable. Celle des étrangers progresse de 8 %, avec en tête les Américains, les Britanniques, les Allemands et les Espagnols. » Globalement, 12,7 millions de touristes sont venus cet été (de juin à fin août) en Île-de-France. C'est 4 % de plus qu'en 2022, mais encore 6 % de moins qu'en 2019. « Les recettes augmentent fortement , ajoute Valérie Pécresse. Nous sommes très satisfaits, car nous recherchons un tourisme plus qualitatif que quantitatif. Les Parisiens vivraient mal une croissance non maîtrisée du tourisme. » Avec notamment l'appli RoodBook, qui permet de personnaliser son voyage, la région cible les touristes qui connaissent déjà Paris, ont déjà vu La Joconde et la tour Eiffel et sont prêts à sortir des sentiers battus, en allant à Fontainebleau, Provins, Royaumont... « Même en travaux, l'attractivité de Paris ne faiblit pas. Même avec des prix élevés, la demande est là » , s'étonne presque Corinne Menegaux, directrice générale de l'office du tourisme de Paris. Les travaux seront achevés dans quelques mois ; mais rien ne laisse penser que les prix vont baisser. « Je ne pense pas que les prix vont reculer, dans l'hôtellerie comme la restauration » , poursuit Corinne Menegaux. Selon elle, la bataille porte plutôt sur la qualité de service, qu'il faut continuer à améliorer. « Paris est une destination chère et je ne crois pas que cela va changer , abonde Valérie Pécresse. Nous ne voulons pas de surtourisme en développant des offres qui permettraient aux touristes d'arriver en avion pour 20 euros et déjeuner dans des fast-foods pour 5 euros. Le prix de l'immobilier est tellement cher qu'on ne peut pas développer une offre hôtelière à petit prix. En revanche, je souhaite développer une offre à coût mesuré pour les étudiants. » Ne serait-ce qu'en juillet et août, le revenu moyen par chambre des hôtels a bondi de 37,1 % à Paris (par rapport à 2019) et de 18,6 % en Île-de-France. « Les étrangers, notamment de la zone dollar, n'ont pas le même ressenti de l'inflation que les Français , souligne Vanguelis Panayotis, président du cabinet MKG Group. On perçoit toutefois une forme de palier en termes d'acceptabilité des prix. » « C'est très compliqué de trouver des restaurants à la fois abordables et bons , regrette ainsi Pablo, un Espagnol de 56 ans, venu faire découvrir Paris à sa famille. L'addition monte très vite, à cinq. » Les prochains mois s'annoncent encore plus compliqués. « Avec les JO, l'augmentation des prix va être exceptionnelle , reconnaît Valérie Pécresse. En même temps, c'est la loi de l'offre et de la demande. J'appelle les professionnels à faire preuve de modération. » F. M. ET M. V. «. **** *source_Les_Echos *date_2023-08-21 *am_2023-08 *annee_2023 tourisme « Les compagnies ont parfaitement conscience qu'elles doivent développer des solutions plus vertes » Le président du courtier maritime BRS Brokers, François Cadiou, souligne que la crise sanitaire n'a pas provoqué de faillites retentissantes dans la croisière, « en dépit de pertes considérables », contrairement à ce qui s'était passé après le 11 septembre 2001. Les actionnaires, les banques, les Etats ont soutenu le secteur. Alors que celui-ci a renoué avec la croissance, le surtourisme est son premier défi, estime cet expert du transport maritime. François Cadiou Président du courtier maritime BRS Brokers Comment expliquez-vous le spectaculaire rétablissement de la croisière ? On a tendance à l'oublier mais la croisière est un vieux secteur qui a traversé bien des crises. Souvenons-nous du terrorisme en Méditerranée dans les années 1980 [la prise du paquebot italien « Achille Lauro » avec ses passagers par un commando palestinien en octobre 1985, NDLR], ou encore de l'impact de la crise sanitaire avec le SRAS en 2003-2004. La différence entre la croisière et le reste du transport maritime est que ce secteur a été le seul, lors de la pandémie de Covid, à s'arrêter complètement. En 2022, il est sorti d'un long coma. Sa reprise tient à la liberté retrouvée, à l'envie de reprendre une vie normale, à une envie de voyage et d'insouciance. La croisière offre toujours des « packages » à des prix hyperattractifs. Elle s'est aussi diversifiée depuis plusieurs années avec l'arrivée de nouveaux bateaux et, si la course au gigantisme continue, il y a désormais une nouvelle offre avec des paquebots de croisières d'exploration. Cette segmentation permet de répondre à bien des attentes. Par ailleurs, l'absence de faillites retentissantes - en dépit de pertes considérables - est à souligner, contrairement à ce qui s'était passé après le 11 septembre 2001. Les actionnaires, les banques, les Etats ont soutenu le secteur. Les carnets de commandes de navires qui se sont étalés avec la crise sanitaire sur de nombreuses années ont été peu affectés. Le secteur ne manque toutefois pas de défis avec, entre autres, le prix des produits pétroliers qui reste élevé, ou encore la décarbonation… Et le surtourisme d'abord ! La capacité des ports à accueillir les paquebots est un sujet clé. L'avantage de la croisière est cependant sa flexibilité : on peut changer la destination du navire. La création de nouvelles destinations est d'ailleurs matière à réflexion pour les armateurs. Pour en revenir à la décarbonation, c'est un sujet très compliqué qui touche l'ensemble du transport maritime qui compte, il convient de le rappeler, pour environ 3 % des émissions de gaz à effet de serre. De nombreuses solutions innovantes pour les réduire sont développées et mises en oeuvre avec, par exemple, des propulsions dual fuel (LNG). Leur mise en oeuvre est difficile et lente dans le transport de marchandises. Au rythme actuel du renouvellement, il faudra peut-être cent ans pour y parvenir. L'industrie de la croisière, consciente de son image, est certainement à la pointe de cet effort pour réduire non seulement toutes les consommations énergétiques du navire (propulsion, air conditionné, éclairage,…) mais aussi améliorer grandement tout ce qui touche aux eaux usées, à la gestion des déchets. Ces dernières années, on a vu arriver une nouvelle génération de paquebots propulsés au gaz naturel liquéfié. Est-ce la voie principale ? Différentes pistes s'esquissent dans le transport maritime en général car, au fond, paquebots et navires de charge (vraquiers, pétroliers, porte-conteneurs) ont le même problème. Au-delà du GNL, les propulsions au méthanol, à l'ammoniac, au bio-fuels constituent des pistes très sérieuses. La propulsion vélique est aussi considérée. Ainsi, les Chantiers de l'Atlantique travaillent sur de nombreux projets de paquebots à voile. Les compagnies de croisières ont parfaitement conscience qu'elles doivent répondre aux attentes de leurs clients et de l'opinion et développer des solutions plus vertes. Ce qui me rend confiant, c'est la capacité d'investissement de tous les acteurs du secteur.- Propos recueillis par C. P. **** *source_Les_Echos *date_2023-07-21 *am_2023-07 *annee_2023 Et si le surtourisme était une chance ? Le gouvernement a dévoilé, le 18 juin dernier, son plan afin d'accompagner les collectivités locales en proie à des pics de fréquentation. A cette occasion, dans le débat public, l'enjeu du surtourisme est revenu sur le devant de la scène. Les touristes affluent en masse, et viennent saturer les lieux les plus emblématiques de notre territoire, 80 % de l'activité touristique se concentrant sur seulement 20 % du pays. Nous nous préparons à une saison touristique où les sites culturels les plus prisés seront rapidement submergés par les visiteurs. A lire les commentaires générés à l'occasion de l'annonce de ce nouveau plan gouvernemental, l'attrait touristique de notre territoire est un phénomène néfaste qu'il s'agit uniquement d'endiguer. Comme s'il ne constituait pas aussi une chance extraordinaire - combien de pays au monde aimeraient bénéficier d'un tel engouement international ? Comme si nous ne mesurions pas l'opportunité que cela offre pour la France d'attirer autant de visiteurs qui souhaitent la découvrir, année après année. Et si l'on cherchait plutôt à transformer l'essai ? Et si l'enjeu fondamental n'était pas de réussir à guider ces flots de touristes vers des lieux moins fréquentés, plus intimistes, plus secrets ? En sortant des sentiers battus, les pépites se révèlent partout sur le territoire. La France regorge de trésors cachés et de sites moins connus qui méritent d'être découverts. L'authenticité du Mont Saint-Michel est perceptible au sein de l'Abbaye millénaire, bien sûr ; elle l'est également lorsque l'on parcourt la baie, elle-même inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco en 1979. En encourageant les touristes à explorer au-delà des destinations habituelles, nous pouvons non seulement désengorger les sites surchargés, mais aussi stimuler l'économie des régions moins visitées. Pour renforcer l'attractivité des lieux plus reculés, l'une des possibilités est d'y créer de nouvelles expériences. Parmi les raisons qui poussent en effet les visiteurs à se déplacer à certains endroits, plutôt qu'à d'autres, vient au premier plan la recherche d'un lieu qui générera des souvenirs, des émotions, des sensations nouvelles, comme le souligne l'étude Domínguez-Quinterode 2019 par exemple. A cet égard, les avancées technologiques dans les domaines de la réalité virtuelle, augmentée, mixte, ou de l'intelligence artificielle, représentent de réelles opportunités. Elles rendent possibles de nouvelles formes d'expériences : voyager dans le temps en immersion in situ, développer des parcours digitaux augmentés sur un territoire, interroger des oeuvres ou des monuments grâce à l'intelligence artificielle, accéder à des sites inaccessibles grâce à la réalité virtuelle, etc. Autant de solutions qui permettent de créer de nouvelles sources d'émerveillement, accessibles et captivantes pour toutes les catégories de visiteurs. L'opportunité est double : cela permet d'une part de capter les flux de visiteurs dans les lieux aujourd'hui déjà iconiques, pour les inciter à en découvrir d'autres lors de parcours sur mesure ; cela permet aussi de créer de nouveaux pôles d'attraction sur des lieux moins connus, moins visités jusqu'alors, mais jouissant d'un fort potentiel que la technologie vient révéler. Pour concrétiser cette vision, la France dispose d'un atout majeur : un écosystème entrepreneurial particulièrement dynamique, prêt à jouer un rôle essentiel dans les années à venir. Des start-up aux entreprises spécialisées dans l'ingénierie culturelle, notre pays offre une multitude de solutions créatives et technologiques ayant déjà fait leurs preuves en France et amorcé leur développement à l'international. Faisons de cet écosystème florissant le moteur vers un tourisme mieux partagé et plus durable. Adrien Sadaka. **** *source_Le_Monde *date_2023-07-13 *am_2023-07 *annee_2023 Surtourisme : à Amsterdam, la mairie voit rouge Amsterdam - envoyé spécial - Peter, un habitant de la rue Weesper, dans le centre de la ville, est en colère. Il s’en prend à la « rage » qui animerait la mairie d’Amsterdam, dirigée par l’élue écologiste Femke Halsema, et à sa « politique des symboles ». Il lui reproche notamment d’avoir placé des bacs de fleurs au milieu de sa rue, avec l’ « obsession » d’en chasser les voitures au profit des habitants. « Je suis un habitant ! Mais pas un de ces bobos auxquels il faudrait, selon les Verts et leurs amis, “rendre la ville” » , fulmine Peter, attablé dans un bruine kroeg, un bistrot de quartier. Le lendemain, l’affaire de la rue Weesper fait la « une » de Het Parool, le quotidien d’Amsterdam. Des ambulanciers et des pompiers qui se rendaient sur un sinistre ont été arrêtés par les bacs de fleurs, qu’ils ont dû déplacer. L’adjointe à la mobilité est désormais sommée par l’opposition de rendre un rapport quotidien sur les entraves à la circulation dans la capitale. Peter exulte : « On va gagner et on va aussi gagner la bataille pour De Wallen ! » Proche de sa rue, qui la borde à l’ouest, cette zone dite des « remparts », longtemps enclose, couvre environ 6 000 mètres carrés dans la partie la plus ancienne de la capitale néerlandaise. Aujourd’hui, elle est au cœur d’une polémique entre ses habitants, la mairie et les travailleurs du sexe, qui ont assuré sa renommée. Sans compter les autres citoyens de la ville, qui semblent tous avoir un avis quant à son avenir. La « ville du péché » En 2008, des prédécesseurs de Mme Halsema ont rebaptisé De Wallen et l’ont transformée en une marque mondiale : The Red Light District, « quartier chaud », « quartier rouge » comme les tubes au néon qui éclairent les vitrines exposant des centaines de prostituées. Sur le plan touristique, le succès a été éclatant : en 2022, dix-huit millions de touristes sont venus à Amsterdam – qui compte aujourd’hui un peu moins d’un million d’âmes. Et la grande majorité ne voulait évidemment pas manquer le défilé le long des canaux et des ruelles une fois le soir venu. Désormais, la maire et ses adjoints, socialistes et libéraux de gauche, veulent mettre le holà à ce qu’ils appellent le « surtourisme », que les voyages à bas coût et le phénomène Airbnb ont encouragé. Trop de monde, trop de bruit, trop d’incivilités, pas assez de préoccupation pour les quelque dix mille habitants que compte la zone, où l’on pourrait, selon les autorités, attirer de nouveaux venus à condition de la réformer et de la sécuriser davantage. Des arrivants capables d’endiguer l’exode urbain (près de 80 000 habitants, les moins aisés pour une bonne part, ont quitté Amsterdam en 2021) mais aussi de régler un loyer qui sera probablement lourd : le pays, sa capitale en particulier, connaît une pénurie de logements qui s’aggrave et fait grimper tant les prix que les exigences financières des propriétaires – l’un deux, issu de la noblesse, posséderait deux cents appartements dans le centre-ville… Un appartement en location coûte, par mois, au moins 30 euros au mètre carré, et encore faut-il le trouver : le parc disponible, déjà très étroit, s’est contracté de 29 % en l’espace d’un an. A la vente, le prix du mètre carré avoisine 10 400 euros, ce qui exclut la classe moyenne, même supérieure. Pour impulser un changement, dont beaucoup redoutent qu’il aboutisse à éloigner un peu plus les moins riches, il faudrait donc, aux yeux de la majorité en place, briser l’image d’une ville qui a pourtant largement contribué à forger son statut de « paradis du sexe et de la drogue ». Mais comment faire ? Inutile de compter sur la municipalité pour en savoir plus : la maire n’a « pas de temps » pour la presse internationale et en aurait déjà assez dit sur le sujet. Son administration ne peut s’exprimer, et même si l’on égrène le vocabulaire pour tenter de forcer une réponse quant à l’objectif final pour le quartier (embourgeoisement ? gentrification ? boboïsation ?…), on se heurte au même mur de silence. Une certitude : la mairie espère déplacer l’activité des travailleurs du sexe dans une autre partie de la ville à l’horizon 2030. Elle a commencé par racheter des immeubles du « quartier rouge » pour tenter d’implanter des commerces de proximité. Un demi-succès : les magasins s’interrogent, eux aussi, sur l’avenir de la zone et hésitent, témoigne Ravi, un Pakistanais vendeur de souvenirs. « Ici, il n’y a pas de boulanger, pas d’épicerie, et les seuls vêtements que tu pourras acheter sont des dessous coquins », explique-t-il en s’esclaffant. Entre les vitrines, où les travailleuses d’Europe de l’Est sont désormais majoritaires, on ne trouve effectivement que des enseignes de donuts, de ramens, de pizzas et d’alcool ainsi que quelques lieux inattendus : l’Armée du salut et un local évangélique où Jan, un ancien détenu qui affirme avoir lu entièrement la Bible, assène ses vérités : « Amsterdam a toujours été la ville du péché, et ça ne changera pas. » Tandis qu’il évoque son parcours, des policiers à vélo arrivent à la rescousse d’une prostituée qui a activé le bouton d’urgence mis à sa disposition. Pour limiter le flux des badauds, certains acteurs du voisinage réclament, eux, l’installation de portiques aux entrées de la zone, comme dans un parc d’attractions. Eva aimerait, elle aussi, que les choses changent. Cette alerte septuagénaire fait partie de la Wallenwacht (« la garde des Wallen »), un mouvement qui compte plusieurs centaines de membres, dont certains patrouillent pour tenter de veiller à la préservation des lieux quand s’y presse une foule de fêtards éblouis par les enseignes du Sex Palace, de la Casa Rosso et du Live Porno Show. « Les filles ont été placées dans les vitrines en 1920 quand on a interdit la prostitution de rue et il faut qu’elles y restent. Mais nous devons vraiment faire cesser ce cirque insensé de milliers de gens qui se pressent ici chaque soir » , dit-elle. Née dans le quartier, elle jure qu’elle y restera toujours, mais elle regarde d’un œil un peu inquiet, et pas très aimable, sa nouvelle voisine, Christel, en train de ranger son bakfiets, le vélo-cargo dans lequel elle transporte ses jumeaux. « Avec son mari, ils ont racheté un appartement qu’aucun de nous n’a jamais pu se payer. C’est vrai que je commence à me demander si on ne veut pas éjecter les filles pour nous jeter, nous aussi, plus tard » , maugrée-t-elle. « Hypocrisie » Christel, elle, dit raffoler de l’ambiance. Etonnant pour l’étranger qui, le soir, voit des gardiens en gilet rouge orienter les touristes et leur intimer l’ordre de ne pas s’arrêter et de ne pas faire marche arrière. Des panneaux, en anglais, rappellent qu’uriner à l’air libre est illégal. D’autres invitent à ne pas acheter de la drogue aux dealeurs postés au coin des rues. Dans le cadre de sa campagne, la maire a aussi envisagé d’interdire l’accès des célèbres coffee shops aux étrangers : échec. Son conseil a seulement approuvé l’interdiction de fumer du cannabis dans la rue. Une petite balade à Amsterdam suffit pour mettre en doute l’effectivité de la mesure. Geert est employé dans l’un des 166 coffee shops qui subsistent dans la ville – il y en a eu 400 dans la foulée de la vague de libéralisation des drogues douces, dans les années 1970. « Tu sais ce qu’on est en train de faire avec toutes ces conneries ?, interroge-t-il. On engraisse les dealeurs, qui, eux, vendent tout et n’importe quoi et ne contrôlent pas l’âge des consommateurs. » Il redoute que, si la police se décidait à appliquer les mesures décrétées, son établissement soit sanctionné, voire fermé. Au Centre d’information sur la prostitution, on se mobilise contre un possible déménagement du quartier à la périphérie. Sur plusieurs vitrines, le mouvement a fait apposer une affiche appelant à la résistance et proclamant « Notre place est ici ! » « La mairie nous dit qu’il faut assurer notre sécurité et nous protéger, mais ce lieu connaît la prostitution depuis cinq siècles et n’a jamais été aussi sûr qu’aujourd’hui, affirme une « TDS » (travailleuse du sexe) néerlandaise qui dit s’appeler Chantal. On veut aussi, paraît-il, nous épargner un traitement “dégradant” : quelle hypocrisie ! » Elle et ses collègues estiment plutôt que les autorités municipales les mettent en danger en imposant des heures de fermeture (1 heure du matin pour les bistrots, 3 heures pour les vitrines). Or, c’est au milieu de la nuit, quand la foule est moins dense, qu’arrivaient les « vrais clients », les habitués qui ne font pas d’histoires et paient sans discuter. « Fermer plus tôt, cela veut dire qu’on doit être moins regardantes et prendre plus de risques » , explique l’une d’elles. « Le sexe a été, selon une parfaite logique capitaliste, une industrie nécessaire au développement du tourisme, mais, aujourd’hui, on ne considère pas ceux qui exercent ce métier comme des membres à part entière du “quartier rouge”, susceptibles d’avoir voix au chapitre » , analyse Rebecca Franco, sociologue à l’université d’Amsterdam, spécialiste de la réglementation du travail du sexe. Les meilleurs alliés des TDS seront peut-être les responsables des conseils d’arrondissement qui, tant au nord qu’au sud de la ville, se sont déjà prononcés contre les projets de délocalisation du Red Light District. Au sud, dans le Zuidas, centre des affaires et de la finance, l’Agence européenne des médicaments, dont l’implantation a été arrachée de haute lutte par les Pays-Bas après le Brexit, n’a, elle, pas hésité à verser dans la stigmatisation. Elle s’oppose à la création d’un nouveau centre au nom du « refus des nuisances, du trafic de drogue, de l’ivresse et des comportements désordonnés » . Qui sera le vainqueur de ce débat totalement polarisé ? « La politique ne s’en sortira pas, c’est au citoyen d’intervenir » , estiment Julian Talma et Hicham El Ouahabi, deux étudiants membres des Jeunes Démocrates, affiliés au parti libéral de gauche D66. Les deux militants proposent de tirer au sort le nom de cent personnes concernées, de leur donner le temps d’établir une liste de propositions contraignantes pour la mairie et, ainsi, de résoudre consensuellement le sort de De Wallen. **** *source_L_Humanité *date_2025-04-07 *am_2025-04 *annee_2025 Les Espagnols révoltés contre la flambée des loyers Logement À Madrid, Barcelone et dans les grandes villes du pays, des centaines de milliers de personnes se mobilisent contre les vautours de l'immobilier et du tourisme, qui empêchent l'accès à un habitat à un prix décent. Ils sont descendus dans la rue par centaines de milliers, samedi 5 avril, dans toutes les villes espagnoles, pour protester contre une explosion