Le Monde « Mémorable » : Réinventer l’apprentissage avec la théorie d’Ebbinghaus

L

L’application « Mémorable » du journal Le Monde

Cette application ludique (payante – 59€ / an) créée par le journal Le Monde en 2021 vous permet d’améliorer votre culture générale et votre mémoire en 10 minutes par jour. Les extraits d’articles et de vidéos sont accompagnés de questions sur des sujets tels que l’histoire, la culture et l’environnement. Cela est présenté sous forme de leçons courtes et attrayantes qui ont une variété de formats.

La lecture d’une leçon ne vous prendra pas plus de dix minutes dans la journée (l’application vous propose jusqu’à quatre leçons par semaine et un atelier de révision optionnel).

De plus, vous aurez accès à une correction immédiate qui inclut votre score du jour ainsi qu’une explication des bonnes et mauvaises réponses que vous avez données. les réponses sont enrichies de liens vers des artciles des archives du Journal Le Monde. De plus à la leçon suivante (2 jours après) l’application vous propose à nouveau un corrigé de la leçon n°1… ceci afin d’optimiser la mémorisation.

La Courbe d’Oubli d’Ebbinghaus

La courbe de l’oubli d’Hermann Ebbinghaus, découverte à la fin du 19ème siècle, reste un concept fondamental dans l’étude de la mémoire et de l’apprentissage. Ebbinghaus, un pionnier dans la recherche expérimentale sur la mémoire, a entrepris une série d’expériences rigoureuses sur lui-même (auto-observation) pour comprendre comment l’information est perdue au fil du temps. Ses découvertes ont abouti à la formulation de la courbe de l’oubli, un modèle qui décrit la diminution de la capacité de retenir des informations au fil du temps.

Les résultats d’Ebbinghaus sont statistiques, et portent sur la mémorisation de séries de syllabes de trois lettres sans signification afin de ne pas biaiser la rétention par des significations associées. Il en construit environ 2300, (exemple MIN, POH, JEB, …).

La courbe d’oubli d’Ebbinghaus est souvent représentée graphiquement : l’axe vertical représente le pourcentage de rétention de la mémoire, et l’axe horizontal, le temps. Juste après l’apprentissage, la rétention est à son maximum, proche de 100%.
Cependant, selon Ebbinghaus, si aucune tentative de révision n’est faite, la rétention chute rapidement dans les heures/jours qui suivent, illustrant une perte significative de l’accès à l’information initialement apprise.

L’oubli d’informations dénués de sens est extrêmement rapide, surtout à proximité du premier apprentissage, et d’allure exponentielle décroissante.

Ce déclin se stabilise ensuite, indiquant que certaines informations restent accessibles, mais en quantité considérablement réduite. généralement on perd plus de 50% de l’information mémorisée après seulement 2 jours et que la déperdition continue les jours qui suivent.

Ce qui rend la courbe d’oubli particulièrement intéressante, c’est sa démonstration de l’effet de la répétition sur la mémoire. Ebbinghaus a découvert que chaque révision de l’information avait pour effet de « redresser » la courbe, c’est-à-dire de ralentir le processus d’oubli. Plus les révisions sont espacées intelligemment dans le temps, plus l’information tend à être retenue efficacement et durablement. Cette observation a donné naissance au concept de répétition espacée, une technique maintenant largement utilisée dans les méthodes d’apprentissage modernes et par les étudiants en école préparatoire, médecine… nécessitant la mémorisation d’un grand volume de connaissance.

La courbe d’oubli d’Ebbinghaus a également des implications profondes pour la compréhension de la mémoire humaine. Elle suggère que l’oubli n’est pas simplement un échec de la mémoire, mais plutôt un aspect inhérent du processus de mémorisation. Cette perspective a aidé à façonner les stratégies d’apprentissage, soulignant l’importance de la révision et de la consolidation des connaissances.