des prix des loyers qui amputent toujours davantage le pouvoir d'achat des plus modestes, jusqu'aux membres de la classe moyenne. À Madrid, la manifestation à l'appel des organisations de locataires a rassemblé quelque 150 000 personnes. Dans cette manifestation monstre, des slogans hauts en couleur ont été repris par la foule, comme « Se loger doit être un droit et ne peut être un commerce » ou encore : « Pas de logements sans personne, ni de personne sans logement ». descente aux enfers pour des millions de citoyens La colère a atteint un point culminant chez les citoyens victimes des surenchères pratiquées ouvertement par des propriétaires ou des fonds d'investissement, type Airbnb, qui profitent de l'arrivée des touristes pour augmenter les loyers ou transformer des logements dont le prix devient de plus en plus inaccessible. Résultat : la plupart des moins de 35 ans doivent rester chez leurs parents, partager des appartements à plusieurs ou partir dans des banlieues de plus en plus lointaines pour accéder à un logement. Et même là, souligne l'une des manifestantes de Madrid, « les gens doivent se saigner pour payer les loyers ». Face à l'ampleur de drames qui sont devenus la norme, des amicales de locataires et associations de citoyens sont prêtes à lancer une grève des loyers. À Barcelone, les contrats dits « saisonniers » de un à onze mois, qui ne sont soumis à aucune régulation, représentent 40 % des locations. Dans les zones les plus touristiques, proches des côtes, « les prix des loyers dépassent le plus souvent 100 % du salaire moyen, cela rend la vie impossible pour tous les travailleurs locaux », relève une des organisations. « Un modèle de ville » qui reste quasi totalement « marchandisé  » combiné au « surtourisme  » est à l'origine de la descente aux enfers de millions de citoyens, dénonce la plateforme València no està en Venda (Valence n'est pas à vendre). « Nous sommes confrontés à une situation d'urgence sans précédent : expulsions, loyers inabordables et spéculation sur les logements se multiplient alors que la population ne peut accéder à ce droit fondamental », déplorent plusieurs collectifs des îles Canaries. Des actions ont été organisées du nord au sud du pays. À Madrid, des stations de métro ont été rebaptisées par les manifestants : « Casa del Banco » (maison de la banque), « Embargadores » (huissiers), « Precariedad » (précarité) ou « Derecho » (droit). Comme en 2008-2009, quand, à la suite du krach financier, les expulsons immobilières battaient leur plein sous l'égide des banques, ce qui donna lieu à l'irruption du mouvement des indignés, le logement hante le quotidien des Espagnols. Le gouvernement de gauche à majorité socialiste de Pedro Sanchez affiche sa volonté de combattre la flambée des prix. Il avance une hausse de la fiscalité appliquée aux logements touristiques et une volonté de construire des logements sociaux. Mais beaucoup d'associations et de collectifs jugent sa réponse trop timide compte tenu de la dimension prise par le phénomène. **** *source_Le_Figaro *date_2023-09-16 *am_2023-09 *annee_2023 VENISE SAUVÉE DU DÉCLASSEMENT MAIS PAS DU SURTOURISME Pour la troisième fois, la menace de déclassement de Venise ne sera pas mise à exécution : alors que les organes techniques du Centre du Patrimoine mondial de l'Unesco avaient proposé fin juillet de placer Venise sur la liste des sites en péril, considérant que la Sérénissime avait subi des « changements irréversibles » , une « détérioration de ses caractéristiques essentielles » , en particulier « son identité culturelle et sociale, et son intégrité » , mais aussi une dégradation de l'écosystème de la lagune, vingt des vingt et un pays réunis le 14 septembre à Riyad pour sa 45e session n'ont pas suivi le Comité. Et, en moins d'une heure, un consensus s'est noué entre les membres sur la proposition d'amendement formulée par le Japon pour maintenir Venise au Patrimoine mondial. Le ministère de la Culture et le maire de la ville ont immédiatement poussé un grand ouf de soulagement. « Un grand jour pour toute l'Italie » , a déclaré le sous-secrétaire d'État à la Culture chargé des rapports avec l'Unesco, Gianmarco Mazzi. « Même en cette occasion, notre nation s'est révélée capable de relever les défis de la sauvegarde de ses immenses trésors et de leur durabilité. » Pour le maire de droite et ancien entrepreneur, Luigi Brugnaro, très critiqué à Venise pour sa politique intégralement axée sur la maximisation du nombre de touristes, cette décision lave tous les affronts dont il est l'objet de la part des associations de préservation du patrimoine et de l'opposition : « La décision a été unanime, dit-il, et montre que les efforts que nous déployons, à tous les niveaux institutionnels, pour sauvegarder Venise ont été reconnus par tous, et que la proposition d'inscription sur la liste des sites en danger était très politique et peu technique. » « Réservation obligatoire » Une référence à l'habile manoeuvre faite in extremis par la commune de Venise pour échapper au déclassement. Voilà que la perspective du vote de l'Unesco a brutalement accéléré l'adoption, l'avant-veille du vote de Riyad, d'une mesure consistant à faire payer la somme de 5 euros aux touristes à la journée. Et ceux-ci ne pourront entrer que sur réservation. Depuis quatre ans, cette décision était sans cesse repoussée devant le tollé politique qu'elle suscitait, et les difficultés pratiques de mise en oeuvre. Une mesure qui en principe entrera en vigueur à titre expérimental au printemps prochain, durant trente jours répartis sur les week-ends traditionnellement les plus chargés. L'initiative a visiblement porté, le Comité de l'Unesco ayant relevé comme un point positif « l'adoption d'un système expérimental pour gérer les flux de touristes, basé sur une contribution à l'entrée et une réservation obligatoire » . Mais sans s'interroger le moins du monde sur l'impact probable de la mesure. Or, entre les innombrables exemptions à la contribution accordées aux habitants de la Vénétie, et l'absence d'explications de la commune sur les modalités d'application et de contrôle des flux sur un territoire par nature ouvert par la terre et par la mer, les nombreuses associations de sauvegarde du patrimoine considèrent que ce sera probablement sans effet sur la fréquentation touristique de Venise. Mais les pays ont choisi de prendre le discours officiel pour argent comptant. De fait, le Japon a voulu prendre la défense de l'Italie, rappelant le maintien de l'interdiction de circulation des grands bateaux dans le bassin de Saint-Marc imposée en 2021 par Rome, ainsi que la mise en marche du Mose, le mécanisme de barrières visant à protéger la ville de l' « acqua alta » qui, après vingt ans de travaux et beaucoup de scandales, a fini par fonctionner. « Mais il n'a pas pris la peine de s'interroger sur les nouveaux problèmes qu'ils posent, ni de se pencher sur la dégradation documentée de la lagune, déplore l'historienne de Venise, Élisabeth Crouzet-Pavan, qui y vit désormais la moitié du temps. De plus, les interrogations sur les effets du « moto ondoso » , cette vague constante dans la lagune créée par la croissance exponentielle des bateaux à moteur, sur les fondations de Venise, ont été ignorées. » Survol superficiel Il est clair que les recommandations comme les critiques à l'État central, fermes dans le rapport des organes techniques de l'Unesco, ont été nettement adoucies dans la résolution finale : si les pays considèrent que « les questions du tourisme de masse, des projets en développement et du changement climatique doivent bien être abordées » , le Japon a pris bien soin de retirer dans son amendement toutes les critiques sur l'effet de ce tourisme de masse sur la structure des bâtiments, sur la culture et l'identité du site. Les nombreuses ratures sont édifiantes ! La résolution finale en ressort comme particulièrement expurgée de tout élément critique : « Alors que le rapport initial était à la fois équilibré et très documenté sur l'état réel de Venise et de sa lagune, la résolution finale a effacé la substance de ses conclusions, se contentant de prendre à la lettre le discours de l'État italien et de la commune sans jamais le questionner, dénonce Élisabeth Crouzet-Pavan. C'est une résolution qui méconnaît gravement la réalité des problèmes de Venise. » De fait, moins d'une heure pour prendre position à vingt et un pays sur tant de problèmes posés, et effacer d'un trait des années d'investigation des organes techniques... La procédure ne peut être que suspectée de survol superficiel et d'approche politique. Venise a donc habilement réitéré le coup de 2021, lorsque les organes techniques de l'Unesco avaient déjà proposé d'inscrire Venise sur la liste noire, et que la décision in extremis du président du conseil Mario Draghi de bloquer l'entrée des grands navires de croisière dans le bassin de Saint-Marc avait permis d'échapper au déclassement. Même si un prochain rendez-vous a été fixé au mois de février 2024, où devra être rendu un nouveau rapport des mêmes organes techniques pour voir si « les efforts » réalisés auront abouti aux résultats escomptés. Si le dossier n'a donc pas été formellement archivé, on peut légitimement s'interroger sur l'utilité de ce nouveau rapport. Quoi qu'il en soit pour ses habitants, qui ne sont plus que 50 000 face à quelque 100 000 touristes quotidiens en haute saison, et dont le mode de vie est sans cesse plus transformé par ce déséquilibre devenu critique, ce vote est une occasion ratée. Beaucoup espéraient en effet qu'au-delà de la dimension symbolique de l'inscription de Venise sur la liste des sites en danger, elle aurait fortement contraint l'État et la commune à mettre en oeuvre une politique nettement plus protectrice de la Sérénissime. « Ce vote final n'est pas une surprise, et je m'y attendais, car l'Unesco est en crise grave , explique Lidia Fersuoch, présidente de 2009 à 2020 d'Italia Nostra, la plus ancienne association italienne de préservation du patrimoine. Depuis 2010, les conclusions des organes techniques de l'Unesco, qui n'ont qu'un pouvoir consultatif, sont systématiquement renversées par les résolutions adoptées lors du vote final des États. La moindre proposition ou le plus petit avis négatif susceptible de gêner un État y sont systématiquement expurgés, tant la politique domine tout. Le travail de l'Unesco n'a plus de sens. ». **** *source_Le_Monde *date_2025-04-24 *am_2025-04 *annee_2025 Le blanchissement corallien à un niveau record Alerte blanche sur tous les coraux du monde. Espèces sentinelles du réchauffement climatique, les colonies de polypes subissent de plein fouet les conséquences des températures record de 2023 et 2024, les deux années les plus chaudes depuis le début des relevés. Selon les données de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA, l’agence météo américaine), 83,7 % des zones coralliennes ont connu depuis janvier 2023 des conditions propices au blanchissement des coraux, un stress lié aux canicules marines. « L’épisode de blanchissement corallien mondial le plus intense jamais enregistré est toujours en cours » , s’inquiète, dans un communiqué diffusé mercredi 23 avril, l’Initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI), une alliance d’Etats et d’institutions scientifiques . En avril 2024, la NOAA avait confirmé qu’ « un nouvel événement mondial de blanchissement des coraux » se déroulait depuis février 2023, le deuxième en moins de dix ans. En avril 2025, l’agence a actualisé ses données de températures marines, aboutissant à ce taux record de 83,7 %. Depuis à peine un peu plus d’un quart de siècle, les conditions de vie des polypes s’aggravent très rapidement. Lors du premier épisode mondial, en 1998, 21 % des récifs avaient subi ce stress. Ce taux avait grimpé à 37 % lors du deuxième épisode, en 2010, et à 68 % pendant le troisième (2014-2017). La moitié a déjà disparu « C’est malheureusement la chronique d’une mort annoncée et je suis un peu las, car cela fait des années que tous les scientifiques répètent la même chose. Sans actions climatiques plus ambitieuses, les coraux blanchiront, puis mourront » , décrypte Jean-Pierre Gattuso, océanographe (CNRS) au Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes) . Selon les scientifiques, environ la moitié des coraux a déjà disparu depuis le milieu du XXe siècle. Impossible de savoir pour le moment quel pourcentage de colonies ne survivra pas à ces deux années de stress thermique. Car le blanchissement n’est pas forcément synonyme de mort. Face à la chaleur, au froid, à l’acidification ou à certaines maladies qui se multiplient à cause des pollutions marines, les coraux peuvent expulser les algues avec lesquelles ces animaux vivent en symbiose, ce qui leur fait perdre leur couleur, d’où le terme de blanchissement. Si l’épisode ne dure pas trop longtemps et ne se répète pas trop souvent, ils peuvent survivre. Mais le réchauffement d’origine humaine, qui rend plus intenses et plus fréquentes les canicules marines, laisse de moins en moins de répit aux zones coralliennes qui abritent entre 25 % et un tiers de la biodiversité marine. « Selon la profondeur, les courants, la diversité des espèces, il y a une forme de résilience. Mais cet épisode est le plus inquiétant depuis 1998 » , résume Jean-Benoît Nicet, biologiste marin qui effectue en ce moment des relevés à La Réunion, dans le cadre de l’Initiative française pour les récifs coralliens. En 2024, 40 % des coraux de Mayotte implantés jusqu’à quinze mètres de profondeur ne se sont pas remis des canicules successives. Le phénomène du blanchissement actuel touche quasiment toutes les zones du monde, de la mer des Caraïbes aux îles du Pacifique, en passant par la mer Rouge, jusque-là plutôt épargnée. Pour évaluer les conséquences concrètes de cet épisode, une équipe de chercheurs a suivi pendant cent soixante et un jours l’état de santé de 462 colonies de coraux de l’Île One Tree, un récif situé à environ 80 km de la côte australienne, dans la partie méridionale de la Grande Barrière de corail. Le lieu est intéressant car il est protégé des activités extractives, du tourisme et de la pollution. Le résultat de leur étude, publiée le 16 janvier dans la revue Limnology and Oceanography Letters , est plus qu’inquiétant. En février 2024, en plein été austral, 66 % des colonies étaient blanchies. En avril, ce taux atteignait 80 %. En mai, 44 % des colonies blanchies étaient mortes et en juillet, 53 %. Certaines espèces, comme Goniopora, ont développé la maladie des bandes noires. Et une autre, Acropora , a connu un taux de mortalité de 95 %. « Ce que nous avons observé était catastrophique , écrivent les auteurs. En raison de la forte vague de chaleur, de nombreux coraux sont morts en quarante à soixante-dix jours. Les squelettes d’ Acropora ont rapidement été encrassés par les algues, et certaines colonies ont commencé à se fragmenter et à se transformer en débris. » Ce nouvel épisode de blanchissement global survient, sans surprise, à un moment où l’atmosphère terrestre et les océans sont en surchauffe. Les deux dernières années ont été les plus chaudes enregistrées au niveau mondial. Un rapport de l’institut européen Copernicus, publié le 30 septembre 2024, révélait que plus d’un cinquième de la surface océanique mondiale avait connu une vague de chaleur sévère en 2023. Le rythme de réchauffement des océans, qui absorbent « plus de 90 % de l’excès de chaleur du système climatique » depuis les années 1970, a presque doublé depuis 2005, selon les scientifiques. Une pente fatale pour les coraux incapables de s’adapter à la rapidité du changement climatique. Dans leur rapport spécial sur l’océan et la cryosphère de 2019, les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) écrivaient que 70 % à 90 % des coraux pourraient disparaître avec une augmentation des températures de l’atmosphère de 1,5 degré, l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris. Pour freiner la mortalité, les scientifiques de l’ICRI préconisent, dans un article publié par la revue Nature, le 16 mai 2024, d’étendre les aires marines protégées et de lutter contre d’autres fléaux, comme la pollution ou le surtourisme. Localement, la restauration et l’implantation d’espèces plus résistantes peuvent être des pistes de préservation. Mais vu l’immensité des zones à couvrir, ces solutions seront balayées si le réchauffement global se poursuit. Tous les scientifiques travaillant sur les coraux espèrent donc une atténuation des émissions des gaz à effet de serre d’origine humaine pour freiner le changement climatique dans les décennies à venir. « Quand j’ai fait ma thèse, il y a vingt ans, nous étions à 20 % de zones concernées par le blanchissement et nous parlions déjà d’une catastrophe et d’une crise. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 80 %. Les dégâts du réchauffement ont lieu maintenant, et le corail, qui ne pourra pas s’adapter, devrait nous faire prendre conscience de cette réalité » , conclut Alexander Venn, biologiste marin au Centre scientifique de Monaco. **** *source_La_Croix *date_2024-12-26 *am_2024-12 *annee_2024 Le tsunami de 2004 reste gravé dans les mémoires des Thaïlandais Sur les côtes thaïlandaises touchées de plein fouet, le 26 décembre 2004, par une vague géante, la douleur persiste chez ceux qui ont survécu. Krabi (Thaïlande) De notre envoyé spécial Depuis une cabane en bois perchée à 180 mètres au-dessus de la mer d’Andaman, sur le point culminant de Koh Phi Phi, Pin contemple la vue sur l’archipel, ses falaises et ses eaux turquoise. « C’est beau », dit-elle en souriant avant de poser son regard sur la bande de terre, nichée entre deux baies, qui relie les deux bouts de l’île principale où sont concentrées les infrastructures touristiques. Son sourire s’estompe : « Là, en bas, tellement de gens sont morts il y a vingt ans. » Le 26 décembre 2004 a bouleversé la vie de cette Thaïlandaise de 46 ans. Ce matin-là, un séisme de magnitude 9,1 surgissait du tréfonds de l’océan Indien et provoquait le déchaînement d’un tsunami ravageant l’Asie du Sud et du Sud-Est, dont les îles de Phi Phi, dans la province de Krabi, dans le sud de la Thaïlande. Sa sœur cadette, à peine 20 ans à l’époque, travaillait dans un bungalow en bord de plage : elle, qui avait donné naissance à une petite fille six mois plus tôt, fut emportée par les vagues, comme près de 230 000 autres victimes de cette tragédie. « Chaque jour, elle me manque », reconnaît Pin, émue, en vendant des jus de coco aux touristes sur les hauteurs de l’île. Pas question de travailler près de l’eau, le tsunami continue de la hanter. « J’ai encore peur », confie-t-elle. Sur les bateaux promenant des touristes en partance de la ville de Krabi pour rejoindre les îles de Phi Phi, seuls les Thaïlandais, superstitieux, enfilent des gilets de sauvetage. À l’approche de la date anniversaire de la tragédie survenue au lendemain de Noël, les mauvais souvenirs refont surface chez certains, quand d’autres préfèrent éviter le sujet. Quelques théories fumeuses pointent aussi le bout de leur nez : sur la plage bondée de Loh Dalum, un homme proposant des tours en kayak aux vacanciers regarde sur son portable une vidéo TikTok où un Thaïlandais prédit un tsunami dans les prochains jours. « Je n’y crois pas du tout », balaie ce local ayant survécu au drame. Sur cette plage dévastée vingt ans plus tôt par les vagues, Suwat, assis à l’ombre sous un arbre et chapeau de paille sur la tête, pointe la mer du menton, perplexe : « La marée est anormalement basse », lâche non sans crainte l’homme de 56 ans qui, lui aussi, est un survivant du tsunami. Il se souvient d’une Japonaise ayant hurlé « Tsunami ! » quand l’eau s’était étrangement retirée de la plage : « Peu de gens l’ont prise au sérieux car, ici, contrairement aux Japonais, les habitants ne savaient pas ce que cela voulait dire. » Mais d’instinct, il a vite décampé avec son fils et sa femme un peu plus haut sur l’île. Toute sa famille fut saine et sauve. Malek, 40 ans, n’a pas eu cette chance : le tsunami a emporté 15 des siens, dont sa mère, un oncle et un neveu. Sa maison a fini en lambeaux. Il ne veut guère s’étendre : « C’est du passé désormais, les gens ont oublié », dit celui qui propose des excursions en bateau autour de l’île. Les gens « essayent » d’oublier, corrige Luak, près de l’embarcadère où des bateaux vont et viennent. « On n’en parle pas, mais le tsunami reste gravé là » , rectifie l’homme de 56 ans, pointant l’index sur sa tempe. Ce rescapé, bavard, montre la plage, transformée aujourd’hui en jetée, où une foule en panique courait ce jour-là pour échapper aux vagues meurtrières : « Tomber, c’était la mort assurée. » Deux décennies plus tard, Luak assure que Phi Phi est mieux préparé en cas de catastrophe. Le petit homme, casquette vissée sur la tête, lève les yeux en direction des haut-parleurs et mime le son des sirènes d’alarme : « Si le tsunami revient, des alertes en anglais et en chinois seront lancées », indique-t-il, précisant que des exercices d’évacuation ont lieu chaque mercredi. Hormis un plan d’évacuation à l’entrée de l’île, des panneaux indiquant le chemin à suivre en cas de danger et un « village tsunami » , construit en hauteur pour les villageois, presque rien ne dit que l’une des pires catastrophes du début du XXIe siècle a, vingt ans plus tôt, dévasté l’île et englouti 70 % des bâtiments à l’époque. Dans les ruelles pleines à craquer du village, des milliers de touristes déambulent entre les hôtels, bungalows, restaurants, bars, salons de tatouage… Tous entassés les uns sur les autres. Le bruit des travaux, çà et là, annonce l’ouverture de nouvelles échoppes. Les voyageurs rencontrés ne savent pas que l’archipel, célèbre pour avoir accueilli le tournage du film La Plage (2000), avec Leonardo DiCaprio, fut aussi ravagé par les vagues. Face à cet afflux, la plage mythique de Maya Bay a dû fermer pendant trois ans pour préserver son écosystème, avant de partiellement rouvrir en 2022. La baignade y demeure interdite. Luak, qui se réjouit du dynamisme des îles, tempère : « C’est bien, mais il est temps d’arrêter de construire. » Suwat et Malek, eux, déplorent les conséquences de ce tourisme effréné : « Il y a trop de monde, trop de bâtiments, trop de tout », regrette le premier. « Bientôt, ce sera la fin de Phi Phi paradis », ironise l’autre, sous-entendant le désastre écologique du surtourisme. Élisabeth Zana, elle, ne décolère pas. Cette Française de 79 ans s’est installée à Krabi depuis que sa fille – journaliste spécialisée dans les questions environnementales, âgée de 35 ans à l’époque – a été tuée par le tsunami à Koh Phi Phi. « Dans le village, il n’y a pas 1 cm2 qui n’ait été reconstruit avec tout et n’importe quoi », décrit-elle, qualifiant d’ « abominable » la première chose que l’on aperçoit en débarquant sur l’île : un Burger King, juste devant un McDonald’s. Elle raconte aussi qu’un hôtel a été construit à la place d’un mémorial érigé au lendemain du tsunami : « Ils n’ont pas respecté ce qui s’est passé, je n’ai vu ça nulle part ailleurs dans le monde. » Sa fille, Natacha Zana, était l’une des 95 victimes françaises du tsunami. « L e chagrin est toujours là », confie cette hyperactive, assise à son bureau de la Natacha School, une école d’un petit village près de Krabi – rebaptisée en la mémoire de sa fille. Elle a sauvé l’établissement d’une fermeture administrative et le gère depuis deux décennies, via l’association NAT (Naître, aider, transmettre), créée après le tsunami afin d’accompagner les orphelins de cette tragédie. Dans l’établissement, 178 enfants en grande précarité étudient avec 12 instituteurs et bénéficient d’activités extrascolaires financées par l’ONG d’Élisabeth Zana. Ce sont les sourires de ces gamins déshérités et « l’amour des enfants » qui l’ont aidée à surmonter le deuil de sa fille unique. Son livre sur son expérience (1), elle le dédie « à toutes les mamans “orphelines” de leur(s) enfant(s) quelle qu’en soit la caus e », en soulignant que « l’amour a triomphé sur la mort » . (1) Natacha School les 20 ans. Après le tsunami, la vague de l’espérance, Soukha, 2024. **** *source_La_Croix *date_2024-01-18 *am_2024-01 *annee_2024 Patrimoine Venise met en place sa taxe contre le surtourisme La municipalité de Venise a commencé, mardi 16 janvier, à vendre des billets d’entrée à 5 € pour les touristes ne venant qu’un jour dans la Cité des doges, pendant la haute saison. Cette taxe est destinée à limiter le tourisme de masse et à mieux répartir les flux de visiteurs. En septembre, l’annonce de cette taxe avait permis à la ville d’échapper à l’inscription au patrimoine mondial en péril de l’Unesco. **** *source_Le_Figaro *date_2025-01-27 *am_2025-01 *annee_2025 À Nice, la colère des gros bateaux de croisière désormais interdits d'escale La décision de Christian Estrosi fait des vagues dans le milieu de la croisière. Le maire de Nice a signé vendredi un arrêté visant à interdire les escales des gros bateaux de croisière dans les eaux de sa métropole. L'objectif est de privilégier un « tourisme choisi » face à la menace du « surtourisme » , a-t-il expliqué, en affirmant : « La plaisance, oui, les immeubles flottants, non. » Les navires de moins de 900 passagers, souvent beaucoup plus luxueux que les très grands bateaux, restent les bienvenus au port de Nice, où des aménagements sont en cours pour mieux les accueillir, avec, en particulier, une électrification qui devrait permettre de les obliger à stopper leur moteur pendant l'escale. Quelque 124 escales de ces navires d'une capacité allant de 32 à 700 passagers sont programmées pour 2025. En revanche, les navires d'une capacité supérieure, qui mouillent actuellement dans la rade voisine de Villefranche-sur-Mer, ne seront plus les bienvenus. L'arrêté du président de la métropole Nice Côte d'Azur, qui englobe les communes de la rade de Villefranche, ne peut interdire leur présence. Toutefois, il leur interdit de débarquer des passagers en excursion, ce qui annihile l'intérêt des escales pour les compagnies. L'association internationale des compagnies de croisières (Clia) s'est dite « stupéfaite » de cette décision et a exhorté les autorités à reconsidérer cette mesure, qui « ne fait que stigmatiser l'industrie des croisières » , selon elle. Armelle Bohineust. **** *source_Le_Monde *date_2025-05-06 *am_2025-05 *annee_2025 Les guides de voyage traditionnels en perte de vitesse Constat pour le moins paradoxal,le nombre de touristes qui envahissent la planète est revenu à son niveaud’avant-Covid-19 (1,4 milliard de voyageurs en 2024, selon l’Organisation mondiale du tourisme), mais en France le marché des guides touristiques reste à la peine. Selon Philippe Orain, directeur éditorial des Guides Michelin Voyage & Cultures, « le chiffre d’affaires en France des guides touristiques s’est établi, selon l’institut GfK, à 95 millions d’euros en 2024 (– 3 %), ce qui représente près de 5 millions d’exemplaires vendus (– 6 % par rapport en 2023) ». Or, ce marché s’érodait déjà avant la pandémie. Les touristes préfèrent-ils désormais consulter leur téléphone pour trouver des informations plutôt que d’emporter dans leur sac un guide qu’ils jugeraient trop lourd ou encombrant ? Sans doute. « Il faut faire un distinguo entre les touristes qui obéissent à un mode de consommation très standardisé et les voyageurs qui se documentent avant de partir et lisent toujours des guides » , assure Philippe Orain. Autrement dit, d’une part, les utilisateurs des réseaux sociaux, voire de l’intelligence artificielle – qui préparent leur voyage en questionnant des outils comme ChatGPT – et, d’autre part, les adeptes des ouvrages traditionnels. En papier presque exclusivement, puisque les ventes des guides en version électronique restent, selon lui, à des niveaux insignifiants. La tendance ne désespère toutefois pas les éditeurs. Hélène Firquet, directrice éditoriale de la collection « Voyages » de Gallimard, mise sur la complémentarité naturelle entre le guide papier et les applications téléphoniques, comme Mapstr, qui permet d’enregistrer des adresses dans le monde entier. Si les ventes de guides consacrés aux destinations hexagonales ont plongé de plus de 10 % en 2024, celles sur les autres pays, notamment d’Asie et d’Europe du Nord, ont permis d’atténuer, voire de compenser, cette chute. Au point que Lonely Planet (Editis) a dû réimprimer ses guides sur l’Albanie et le Japon. Relancer le secteur Pour compliquer l’équation des éditeurs, la géopolitique vient aussi percuter les guides touristiques. Philippe Gloaguen, le patron du Routard, numéro un du secteur édité par Hachette, l’affirme clairement : « Pour partir en voyage, il faut être optimiste, heureux ou amoureux. » Or, selon lui, « l’ambiance est plombée » par la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien et « la politique ridicule de Trump » . Pour relancer le secteur, les éditeurs rivalisent d’invention. C’est ainsi que Gallimard publie le 8 mai Et si on rentrait au bled en train ?, de Nassira El Moaddem, ou encore Rando solo. L e guide féministe, de Marie Albert (tous les deux 144 pages, 19,90 euros). Lonely Planet vise les enfants et les adolescents avec des guides qui leur sont consacrés, tandis que Maison Pop vient de lancer une collection de romans qui permettent de découvrir l’histoire cachée d’une ville. Chez Michelin aussi, deux nouvelles collections font leur apparition, l’une destinée aux amateurs inconditionnels des cartes routières, et l’autre à ceux qui cherchent des alternatives au surtourisme. Un filon d’avenir. **** *source_Le_Figaro *date_2025-01-16 *am_2025-01 *annee_2025 La Méditerranée de tous les dangers L'effondrement du régime el-Assad en Syrie, les exercices en mer de la marine turque au large de Chypre, le drame humanitaire et écologique de Gaza, la catastrophe du traitement des déchets au Liban et dans la plupart des pays de la rive sud, la partition de la Libye, la décrépitude de l'État algérien, le surtourisme à Venise, Barcelone, Dubrovnik, et bientôt sur les côtes d'Albanie vont dans le bon sens... Pangloss nous dirait même que tout est pour le mieux. Mais pas Voltaire, ni personne. Aussi tout ce qui contribue à aiguiser notre regard sur cette mer partagée et maltraitée est bon à prendre. Les analyses du rapport MED 2050 sont sévères. C'est la deuxième région qui se réchauffe le plus vite dans le monde, juste après l'Antarctique, 42 % de la population souffre de pénurie d'eau, et elle représente à elle seule 60 % de la population mondiale pauvre en eau. La mer nourricière de tant de civilisations est devenue l'espace des extrêmes. Si 130 000 migrants l'ont traversée en 2022, 27 millions de croisiéristes y ont aussi séjourné la même année, ce qui en fait la seconde destination au monde. On y bat aussi des records de surpêche, soit 80 % des 1,5 million de tonnes de poissons pêchés. Laisserons-nous faire le destin ou tenterons-nous d'agir sur les leviers qui relèvent de notre initiative pour limiter le choc négatif qui nous attend au quintuple de ce que nous voyons ? Après 1989 et 2005, ce troisième rapport du Plan bleu propose différentes pistes. Son histoire remonte aux années 1970. En 1972, la conférence des Nations unies réunie à Stockholm constatait qu'il n'y avait pas d'organismes pour traiter les problèmes d'environnement au niveau mondial. Un nouveau programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) était domicilié à Nairobi. Les experts proposèrent de s'intéresser au cas pratique des mers régionales. Car si un État se comporte de manière respectueuse de son littoral et que le voisin le fait moins ou pas du tout, le jeu est à somme nulle. Les externalités négatives de cette absence de solidarité sur une mer fermée sont plus rapidement lisibles et visibles qu'en matière de climat. Le Plan bleu est donc créé pour collecter les données et coordonner les efforts autour du bassin méditerranéen. « La France est d'emblée très engagée dans cette histoire, car elle a le premier PIB de la zone, la première marine, et elle a des relations historiques très fortes avec tous les pays de la zone. Cinquante ans plus tard, cet élan s'est émoussé » , glisse un des contributeurs de ce rapport. Ce n'est pas faute d'avoir parfois essayé de manière sans doute trop unilatérale. En 2008-2010, Paris a tenté d'associer toute l'Union européenne au processus de Barcelone. Mais les printemps arabes, la persistance du désaccord israélo-arabe, l'éloignement de la Turquie du consensus européen ont interrompu les amorces de coopérations lancées ici ou là. On ne s'étonne guère que l'histoire de Sisyphe ait été inventée sur ces rives aussi belles que querelleuses. Car tout se répète sans avancer. En 2021, Emmanuel Macron a lancé l'initiative Pamex (Plan pour une Méditerranée exemplaire), sans résultats. Au mois de juin, à Nice, un sommet consacré à l'avenir des mers pourrait au moins s'intéresser à celle qu'il aura sous les yeux. « L'intérêt de ce rapport est de jouer collectif - et de servir d'incitation pour les administrations des pays du Sud, qui n'ont pas toujours les moyens de dresser un inventaire sur ce qui se passe chez eux ; nous espérons qu'il pourra accroître la perception des défis qui nous attendent » , résume l'un des animateurs du projet. Ajoutons que, pour une fois, voici un état des lieux qui relie dans la tradition braudélienne deux mondes que tout sépare : la rive nord et la rive sud. Jadis, les pirates, les janissaires, et les croisés reliaient par intermittence ces sociétés de droit romain et de droit coranique. Aujourd'hui, le monde riche et postindustriel de la rive nord regarde avec inquiétude les États de la rive sud qui réagissent très faiblement aux sollicitations de leurs sociétés civiles. Les migrants et les touristes ont remplacé - mais pas complètement - les habituelles odyssées des seigneurs de mers. La comparaison entre les prévisions qui furent faites en 2005 et la réalité finalement constatée est intéressante. Ce qui saute aux yeux est le basculement d'un cadre relativement stable à une zone secouée par des évolutions accélérées, aussi bien géophysiques - le réchauffement - que géopolitiques - les printemps arabes -, les deux étant mêlés. Les experts du Plan bleu prévoyaient un réchauffement climatique d'un degré autour de la Méditerranée en 2025, il a finalement été de 1,6 °C. « L'effet du réchauffement a été très sous-estimé, et les connaissances sur ce sujet ont énormément augmenté » , écrit le rapport, qui prévoit une augmentation de 2 °C ou 2,5 °C en 2050. En revanche, l'évolution de la population correspond aux anticipations. Le rapport de 2005 annonçait 513 millions d'habitants, et il n'y en a eu que 2 millions de plus. De la même manière, la prévision du PIB cumulé de tous les pays méditerranéens était de 7 000 milliards de dollars et elle a été de 8 500. Les rapporteurs soulignent que cette surperformance « reflète celle de la planète prise dans son ensemble » , et qu'il faut noter qu'elle a eu lieu « malgré la crise de 2008 ». Notons enfin que la densité de population sur les régions côtières a été bien plus importante (186 hab/km2 au lieu des 156 prévus). En se trompant peu hier, on peut supposer qu'ils se tromperont peu demain. « La prospective se distingue doublement d'une démarche prévisionnelle : d'abord, elle s'intéresse autant aux incertitudes qu'aux certitudes. Ensuite, elle s'attache autant à ce qui va se passer qu'à ce qu'on souhaite ou ne souhaite pas qu'il se passe » , écrivent les auteurs. S'il n'est bien sûr pas possible de prédire la « météo » des sociétés humaines dans vingt-cinq ans, ni de dire si la guerre, la paix, ou des formes mixtes domineront la région, il est en revanche possible d'anticiper certaines évolutions. Les principales sont l'accélération massive des pressions de toutes natures sur les littoraux, les pénuries dramatiques d'eau potable, les épisodes de chaleurs extrêmes qui limiteront fortement la manne du tourisme - on parle d'un pic en 2030, la fin du cycle des hydrocarbures dont les gouvernements algérien ou libyen n'ont pas préparé l'après - contrairement aux pétromonarchies arabes. Et enfin, « la déconnexion du bassin méditerranéen vis-à-vis des zones dynamiques de la mondialisation, en Asie et Amérique du Nord » . Tout cela n'est pas réjouissant. « Les mesures incrémentales ne suffisent plus et il faut des réformes de rupture, or la plupart des pays sont trop faibles pour les conduire » , nous dit un rapporteur. Reste le scénario utopique, le sixième et dernier de ce rapport : « À partir des années 2030, émerge l'idée que cette mer, hotspot de la biodiversité à l'échelle planétaire, ne pourra être sauvée que si elle est considérée comme un bien commun mondial. » Sisyphe... CHARLES JAIGU. **** *source_Libération *date_2024-09-04 *am_2024-09 *annee_2024 EXPRESSO Surtourisme en Grèce : «Psimythos», une fausse île qui fait rire jaune les Grecs EXPRESSO Sur les réseaux sociaux, la cré- ation memesque fictive a déclenché l'engouement des internautes, qui se sont pris au jeu de sa pro- motion. Mais derrière la caricature subsiste une part de réalité quant à la dépendance du pays au tourisme. PHOTO GETTY IMAGES. **** *source_Les_Echos *date_2024-10-17 *am_2024-10 *annee_2024 TOURISME La plateforme Airbnb va développer son offre mondiale de conciergerie Régulièrement accusé de favoriser le surtourisme et d'augmenter la tension sur le marché du logement dans les grandes villes, Airbnb doit faire preuve d'imagination pour continuer d'étoffer son offre. La plateforme multiplie ainsi les initiatives pour attirer de nouveaux « hôtes », disposés à proposer leur logement aux voyageurs. L'an passé, la plateforme avait déjà mis en place des outils de tarification plus performants, qu'elle va encore améliorer grâce à des algorithmes basés sur les prix des logements similaires situés dans le même périmètre. Elle va aussi faciliter les démarches des propriétaires vis-à-vis de l'administration fiscale en leur permettant d'extraire les données sur l'année en quelques clics. Des co-hôtes triés sur le volet Mais lors de « l'édition hiver 2024 » de l'entreprise, présentée mercredi dernier, Airbnb a exprimé sa volonté de passer la vitesse supérieure. La principale nouveauté concerne le lancement à grande échelle de son réseau de « co-hôtes ». Ces derniers, triés sur le volet, offriront aux hôtes une large palette de services : remise des clés et « check out » en fin de séjour, ménage ou réparations dans le logement… « Souvent, les gens ne louent pas leur bien, car ils n'ont pas le temps de le faire. L'idée est de pouvoir trouver quelqu'un près de leur logement, qui a l'habitude de ces démarches, pour s'occuper de leur Airbnb », résume Emmanuel Marill, directeur Europe, Moyen-Orient et Afrique du groupe. Et de citer l'exemple d'une maison de campagne dont le propriétaire ne peut pas être présent à l'arrivée et au départ des voyageurs qui pourra faire appel à ce prestataire d'un nouveau genre. Lever un frein à la location Ces co-hôtes, qui peuvent être de simples particuliers ou des conciergeries professionnelles, percevront une commission de 15 à 20 %, selon les cas. De son côté, Airbnb ne se rémunérera pas sur ce nouveau service, l'objectif affiché étant de lever un nouveau frein pour les propriétaires indécis. « Cela peut aussi contribuer à résoudre certains problèmes, comme les lits froids en montagne », avance Emmanuel Marill. Lancé dans 10 pays, ce nouveau programme mûrit en réalité depuis plusieurs années dans le giron d'Airbnb France, puisqu'il est le fruit du rachat, en 2019, de la start-up Luckey Homes, spécialisée dans la gestion des locations saisonnières pour les propriétaires. Une expertise mise à profit pour le compte d'Airbnb, qui va lui donner une dimension mondiale. Yann Duvert. **** *source_Le_Monde *date_2025-06-24 *am_2025-06 *annee_2025 Le mariage de Jeff Bezos à Venise divise les Italiens Rome - correspondant - Jusqu’à la chute finale de la république Sérénissime face à l’envahisseur napoléonien en 1797, Venise a construit sa puissance sur l’industrie et le commerce des soieries et épices dans une économie déjà mondialisée. Ces jours-là sont loin derrière elle. Elle sert désormais d’arrière-plan aux rêves de ses innombrables visiteurs, simples touristes perdus dans la masse des vacances low cost ou nouveaux maîtres de l’économie globale. Le milliardaire américain et fondateur d’Amazon Jeff Bezos doit justement s’y marier fin juin avec l’ancienne présentatrice de télévision du réseau conservateur Fox, Lauren Sanchez. Pourtant, il se trouve des Vénitiens qui se refusent à accueillir dans leur vieille cité amphibie la troisième fortune mondiale et son cortège d’invités ultrariches, qui doivent arriver à bord de neuf yachts dans la lagune, selon le Corriere della Sera , pour participer à des festivités sur plusieurs jours. Du campanile de la basilique Saint-Georges au célèbre pont du Rialto, des banderoles frappées du message « No Space for Bezos » ( « pas de place pour Bezos ») ont été déployées, des tracts relayant le slogan « Venise n’est pas à vendre, Venise n’est pas à louer » sont distribués au bord des canaux, des affiches et des graffitis apparaissent sur les murs. Des actions plus spectaculaires sont aussi prévues, quand sera présent en ville le milliardaire impliqué dans l’industrie spatiale et réconcilié avec Donald Trump, président américain réélu en 2024 et critiqué par ses opposants comme engagé dans une brutale dérive autoritaire. Le programme de ce mariage, qui doit se tenir entre le jeudi 26 et le samedi 28 juin, est cependant gardé secret pour l’instant, l’ensemble des prestataires étant tenus par de stricts accords de non-divulgation. Le budget de l’événement est toutefois estimé à plus de 15 millions d’euros, pour environ 250 invités. Selon la presse italienne, les icônes progressistes George Clooney et Oprah Winfrey y côtoieront l’oligarque récemment chassé de la Maison Blanche Elon Musk, le président de Meta Mark Zuckerberg ou encore Ivanka Trump et Donald Trump Jr, deux enfants du président. Six hôtels de luxe ont été réservés, tandis que les époux accosteront à bord du Koru , leur voilier de 127 mètres dont la valeur est estimée à 500 millions de dollars (434 millions d’euros). Un « fait politique » Face au débarquement de cette puissante cour, des organisations locales se sont liguées au sein d’un comité No Space for Bezos, avec le soutien de l’Association nationale des partisans italiens, une institution très active dans les combats en faveur des droits civiques. Représentant d’une petite minorité active, le comité a rassemblé environ 200 personnes lors d’une assemblée générale, le 13 juin. Ses représentants ont annoncé être prêts à se jeter dans les canaux vénitiens et à occuper les quais pour perturber le mariage lors d’actions concertées le 28 juin. « Ce mariage est un fait politique, car Jeff Bezos a un rôle politique important