Dans le contexte éducatif, la courbe de l’oubli souligne l’importance de revoir les enseignements à des intervalles réguliers pour renforcer l’apprentissage. Cela a des implications pratiques pour les étudiants : planifier des sessions de révision pour transformer l’apprentissage à court terme en connaissances à long terme. De plus, cette théorie soutient l’idée que l’apprentissage ne devrait pas être un événement isolé, mais plutôt un processus continu, où l’information est régulièrement rafraîchie.

La fréquence des intervalles de révision dans la méthode de répétition espacée, inspirée par la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus, varie selon les sources et les applications pratiques.
Cependant, il existe un modèle général souvent cité dans la littérature sur l’apprentissage et la mémorisation. Voici un exemple de calendrier de révision typique :

  1. Révision Immédiate : Réviser immédiatement ou quelques minutes après l’apprentissage initial pour consolider la mémoire.
  2. 1 Jour : La première révision devrait avoir lieu un jour après l’apprentissage initial.
  3. 1 Semaine : La deuxième révision est recommandée une semaine après la première.
  4. 1 Mois : Une révision après un mois aide à ancrer l’information dans la mémoire à long terme.
  5. 3-6 Mois : Des révisions ultérieures peuvent être espacées de 3 à 6 mois.

Dans un monde où l’information est abondante et l’apprentissage continu est essentiel, les conclusions tirés de la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus sont plus pertinents que jamais, mais attention construire UNE courbe de l’oubli, qui serait universelle pour tout type d’individu, tout type d’information, tout type de condition d’apprentissage n’est pas forcément pertinent. Ce modèle devra être adapté selon le type d’information, le sujet, le contexte…

 

La Taxonomie de Bloom et l’Apprentissage Multidimensionnel

La taxonomie de Bloom, développée par Benjamin Bloom et d’autres chercheurs dans les années 1950, est un cadre pédagogique qui a révolutionné la manière dont les enseignants structurent l’apprentissage. Cette taxonomie classe les objectifs éducatifs en six niveaux cognitifs, allant de simples tâches de mémorisation à des processus de pensée plus complexes.
Ces niveaux sont Connaissance, Compréhension, Application, Analyse, Synthèse et Évaluation.

 

 

  1. Connaissance : Il s’agit du niveau le plus basique, où l’étudiant se rappelle ou reconnaît des informations spécifiques. Cette étape est essentielle pour établir une base de connaissances.
  2. Compréhension : À ce niveau, l’étudiant commence à comprendre le matériel, pouvant expliquer des concepts et des idées en ses propres termes.
  3. Application : Ici, les étudiants appliquent ce qu’ils ont appris à de nouvelles situations, utilisant les connaissances et la compréhension dans des contextes pratiques.
  4. Analyse : Ce niveau implique de décomposer les informations en parties constituantes pour comprendre les structures organisationnelles et les relations.
  5. Synthèse/Création : Les étudiants utilisent leur connaissance, compréhension, et analyse pour créer quelque chose de nouveau ou pour combiner des éléments de manière originale.
  6. Évaluation : Le niveau le plus élevé de la taxonomie, où les étudiants jugent ou évaluent des informations ou des idées basées sur des critères établis ou personnels.

Dans le contexte de l’application « Mémorable », on peut dire que l’application se concentre principalement sur les niveaux inférieurs de la taxonomie. Cette taxonomie est mise en œuvre avec de mini-vidéos (ressemblant à des micros podcasts d’une minute environ) et les articles fournissent la connaissance et la compréhension, tandis que les quiz encouragent l’application et l’analyse.

Les quiz renforcent « l’effet test ». L’effet test est également connu sous le nom d’effet de récupération.

L’effet test est le phénomène selon lequel la mémorisation est supérieure lorsqu’une partie du temps d’apprentissage est consacrée à retrouver de mémoire l’information par des tests, plutôt qu’à simplement la relire. L’effet test est également connu sous le nom d’effet de récupération.