au niveau mondial. Il a fait partie des milliardaires qui ont épaulé Trump et il a un rôle dans le nouvel obscurantisme global après avoir fondé sa fortune sur une exploitation des travailleurs digne du servage »,a déclaré au Monde le principal organisateur de la protestation, Tommaso Cacciari, neveu du célèbre philosophe vénitien et ancien maire de la ville Massimo Cacciari. « Les Vénitiens en ont assez de toutes ces choses qu’on organise au-dessus de leur tête sans les impliquer et qui rendent la vie de cette ville toujours plus difficile » , ajoute le guide Stefano Croce, critique des dérives du tourisme de masse. Pour Alessandro Mangioni, communiquant et ancien élu municipal, le mouvement de protestation est cependant hors de propos : « Il serait contraire à toute l’histoire de Venise et à toute sa tradition de penser que cette ville ne puisse pas accueillir le mariage d’une personne aussi riche et importante. » M. Croce regrette pour sa part que les citoyens ne fassent l’objet de nulle reconnaissance, appelant de ses vœux une contrepartie philanthropique à l’utilisation de la ville : « Il pourrait faire un geste avec un millième de ce qu’il dépense pour ce mariage et il aurait tout de suite l’air moins envahissant. » Côté politique, les responsables locaux réagissent durement à ces mobilisations. « Protester contre ceux qui apportent de la visibilité et des richesses à notre territoire est selon moi une honte »,est allé jusqu’à tonner le président de la Vénétie, Luca Zaia. Pour sa part, le maire de la ville, Luigi Brugnaro, bête noire des Vénitiens insulaires, mais largement soutenu par les zones continentales de la municipalité, a lui aussi défendu l’événement comme une opportunité. Certains s’interrogent cependant déjà sur de possibles conflits d’intérêts encore loin d’être prouvés. En effet, sont évoqués, parmi les lieux qui seraient loués pour accueillir les multiples événements du mariage, la Scuola Grande della Misericordia, un trésor du XVe siècle dont M. Brugnaro a obtenu la concession en 2009 et jusqu’en 2051, lorsqu’il n’était encore qu’un prospère homme d’affaires. « Il serait embarrassant que Luigi Brugnaro fasse fermer les canaux et les rues autour de la Misericordia pendant que ses sociétés s’enrichissent en la louant » , avance ainsi Marco Gasparinetti, conseiller municipal d’opposition. M. Brugnaro fait par ailleurs l’objet d’une enquête de la justice italienne sur des terrains cédés à un magnat singapourien, Ching Chiat Kwong. L’affaire du mariage de M. Bezos s’incrit dans un contexte déjà marqué par les polémiques sur les usages et l’usure de Venise. Les opposants mobilisés viennent ainsi d’une lutte précédente, remportée depuis, contre la présence des navires de croisière aux abords immédiats de la cité insulaire. On trouve parmi eux des critiques engagés du surtourisme, phénomène qui continue de vider la ville de ses derniers habitants et risque de lui valoir une inscription sur la liste du Patrimoine mondial en péril de l’Unesco, tandis que les autorités ont mis en place un système de tarification des entrées, ultime étape, pour leurs opposants, de sa transformation en musée. « Le mariage de Jeff Bezos est la confirmation que nous vivons une nouvelle ère féodale », a écrit, mercredi 18 juin, dans la Rivista Studio , une publication culturelle en ligne, le journaliste Giulio Silvano. Une énormité pour ce qui fut la république la plus puissante du Moyen Age. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2025-01-23 *am_2025-01 *annee_2025 Revers de médaille Cocorico ! La France a Revers de médaille Cocorico ! La France a passé la barre des 100 millions de touristes en 2024. On vient d'apprendre que l'année des Jeux olympiques de Paris a confirmé sa place de première destination mondiale. Les magnifiques images de la cérémonie d'ouverture et accessoirement de clôture ont fait le tour de la planète, tout comme celles de Notre-Dame en décembre. La ministre du Tourisme a annoncé cette semaine des arrivées aériennes internationales en hausse de 10 % au cours du dernier trimestre avec une augmentation de 15 % des voyageurs américains, de 7 % des Brésiliens. Pourtant toute médaille, même en or, a un revers. En l'espèce, le danger du surtourisme et de la « surfréquentation » des pépites nationales. Le Louvre en est une. C'est l'un des plus grands musées du monde et sans conteste le plus visité. Le problème - selon les estimations du service au public - c'est que 80 % de ses visiteurs occupent un septième des espaces d'expositions. À peine entrés dans le monument, les touristes se précipitent au 1 er étage de l'aile Denon pour admirer principalement trois pièces majeures : « la Joconde », la « Victoire de Samothrace » et la Vénus de Milo. Alors, certes, comme le déplore la présidente de l'établissement, leur parcours muséal n'est pas à la hauteur de ces chefs-d'oeuvre, mais l'objectif de nombre d'entre eux reste surtout de réaliser un selfie devant le tableau ou la statue. L'important paraît surtout de nourrir Instagram et les réseaux sociaux en mode « Moi et la Joconde ». Bien sûr, le Louvre mérite d'être restauré et quelques investissements pour tenir son rang. Mais cela ne suffira pas forcément à fluidifier les circulations. Sauf à l'accompagner du dépôt obligatoire du portable dans une consigne à l'entrée. **** *source_Les_Echos *date_2024-09-06 *am_2024-09 *annee_2024 TOURISME L'appli de jogging Jooks cible les voyageurs d'affaires L'application propose près de 1.600 parcours dans 64 pays.Elle vient d'être acquise par le groupe lyonnais Obiz. Le matin avant de démarrer la journée, ou le soir après les réunions, le voyageur d'affaires de passage à Düsseldorf, en plein coeur de la région industrielle de la Ruhr, aura quelques difficultés à trouver un parcours agréable de course à pied. « J'y ai effectué plusieurs séjours sans savoir où aller courir, jusqu'au jour où on a créé cette application. Et il y a beaucoup d'endroits sympas à découvrir dans cette ville », assure Olivier Lebleu, qui s'est associé à un ami, Christophe Minodier, pour lancer en 2016 l'application Runnin'City au sein de la société Mile Positioning Solutions. Des circuits traduits en 12 langues Rebaptisée Jooks en 2022 et intégrant désormais le vélo et des parcours accessibles aux personnes à mobilité réduite, l'application gratuite répertorie près de 1.600 circuits maillés de points d'intérêts touristiques dans 430 villes et 64 pays. Récemment, Abu Dhabi et les abords de Barcelone ont rejoint la collection. « Notre client, la région autonome de Catalogne, désirait mettre en avant 14 cités de caractère autour de sa capitale. Notre outil participe ainsi à sa lutte contre le surtourisme sur le front de mer », illustre le dirigeant. Particularité de l'appli, elle dispose d'un GPS vocal qui assure le guidage pendant le parcours et présente les lieux visités en donnant des informations historiques et culturelles. Deux des huit salariés de la société lyonnaise sont assignés à ce travail éditorial. Les quelque 30.000 points répertoriés sont traduits en 12 langues, dont le japonais et les trois versions du chinois. « On court un peu moins vite, mais le parcours gagne de l'intérêt », assure Olivier Lebleu, qui revendique 300.000 utilisateurs, dont 51 % de femmes. Un vivier de 35 millions d'utilisateurs Déjà partenaires depuis 2022, le jeune éditeur Mile Positioning Solutions et Obiz, société lyonnaise de marketing relationnel, ont franchi un palier au printemps dernier. Le groupe d'une centaine de salariés, qui prévoit un chiffre d'affaires de 125 millions d'euros en 2024, a porté sa participation de 13 à 51 % dans la start-up. Le montant de l'opération n'a pas été dévoilé. Grâce à ses offres promotionnelles, Obiz propose des programmes relationnels et affinitaires et des sites e-commerce pour le compte de grandes entreprises, d'associations, de fédérations, soit un vivier de 35 millions d'utilisateurs finaux. L'idée serait d'intégrer Jooks à ce catalogue pour ne plus se limiter aux seuls voyageurs d'affaires. S. F. **** *source_Les_Echos *date_2023-08-21 *am_2023-08 *annee_2023 tourisme Les croisières et les paquebots reprennent leur marche en avant Les compagnies de croisières ont renoué avec la croissance et la rentabilité.En 2023, le trafic devrait être supérieur à celui de 2019, et les perspectives pour 2024 sont favorables. D'aucuns la disaient dépassée, coulée même par la pandémie de Covid. Avec ses paquebots transformés en foyers viraux, puis sa flotte maintenue à quai pendant des mois sur l'ensemble de la planète, la croisière a eu de quoi alimenter les pronostics les plus sombres. Deux ans après un redémarrage partiel et progressif, le secteur les envoie pourtant par-dessus bord : non seulement, sa relance, amorcée l'an dernier, est effective, dans un contexte de reprise généralisée du voyage, mais la hausse du trafic passagers se combine avec des rendements tarifaires si favorables que les opérateurs révisent à la hausse leurs perspectives financières. « Une demande extraordinairement forte » Norwegian Cruise Line Holdings, l'un des principaux acteurs mondiaux avec une trentaine de paquebots pour trois compagnies, vient de se livrer à une telle révision à l'occasion de la publication de ses comptes pour le deuxième trimestre 2023. Ils sont notamment marqués par un total de revenus record de 2,2 milliards de dollars, en hausse de 33 % par rapport à la même période de 2019, dernière année de référence. Plus significatif encore d'un horizon dégagé, le portefeuille de réservations de ce groupe américain aux origines norvégiennes est sans précédent à 3,5 milliards de dollars, en augmentation de 56 % par rapport à son niveau au 30 juin 2019. Royal Caribbean, autre américain et numéro deux mondial - derrière Carnival -, a déclaré, fin juillet, s'attendre désormais à « une croissance à deux chiffres pour l'ensemble de l'année » du fait d'une demande « extraordinairement forte », et prévoir une rentabilité opérationnelle par passager « record » . Au premier semestre, ce mastodonte, qui dessert environ 1.000 destinations avec ses trois compagnies et ses 64 paquebots - sans compter la dizaine de navires opérés sous deux marques en partenariat avec le voyagiste allemand et géant du tourisme TUI -, a vu son chiffre d'affaires doubler, à 6,4 milliards de dollars. Des vents porteurs qui ont accéléré sa sortie du rouge : Royal Caribbean, qui avait accusé une perte nette part du groupe de 1,7 milliard de dollars au premier semestre 2022, engrange en effet un an plus tard un profit d'environ 411 millions. Les réservations pour 2024 augmentent par ailleurs « significativement » et à des « prix record » . « Le Covid avait donné un coup d'arrêt au développement de la croisière mais c'est maintenant bien reparti. La France demeure toutefois en retard par rapport à l'Espagne et surtout l'Italie », indique le président de l'organisation interprofessionnelle Les Entreprises du Voyage, Jean-Pierre Mas. « Les prix de la croisière peuvent être très compétitifs. La clientèle est très large : populaire sur des croisières de 3 jours au départ de Marseille à 500 euros, CSP ++ sur les bateaux de Ponant [opérateur de croisières d'exploration, NDLR] », précise-t-il. Pour les grands acteurs du secteur, la crise sanitaire paraît d'autant plus virer au mauvais souvenir que la réouverture du marché chinois, qui les faisait rêver avant la pandémie, a été amorcée en juin avec des services au départ de Shanghai. Ce qui conforte un peu plus le pronostic de plein rétablissement établi fin 2022 par l'association internationale des compagnies de croisières CLIA : selon elle, le trafic mondial de passagers devrait dépasser cette année celui de 2019 avec un total de 31,5 millions, à comparer à 29,7 millions. Pour l'association, le secteur ne fait que reprendre son inéluctable marche en avant, le trafic devant atteindre 39,5 millions de passagers en 2027 d'après ses projections à cinq ans. Une telle prévision s'explique, il est vrai, par l'augmentation attendue des capacités. La question environnementale Le nombre de couchettes doit en effet croître de 19 % entre 2022 et 2028, passant de quelque 625.000 à plus 746.000 (il s'élèverait à 737.000 en 2027). De fait, 44 nouveaux paquebots sont censés entrer en service d'ici à 2028, dont 14 cette année. De quoi relancer le débat sur les nuisances de la croisière entre surtourisme, émission de C02 et dégâts occasionnés dans les mers et océans. Si la crise sanitaire n'a pas suscité, contrairement au 11 septembre 2001, de faillites spectaculaires, elle semble avoir stimulé une plus forte mobilisation des compagnies sur ces questions sensibles. Carnival vise désormais une baisse de plus de 20 % de ses émissions de CO2 à la fin 2026 par rapport à leur niveau de 2019. Pour ce faire, le géant de Miami - plus de 90 paquebots pour 9 compagnies dont Costa en Europe - actionne 4 leviers : l'optimisation de sa flotte et de ses itinéraires ; l'efficience énergétique ; enfin, les nouvelles technologies et les carburants alternatifs. De même, à l'occasion de son quinzième anniversaire, TUI Cruises, la société commune de TUI et de Royal Caribbean, a dévoilé en mai une stratégie environnementale avec pour objectif la diminution de 27,5 % ses émissions de CO2 d'ici à 2030 par rapport à leur niveau de 2019. Dans l'immédiat, TUI Cruises fait construire son premier bateau avec une propulsion au « méthanol vert », un paquebot d'une capacité de transport d'environ 2.900 passagers. Ce navire, dont les émissions seront réduites de 90 % par rapport à une motorisation au fuel classique, sera aussi doté de catalyseurs à haut rendement et d'un raccordement au réseau électrique terrestre. Christophe Palierse. **** *source_La_Croix *date_2023-08-21 *am_2023-08 *annee_2023 Les guides papier n'ont pas dit leur dernier mot Pour votre prochain voyage en Grèce, êtes-vous plutôt vlog quatre jours à Santorin ou guide de voyage classique sur la Grèce continentale ? Pour Philippe Orain, directeur international des guides de voyage Michelin, aucun problème à faire les deux car « les influenceurs ne sont pas une concurrence ». Même constat pour «?Le Routard?», le directeur Philippe Gloaguen n'est « pas du tout inquiété » par l'émergence des recommandations de voyage 2.0. Et les chiffres des ventes confirment leurs sentiments : la vente de livres pratiques, dont font partie les guides de voyage, est en hausse. « Tous les segments sont en baisse, hormis celui des guides de tourisme qui fait un bond de 50 % en valeur et 36 % en volume », peut-on lire dans le rapport 2022-2023 du Syndicat national de l'édition. Les deux éditeurs justifient cette popularité par la qualité du contenu de leurs livres. « La personne qui s'occupe du Moyen-Orient chez nous a fait Sciences Po, elle parle arabe, c'est une experte. Je ne vois pas les influenceurs faire des descriptions sur la grotte de Lascaux », détaille avec amusement Philippe Gloaguen, directeur du guide du Routard. Selon lui, les voyageurs continuent de faire confiance aux traditionnels guides de tourisme grâce au travail de recherche et de tests sérieux des rédacteurs, au contraire des influenceurs qui ne recommandent que des lieux photogéniques ou des établissements en échange de rémunération. Le jeune public des réseaux sociaux serait plus attiré par les expériences de plongée sous-marine en vidéo que par les descriptions de façades d'église ? Ce n'est pas antinomique, répond Philippe Orain : « Nous aussi on vend des expériences comme des festivals, mais avec le surtourisme en moins. » Avec plus de 70 000 points d'intérêt différents dans l'ensemble des Guides verts Michelin, le risque de surfréquentation des lieux est minime. Une préoccupation que ne partagent pas la plupart des influenceurs. Si, pour le moment, les guides papier semblent garder la primauté des recommandations de voyage, les éditeurs s'interrogent : les très jeunes internautes habitués à utiliser les réseaux sociaux comme moteurs de recherche auront-ils encore le réflexe d'acheter des livres quand ils seront en âge de voyager ? Philippe Orain ne voit pas les réseaux en ligne devenir autre chose que « des sources d'inspiration pour les voyageurs » , qui achètent ensuite les guides papier lorsque la destination est trouvée. Le Routard de son côté n'est pas inquiet et rappelle la création du site de recommandation participatif Tripadvisor, dans les années 2000. « Il y a eu une baisse de 5 ou 6 % de nos ventes à son arrivée, mais après quelques années le public est revenu au papier. » Pour autant, les guides de voyage se modernisent et s'adaptent à leur époque. Les pages sont enrichies de contenus Web et parfois téléchargeables en format 100?% numérique. Certains éditeurs investissent aussi les plateformes émergentes, comme le Lonely Planet qui s'appuie sur la communauté #booktok ou #traveltiktok pour faire la promotion de ses livres et comptabilise quelque 140?000 abonnés sur le réseau TikTok. Les mondes de l'influence et de l'édition papier ne sont pas imperméables et des partenariats existent déjà entre les deux. « Ce qui compte sur les réseaux, c'est de fidéliser les gens. Avoir un million d'abonnés, parfois ça ne veut rien dire, car plus ils sont nombreux, plus la sincérité des influenceurs peut être remise en question », analyse le directeur des guides Michelin. Eux par exemple s'appuient sur des experts présents sur les réseaux, pour des éditions thématiques. C'est le cas avec le duo de youtubeurs Les Coflocs, spécialistes des voyages en van, qui ont désormais leur collection d'ouvrages chez Michelin. **** *source_La_Croix *date_2023-08-11 *am_2023-08 *annee_2023 Plagistes Comme un éternel laboratoire de nos choix civilisationnels, la Grèce n'en finit pas d'illustrer cet été les ajustements à trouver entre l'impératif environnemental et l'incontournable activité touristique. L'insuffisance des plans de lutte contre les incendies du pays a d'abord été pointée du doigt, quand les feux de forêt ont ravagé l'île de Rhodes. La régulation de l'accès à l'Acropole, ensuite, a remis en lumière l'enjeu patrimonial des lieux accueillant du public. Voilà poindre aujourd'hui les querelles autour de la préservation du littoral et la privatisation des plages... Sans minimiser la responsabilité des autorités grecques, ni culpabiliser les touristes en puissance que nous sommes tous, les leviers d'action ne peuvent être que collectifs. C'est ce qu'ont bien compris les quelque 10 000 citoyens du « mouvement des serviettes », qui se mobilisent dans les médias et sur les réseaux contre la privatisation illégale des plages hellènes par les bars de bord de mer. Un drôle de nom pour un objectif qui n'a rien de farfelu : faire respecter la loi littorale grecque, qui impose de laisser libre au moins la moitié de la plage. Les résultats sont là : le collectif commence à faire plier les abuseurs, qui se font rappeler à l'ordre par le gouvernement - le tourisme est, aussi, une question d'image. Beaucoup de nos travers contemporains résident dans cet alliage de surtourisme destructeur pour l'environnement et de cynisme assumé qui relègue les moins fortunés hors de la vue des autres, sous l'hypocrite refus d'un « tourisme de masse » qui ne concernerait que les classes les plus populaires. Prendre en compte les enjeux climatiques sans évacuer la question des inégalités sociales : voilà toute l'ambition d'une écologie intégrale qu'il faut appeler de nos voeux. **** *source_Les_Echos *date_2023-07-28 *am_2023-07 *annee_2023 La place de l'inattendudans une sociétéhyperdocumentée Dans son « Livre de la voie et de la vertu », Lao Tseu prétend qu'un « bon voyageur n'a ni plan établi, ni destination ». Cela signifie-t-il que le globe-trotter moderne, qui fait précéder ses déplacements de quêtes virtuelles pour repérer en détail les lieux, les accès, les monuments et les hôtels avant de se rendre sur place serait un « mauvais » vacancier ? Comparateurs en ligne, recherche d'avis clients, itinéraires programmés par le menu, réservations préalables impératives des musées et expositions, identification géolocalisée des habitations envisagées… le tourisme à l'ère numérique réclame de bannir l'improvisation. D'autant que les destinations rivalisent de créativité pour attirer l'oeil des mobinautes sur les plateformes sociales comme Instagram ou TikTok, largement fondées sur l'image et la vidéo. Elles mettent en scène, à grand renfort de musique, de filtres et de palette graphique, les sites naturels ou historiques qu'il s'agit de promouvoir en priorité. Au risque de susciter des phénomènes problématiques de surtourisme, avec des masses de promeneurs qui exigent de reproduire in situ la séquence exacte qui les a incités à se rendre sur place. D'ailleurs, certains offices de tourisme placent même dans le paysage des pancartes aux couleurs desdits réseaux sociaux pour indiquer l'endroit où le cliché idoine doit être pris. De captations de codes QR pour récupérer des informations pratiques, à la navigation le nez sur le GPS du téléphone pour trouver son chemin, l'accès à une prise de courant et à une borne wifi constituent pour beaucoup le principal sujet d'investigation une fois arrivé à destination. La maîtrise de la langue des gens du cru étant accessoire grâce aux interfaces de traduction simultanée. Qu'il s'agisse de taper un texte ou de photographier un écriteau rédigé dans l'idiome local. « Rien ne développe l'intelligence comme les voyages », affirmait en son temps Emile Zola. Assurément. Mais sous réserve de se mettre en position d'ouverture vers l'autre. En acceptant le principe de l'aléa, de l'incertain et de la découverte. Cette itération intellectuelle est certainement riche en promesses. En se rendant disponible pour la rencontre, on est naturellement plus enclin à créer le contact, découvrir ce qui ne saute pas spontanément aux yeux et plus à même d'assimiler les connaissances ainsi acquises. On retiendra davantage des errements dans le dédale d'une médina orientale que d'un parcours balisé au cordeau numérique. Voyager c'est aussi accepter de « perdre » du temps. Il en va de même dans la recherche d'informations, à l'instar des rebonds qui conduisent, de pages en notices, à la lecture joyeusement erratique d'un dictionnaire. Ce cheminement fait pleinement partie d'un apprentissage propre à constituer cette culture générale, si utile pour former des têtes bien faites destinées à aborder un monde de plus en plus complexe. Une vertu pédagogique a priori plus profitable que la seule mise à disposition formatée de données agglomérées par un logiciel. Fût-il qualifié d'intelligent. Cette accessibilité immédiate de l'information en abondance ne doit pas aboutir à une limitation de la capacité de raisonnement individuel. « Voyager rend modeste, estimait Gustave Flaubert. On voit mieux la place minuscule que l'on occupe dans le monde ». Cette mise en perspective du contexte environnant est bienvenue pour se garder des affirmations péremptoires encore trop souvent générées par des automates chargés de fournir des condensés de messages divers. L'esprit humain doit veiller à ne pas se départir de sa capacité d'apprentissage et de raisonnement, afin d'anticiper l'imprévu et d'aborder la nouveauté. Nicolas Arpagian. **** *source_Le_Figaro *date_2024-03-13 *am_2024-03 *annee_2024 Entreprises En Grèce, la course folle aux investissements touristiques À en croire les chiffres de la Banque de Grèce, rien n'arrête le tourisme dans le pays et l'année 2024 s'annonce tout aussi florissante que 2023. L'an dernier, les arrivées dans la patrie d'Aristote ont augmenté de 17,6 % et s'élevaient à 32,7 millions de voyageurs, contre 27,8 millions de voyageurs en 2022. Quant aux recettes du secteur, elles ont atteint les 20,5 milliards d'euros, contre 17,7 milliards d'euros en 2022 et 18,2 milliards en 2019. Ces bons résultats donnent une impulsion aux projets d'investissement des grands groupes hôteliers et placent également la barre très haut pour les unités déjà sur place. La course au luxe est plus que lancée. Plus de 60 programmes hôteliers vont être développés en Grèce au cours des quatre prochaines années. Quatre nouvelles unités sur dix appartiennent à de grandes enseignes internationales telle qu'Accor, One&Only, Marriott International, Mandarin Oriental, Radisson Hotel Group, Wyndham Hotels & Resorts, Hyatt Hotels, Brown Hotels ou HotelBrain. Toutes faisant de la « destination Grèce » une offre de premier choix et incitant encore à la demande, à la fois des touristes et des investisseurs. L'ouverture du One&Only à Glyfada, au sud de la capitale, à l'emplacement d'un ancien resort grec de la côte, redore le lustre passé de la Riviera athénienne. Avec son design très travaillé, basé sur des matériaux naturels, l'enseigne haut de gamme attire déjà la curiosité des plus grandes personnalités internationales, des dirigeants politiques à la jet-set qu'on croise plus dans les endroits huppés de Mikonos. De quoi redonner vie à la banlieue balnéaire d'Athènes dont certaines constructions ont été abandonnées depuis la fin de la dictature des colonels dans le pays en 1974. Cinquante résidences de luxe « Depuis notre ouverture en novembre dernier, les demandes vont crescendo. Certains de nos clients, qui passent traditionnellement leurs vacances dans les îles de la mer Égée, m'ont dit qu'après leur séjour ici, ils n'avaient pas constaté de différence ! Nous croyons en la Riviera athénienne. En reprenant et rénovant cet emplacement à Glyfada, nous savions que nous pourrions développer un univers à part pour notre clientèle et pas un simple resort » , explique au Figaro Yann Gilet, directeur général du One&Only de Glyfada. C'est justement ce potentiel unique qui a donné l'envie à d'autres enseignes de parier sur cette région. Un Roc Club, de la chaîne Grecotel, ouvrira, lui, sur le lac de Vouliagmeni cet été, et même un camping de luxe « 91 Athens Riviera » sera inauguré en septembre prochain. Dans le centre de la capitale, ce sont des hôtels boutiques tout aussi conceptualisés qui s'installent. Dès le début de l'année prochaine, l'enseigne Conrad remplacera l'ancien Hilton d'Athènes avec 280 chambres et suites, tandis que 50 résidences de luxe sont également en cours de construction sous les marques Hilton Conrad Residences et Waldorf Astoria Residences. Coût total de l'opération : 130 millions d'euros. Dans le reste du pays, le rythme est encore plus soutenu. Certains investisseurs comme Goldman Sachs Asset Management en Chalcidique (nord du pays), ou Radisson Blu Resort dans le Magne, situé dans le sud du Péloponnèse, rénovent d'anciennes unités hôtelières. D'autres se développent ex nihilo, parfois sur des sites encore vierges, très peu fréquentés par les visiteurs, avec accès direct sur la plage. Ce qui n'est pas sans poser problème quant au risque de dégradation du littoral par des constructions de plus en plus imposantes, dénaturant le paysage traditionnel des îles grecques et ne laissant plus d'espace au public pour profiter gratuitement des plages. Au total, quelque 80 % de leur surface seraient piétinés en Grèce, occupés par des bars, exploitants de chaises longues ou parcs aquatiques. Des espaces, pourtant classés Natura, c'est-à-dire protégés, sont aussi pris d'assaut. Pour mettre de l'ordre, encadrer ces projets, tout en continuant d'attirer des capitaux dans le pays, le gouvernement conservateur vient d'adopter une loi sur la valorisation des zones côtières du pays. Jusqu'à présent, il n'existait aucune législation. L'objectif affiché est « de mettre fin à l'anarchie qui règne pendant les mois d'été sur la plupart des plages, où l'estran est illégalement envahi par des intérêts commerciaux puissants » , défend le communiqué gouvernemental . Il vise à freiner « la tolérance des municipalités mais aussi le manque de contrôles de la part des autorités compétentes (locales) ». Inquiétudes des associations environnementales Le problème a pris de l'ampleur l'été dernier, marqué par des protestations de citoyens sur de nombreuses îles et plages du pays, connues sous le nom de « mouvement des serviettes ». Les estivants s'installaient avec leurs serviettes de plage à côté de locations très onéreuses de chaises longues pour marquer leur opposition à la privatisation du littoral. Si la réponse du gouvernement à ce mouvement et aux pratiques dommageables semble être un premier pas pour réguler la situation, elle ne satisfait pas une douzaine d'ONG, dont WWF, qui estiment que cela revient à grignoter un peu plus le littoral, puisque le minimum de 30 mètres non constructibles à partir du rivage est supprimé. « En France, la zone côtière non structurée est désormais de 100 mètres, en Allemagne de 150 mètres et en Grèce de zéro , fulmine Anna Vafiadis avocate de WWF, alors que tous les pays, sauf la Grèce, ont ratifié le protocole (Convention de Barcelone) pour la gestion intégrée des zones côtières, qui définit une zone non structurée de 100 mètres de la côte. À présent, même l'utilisation des petites plages pourra être attribuée aux hôtels. Des petites îles vont être envahies de chaises longues et bars de ces hôtels ! » , assure-t-elle. Les autorités locales, dans ces îles de la mer Égée, estiment pourtant qu'il est difficile de refuser cette manne financière que représentent les investissements hôteliers qui, selon elles, pourraient financer aussi l'entretien des infrastructures, à la traîne, comme la gestion des déchets (toujours brûlés), les réfections des routes, l'acheminement de l'eau potable et de l'électricité. Sans compter les liaisons maritimes parfois trop rares et le transport dans des ferrys souvent usés et surchargés. Ces investissements représenteraient donc un espoir de modernisation pour les insulaires, qui pourrait aussi aider à mieux gérer le surtourisme. ALEXIA KEFALAS ATHÈNES. **** *source_Le_Figaro *date_2024-03-26 *am_2024-03 *annee_2024 patrimoine La location meublée touristique dans le collimateur Vade retro ! Le meublé touristique est accusé de tous les maux, ou presque. Grief majeur et parfaitement audible : sa part de responsabilité dans la pénurie de logements que nous connaissons actuellement. « Ce sont 800 000 logements qui ont été transformés en locations saisonnières en 2021, contre 300 000 en 2016 » , peut-on lire dans l'exposé des motifs de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue. Corédigé par Annaïg Le Meur, députée Renaissance du Finistère, en charge d'une mission sur la refonte de la fiscalité locative dont les résultats seront dévoilés prochainement, le texte a été adopté à l'Assemblée nationale le 29 janvier dernier (100 voix « pour » et 25 « contre »). Il va être prochainement débattu au Sénat. Dans sa version actuelle, le texte prévoit d'abaisser à 30 % l'abattement forfaitaire sur les loyers imposables des logements meublés, qu'ils soient classés ou non, contre respectivement 71 et 50 % jusqu'à présent. Par ailleurs, la proposition de loi entend sortir du marché locatif les meublés saisonniers les plus énergivores, à l'instar de ce qui existe déjà pour les locations à usage de résidence principale. Reste maintenant à savoir si ces dispositions résisteront à la navette parlementaire. Rien n'est moins sûr, tant la refonte de la fiscalité de la location saisonnière est un sujet conflictuel. La longue durée épargnée Certes, les modifications fiscales envisagées ne visent que le régime d'imposition dit « micro » et non l'imposition « au réel » (permettant de déduire la totalité de ses charges). Mais les contraintes de décence énergétique concerneront, quant à elles, l'ensemble des bailleurs. Autant de nouvelles exigences qui s'ajouteraient à la cohorte de celles déjà existantes : la déclaration et l'enregistrement de la location en mairie et, dans les communes concernées, une demande d'autorisation de changement d'usage (lire ci-dessous) . Au passage, la proposition de loi prévoit aussi d'accroître les pouvoirs des maires. Certains se sont d'ores et déjà emparés du problème de ce que l'on appelle le surtourisme : à Saint-Malo, par exemple, les locations saisonnières sont soumises à des quotas variables suivant les quartiers. Tous ces aménagements ne ciblent pas le meublé de longue durée, généralement à usage de résidence principale du locataire. Celui-ci conserve les faveurs de l'exécutif. Certes, il s'assortit de quelques contraintes : excepté pour les baux « code civil » , les loyers ne sont pas libres (mais ils sont plus élevés qu'en location nue) et un engagement locatif minimal est requis. Pour le reste, cette alternative offre de nombreux atouts au propriétaire bailleur. Déjà, les formalités préalables à la mise en location sont réduites, une simple déclaration en ligne suffit. Ensuite, vous avez le choix, suivant le profil du locataire, entre quatre types de baux différents (lire ci-contre) . Certains, non reconductibles et visant une clientèle spécifique, ne vous engagent que sur une durée limitée : 9 mois pour le bail étudiant et jusqu'à 10 mois pour le bail mobilité. Vous avez alors la garantie de récupérer le logement à l'échéance du contrat, sans formalités. Revers de la médaille, il vous est impossible de donner congé en cours de bail, alors que votre locataire dispose de cette liberté sous réserve d'un préavis d'un mois. Et, c'est presque le plus important alors que l'immobilier est particulièrement taxé (impôt sur la fortune immobilière, pas d'accès au prélèvement forfaitaire unique), vous avez accès à la fiscalité des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Celle-ci s'avère très favorable au propriétaire dès lors que vous délaissez le régime « micro » (assorti d'un abattement forfaitaire sur les loyers de 50 %) pour le régime réel. Vous pouvez alors déduire la quasi-totalité des charges, mais aussi amortir le bien sur 30 ans environ et le mobilier sur 7 à 10 ans. Ce qui vous permet de neutraliser la fiscalité sur les loyers pendant de nombreuses années (lire page 28) . Atout supplémentaire : si vous avez le statut de loueur en meublé non professionnel (LMNP), vous bénéficierez, à la revente, de la fiscalité des particuliers avec les abattements pour durée de détention, qui permettent une exonération totale des plus-values au bout de 30 ans. Vous l'avez compris, le meublé longue durée a toutes les cartes en main pour devenir le chouchou des investisseurs. D'autant qu'il dispose d'un atout particulièrement précieux dans le contexte actuel : une certaine sécurité juridique et fiscale. **** *source_La_Tribune_(France) *date_2024-04-19 *am_2024-04 *annee_2024 Prix Tech for Future 2024 : Koraï crée de l'emploi en restaurant les coraux abîmés de l'océan Utiliser l'écosystème marin des côtes africaines pour satisfaire aux obligations RSE des entreprises françaises. Telle est la promesse de Koraï, jeune entreprise créée à Lille en 2022, qui mise sur la vente de crédits carbone pour créer des richesses et de la biodiversité. L'activité a démarré à Madagascar mais Jeimila Donty, fondatrice, souhaite dupliquer son modèle de nurseries de coraux, de mangroves et d'herbiers marins sur les côtes du Mozambique, de la Réunion et du Kenya. Koraï gagne le prix Impact de Tech for Future 2024, le plus grand concours de startups de France, organisé par La Tribune. Les parents de Jeimila Donty, jeune diplômée de l'Essec, exploitaient une ferme de coraux spécialisée dans la distribution de ces animaux marins, recherchés pour la beauté de leur squelette calcaire. La crise sanitaire du Covid a entraîné la suspension des activités de l'affaire familiale. « J'ai toujours été bouleversée par la pauvreté de Madagascar. Elle est paradoxale parce que ce pays possède la plus grande biodiversité de notre planète », rappelle Jeimila Donty, jeune entrepreneuse franco-malgache. En décembre 2022, après une phase d'incubation à Euratech (Lille), elle a créé son entreprise : Koraï. « Mon modèle économique est celui d'une entreprise de services. Nous accompagnons les sociétés dans leur stratégie de biodiversité. Nous offrons des conseils qui partent de la réflexion pour mener à l'action et proposons aux entreprises de compenser leur empreinte carbone », détaille Jeimila Donty. Lire aussiTech for Future : La Tribune révèle les 10 startups de l'année 2024 Spécialisée dans la restauration des coraux, des mangroves et des herbiers marins, la petite équipe de Koraï à Madagascar (trois salariés) espère générer 300.000 euros de chiffre d'affaires en 2024. Opérant exclusivement dans une relation commerciale interentreprises, Koraï cible les grands groupes et les entreprises de taille intermédiaire et promet de les accompagner dans leur stratégie RSE. Les récifs coralliens menacés de disparition Koraï vise cinq secteurs prioritaires : transport et logistique, tourisme, agro-alimentaire, pharmacie et cosmétique, finance. « Nous avons été accompagnés par la Société Générale pendant notre phase de conception et sommes membre du programme d'entrepreneuriat d'Orange. Décathlon nous soutient sur l'opérationnel », annonce Jeimila Donty. En 2026, après l'intervention d'un tiers certificateur, Koraï espère être en mesure de délivrer des certificats carbone à ses entreprises clientes. Celles-ci s'engagent sur abonnement, soit quelques dizaines d'euros par mois pendant trois à cinq ans. Elles suivent, à distance, l'évolution de l'écosystème qu'elles ont parrainé. Les mangroves et les herbiers marins reconstitués dans leur site naturel sont ouverts pour les visites par le grand public. La population locale et les touristes sont sensibilisés aux enjeux de la biodiversité, dans un parcours sous forme d'aquarium ludique et éducatif. « Il faut le faire savoir, car si les récifs coralliens disparaissent en 2070 comme les scientifiques l'ont prédit, c'est un quart de la biodiversité marine qui va s'effondrer », rappelle Jeimila Donty. Dans sa nurserie à Madagascar, les premiers coraux ont été bouturés en avril 2023 au nom des entreprises clientes. Les équipes constatent déjà une croissance mensuelle de 7% de la taille des boutures. Leurs efforts se concentrent sur la sélection de coraux les plus résistants au réchauffement climatique. « Les trois principales raisons de la déclinaison de la population corallienne sont la pollution, le réchauffement des eaux et les activités de surpêche et de surtourisme », rappelle Jeimila Donty. Lire aussiPrix Tech for Future 2024 : ACS Biotech, l'espoir d'en finir avec l'arthrose Un écosystème vertueux qui crée de l'emploi en Afrique « Je propose une approche holistique à travers des partenariats locaux. Nous créons de la richesse en embauchant localement. L'année dernière, nous avons sensibilisé 50 beach boys, ces jeunes opérateurs qui attendent les touristes sur la plage et les emmènent à proximité des coraux », rapporte Jeimila Donty. « Nous avons démarré avec des capitaux relativement faibles, soit 50.000 euros auxquels se sont ajoutés 45.000 euros en subventions et en bourses. Un premier tour de table vient d'être ouvert en mars 2024. Nous élaborons une levée de fonds de 200.000 euros, dont 25.000 euros sont déjà sécurisés. Les investisseurs seront des business angels, des fonds à impact ou des entreprises qui apporteront de la technologie », propose Jeimila Donty. Les fonds serviront à structurer la croissance et à amorcer l'expansion géographique. « Dans cinq ans, j'espère avoir dépassé un million d'euros de chiffre d'affaires et réussi une première expansion géographique. Koraï sera présent à Madagascar, au Mozambique, à la Réunion, à Mayotte et au Kenya », envisage Jeimila Donty. « À long terme, nous voulons devenir le premier spécialiste de la contribution à la biodiversité marine africaine avec une clientèle européenne élargie au-delà de la France, et une zone d'opérations étendue en Afrique de l'Est et dans l'Océan Indien », annonce la fondatrice. Lire aussiPrix Tech for Future 2024 : Myditek, l'outil de référence des agriculteurs dans les zones tropicales -------------------- « Tech for Future » est le plus grand concours de startups de France. Organisé par les rédactions de La Tribune, il est soutenu par des partenaires officiels tels que la Mission French Tech, Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia, Deloitte, BeTomorrow, l'INPI, le ministère des Outre-Mer, Orange, The Box et BFM Business. Il se compose d'une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines. Au terme de cette tournée, 51 startups de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé au Grand Rex de Paris, le 28 mars, les 10 grands gagnants 2024. Après sa victoire lors de la sélection dans les Hauts-de-France, Koraï gagne le prix Impact de Tech for Future 2024. **** *source_Le_Monde *date_2024-08-19 *am_2024-08 *annee_2024 A Bilbao, l’impact prégnant du Musée Guggenheim Bilbao (Espagne) - L’effet Bilbao », qui a démontré la possibilité de doper l’économie d’une région grâce à une institution culturelle, peut-il être reproduit ? « Cela n’a rien d’évident » , tempère Juan Ignacio Vidarte, qui a été à l’origine du projet du Musée Guggenheim Bilbao et qui l’a dirigé depuis 1996. La collection et les expositions présentées dans le flamboyant navire de titane de Frank Gehry ont certes dynamisé l’économie de la région basque et accru son rayonnement touristique. Pour autant, cela ne suffit pas à vérifier l’hypothèse selon laquelle un bâtiment signature peut, à lui seul, relancer une région en déclin. « L’architecture constitue une part essentielle de l’équation, mais il faut qu’elle fonctionne au service d’un musée, sinon ça ne marchera pas » , observe-t-il. Trop souvent aux yeux de Juan Ignacio Vidarte, les responsables politiques pensent que, s’ils ont un problème, il suffit de faire appel à un architecte. « Ce sera un échec si le reste du projet, le contenu, le fonctionnement du musée n’est pas développé et travaillé » , les met-il en garde. A Bilbao, la démonstration est éclatante. La ville avait subi de plein fouet les effets dévastateurs d’une désindustrialisation massive dans les années 1970-1980 avec la fermeture en cascade des chantiers de construction navale, des usines de sidérurgie et de métallurgie. Juan Ignacio Vidarte se souvient « du scepticisme généralisé de ceux qui, au début des années 1990, doutaient que la culture puisse influencer l’économie » . L’impact économique du musée sur la région est calculé depuis son ouverture par un organisme indépendant, B + I Strategy. En 2023,les retombées ont été évaluées à 762 millions d’euros. Elles comprennent les dépenses effectuées au sein du musée et à l’extérieur (tourisme, hôtels, restaurants…), le maintien de 13 900 emplois dans la région ou encore les impôts payés. La contribution au produit intérieur brut est, quant à elle, estimée à plus de 657 millions d’euros et le musée a rapporté plus de 103 millions au Trésor public basque. « C’est dix fois plus que les ressources publiques que nous recevons chaque année pour notre budget » , souligne M. Vidarte. Au total, depuis 1996, les retombées économiques