En intégrant la taxonomie de Bloom, « Mémorable » favorise un apprentissage permettant aux utilisateurs de progresser dans la mémorisation la compréhension et l’application des connaissances.

 

L’Apprentissage durant « les Temps de Transition »

L’idée des « temps morts » dans notre quotidien est une notion qui mérite d’être revisitée, surtout dans le contexte de l’apprentissage associé aux perspectives numériques. Plutôt que de les considérer comme des périodes de non-activité ou d’inactivité cognitive, il est plus juste de les voir comme des « temps de transition » – des moments interstitiels dans nos journées qui offrent des opportunités uniques pour l’engagement cognitif. Ces périodes, souvent sous-estimées, peuvent inclure des trajets, des temps d’attente dans la salle de votre dentiste préféré…

Dans une ère où l’efficacité et la maximisation du temps sont valorisées, ces temps de transition représentent des fenêtres précieuses pour l’apprentissage notamment grâce au innovation numérique. L’application « Mémorable » du journal Le Monde capitalise sur cette idée en intégrant des micro-séquences d’apprentissage adaptées à ces périodes. Ces séquences, conçues pour être courtes et engageantes, peuvent transformer efficacement des moments autrement non productifs en opportunités d’enrichissement.

Les temps de transition ne sont pas des vides dans notre emploi du temps, mais plutôt des moments de potentiel cognitif. Lors de trajets quotidiens, d’attentes dans des files, ou même pendant des pauses café, notre cerveau peut rester actif et réceptif.

L’intégration de l’apprentissage dans ces périodes nécessite des contenus adaptés. Les micro-leçons de « Mémorable », par exemple, sont idéalement conçues pour ces moments. Elles sont suffisamment courtes pour s’adapter à des périodes de temps limitées, mais assez substantielles pour offrir un véritable enrichissement intellectuel. En outre, la variété des formats – vidéos, quiz, et lectures d’articles des archives – permet de maintenir l’engagement dans l’apprentissage.

L’utilisation des temps de transition pour l’apprentissage présente plusieurs avantages. D’un point de vue cognitif, elle permet une exposition régulière et répétée à de nouvelles informations, ce qui est crucial pour la consolidation de la mémoire à long terme.
D’un point de vue pratique, elle optimise le temps, transformant des périodes qui pourraient être perçues comme perdues en moments productifs d’auto-amélioration.

En re-conceptualisant les temps de transition non pas comme des temps morts, mais comme des opportunités d’apprentissage, des applications comme « Mémorable » offrent une nouvelle perspective sur la gestion du temps et l’apprentissage personnel autour de la culture générale.

Cette approche s’aligne parfaitement avec les rythmes de vie modernes, où l’efficacité et la flexibilité sont essentielles, et ouvre (peut être) la voie à une intégration plus fluide de l’apprentissage dans la vie quotidienne.

 

Conclusion

L’application « Mémorable » et d’autres outils similaires marquent une évolution significative dans le domaine de l’éducation, fusionnant harmonieusement la technologie avec les méthodes d’enseignement traditionnelles pour enrichir et diversifier l’expérience éducative. Axée sur l’acquisition de connaissances générales, on peut regretter que cette application ne prends en compte que la connaissance générale s’éloignant ainsi du concept/paradigme de compétences.

L’application exploite des périodes d’apprentissage qui se situent en dehors du cadre académique habituel. Cette stratégie tire parti des « temps de transition », rendue possible et renforcée par les avancées numériques. Par exemple, dans la salle d’attente d’un médecin, au lieu de simplement parcourir des magazines, on peut désormais utiliser ces moments pour s’engager dans des sessions d’apprentissage courtes et interactives offertes par « Mémorable ».

 

 

 

 

 

A propos de l'auteur

Stéphane Meurisse

Ajouter un commentaire

Stéphane Meurisse