atteignent 7,7 milliards d’euros. Le budget de plus de 32 millions d’euros est autofinancé à plus de 70 % par les recettes de la billetterie, la location du restaurant ou de la librairie, et les mécènes, dont 25 000 amis du musée et 130 sociétés partenaires. La Région basque et le Conseil de Biscaye apportent la part restante. De son côté, la Mairie contribue, de façon non pérenne, parfois jusqu’à 3 millions d’euros par an, au fonds d’acquisition destiné à enrichir la collection. Grandes expositions phares Les finances augmentent au fil du temps, de même que la fréquentation. Record battu en 2023 : le musée a accueilli 1,32 million de visiteurs, dont deux tiers ne viennent pas d’Espagne. Et 2024 se profile à nouveau comme une très belle année en matière de fréquentation, alors même que les grandes expositions phares de l’été, de la peintre autrichienne Martha Jungwirth, du vidéaste Anthony McCall, ne sont pas forcément celles d’artistes connus du grand public, contrairement au Japonais Yoshitomo Nara, qui séduit plus facilement un jeune public. Pour Juan Ignacio Vidarte, un savant équilibre doit être trouvé entre les artistes stars, quasiment des marques à eux seuls – comme Yayoi Kusama reconnaissable entre mille par les pois et les couleurs vives qui constellent ses œuvres ou encore Bill Viola, le plus grand maître de la vidéo – et les artistes moins connus. Il cherche donc toujours une eurythmie en fonction des époques (XXe et XXIe siècles), des différentes pratiques artistiques (sculpture, peinture, vidéo…) et des genres. En plein cœur du mois d’août, la file d’attente peut s’étendre sur des centaines de mètres avant l’entrée du musée, jusqu’au pont revisité par Daniel Buren, qui enjambe le fleuve Nervion. « Nous limitons l’affluence en vendant la majorité des billets en ligne, mais, parfois en juillet et août, nous sommes obligés de refuser du public pour conserver la qualité d’expérience de visite des spectateurs » , admet le directeur du musée. Sans estimer pour autant que Bilbao doit faire face à un phénomène de surtourisme. Il se réjouit de la tendance du public à étaler davantage sa venue, si bien que le pic estival n’est plus condensé entre juin et septembre, mais désormais entre mars et octobre. Agé de 68 ans, Juan Ignacio Vidarte va passer la main et son successeur devrait être nommé d’ici la fin de l’année. Il restera responsable des relations internationales, un poste qu’il exerce depuis quinze ans en lien avec la direction new yorkaise. Etabli sur la Cinquième avenue, le musée a planté son premier drapeau à Venise avec la collection Peggy-Guggenheim en 1980, à Bilbao en 1996 et inaugurera prochainement sa nouvelle antenne à Abou Dhabi, mais aucune date n’a été confirmée. Le bâtiment, là encore signé par Frank Gehry, sera bientôt terminé. Signe que l’éclosion de satellites implantés dans le monde entier n’a rien d’évident, près de huit projets ont avorté ou n’ont pas été poursuivis. A Berlin, en 2013, le partenariat avec la Deutsche Bank conclu quinze ans auparavant s’est achevé comme prévu une fois créée la collection de la banque. A Las Vegas, l’établissement, conçu par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, dans le cadre d’une collaboration avec le Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg (Russie), n’a tenu que de 2001 à 2008. Malgré des expositions phares consacrées à Auguste Rodin, Edgar Degas ou Robert Mapplethorpe, il a fermé, faute de public. Expérience temporaire également à SoHo, à New York, où le loyer a explosé, obligeant la fermeture de ce lieu d’exposition en 2001. Enfin, cinq autres villes ont proposé leur candidature en suggérant à chaque fois un architecte star. Vilnius n’a pas terminé son offre, mais celles de Guadalajara (Mexique), signée par l’architecte Enrique Norten, de Rio de Janeiro (Brésil), soutenue par Jean Nouvel, de Taïwan, orchestrée par Zaha Hadid ou encore d’Helsinki portée par le duo Moreau-Kusunoki ont été présentées au conseil d’administration de New York. Peu convaincu par les études de faisabilité, ce dernier a rejeté un à un tous ces projets. L’« effet Bilbao » est difficile à cloner. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2024-07-16 *am_2024-07 *annee_2024 Touristes, les nouveaux envahisseurs vvvvv « Zone interdite : Invasion de touristes, le grand Ras-le-bol des locaux » 21 h 10 (1 h 32) Documentaire français réalisé par Martin Fossati (2024). m 6 Dans cet épisode inédit, le magazine « Zone interdite » se concentre sur les différentes nuisances liées au tourisme : le bruit, les déchets, la circulation, le prix de l'immobilier... Présent partout en France, aussi bien le long de la Méditerranée, dans le Sud-Ouest qu'en Normandie, le surtourisme n'épargne pas non plus d'autres pays comme l'Italie. Les conséquences sont dramatiques pour les locaux qui ne parviennent plus à vivre paisiblement. Le reportage adopte parfois un point de vue manichéen, montrant des jeunes qui font la fête en opposition aux personnes âgées qui souhaitent la tranquillité. Mais cet épisode a au moins le mérite de mettre en avant le fléau des réseaux. Des milliers de photos partagées encouragent les visiteurs à se rendre dans des endroits déjà bondés, où certains mettent parfois leur vie en danger pour capturer l'image inoubliable. **** *source_Les_Echos *date_2024-07-12 *am_2024-07 *annee_2024 En Bref L'Espagne se prépare à un été record TOURISME : 41 millions de visiteurs étrangers pourraient choisir l'Espagne durant la période estivale, selon les organisations professionnelles. Ce chiffre est supérieur de 13 % à celui de l'été 2023, année du précédent record. Ces projections surviennent alors que les mouvements hostiles au surtourisme se multiplient dans le pays, depuis les îles Baléares jusqu'aux Canaries en passant par Malaga et Barcelone. **** *source_Libération *date_2024-07-02 *am_2024-07 *annee_2024 Naturisme Plus si simple appareil Autre «Vous avez oublié d’enlever votre maillot, monsieur.» Sur les rochers des Pierres tombées, annexe naturiste de Sugiton depuis un siècle au coeur parc national des Calanques (Bouches-du-Rhône), pas de quartier pour les «textiles» – ceux qui restent habillés. En très grand nombre ce jeudi chaud de l’Ascension, les touristes en maillot de bain ont mangé la moitié de la plage pourtant dévolue au farniente dans le plus simple appareil. Ils sont plusieurs centaines contre une trentaine d’hommes et de femmes nus, plus ou moins jeunes, sur le quivive. «On doit faire la police, sinon tu commences par perdre la plage, puis les rochers», s’émeut Anne-Marie Catella, 64 ans, habituée de cette crique aux eaux turquoise depuis plus de quarante ans. Sous le soleil piquant de mai, cette native de Marseille, salariée de l’enseignement supérieur, résume l’histoire de cette place forte phocéenne de la nudité en plein air. «Dans les calanques, il y a toujours eu du naturisme depuis la fin du XIXe siècle, notamment aux Pierres tombées. En 2006, après le décrochage d’un bout de falaise qui a coûté la vie à un homme, l’accès à la plage a été interdit par arrêté. Au bout d’un ou deux ans, les gens ont commencé à revenir. Mais avec la surfréquentation du parc pendant le Covid, on s’est sentis menacés», narre l’énergique sexagénaire. Avec une centaine d’assidus, Anne-Marie Catella a donc créé un collectif pour demander à la ville un arrêté donnant le droit de se désaper. ENTRETENIR LE FLOU C’est chose faite le 1er juillet 2022, mais la clarification n’intervient que fin 2023, avec l’installation de panneaux délimitant la zone «cul nu». «C’était le seul moyen de faire reconnaître le lieu puisqu’on ne peut pas interdire aux textiles de venir ou les obliger à se déshabiller, appuie-telle. Le problème de fond, c’est qu’on n’est pas assez nombreux. Quand j’avais 20 ans, tu arrivais ici, ça débordait, c’était une pratique ancrée. Aujourd’hui, il y a un gros tabou autour de la nudité, même les jeunes femmes seins nus se font insulter sur les plages marseillaises.» A Marseille, la pratique nudiste (quand elle se limite à bronzer à poil sans prôner la communion avec la nature et une hygiène de vie adéquate) est regardée avec bienveillance par la municipalité de gauche. Mais elle n’est pas vue d’un bon oeil par tous. Le président du parc des Calanques et élu métropolitain Les Républicains, Didier Réault, s’est ainsi dit défavorable à la création d’espaces dédiés. Plus récemment, dans la nuit de samedi à dimanche, le panneau indiquant la plage des Calanques a été incendié, s’attriste Anne-Marie Catella. En 2024, l’Hexagone reste pourtant la première destination du naturisme au monde, avec 4,5 millions de pratiquants réguliers, dont 2 millions de Français, selon la Fédération française de naturisme (FFN), fondée en 1950. Depuis plus d’un siècle, la France est, avec l’Allemagne, l’une des berceaux de ce mode de vie d’inspiration hygiéniste et confiné à quelques campings familiaux, centres de vacances ou copropriétés, comme le met en lumière l’exposition «Paradis naturistes» au Mucem de Marseille. «La fragilité du naturisme tient à la structure même de ses lieux, insiste l’un des commissaires de l’expo, Jean-Pierre Blanc, résident estival du domaine naturiste d’Heliopolis, sur l’île du Levant, au large d’Hyères (Var). Dans ce lotissement, la nudité est autorisée par un simple arrêté municipal. Si un maire X ou Y décide de l’abroger, ça en serait fini de la nudité alors que ça fait cent ans qu’elle y est pratiquée.» Si la nudité en plein air est souvent tolérée, du fait d’usages parfois vieux de plusieurs décennies, et explicitement autorisée sur plus de 70 plages, son exercice tient à un fil, soit au bon vouloir des pouvoirs publics. Des associations doivent monter régulièrement au créneau. Et ce, quelles que soient les couleurs politiques des élus. A Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), la mairie socialiste s’est fait taper sur les doigts en avril par le tribunal administratif de Pau. En cause, un arrêté de 2021 jugé «liberticide» par la FFN, qui interdisait de se mettre à poil sur ses plages. Si la municipalité n’a pas fait appel de la décision d’annulation, son maire Kotte Ecenarro a rappelé son souhait d’encadrer la pratique. Autre exemple tout récent : dans le Jura, les berges du lac de Chalain accueillaient la seule plage autorisant la nudité de la région Bourgogne- Franche-Comté, avant que le maire du petit village de Fontenu – qui n’a pas répondu à nos sollicitations – n’abroge en avril l’arrêté qui l’autorisait depuis 1992, au nom de la lutte contre le surtourisme et en raison de manquements à leurs engagements de certains membres de l’association naturiste Chalain Nature, selon la Voix du Jura. Le club, 150 adhérents au compteur, a annoncé contest er la mesure. «On intervient sur une dizaine de procédures par an et la plupart du temps, ça se termine bien, avance Jacques Frimon, 69 ans, vice-président de l’Association pour la promotion du naturisme en liberté. On passe un coup de fil au maire, on lui dit qu’il a faux et il corrige son arrêté. Même chose si quelqu’un se fait arrêter nu dans la forêt. C’est exceptionnel que la procédure aille plus loin, ça dépend de l’attitude de celui qui se fait interpeller.» L’association, qui a créé la ligne d’écoute «SOS nudophobie», milite pour une clarification de la loi sur la nudité dans l’espace public. Depuis 1994, avec l’abrogation du délit d’outrage à la pudeur, le code pénal punit l’exhibition sexuelle «imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public» d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Pour Jacques Frimon, l’article 222-32, s’il ne réprime pas la nudité à proprement parler, permet d’entretenir le flou en assimilant la nudité à la sexualité. «C’est le fait de déranger les gens avec une attitude sexuellement offensive, que l’on soit habillé ou que l’on soit nu. Or bien souvent les maires renvoient le nudisme au trouble à l’ordre public ou l’atteinte aux bonnes moeurs, ce qu’il n’est pas», assure cet organisateur de randonnées nues en Ile-de-France. Dans cet esprit, le préfet de Paris a lui aussi «partiellement» interdit, l’été dernier, la dernière étape française de «la cyclonue», manifestation cycliste dénudée internationale pour alerter sur le dérèglement climatique, en la cantonnant au carré naturiste du bois de Vincennes. «MONTÉE EN GAMME» Les frictions autour de la nudité dans l’espace public démontrentelles un excès de pudeur partagé par-delà les franges conservatrices de la société ? Dans le même temps, beaucoup de femmes témoignent de leurs réticences à enlever le haut face au risque de subir du harcèlement et des agressions sexuelles, et pour limiter les risques de cancer de la peau. Ou, au contraire, ces tensions témoignent-elles d’un renouveau de la pratique plus libre, plus urbaine, plus revendicative et donc aussi plus visible ? A moins qu’elles ne soient la conséquence de pratiques sexuelles médiatisées de certains hauts lieux cul nu, tel le Cap d’Agde, et que les puristes rejettent tout autant ? «Il a été maintes et maintes fois démontré que la pratique [du naturisme] est familiale et intergénérationnelle. Des reportages sensa - tionnalistes ont fait du Cap d’Agde, qui est un espace historique d’un naturisme pur et dur [depuis les années 50, ndlr], un haut lieu du libertinage. Ça a véhiculé l’idée que les naturistes sont tous libertins», soutient le journaliste et promoteur des soirées nues Beautiful Skin Julien Claudé-Pénégry. L’auteur du guide Voir la France tout nu (Hachette, 2021), qui a oeuvré à l’ouverture en 2017 de l’espace nudiste du bois de Vincennes, estime cependant que malgré le rajeunissement des pratiquants ces dernières années, sa possibilité d’exercice reste «précaire». Notamment du fait d’un militantisme associatif vieillissant qui peine à se renouveler. Ses espaces, une centaine de lieux de vacances selon la FFN, sont le plus souvent installés dans des coins de nature préservés. Et avec 8 millions de nuitées annuelles et 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, ils attisent les convoitises. A Montalivet, sur le littoral girondin, la philosophie initiale du centre héliomarin, pionnier du naturisme à sa fondation en 1950 dans la forêt de résineux du Médoc, est mise à mal au gré des rachats par des promoteurs, groupes hôteliers et autres investisseurs privés depuis une vingtaine d’années. «On est passé de centres où régnait un esprit très militant, où le confort était rustre, à une montée en gamme, comme dans le reste du tourisme, où être nu est une option, sauf autour de la piscine, explique Emmanuel Jaurand, professeur de géographie à l’université d’Angers. Il y en a peu en France qui offrent une telle surface au milieu des pins et une proximité immédiate avec l’océan.» Résultat : de plus en plus d’adeptes craignent pour la survie de leur mode de vie. Chaque annonce de rachat de camping fait planer la menace textile. «Notre objectif, c’est d’amener plus de familles au naturisme. Il faut que le site soit ex - ceptionnel ou qu’il y ait déjà une clientèle», indique Pierre Houé, président et fondateur de Capfun. Le leader français de l’hôtellerie en plein air, qui a fait l’acquisition d’établissements emblématiques du naturisme, lorgne ce marché aux «valeurs positives» et assume de rhabiller ses vacanciers si ses campings ne sont pas rentables. PATRIMOINE CULTUREL «Il n’y a pas moins d’espaces. La pratique se renouvelle avec des jeunes convertis à la mode nudiste, mais pas dans des associations, tempère Thelma Bacon, doctorante en sociologie à l’université d’Angers. Ils font face à une commercialisation, comme tous les petits campings municipaux ou familiaux qui n’arrivent plus à survivre.» Faudrait-il alors demander une protection de la pratique ? Jean-Pierre Blanc, qui oeuvre à la sauvegarde et à la vitalité de la pratique sur l’île du Levant, ambitionne d’en faire reconnaître l’histoire et les apports sociétaux. Il enjoint ainsi le ministère de la Culture de classer cette philosophie et les pratiques qui l’accompagnent dans l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France. Et pourquoi pas, de viser l’Unesco. PARADIS NATURISTES au Mucem (13002) à partir de ce mercredi, jusqu’au 9 décembre. **** *source_Le_Monde *date_2024-06-21 *am_2024-06 *annee_2024 A Quiberon, les « volets fermés » nourrissent un vote de « colère » La Trinité-sur-Mer, Quiberon et Saint-Pierre-Quiberon (Morbihan) - envoyée spéciale - Le soleil vient enfin de se lever, et le parking accolé à l’église du cœur de Saint-Pierre-Quiberon (Morbihan), à quelques pas du port, commence à se remplir. Parmi les automobilistes, une Quiberonnaise d’origine. Elle revient volontiers sur les résultats des élections européennes du 9 juin, qui ont placé la liste du Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella largement en tête sur la presqu’île. « Je m’en réjouis , lance la quinquagénaire, qui se faire appeler Cheyenne. La raison ? Le trop-plein d’immigrés, qui ont tout, il n’y a plus rien pour nous. Et bien sûr les problèmes de logement et le prix de l’essence. » Cheyenne a vendu, il y a cinq ans, son appartement dans une maison de famille de Quiberon et est partie vivre dans l’arrière-pays, à une heure de là, à Saint-Jean-Brévelay. « Mon but c’est de revenir à Quiberon, mais c’est compliqué pour l’instant vu les prix, j’attends de trouver le logement idéal » , dit-elle. Dans la commune de Quiberon, le RN a obtenu 30,4 % des voix, et à Saint-Pierre-Quiberon, en entrée de la presqu’île, 28,3 %. De quoi provoquer surprise et incompréhension parmi les équipes municipales. « Ce n’est pas lié à une situation interne à Quiberon, ici il n’y a pas d’insécurité, de stress quotidien. Nous sommes sur un territoire à bonheur. On est très chanceux » , estime Gildas Quendo, premier adjoint (sans étiquette) de la mairie de Quiberon. Les difficultés d’accès au logement peuvent-elles être un des moteurs du vote en faveur de l’extrême droite en Bretagne, et notamment sur le littoral, où la masse des résidences secondaires a créé une pénurie et fait monter les prix de l’immobilier ? C’est une évidence pour Fanny Chappé, maire (divers gauche) de Paimpol (Côtes-d’Armor) et conseillère régionale de Bretagne chargée du logement : « C’était écrit, on ne peut pas se loger chez nous, cela génère de la colère, et la colère se traduit souvent par un vote RN. » Nil Caouissin, élu Union démocratique bretonne (parti breton classé à gauche) au conseil régional de Bretagne, note que « le logement a été très peu présent dans la campagne et dans les programmes » . « Pourtant, le sujet crée du ressentiment dans la population , ajoute-t-il. Les gens ont l’impression de ne plus pouvoir vivre chez eux, et la tension immobilière se diffuse dans les terres. Il y a une très forte déconnexion entre la population et les élus sur le sujet. » 7 200 habitants, 70 000 en été A Quiberon, les chiffres interpellent : 66 % des logements sont des résidences secondaires, et, selon la mairie, les prix de vente vont de 7 000 à 10 000 euros le mètre carré. Le nombre de locations saisonnières de type Airbnb a explosé depuis cinq ans : la commune en compte désormais 1 200, pour seulement 2 800 résidences principales. Si bien que la presqu’île compte à l’année 7 200 habitants, mais 70 000 en été, entre le 10 juillet et le 15 août, soit dix fois plus. « L’été, on est dans le surtourisme, il y a des voitures partout, il faut deux heures pour sortir de la presqu’île , se désespère la propriétaire d’une boutique de tuniques et de sandales, à Saint-Pierre-Quiberon. Le week-end de l’Ascension, ça a été l’horreur, j’ai même cru que la presqu’île allait s’effondrer. » Croisé avec son sac de courses au Super U, Marin (qui, comme les autres témoins, n’a souhaité donner que son prénom), 25 ans, barman depuis cinq ans dans un café en bord de mer, a cherché pendant un an avant de trouver un 37 mètres carrés loué 600 euros hors charges. « Depuis des années, beaucoup de maisons se construisent ou sont rachetées par des non-locaux, qui n’habitent pas à l’année sur la presqu’île, et qui ont un autre portefeuille que le nôtre , dit-il. Nous, on ne peut pas se permettre d’acheter ne serait-ce qu’un studio, alors que je suis en CDI. » Installée depuis plus de vingt ans dans une maison blanche avec un petit jardin, au milieu d’un entrelacs d’impasses où les habitations ne cessent de pousser, Claudine, 82 ans, originaire de Normandie, a été surprise par le vote de la presqu’île en faveur du RN. « Les Bretons ne sont pas de ce côté-là , s’étonne-t-elle. Mais il y a tellement de constructions qui se montent, en particulier depuis le Covid, ils en ont marre, ils disent : “Ils sont en train de détruire notre presqu’île, alors qu’on manque déjà d’eau”. » Dans le sud de la presqu’île, Nathalie, 53 ans, originaire de Quiberon, patronne d’une petite blanchisserie, met le doigt sur l’ambivalence des Quiberonnais. « Les touristes nous font vivre, ce n’est pas qu’on ne les aime pas, mais il devrait y avoir un plafonnement du prix des maisons » , déclare-t-elle. « La plupart des forces vives ici habitent dans un logement social, dont moi » , poursuit-elle. Derrière la carte postale de Quiberon, ses plages, ses petits ports, ses maisons blanches aux volets bleus bordés d’hortensias, « la classe moyenne, les commerçants ont du mal à accéder au logement, il y a une longue liste d’attente pour un logement social, et une partie de la population est précaire , prévient Jérôme Bourserie, directeur général des services à la mairie de Quiberon. Beaucoup de jeunes de Quiberon vont s’installer à l’extérieur de la presqu’île, à au moins 20 kilomètres » . L’idéal serait, selon lui, de rééquilibrer le ratio entre les résidences principales et secondaires. « Mais comment faire ? La loi ne le permet pas , souligne-t-il. La communauté de communes réfléchit tout de même à limiter le nombre de meublés de tourisme qu’un propriétaire peut détenir. » A 20 kilomètres de là, à La Trinité-sur-Mer – où est né Jean-Marie Le Pen –, une poignée de Bretons d’adoption, ayant acheté une maison secondaire sur le littoral avant de s’y installer à la retraite, tentent d’apporter des solutions temporaires. Leur association, Les Volets ouverts, cherche à remplir les résidences secondaires en basse saison, en mettant en relation leurs propriétaires et des familles ou de jeunes actifs à la recherche d’un logement, au moins dix mois par an, de septembre à juin. « En vivant ici à l’année, nous avons été choqués de voir tous ces volets fermés, nous n’en avions pas conscience auparavant. C’est triste. A La Trinité, il n’y a plus de boulanger, plus de boucher, juste une petite supérette, et les écoles ont du mal à vivre » , témoigne Marie, l’une des fondatrices de l’association, qui, en deux ans, a permis de dépanner une vingtaine de familles. En 2022, de nombreuses manifestations ont été organisées en Bretagne, pour dénoncer la crise du logement, avec le slogan « une maison pour chacun » . « On a fini par arrêter, d’abord parce qu’il n’y avait pas de réponse politique en face, ensuite parce que parmi les gens avec qui je manifestais, il y avait un discours de rejet vis-à-vis de l’extérieur, des Parisiens, des immigrés, des vieux , raconte Nil Caouissin. On a préféré couper les ponts. ». **** *source_Le_Figaro *date_2024-08-10 *am_2024-08 *annee_2024 Style Barcelone entretient la flamme de 1992 Les jeux de Barcelone, en 1992, sonnent pour l'Espagne les heures les plus glorieuses de sa longue marche vers la liberté. Moins de vingt ans après la mort de Franco, le pays est alors au sommet de la Movida. L'entrée dans le stade olympique de Felipe, son futur roi - alors prince des Asturies -, comme porte-drapeau de l'équipe nationale espagnole, déclenche un tel enthousiasme que c'est tout un pays qui est soulevé par l'émotion. Et quand dans un improbable duo, Montserrat Caballé et Freddie Mercury, entonnent l'hymne Barcelona , l'Espagne bascule définitivement dans une nouvelle ère. Autant d'images imprimées à jamais dans le grand livre de l'histoire contemporaine du royaume. Mais, pour Barcelone, les Jeux signifièrent bien autre chose. La métamorphose d'une ville, enfoncée dans son passé industriel, en une destination touristique, ouverte sur la mer, à qui elle tournait le dos. La refondation profonde de l'urbanisme marqua à jamais la capitale de la Catalogne. « Les JO ont servi la ville plus que la ville ne les a servis » , résume Francesc Terron i Cusi, directeur de la Fundacio Barcelona Olimpica, pas peu fier de nous recevoir au sein du Musée olympique et du sport, ouvert en 2007 (lire ci-contre). Lorsque le CIO (Comité olympique international) annonce depuis Lausanne, en 1986, que Barcelone est choisie (Paris est aussi candidat), décision à laquelle l'Espagnol Juan Antonio Samaranch, alors président du CIO, n'aurait pas été étranger, la ville ne ressemble pas à grand-chose. Recroquevillée sur son centre historique, elle doit saisir cette opportunité extraordinaire pour se réformer durablement au-delà des Jeux, même si le temps lui manque. Six ans pour bâtir une identité olympique, qui devra balayer Barcelone d'est en ouest et du nord au sud. Astucieusement, les quatre sites olympiques furent disposés sur les quatre coins extérieurs de la cité. Pour les relier, une voie rapide de 30 kilomètres, sorte de périphérique catalan, les Rondas, fut tracée d'un trait de bitume. « Avant, les camions traversaient le centre, avec les Rondas ce fut terminé. » La façade maritime de la ville fut aussi changée et avec elle le rapport entretenu par les Barcelonais avec la mer. Il suffit de regarder les photos « avant-après » du quartier de Poblenou, pour mesurer l'énormité du chantier. Une voie ferrée fut déplacée, la friche industrielle du bord de mer transformée en 4 kilomètres d'une plage de sable fin, sur laquelle veillent aujourd'hui de grands palmiers. Un Village olympique sortit de terre, conçu pour devenir un quartier résidentiel (en 2024 le prix du mètre carré est parmi les plus élevés de Barcelone). Tous les équipements sportifs des JO devinrent des équipements publics. Exemple avec le palais des sports Sant Jordi, construit spécialement, désormais siège de l'université du sport (INEFC). Quant au nouveau Port olympique, qui marque l'entrée du quartier de Poblenou, sa métamorphose se poursuit encore de nos jours. Le site, avec ses 720 anneaux consacrés à la pratique de la voile, constituait une sorte de bunker de la mer que de hauts murs protégeaient des flots, mais aussi de Barcelone. Repris en 2020 par la régie municipale, son réaménagement spectaculaire l'a scellé à Barcelone. « La mer s'ouvre vers la ville sans borne architecturale, l'accès depuis le centre a été repensé entièrement et sa digue transformée en une grande promenade de bord de mer » , explique la directrice générale du Port olympique, Olga Cerezo Martin. À la fin du mois d'août, onze restaurants et six boutiques gourmandes y ouvriront, avec l'arrière-pensée de désengorger le centre-ville, victime de surtourisme. Mais résumer les Jeux olympiques à ses seuls équipements est un peu court. Dans une Espagne en proie à une division endémique, les JO de Barcelone bouleversèrent durablement l'équilibre humain de la ville. « Plus de 100 000 bénévoles se proposèrent pour les encadrer , explique Francesc Terron i Cusi, ce fut peut-être à Barcelone la première manifestation du vivre ensemble . » Une cohésion telle que l'association qui regroupait alors les bénévoles existe toujours. « Après 1992, les Barcelonais se mirent au vélo, à la nage, à la course à pied, entraînant dans leur sillage les étrangers et faisant de toute la région une destination de bien-être et de sport » , explique Patrick Torrent, directeur de l'agence de tourisme de Catalogne. Une vocation sportive que couronne l'accueil, cet été, de la prestigieuse course Louis Vuitton America's Cup, interprétée « comme une retombée - tardive - des JO ». Et chacun de croire que, cette fois encore, ce ne sera pas la dernière... PVD. **** *source_Aujourd_hui_en_France *date_2024-05-28 *am_2024-05 *annee_2024 « Le Vieux-Lyon est devenu Disneyland » Cyril Michaud Elles sont une curiosité de la ville de Lyon, qui a attiré l'an dernier plus de 9 millions de visiteurs : les traboules. Ces passages étroits conduisent d'une rue à l'autre à l'abri des regards. La ville compte près de 600 cours remarquables et traboules situées dans le Vieux-Lyon, la Presqu'île et sur les pentes de la Croix-Rousse. Une cinquantaine se visitent. Les propriétaires sont liés par une convention à la municipalité et à la métropole, qui assurent l'entretien, la réparation des sols et de l'éclairage, ou encore le nettoyage des tags, en contrepartie de l'accès rendu public. Le problème aujourd'hui, c'est que certaines traboules lyonnaises ne désemplissent pas de touristes. Pour certains résidents, la situation est devenue invivable. Baptiste habite un logement social de l'immeuble de la Longue Traboule - la plus connue -, qui relie la rue Saint-Jean à la rue du Boeuf. Avec l'augmentation du nombre de visiteurs, sa vie est devenue un enfer : « Je ne vis plus ! J'ai mille touristes chaque jour sous mes fenêtres, des nuisances en continu, des coups de pied dans les murs, des cris. Les gens ne respectent pas le silence. Ce qui provoque des effets catastrophiques sur notre état mental. » Agressions, insultes... Le dialogue est rompu avec les touristes, confie le jeune homme. « Avant, seuls les guides-conférenciers assermentés connaissaient les emplacements précis des traboules. Mais, avec les réseaux sociaux et les applications, beaucoup de ces passages sont connus et les gens font n'importe quoi ! » Sens unique de visite ? À bout de nerfs, Baptise réclame des solutions d'urgence afin de réguler l'afflux : « Il faudrait installer des caméras de comptage et des feux tricolores à l'entrée des traboules les plus fréquentées. » Une autre piste sur laquelle travaille l'association Renaissance du Vieux-Lyon, c'est la possibilité d'instaurer un sens unique de visite : « L'ouverture dans un seul sens de certaines traboules me paraît être un bon choix. Le gros problèmevient des free tours qui s'organisent sur les réseaux sociaux et les expériences Airbnb », constate Frédéric Auria, président de l'association. La possibilité d'ouvrir davantage de traboules et de mettre en place une signalétique permettant d'orienter les touristes sur plusieurs circuits est aussi une piste. Il faudrait aussi, selon lui, que les commerces de bouche montrent davantage l'exemple. « Le Vieux-Lyon, c'est devenu Disneyland ! Des bars et restaurants avec terrasse mettent de la musique tard le soir et oublient que des gens vivent ici. Les incivilités se répètent et les habitants du quartier s'en vont. » En quarante ans, le Vieux-Lyon a perdu 2 000 habitants et en compte moins de 7 000. Conscient du problème, Philippe Lamy, responsable du pôle patrimoine à la direction de l'aménagement urbain de la ville, assure travailler à des solutions : « L'une d'elles, c'est effectivement de mieux guider les gens. » Il rappelle que l'office du tourisme a mis en place des règles de visite : « Les groupes ne doivent pas se croiser, les commentaires des guides se font désormais à l'extérieur et il est demandé de se montrer courtois avec les résidents. » Des principes qui ne semblent pas toujours respectés. Philippe Lamy assure que seules quelques traboules, trois en particulier, sont réellement concernées par le surtourisme. **** *source_Le_Monde *date_2024-05-15 *am_2024-05 *annee_2024 La métamorphose radieuse de la Riviera française Documentaire - Quatre-vingts kilomètres de littoral, de Saint-Tropez à Menton. » La définition de la Côte d’Azur fait tiquer. « Aujourd’hui [Côte d’Azur] désigne toute la côte comprise entre la frontière italienne et Cassis » , précise, entre autres, le Larousse. Cette approximation ne doit toutefois pas détourner le public de ce documentaire, tant son histoire de la Riviera française est plaisante et instructive, portée par une accumulation d’heureuses initiatives. D’abord l’incarnation. Comment un rivage pauvre et hostile s’est-il métamorphosé en un des lieux de villégiature les plus prisés au monde ? Premier personnage important pour comprendre, Tobias Smollett (1721-1771), médecin écossais arrivé sur la côte en 1763. Il va avoir l’idée, excentrique pour l’époque, de se baigner, et va vanter, une fois rentré à Londres, les mille vertus de ce lieu ensoleillé, enclenchant l’afflux de Britanniques à Nice et à Cannes. Le film retrace comment, dès lors, géomètres, architectes et botanistes vont façonner ce territoire à leur goût. Ils seront suivis des Russes, des Belges, des Prussiens… A partir des années 1920, les Américains prennent le relais. En mettant fin à la « trêve estivale » (fermeture des stations de mai à octobre), ils sont à l’origine du tourisme moderne. Enjeux diplomatiques Incarnations encore avec un focus passionnant sur le photographe Jean Gilletta (1856-1933), auteur de milliers de clichés, de 1880 à 1930, qui va faire découvrir la région au monde entier par ses cartes postales. En 1887, le préfet Stéphen Liégeard publie le livre La Côte d’Azur , dont le titre popularise l’expression. Aujourd’hui, l’illustrateur Joann Sfar raconte comment ses parents sont arrivés, comme 1 million de rapatriés d’Algérie, en 1962. Un moine de l’abbaye de Lérins rappelle que la communauté religieuse a failli vendre le site à des promoteurs, dans les années 1980. Le film insiste aussi sur les enjeux diplomatiques. Déterminant, Napoléon III propose aux Niçois de leur apporter le chemin de fer à condition qu’ils se rattachent à la France. Inquiétant, Benito Mussolini réclame en 1938 le retour de Nice à l’Italie. Emouvante, Simone Jacob (Veil) relate dans une archive son arrestation, le 30 mars 1944 à Nice, avant d’être déportée comme 25 000 autres juifs. Le développement économico-touristique est a priori plus connu, passant de la culture des fleurs au surtourisme – quitte à bétonner le littoral –, avant qu’une prise de conscience collective inverse la tendance depuis une trentaine d’années. Aussi, pour sortir des sentiers battus, les anecdotes sont-elles multiples. Oublions la scène furtive de tir aux (vrais) pigeons, pour évoquer la fake news propagée par les Anglais dans les années 1890 pour dénigrer les Russes (accusés de refroidir l’air !). Pour relever le tout, les entretiens (archives ou face caméra) avec des acteurs locaux apportent une saveur d’authenticité. Ainsi, un cafetier résume : « Le succès commercial, c’est comme le gazon anglais : les clients, il faut les arroser, les tondre pas trop ras et le faire pendant longtemps. » Un bel avant-goût des vacances. **** *source_Le_Figaro *date_2025-07-05 *am_2025-07 *annee_2025 Vin GILLES DE LAROUZIÈRE : « EN BOURGOGNE, LE VIN EST UNE QUÊTE ESTHÉTIQUE, ARTISTIQUE ET SPIRITUELLE » D'abord, une mise au point. En Bourgogne, le terme « climat » n'a rien à voir avec la météo. Il désigne une parcelle de vigne, délimitée et nommée, dédiée à une production monocépage, vendangée et vinifiée à part, pour produire un vin unique qui portera le nom précis de ladite parcelle. Plus de 1 500 climats se succèdent ainsi le long de la Côte de Nuits et de la Côte de Beaune, de Dijon aux Maranges (au sud de la Côte-d'Or). Ils portent des noms poétiques, parfois énigmatiques, qui trouvent leurs origines dans l'histoire locale, comme les Cras, les Pucelles ou le Clos des Mouches. - Le 4 juillet 2015, les climats du vignoble de Bourgogne étaient inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco en tant que paysage culturel, c'est-à-dire comme oeuvres conjuguées de l'homme et de la nature qui expriment une longue et intime relation des peuples avec leur environnement, et qui ont une valeur universelle exceptionnelle. Une consécration pour ce merveilleux petit monde. - Dix ans après, alors que le vignoble bourguignon connaît une période de prospérité, Gilles de Larouzière, président de l'association les Climats du vignoble de Bourgogne-Patrimoine mondial (par ailleurs président du conseil de surveillance d'Artemis Domaines) dresse un premier bilan de cette inscription et envisage l'avenir. LE FIGARO. - LE FIGARO. - Quelle est votre définition de ce paysage culturel bourguignon ? - GILLES DE LAROUZIÈRE. - Un paysage, c'est quelque chose qui est issu de données naturelles - la géologie, la climatologie, la fin de l'ère glaciaire, etc. - qui créent la faille sur laquelle sont maintenant installées les Côtes de Beaune et de Nuit. Depuis le Ier siècle de notre ère, cette faille a donné lieu au développement d'une activité, la viticulture, qui a progressivement façonné ce paysage. Elle est aussi à l'origine de la culture viticole bourguignonne. Quant au climat, c'est une parcelle de vigne précisément délimitée, souvent depuis des siècles, cultivée principalement dans deux cépages, le pinot noir et le chardonnay, qui produit des vins exprimant les caractéristiques propres à chacune de ces parcelles et portant le nom de chacune de ces parcelles. C'est cela, les climats de Bourgogne, au sens vigneron. Mais, par-dessus tout, il y a ce processus historique, cette obstination des hommes à rechercher à travers le vin l'expression la plus précise, la plus authentique, et j'irais jusqu'à dire la plus artistique, de chacun de ces terroirs. LE FIGARO. - Aujourd'hui, dix ans après l'inscription des climats sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco, quel est le rôle de l'association les Climats du vignoble de Bourgogne, que vous présidez ? - Il s'agit d'abord de préserver ce paysage, donc ce patrimoine et de le restaurer. Notre rôle est aussi de travailler en grande proximité avec les pouvoirs publics pour que les projets d'infrastructure - les développements urbains, les projets routiers, les antennes de téléphonie, etc. - s'intègrent de façon harmonieuse dans ce paysage sans le dénaturer. Et puis, troisième volet, nous devons encourager les actions qui permettent de maintenir une biodiversité aussi riche que les climats le sont. LE FIGARO. - Votre mission consiste-t-elle aussi à faciliter la transmission de cette culture ? - La transmission, pour nous, cela veut dire continuer à travailler à la connaissance de ces climats en eux-mêmes, mais aussi à la culture et à l'histoire qui s'est développée sur ce territoire. Par exemple, nous allons écrire une monographie patrimoniale sur chacun des 40 villages de vignerons de la Bourgogne. Nous allons rechercher ce qui fait l'histoire, le nom des climats, leur origine, la toponymie. Il s'agit ensuite de porter cette connaissance au grand public. C'est ce que nous avons fait en jouant un rôle important dans la conception du Centre d'interprétation des climats. Ce parcours muséographique à Beaune, à la Cité des climats et vins de Bourgogne, qui explique par quelles évolutions à la fois naturelles et humaines, nous sommes arrivés à cette culture si particulière. Et puis, la troisième chose, c'est de s'adresser aux enfants, de susciter l'émerveillement, de leur montrer la beauté du lieu dans lequel ils vivent et de leur donner la volonté de s'engager et d'être vigilants quant à la protection de ce patrimoine. LE FIGARO. - Pour vous aider dans votre mission, vous disposez d'un fonds patrimoine, alimenté aussi bien par des mécènes que par des institutions publiques... - Notre association est financée par les pouvoirs publics essentiellement et par le Conseil interprofessionnel des vins de Bourgogne, qui a toujours été au coeur de ce travail. Cela correspond à peu près à 400 000 euros par an de budget. Ensuite, nous avons des mécènes souvent locaux - domaines, entreprises locales - qui nous apportent environ 200 000 euros tous les ans et qui nous permettent de financer l'essentiel de nos actions. Et nous avons un fonds patrimoine. Il est alimenté par des mécènes internationaux qui, bon an mal an, nous donnent 400 000 euros, utilisés pour aider les propriétaires à restaurer des éléments de patrimoine vernaculaires, donc des murets, des cabottes, des portes de clos, les meurgers, tous ces éléments de patrimoine qui jalonnent le paysage et en font la beauté. On les aide à les restaurer en leur apportant jusqu'à 50 % du coût du financement, à la condition qu'ils respectent des techniques traditionnelles très particulières. Plus de 250 personnes ont été formées à ces techniques-là. LE FIGARO. - Cette inscription a donc ajouté une touche esthétique à cette partie de la Bourgogne, qui a été classée... - Ce classement a été possible parce qu'en Bourgogne, depuis des générations, il y a une quête de perfection, une quête de vérité, d'authenticité dans l'expression de chacun de ces terroirs, qui fait que les vins de Bourgogne, dès le XVe siècle, peut-être même avant, ont été perçus autant comme des oeuvres d'art que comme des vins. Il est assez significatif que les ducs de Bourgogne, les grands ecclésiastiques aimaient, dans leur politique de rayonnement, installer ces vins à leur table, mais aussi en faire des présents et les intégrer au coeur de leur politique diplomatique comme témoignage de relations proches et précieuses qu'on accorde à telle ou telle puissance. Ce qui est intéressant, en Bourgogne, c'est cette quête esthétique qui a une dimension artistique et spirituelle. Je parle de l'humilité de ceux qui font les vins depuis plusieurs générations et qui ont le sentiment de participer à quelque chose qui est plus grand qu'eux, qui les dépasse. Je pense que, c'est cela, l'esprit de la Bourgogne aussi. LE FIGARO. - Ce classement a mis un coup de projecteur formidable sur la région viticole. Mais l'afflux de visiteurs peut devenir un problème pour des sites classés. Comment abordez-vous cette question ? - Quand on a un patrimoine d'une telle beauté et qu'on l'aime avec autant de passion, il est normal de le partager. Il ne faut pas l'enfermer dans un coffre-fort et le priver de la vue de tous. Il est vrai que dans le monde actuel, où une photo sur Instagram provoque des mouvements de foule, il est très important de gérer cela avec un grand souci d'équilibre et d'être assez sélectif dans sa stratégie de mise en valeur du territoire pour attirer des gens, des touristes, des visiteurs qui vont comprendre ce caractère éminemment culturel et partager l'envie de le préserver plutôt que de le consommer. Donc cela passe par une relation très proche avec les pouvoirs publics pour canaliser les flux, pour qu'ils ne viennent pas gêner l'activité des vignerons notamment. Cela passe aussi par une relation très proche avec l'hôtellerie et bien sûr avec les offices du tourisme pour que l'ensemble des acteurs soient parfaitement alignés sur une stratégie de valorisation qui nous amène à accueillir des gens, des visiteurs qui vont être soucieux de respecter ce patrimoine. Il faut éviter le surtourisme parce que je pense qu'il tue la poule aux oeufs d'or. À la fin, la dimension culturelle est détruite. LE FIGARO. - Ces dix dernières années qui ont suivi le classement ont été aussi été celles d'une évolution de la notoriété des vins de Bourgogne et d'une forte augmentation des tarifs. Ces deux phénomènes sont-ils liés ? - Si on s'inscrit dans une perspective historique, les grands vins de Bourgogne qui sont en tête d'affiche et dont tout le monde parle parce que leurs prix sont très élevés ont toujours existé. Les grands princes du XVe siècle se les arrachaient déjà. Un deuxième facteur est la mondialisation, qui a été accélérée avec les réseaux sociaux, le partage d'images et d'expériences à l'échelle mondiale. Cela a créé une attraction forte. Paradoxalement, la Bourgogne, dans un monde qui se mondialise et s'uniformise, offre justement le visage de quelque chose d'extrêmement local, humain, le visage du vigneron, de la famille. Le domaine familial est au coeur de l'identité de la viticulture en Bourgogne et cela parle très fort aux gens du monde entier. LE FIGARO. - Et qu'est-ce que cette inscription ne vous a pas apporté ? - Je suis assez surpris que le fait d'être inscrit au Patrimoine mondial n'ait pas été articulé dans la loi française avec un certain nombre d'obligations de préservation de ce lieu. Nous pourrions, si nous n'étions pas vigilants, avoir des éoliennes s'implantant sur ce site ou à proximité, qui en dénatureraient l'authenticité. En raisonnant de façon plus chauvine, ces sites peuvent être considérés comme des actifs stratégiques de la France, des éléments très forts d'attractivité de la France. Préserver cela me paraît essentiel. Il y a un petit trou dans la raquette qu'il serait bien, à mon avis, de combler. **** *source_Le_Monde *date_2023-10-28 *am_2023-10 *annee_2023 Islande, la conquête de l’Est Bakkagerdi (Islande) - L’une est professeure, l’autre travaille dans le tourisme. Une semaine par an, Alda Kirstensdottir et Tina Magnusson, 34 et 37 ans, viennent bénévolement garder le refuge de la baie de Breidavik, dans les fjords de l’Estislandais, une des régions les moins connues de cette île volcanique aux décors souvent dantesques et dont la partie sud est devenue victime de surtourisme : 2,5 millions de visiteurs pour un espace de 103 000 kilomètres carrés qui compte 375 000 habitants, regroupés essentiellement autour de la capitale, Reykjavik. Derrière Alda Kirstensdottir et Tina Magnusson s’étend la plage de sable noir de la baie. Quelques vieux chevaux bruns broutent, survolés par des fous de Bassan. « Ici, nous sommes déconnectées de tout : pas d’Internet, pas de téléphone et la nature tout autour. » Le refuge est une maison de bois peinte en vert, aux dortoirs vastes, modèle sur lequel ont été construits tous ceux de la côte. Le matin, on y retrouve la propriétaire allemande d’une ferme de chevaux qui organise des balades équestres et deux docteures belges dont l’une, oncologue, organise des séjours pour ses patients guéris et en convalescence. Comme toute l’Islande, les fjords de l’Est sont enfants du duel entre le feu et la glace. Les milliers de tonnes générées par les glaciations ont érodé les anciens plateaux volcaniques et, au fil des siècles, poli les vallées au point de creuser de longs fjords. Orientés d’ouest en est, ceux de l’est, les premiers à avoir émergé des flots il y a vingt millions d’années, sont souvent plus courts et plus encaissés que ceux, plus connus, du nord-ouest de l’île. Ils finissent leur course par des falaises abruptes plongeant vers l’océan Atlantique ou la mer du Groenland. De Höfn à Borgarfjördur, il y en a une dizaine. Un kilomètre de long pour le plus court, 17 pour le plus étendu, celui de Seydisfjördur, et des reliefs montant jusqu’à 1 100 mètres. Notre trek, comme il se doit, part d’un village de pêcheurs pour aboutir à un autre. Bakkagerdi s’étiole entre la montagne et la mer. Une maison rouge, Lindarbakki, vieille bâtisse carrée sur laquelle montent les herbes, et un bar-restaurant, l’Alfa Café, en sont les deux points cardinaux. La première journée mène à Breidavik. Autour de nous, au bout d’une montée assez facile, s’élèvent des falaises de rhyolite, cette roche volcanique plutôt claire qui donne à cette partie de l’Islande des teintes pastel, riante alternative aux noirs magmas de lave refroidie. Le chemin est balisé, comme ils le sont tous, de petits piquets jaune et noir. Ce qui composera le décor de ces quelques jours se dessine déjà : le moutonnement de la mer au loin, les pans de basalte, l’herbe rase, le miroir brillant des lacs, les moutons, gras et laineux, qui paissent épars (où iraient-ils de toute façon ?), attendant à la fin de l’été que leurs maîtres les rassemblent. La plupart des terrains que nous traversons sont privés mais les propriétaires laissent faire, et un statu quo pour l’instant apaisé s’est installé entre eux et les randonneurs. Quelques animaux parfois se laissent surprendre : un renard polaire, des éclaboussements au loin que l’on se plaît à rêver être ceux d’une baleine mais qui se révéleront, jumelles à l’appui, n’être que ceux de phoques, des vols d’oies et de cygnes et même un vison terrorisé qui fuit entre nos jambes sans demander son reste. Les plus chanceux (nous n’en serons pas cette fois-là) voient même des macareux et, le soir tombé, le ciel s’ouvrir à la lueur verte des aurores boréales. Etonnante montagne de rhyolite Le lendemain nous conduira vers une autre baie, celle de Husavik. Après une montée au col entourée de l’austère raideur d’orgues basaltiques, un long et glissant pierrier mène à une plage de sable noir. Le paysage est pur désert minéral, exempt de tout arbre. Les parois sont couvertes de dykes, ces longues lames de roches magmatiques qui emplissent les fractures des falaises. On devine encore les contours de la caldeira, marque de l’effondrement du cône volcanique quand le magma retombe. En face de nous domine Hvitserkur, l’une des plus étonnantes montagnes de l’île : de forme pyramidale, elle voit sa large face de rhyolite barrée par des veines de basalte noir qui dessinent sur elle comme un échiquier. Le refuge, parfaite réplique de celui de la veille, est tenu cette fois par un vieil Islandais taciturne qui se lèvera tôt le matin pour exécuter un rite commun à tous les habitants de cette jeune république (1944) : la levée du drapeau. Il le fera vêtu uniquement d’un pull descendant en haut des cuisses, laissant irrésolu le même mystère que celui qui entoure les kilts écossais… La dernière étape, qui dure deux jours, nous mène jusqu’au village de Seydisfjördur. Elle débute par un long passage d’une vallée à l’autre pour arriver vers le fjord de Lodmundarfjördur. Une longue plaine d’herbe enserre le cours d’eau qui aboutit au bout de la baie. Des maisons au bord de l’eau abandonnées au début du XXe siècle viennent d’y être reprises et réhabilitées, timide renaissance qui réjouit le cœur de notre guide. De l’autre côté de la rivière, une ferme élève des eiders, une espèce de canards, pour recueillir leurs plumes et en faire le fameux duvet qui remplit les plus chauds des sacs de couchage. Au refuge, sis près d’une petite église, Birger Thorsen et Siffia Gestdottir, gardiens eux aussi pour une semaine, accueillent beaucoup de chasseurs. La bête la plus recherchée est le renne, dont quatre spécimens, taches noires et blanches au loin campant un instant au pied de la falaise, créeront un grand moment d’excitation. Introduits pour lutter contre la famine en 1776, ces cervidés se sont multipliés jusqu’à être 3 000 aujourd’hui. La veille, des chasseurs en ont ramené trois. Le sport est populaire mais très cher : un quota (1 000 par an) protège les animaux, oblige les rares chasseurs gagnants d’un tirage au sort à avoir un permis, à louer les services d’un guide et à chercher les animaux par avion ou de plus en plus par drone. Chaque trophée coûte 4 000 couronnes (environ 27 euros) à celui qui le rapporte. Le lendemain, fin du trek. Il faut monter jusqu’à la longue plaine qui s’étend entre deux cols et arriver au-dessus du fjord de Seydisfjördur. Au passage, les arrêts myrtilles sont nombreux tant la petite baie prolifère. Une chute d’eau offre un agréable décor pour pique-niquer. Au bout du fjord s’étend Seydisfjördur, très beau village de pêcheurs encastré entre les montagnes Strandartindur et Bjolfur, célèbre chez nous pour avoir servi de décor à la série islandaise Trapped , réalisée par Baltasar Kormakur et jouant parfaitement de l’isolement hivernal du village, desservi par un seul ferry. Joyau de la côte est, Seydisfjördur est connu entre autres pour sa petite église bleue à laquelle mène une route pavée des couleurs de l’arc-en-ciel, symbole de tolérance et reflet de celui qui, quand le beau temps vient après la pluie, l’enlace du haut des falaises. **** *source_Les_Echos *date_2023-08-30 *am_2023-08 *annee_2023 tourisme Hôtellerie : les prix s'envolent, la fréquentation recule Les professionnels de l'hôtellerie ont globalement vu leur chiffre d'affaires augmenter cet été, avec une impressionnante envolée des prix des chambres, mais le taux d'occupation est en baisse. Faut-il voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ? Les plus optimistes souligneront que l'été 2023 aura été record pour les hôteliers français. Selon les chiffres du cabinet MKG, le revenu par chambre (RevPar), indicateur clé du secteur, a connu une hausse moyenne de 1,7 % par rapport à l'été dernier, déjà un excellent millésime. Et la comparaison avec la période d'avant-crise permet de prendre la mesure de cette performance, puisque l'augmentation est de 21,9 % par rapport à 2019. Les plus pessimistes observeront en revanche que la fréquentation des établissements n'a pas suivi la même trajectoire. Même si le taux d'occupation s'est maintenu à un niveau élevé (71,3 % en moyenne), il a accusé une baisse de 2,2 points sur un an. Le phénomène s'observe dans la totalité des régions françaises, la Corse observant le plus fort recul (-6,5 %). Comment l'expliquer ? Les fortes chaleurs ou la volonté d'éviter les pics de fréquentation touristique dans certains lieux (« surtourisme ») peuvent avoir joué un rôle. Plus sûrement, le contexte de pression sur le pouvoir d'achat y a contribué, certains Français choisissant des modes d'hébergement alternatifs (Airbnb, campings, etc.) ou renonçant tout simplement à leurs projets. Par un rapide calcul, on comprend ainsi que la hausse du chiffre d'affaires des hôteliers a été rendue possible par l'augmentation des prix des chambres, de 4,8 % en moyenne. Les professionnels ont notamment profité de la forte présence de la clientèle internationale, moins regardante au moment de régler la facture. « Avec la robustesse du dollar, un Américain n'a pas la même vision de l'inflation lorsqu'il vient en France », illustre Vanguélis Payanotis, le président de MKG. Attention, tout de même, à ne pas trop tirer sur la corde. Car depuis 2019, les tarifs se sont envolés, de plus de 30 % sur le littoral et même de plus de 40 % à Paris. « On sent qu'on est arrivés à un palier », prévient le spécialiste. Les Chinois et les Indiens espérés Pour autant, la forte dynamique engagée à la sortie de la crise sanitaire devrait se poursuivre encore un peu. Le pays bénéficie d'un calendrier ultra-favorable, avec l'organisation du Mondial de rugby dans quelques semaines et les Jeux Olympiques en juillet 2024. D'autre part, car une partie de la clientèle internationale n'est toujours pas revenue. Les Russes, bien sûr, mais aussi les Chinois, dont le contingent est encore loin de son niveau de 2019. Sans compter les Indiens, dont l'arrivée massive est espérée lors des prochaines années. De quoi relativiser la baisse de fréquentation observée cet été. « En valeur absolue, c'est loin d'être ridicule. La réalité, c'est qu'on fait un peu moins bien en termes de fréquentation, mais avec un marché réduit », résume Vanguélis Payanotis. Y. D. **** *source_Le_Figaro *date_2023-08-19 *am_2023-08 *annee_2023 Des vacanciers en quête de fraîcheur, prêts à changer leurs habitudes INSTALLÉE à Marseille depuis vingt ans, Hélène n'en peut plus de cette « chaleur insupportable » qui « ne retombe pas la nuit » et l'empêche de dormir, malgré le ventilateur qui tourne à plein régime dans son appartement. Sans compter les embouteillages pour aller à la plage, la lutte pour se garer et les bords de mer bondés, qui la découragent de sortir la plupart du temps. « À Marseille, je passe finalement mes étés à regarder des séries sous mon ventilateur » , raconte-t-elle. Lassée de chercher, dans le sud de la France, des locations « avec piscine et clim » à des prix exorbitants - « le bord de mer, je n'y pense même pas » , glisse-t-elle -, Hélène a tenté cette année l'aventure bretonne. À l'été 2022, en pleine canicule, elle rêvait déjà de cette région inconnue pour elle. La deuxième semaine de juillet dans le Morbihan lui a réservé deux jours de pluie et des températures dépassant péniblement les 22 °C... Sans entamer son coup de foudre pour la côte atlantique. « J'ai aimé la pluie et le froid » , s'amuse-t-elle. « À Marseille, sous 40 °C et un vent brûlant, mon fils me disait que c'était insoutenable. J'ai adoré le côté nature et serein de la Bretagne. Les plages sont propres, l'océan est revigorant, les gens sont sportifs. J'y retournerai l'an prochain, en espérant voir le golfe du Morbihan sous le soleil » , conclut la Marseillaise qui, en ce nouvel épisode caniculaire, a repris sa place sous son ventilateur. Ce week-end, les fortes chaleurs vont s'accentuer, en particulier sur la moitié sud du pays. Elles s'annoncent durables et intenses avec des valeurs parfois supérieures à 40 °C dans le Sud-Est dès dimanche, indique Météo-France, qui évoque l'épisode « le plus chaud de l'été 2023 » , mais aussi « l'un des plus tardifs avec un tel niveau d'intensité » . Le nord de la France sera largement plus respirable, avec 26 °C à Saint-Malo et 24 à Dunkerque, lundi. Le réchauffement climatique et les canicules estivales jouent avec les nerfs des vacanciers. Au point de changer durablement leurs habitudes ? Une France, à l'avenir, coupée en deux avec un sud déserté et un nord surfréquenté ? « Et si la Côte d'Opale devenait la nouvelle Côte d'Azur ? » , s'interrogeait fin juillet l'expert de la location de vacances en famille, Abritel, constatant alors qu'avec les fortes chaleurs touchant le sud de l'Europe et de la France, « les vacanciers de la dernière heure mettaient le cap au nord » . Les recherches de locations sur les côtes de la Manche, de la Bretagne au Pas-de-Calais ont augmenté de 30 % en moyenne. Engouement comparable pour des destinations de montagne, comme les Vosges ou les Alpes du Nord, où les recherches ont progressé de 20 %. « Bien sûr, de nombreux Français continueront à passer leurs vacances d'été dans le sud de la France ou dans des pays comme la Grèce, l'Espagne ou l'Italie , explique Xavier Rousselou, porte-parole d'Abritel. Mais un nombre toujours croissant de vacanciers recherchent des destinations alternatives, où le climat est moins extrême en été et plus adapté à des vacances en famille avec de jeunes enfants. » D'autant que les prix de location sont moins élevés, fait-il valoir, en moyenne inférieurs de 30 % à 50 % par nuit dans le Nord-Ouest. Un constat que ne partage pas Emma qui, avec son fiancé, voulait partir en Bretagne début août. « Apparemment, on s'y est pris trop tard. Mi-juin, tout était déjà plein et beaucoup trop cher » , regrette la jeune fille qui a finalement passé ses vacances dans le Pays basque, chez ses parents, comme chaque année. Et s'en félicite. « Alors que depuis deux ans, c'était blindé, il y avait nettement moins de monde cette année. Ils sont tous remontés dans le Nord. Les gens sont vraiment des moutons ! » , sourit-elle. « Beaucoup de Français qui avaient pris leurs vacances dans le Sud et les Landes en 2022 sont allés en Bretagne et en Normandie cette année. Comme il a plu, ils iront probablement dans le Sud l'an prochain ! » , résume Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du voyage, le syndicat professionnel qui réunit l'ensemble des opérateurs. Au-delà de ces éléments conjoncturels bien connus du monde du tourisme, Jean-Pierre Mas constate un changement structurel. « Les vacanciers évitent le bassin méditerranéen en juillet-août. Les séjours sont davantage étalés entre mai et octobre, quand il fait moins chaud et que les prix sont plus bas. Ça a toujours été le cas pour l'Égypte. À l'avenir, on pourrait observer les mêmes comportements pour la Grèce et la Tunisie » , estime-t-il. « Le champion des vacances estivales reste, de loin, le Sud » , tempère Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air, qui a comptabilisé l'an dernier 31 millions de nuitées en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie. Mais la Bretagne, elle, dépasse désormais les 13 millions de nuitées, contre 8,4 dix ans plus tôt. Un « glissement » évident, confirmé par les chiffres de l'Insee. En juillet, août et septembre 2022, c'est en Bretagne (+ 7 %) et en Normandie (+ 6,4 %), que les hébergements collectifs, des campings aux hôtels, ont le plus progressé, suivis de l'Auvergne-Rhône-Alpes, des Pays de la Loire et des Hauts-de-France. Paca, et le Var notamment, ont pâti de la météo et des messages médiatiques récurrents sur le surtourisme et la sécheresse. Au-delà des vacances, avec les fortes températures des derniers étés, Stéphanie et son mari, installés à Lyon depuis treize ans, envisagent sérieusement un déménagement. « Lorsque nous travaillons, nous en sommes réduits à prendre une location d'une semaine, à quelques kilomètres de notre appartement, pour avoir la clim. Ou à aller chez mes beaux-parents qui, à 80 ans, l'ont fait installer. Nous contribuons ainsi à rendre le dehors irrespirable ! C'est absurde » , conclut-elle. Et si la Côte d'Opale devenait la nouvelle Côte d'Azur ? ABRITEL, SPÉCIALISTE DE LA LOCATION DE VACANCES EN FAMILLE. **** *source_La_Croix *date_2023-07-24 *am_2023-07 *annee_2023 Fumée La panique. Et l'impression d'être livrés à eux-mêmes. C'est le récit que font les touristes qui avaient choisi de poser leurs valises sur l'île grecque de Rhodes pour leurs congés d'été. Rhodes, ses plages, ses hôtels, ses vestiges... et ses forêts de pins et de cyprès. En quelques minutes, la destination paradisiaque s'est transformée en cauchemar lorsque l'incendie - qui faisait rage depuis plusieurs jours - a gagné la zone touristique, devenant incontrôlable. Les secours grecs se vantent d'avoir mené en l'espace de quarante-huit heures « la plus grande opération d'évacuation jamais effectuée » dans le pays, en alignant des chiffres vertigineux : 30 000 personnes évacuées, dont 19 000 à titre préventif, 3 000 par la mer... De fait, aucune victime n'est à déplorer à ce stade et il faut s'en réjouir. Mais peut-on se contenter de ce bilan ? Leur degré d'impréparation à une catastrophe comme celle-ci ne constitue-t-elle pas la énième illustration d'une forme de cécité - qui dépasse les frontières de la Grèce - face au réchauffement climatique ? Quelles fumées nous empêchent de tirer les leçons des travaux du Giec ? Alors que les feux ne sont pas encore éteints et que le pays traverse « probablement » la plus longue canicule de son histoire, la presse grecque, déjà, s'interroge : où en sont les plans de prévention promis par le premier ministre Kyriakos Mitsotakis depuis son premier mandat ? Les 155 millions d'euros collectés depuis les incendies de 2007 ont-ils bien été utilisés ? On pourrait ajouter cette question difficile : l'appât des recettes du tourisme n'empêche-t-il pas les autorités de prendre les mesures (coûteuses) qui s'imposent, y compris la régulation du « surtourisme » ? La transformation écologique est, décidément, un long chemin. Pour tous. **** *source_La_Croix *date_2023-08-04 *am_2023-08 *annee_2023 Les essentiels Économie 48 % C'est le niveau qu'a atteint l'inflation sur un an en juillet en Turquie, selon les données officielles (contestées par certains économistes indépendants). Après huit mois de ralentissement, cette remontée de 9,6 % sur un mois ne semble pas inquiéter outre mesure le gouvernement qui a renoué depuis la réélection d'Erdogan avec une politique monétaire « orthodoxe ». Avec l'arrivée d'Hafize Gaye Erkan à la tête de la banque centrale turque, celle-ci a déjà relevé son principal taux directeur à 17,5 %. ---- Tourisme La Grèce limite le nombre de visiteurs de l'Acropole Mercredi 2 août, la ministre grecque de la culture Lina Mendoni a annoncé qu'un quota de 20?000 visiteurs quotidiens à l'Acropole serait appliqué à partir du 4 septembre, à titre expérimental. Une mesure qui deviendra permanente au 1er avril 2024 si elle se révèle efficace, et qui pourrait concerner d'autres sites archéologiques, le surtourisme menaçant le patrimoine national. La Grèce n'est pas le seul pays à protéger son patrimoine?: au Pérou, 4?044 visiteurs quotidiens sont autorisés à visiter le Machu Picchu. Au Japon, de nombreux élus et associations réclament une mesure similaire pour préserver le Mont Fuji. ---- Transition écologique L'Europe encadre l'information extra-financière La Commission européenne a publié, lundi 31 juillet, le texte final de la directive CSRD, visant à encadrer l'information extra-financière des entreprises. À partir de 2025, les entreprises de plus de 500 salariés devront communiquer sur une série de 12 normes dédiées aux sujets d'environnement, de social et de gouvernance (ESG). Un enjeu crucial pour l'UE, qui veut développer la finance durable et donner aux investisseurs des informations fiables sur ces sujets.